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12/07/2022

Motivations, freins et leviers à la diversification des cultures

En juin 2022, la revue Agricultural Systems publie une analyse de trajectoires de diversification culturale et des facteurs qui les déterminent. Cette diversification est fondamentale dans la construction d'agro-écosystèmes durables. Elle contribue à un meilleur contrôle des adventices, à la réduction de la pression parasitaire, à la biodiversité, à une amélioration de la composition des sols, ainsi qu'à la résilience économique des exploitations agricoles. Malgré tout, enjeux dominants et verrouillages socio-économiques convergent vers une simplification générale des assolements et des spécialisations régionales. Il est donc particulièrement intéressant de se pencher sur les exploitants qui ont choisi de diversifier leur assolement, à rebours de la tendance générale.

Les chercheurs ont étudié 33 exploitations ayant diversifié leurs cultures de rente, dans trois régions européennes contrastées : la Vendée, la Scanie (Suède) et les Marches (Italie). Des entretiens approfondis, enrichis par des indicateurs quantitatifs de la diversité des cultures, ont permis de reconstituer leurs trajectoires à long terme, d'identifier leurs motivations, les difficultés rencontrées et les ressources mobilisées. À partir de ces informations, une classification statistique a été construite, identifiant trois types de parcours de diversification, en lien avec les principales cultures de rente de chaque région (figure ci-dessous).

Variété et déterminants des parcours de diversification des cultures

diversification, Source : Agricultural Systems

Le premier cheminement type correspond à une diversification lente, ou basse : une culture est introduite en moyenne tous les cinq ans, pour un total d'une ou deux. Ces démarches ont été motivées par une comparaison des performances économiques ou agronomiques de chaque culture avec celles des cultures majoritaires dans la région, les introductions devant être adaptées aux systèmes d'exploitation. Le deuxième type repose sur un accroissement des surfaces consacrées aux cultures de diversification, avec près de cinq cultures introduites au final, celles-ci devenant majoritaires dans l'assolement. Il repose sur une approche plus systémique, basée sur la rotation des cultures. Enfin, le troisième parcours type vise explicitement la diversité des cultures. Il implique une forte augmentation du nombre de cultures, sur un temps resserré, avec plus de deux nouvelles productions testées par an. Parmi les leviers encourageant ces démarches, l'implication des acteurs de l'aval dans la valorisation des produits et l'accompagnement au changement est essentielle.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : Agricultural Systems

19/04/2022

Invasion de l’Ukraine par la Russie : conséquences sur l’approvisionnement de l’Afrique en blé

Think tank installé à Rabat, le Policy Center for the New South analyse et accompagne les politiques publiques, principalement économiques, du Maroc et de l’Afrique. Dans une note publiée en mars 2022 sur son site internet, H.-L. Vedie étudie les dépendances des pays africains au blé de l’Ukraine et de la Russie. Il envisage ensuite les manières d'encourager la diversification des achats et le développement de la production de blé ou d’autres cultures vivrières nationales.

Dans une première partie, l’auteur présente le marché mondial du blé et les principaux producteurs : Chine, pays de l'Union européenne, Inde, Russie, États-Unis, etc. Il rappelle que certains d'entre eux, au vu de leur population, ne disposent pas (ou peu) de capacités d’exportation, rendant la position de la Russie et de l’Ukraine plus prégnante sur les marchés mondiaux : les deux pays contribuent à hauteur d'environ 30 % aux exportations mondiales de blé. Ainsi, en 2020, la Russie s’est classée première exportatrice mondiale avec 37,3 millions de tonnes tandis que l’Ukraine se classait 5e avec 18,1 millions de tonnes.

Dans une seconde partie, sur la base de travaux réalisés par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) avant le début de la guerre, l’auteur présente les 26 pays les plus dépendants des blés russes et ukrainiens, à plus de 55 % du total de leurs approvisionnements (figure ci-dessous). Quinze d’entre eux comme l'Érythrée, la République démocratique du Congo et l'Égypte sont situés en Afrique et regroupent, selon les estimations de H.-L. Vedie, près de 40 % de la population africaine. À ces pays, s’en ajoutent d’autres, africains également, très dépendants des importations de blé mais qui ont su diversifier leurs achats : le Maroc et le Nigeria. Le cas de l’Algérie est également évoqué : précédemment approvisionné par la France et l’Allemagne, le pays se tournait vers la Russie au cours de l’année précédant le conflit.

La note indique enfin qu’à la crise d’approvisionnement s’ajoute une crise de prix, dont la hausse, entamée au printemps 2021, a été exacerbée par la guerre. De mauvaises récoltes nationales, des coûts de transport en augmentation, des stocks limités et des problèmes de liquidité s’y adjoignent et créent une situation difficile pour certains pays tels la Tunisie et la Libye.

Pays les plus dépendants, pour leurs importations, des blés russe et ukrainien

pays dépendance importations.jpg

Source : Policy Center for the New South

Amandine Hourt, Centre d’études et de prospective

Source : Policy Center for the New South

10:29 Publié dans Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : approvisionnement, diversification, ukraine, blé, russie |  Imprimer | | | | |  Facebook

17/03/2022

La « théorie des ressources » pour analyser les stratégies de diversification des coopératives

De nombreuses coopératives agricoles françaises se sont développées en diversifiant leurs activités, dans des domaines parfois éloignés de leurs métiers d'origine. Dans un article récent publié dans la revue RECMA, des chercheurs analysent les stratégies mises en œuvre en faisant appel à la « théorie des ressources ».

Initialement développée pour étudier les avantages concurrentiels des firmes, elle postule que les stratégies des entreprises pour asseoir leur position dépendent surtout des compétences qu'elles peuvent mobiliser pour leur développement. Deux axes sont identifiés : la valorisation externe et le partage interne des ressources. Les excédents en ressources (financières, matérielles ou humaines) peuvent ainsi être investis dans de nouvelles activités. Dans d'autres situations, c'est la coexistence de différents métiers au sein de l'entreprise qui permet une allocation optimale des ressources, grâce aux synergies trouvées.

Les auteurs définissent ainsi quatre configurations de diversification des coopératives agricoles (figure ci-dessous), en croisant ces deux axes stratégiques de développement. Chaque idéal-type est ensuite illustré par un exemple, tiré d'études sur les coopératives menées dans le cadre d'un projet de recherche, de 2012 à 2019.

Configurations de diversification des coopératives agricoles

théorie des ressources.jpg

Source : RECMA

Le « conglomérat coopératif », tel le groupe international sucrier Tereos, s'appuie sur une réallocation des capitaux dégagés par certaines activités pour renforcer et développer les autres. La coopérative « mère » pilote et arbitre entre ses filiales pour renforcer son avantage concurrentiel. La « coopérative fédérée », à l'inverse, développe des alliances avec d'autres structures coopératives pour mutualiser les investissements, stratégie mise en œuvre notamment par InVivo. Sodiaal, pour sa part, est un exemple de « coopérative industrielle », cherchant à faire des économies d'échelle et à peser sur le marché par agrégation de structures. Dans ce cas, les synergies internes passent par une stratégie de marques. Enfin, la « coopérative plate-forme », représentée par Limagrain, se développe par transfert des savoirs-faire acquis dans le métier d'origine vers des activités de plus en plus éloignées.

En conclusion, les auteurs reviennent sur la nécessité pour les dirigeants élus des coopératives de maîtriser intellectuellement les ressorts des stratégies de diversification, afin de réduire les risques de destruction de valeur pour les agriculteurs.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : RECMA

10/03/2021

Stratégies de diversification et impacts sur le revenu des éleveurs laitiers suisses

Pour améliorer leur revenu, certains agriculteurs diversifient leurs activités, par exemple via la vente directe ou l'agritourisme. Dans un article publié dans le Journal of Rural Studies, des chercheurs suisses ont évalué l'impact de ces stratégies sur les performances économiques des exploitations. Pour cela, ils ont analysé les données comptables de 3 500 exploitations laitières helvétiques entre 2000 et 2015. Les tests statistiques réalisés montrent que l'agritourisme augmente significativement le revenu agricole global des structures (+37 %), ainsi que la productivité du travail (+23 %). En revanche, la vente directe ne semble pas entraîner d'amélioration du revenu global, sauf pour les exploitations situées en plaine. Elle conduit au contraire à réduire la productivité du travail, le supplément de main-d’œuvre qu'elle nécessite ne se traduisant pas nécessairement par un revenu supérieur.

Source : Journal of Rural Studies

10/12/2020

Confirmation des multiples bénéfices de la diversification sur le rendement agricole et les services écosystémiques

Une étude récente publiée dans Science Advances s'intéresse aux impacts des pratiques de diversification agricole (diversification des cultures, addition d'habitats autour des parcelles, amendements organiques, inoculations de micro-organismes, etc.) sur les services écosystémiques et le rendement des cultures. Les auteurs ont pour cela conduit une méta-analyse secondaire (méta-analyse de méta-analyses) sur 98 études existantes, basées elles-mêmes sur un total de 6 167 études originales. Sur un sous-ensemble de 69 méta-analyses, la magnitude des effets a pu être estimée et mesurée sous forme de logarithme de ratio de réponse. Les résultats montrent que les pratiques de diversification ont très majoritairement des effets positifs sur les services écosystémiques (cf. figure). Elles sont très favorables à la biodiversité, à la pollinisation, au contrôle des maladies végétales, au recyclage des éléments fertilisants, etc. En matière de régulation du climat (émissions de gaz à effet de serre, fixation biologique de l'azote, etc.) et des rendements, les effets sont neutres ou légèrement positifs. La synergie et les arbitrages entre services écosystémiques sont moins étudiés dans la littérature. Cependant les résultats disponibles témoignent de la prévalence des situations « gagnant-gagnant » des effets des pratiques de diversification sur le rendement agricole et les services écosystémiques.

La diversification de l'agriculture favorise la biodiversité et les services écosystémiques sans compromettre le rendement des cultures par rapport aux systèmes de culture sans ces pratiques

Diversification.jpg

Source : Science Advances

Lecture : en A) toutes les pratiques de diversification sont inclues dans l'analyse ; en B) seules sont considérées les pratiques de diversification ciblant les éléments en surface (diversité des espèces cultivées et non cultivées) ; en C) seules sont considérées les pratiques ciblant des éléments du sol (amendements organiques, labour réduit, etc.).

Source : Science Advances