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14/11/2018

Évaluation de l'efficacité économique et environnementale d'une mesure volontaire soutenant le lait produit à partir d'herbe en Suisse

Deux chercheurs d'Agroscope, le centre de compétences de la Confédération helvétique pour la recherche agricole, ont publié en septembre, dans le Journal of Agricultural Economics, une évaluation de l'impact économique et environnemental d'une mesure volontaire encourageant la production de lait à base d'herbe. Cette aide (qui couvre aussi les bovins viande), a été introduite en Suisse en 2014, afin de limiter l'usage de concentrés alimentaires et de maïs dans la production laitière au profit du pâturage. Elle combine une incitation économique (200 francs suisses/ha, soit environ 175 €/ha), avec des restrictions sur la composition de la ration alimentaire animale. Cette évaluation est l'une des premières disponibles sur l'efficacité d'une aide couplant un soutien direct pour le pâturage avec une régulation environnementale.

Pour analyser les effets de ce soutien, les auteurs ont combiné de façon originale deux méthodes, dont les résultats ont été comparés. D'une part, ils les ont économétriquement évalués ex post par une approche dite de l'« écart des différences » (differences-in-differences), en utilisant des données analogues au RICA de 2011 à 2015. D'autre part, ils ont utilisé un modèle de simulation des comportements des agents économiques suisses (SWISSland). Ces deux méthodes ont chacune conduit à la construction de contrefactuels permettant d'évaluer l'effet propre de la mesure, et leurs résultats se sont révélés cohérents entre eux.

Agroscope démontre ainsi que le programme a réduit l'utilisation de concentrés alimentaires, mais pas de maïs, et qu'il a bien accru le recours au pâturage. Il a conduit à la diminution des rendements laitiers, ce qui a augmenté les prix du lait en Suisse. Il a également directement amélioré le revenu des agriculteurs, par l'aide financière apportée, mais aussi indirectement par la réduction des charges liées aux intrants. En revanche, le programme n'a eu aucun impact environnemental, qu'il s'agisse du surplus azoté ou de la surface en prairies, les agriculteurs ayant continué à utiliser du maïs dans la ration alimentaire de leur cheptel et intensifié son chargement sur les parcelles. Les auteurs concluent que les restrictions imposées sur l'alimentation animale et sur les pratiques de pâturage, pour percevoir l'aide, étaient insuffisantes, et qu'elles devraient être complétées pour avoir un effet environnemental.

Résultats des simulations du modèle SWISSland sur les effets économiques et écologiques, à court et long termes, du soutien au lait à l'herbe (« GMF »)

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Source : Journal of Agricultural Economics

Vanina Forget, Centre d'études et de prospective

Source : Journal of Agricultural Economics

13/11/2018

Quels leviers pour la transition agro-écologique ? Nouveau rapport d'IPES-Food

Après un premier rapport appelant à la transition agro-écologique des systèmes alimentaires, en réponse aux limites du modèle agro-industriel, le panel d'experts international sur les systèmes alimentaires durables (IPES-Food) s'est penché sur les défis opérationnels que posent de telles transitions.

À travers l'analyse bibliographique de sept cas de cheminements réussis vers l'agro-écologie, les experts dégagent les traits communs à ces processus et identifient les leviers à mobiliser afin d'amplifier ces dynamiques. Les exemples abordés concernent aussi bien des pays du Nord que du Sud et varient par leur échelle : gestion durable des ressources dans une communauté villageoise en Tanzanie, développement de l'agriculture biologique dans la vallée de la Drôme, essor de la production agro-écologique paysanne en substitution à une agriculture de plantation agro-exportatrice à Cuba, etc. Au-delà de l'analyse des changements de pratiques, les experts documentent les évolutions du cadre institutionnel, des relations économiques et sociales, ainsi que des processus de production et de dissémination des connaissances qui ont rendu possibles ces transitions. Ainsi, dans l'exemple drômois, ils montrent que si l'agriculture biologique y émerge dans les années 1970, l’implication des coopératives et la constitution de groupes d'échange entre agriculteurs dans les années 1990, puis le soutien des pouvoirs publics, à partir des années 2000, ont été nécessaires pour amplifier le mouvement. Aujourd'hui, 16,5 % de la surface agricole utile (SAU) du département sont exploités en agriculture biologique, contre 6,5 % au niveau national.

À partir des études de cas, les auteurs formulent plusieurs recommandations classiques. Parmi celles-ci figurent la promotion des démarches participatives en matière de développement et d'innovation agricole, l'élaboration de cadres institutionnels permettant une plus grande implication des populations dans la gouvernance locale, la construction d'alliances entre agriculteurs, consommateurs et associations de défense de l'environnement, ou bien encore la relocalisation des systèmes alimentaires.

Les leviers à mobiliser pour la transition agro-écologique

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Source : IPES-Food

Plus généralement, les experts considèrent que la transition agro-écologique doit s'articuler avec une transformation globale des sociétés, faisant des enjeux environnementaux une priorité.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : IPES-Food

10:06 Publié dans Agriculteurs, Agronomie, Environnement | Lien permanent | Tags : ipes-food, agro-écologie |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/11/2018

Au Japon, la pluriactivité des agriculteurs joue un rôle sur leur maintien en activité

De manière générale, on considère que la pluriactivité des agriculteurs joue un rôle contrasté dans le maintien ou non des exploitations. Publiés dans le Journal of Agricultural Economics, des travaux récents, menés à l'échelle des préfectures japonaises, par une équipe nippo-américaine, démontrent que son impact dépend de la part des revenus non agricoles et du type d'emploi sur et hors de l'exploitation.

Le Japon, comme de nombreux pays développés, a dû faire face à une rapide baisse du nombre d'exploitations au cours des dernières décennies. Dans le cas particulier de ce pays, cela se traduit aussi par un recul de la production agricole, y compris pour le riz, en dépit de soutiens publics importants. Si l'ajustement structurel a été favorisé de façon à permettre le développement d'exploitations plus performantes, des politiques ont également été mises en œuvre pour ralentir la baisse du nombre d'agriculteurs (16 % de moins entre 2000 et 2005). Près de 80 % des agriculteurs sont pluriactifs, et la taille moyenne des exploitations « commerciales » est de 1,45 ha.

S'inscrivant dans la lignée des travaux étudiant la cessation d'activité, quel qu'en soit le motif (retraite ou reconversion), les auteurs ont approfondi l'analyse de l'impact de la pluriactivité, développant une méthode intéressante et potentiellement réutilisable dans d'autres contextes. Devant les différents niveaux de consolidation des données (ménage, commune, préfecture, etc.) et l'hétérogénéité des types de variables (discrètes, continues), les chercheurs ont utilisé une modélisation bayésienne hiérarchique pour optimiser les informations dont ils disposaient.

Leurs résultats font ressortir le caractère essentiel, dans la compréhension des arrêts d'activité en agriculture, des conditions locales d'emplois, de revenus non agricoles et d''urbanisation. Ainsi, si la pluriactivité réduit les sorties nettes de l'agriculture, son impact est plus important dans les préfectures où elle est répandue, tout en ne contribuant que marginalement aux revenus des ménages agricoles. La composition du collectif de travail sur l'exploitation est également à prendre en compte : la présence de salariés et la répartition de ce travail au sein du couple (l'un y travaillant à plein temps, l'autre à l'extérieur) consolide la structure. À l'inverse, l'urbanisation, tout en fournissant des opportunités de pluriactivité (en volume d'emploi et en valeur), facilite la sortie définitive de l'agriculture, en réduisant les coûts de transaction liés à l'arrêt d'activité. Les auteurs recommandent donc de prendre en compte les situations locales afin d'élaborer des politiques de soutien aux exploitations plus efficaces en termes de maintien de l'agriculture et de limitation des friches.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Journal of Agricultural Economics

09:48 Publié dans Agriculteurs, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : japon, agriculteurs, pluriactivité |  Imprimer | | | | |  Facebook

Représentation de la prise de décision dans les modèles agricoles européens multi-agents

Cet article de synthèse, signé d’une quinzaine de chercheurs européens, dans le cadre d’un projet Horizon 2020, fait le point sur l’utilisation des approches de modélisation multi-agents, dans les évaluations ex ante et ex post des politiques publiques dans le domaine agricole. Les modélisations multi-agents font référence à des approches mathématiques et computationnelles, développées aux États-Unis dès les années 1970-80, combinant entre autres théorie des jeux, théorie des réseaux et étude des systèmes complexes. Leur principe repose sur la modélisation des dynamiques à un niveau global d’observation (structure paysagère, choix de production, impacts environnementaux, etc. – dénommés « phénomènes émergents »), à partir des comportements individuels d'agents hétérogènes en interaction.

Les auteurs proposent un cadre d’analyse comparatif qu’ils appliquent à une sélection de vingt modèles multi-agents, afin d’en expliciter les différents variables dans une perspective systémique (cf. schéma ci-dessous). La plupart des modèles utilisent l’exploitation agricole comme unité décisionnelle et l’inscrivent dans son environnement biophysique (avec plus ou moins de réalisme). Le degré de complexité des mécanismes de prise de décision, ainsi que les déterminants étudiés, varient en fonction de l’objectif de la démonstration, mais en général les dimensions difficilement quantifiables des choix (valeurs, normes, processus d’apprentissage et interactions sociales, etc.) sont peu traitées. Il en est de même pour les activités non agricoles, alors que le contexte européen pousse à la diversification des revenus.

Les différentes dimensions de la prise de décision des agriculteurs, en relation avec les phénomènes émergents simulés par les modèles multi-agents européens sur l’agriculture

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Source : Agricultural Systems

Afin d’améliorer la robustesse de telles approches, complémentaires des outils plus classiques d’évaluation des politiques publiques (modèles d’équilibre partiel, évaluations intégrées, approches économétriques, etc.), les auteurs soulignent qu'il reste à trouver un juste équilibre entre la sophistication des modèles multi-agents, pour plus de réalisme et une meilleure prédictibilité, et leur communicabilité. En effet, la transparence sur les paramètres utilisés, notamment sur les mécanismes de causalité, est particulièrement importante en évaluation de politiques publiques.

Claire Bernard-Mongin, Centre d'études et de prospective

Source : Agricultural Systems

09/11/2018

Évolution agrotechnique contemporaine II. Transformations de l'agro-machinisme : fonction, puissance, information, invention, Delphine Caroux, Michel J. F. Dubois, Loïc Sauvée (dir.)

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Cet ouvrage est issu de la deuxième édition du séminaire « Évolution agrotechnique contemporaine », organisé par l'unité de recherche Interact. Les agro-équipements sont un domaine privilégié pour observer le renouvellement des interactions homme-technique-vivant, autour des enjeux de l'information. D. Caroux, M. Dubois et L. Sauvée (UniLaSalle) soulignent, en introduction, que les techniques mobilisées par les agriculteurs « portent en elles-mêmes » des « capacités d'intensification » des processus naturels, par la logique propre de leur « concrétisation ». Ce terme, emprunté au philosophe G. Simondon, se réfère au processus de coordination entre les fonctions de la machine et le milieu où celle-ci opère.

Cette approche, attentive à « la technique en train de se faire », est déclinée dans une série de courtes présentations sur les firmes du secteur, l'agriculture urbaine, l'énergie, etc. Par exemple, C. Chéron (co-fondateur d'AirInov, leader français des drones agricoles) met en perspective l'avènement des machines agricoles autonomes. D. Caroux réfléchit sur la place des agriculteurs dans la production des innovations, « entre sujétion, association, autonomie ».

Mais l'originalité de l'ouvrage est de laisser une large place à quatre récits professionnels, complétés pour trois d'entre eux par un film réalisé sur le terrain (vidéos accessibles en ligne). Ph. Colin, pionnier des techniques culturales simplifiées, analyse la conversion de son exploitation à la production de miscanthus en 2007, et les défis posés par l'émergence d'un « milieu associé » à cette production (matériels de récolte, de stockage, débouchés, etc.). P. Hervé-Gruyer décrit l'application des principes de la permaculture sur la ferme biologique du Bec Hellouin, et notamment la mise au point d'outils manuels adaptés au travail en planches plates. X. David-Beaulieu et A. de la Fouchardière reviennent sur l'invention d'un robot viticole travaillant en essaim, le Vitirover. Enfin, M. Glamel, entrepreneur de travaux agricoles et agriculteur sur une petite ferme à la limite du Vexin, explique comment il a cherché à la rendre viable économiquement en diversifiant la production, en introduisant l'agriculture de conservation et en travaillant sur l'autonomie énergétique.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Sources : Université de technologie de Belfort-Montbéliard, Le comptoir des presses d'universités

09:07 Publié dans Agriculteurs, Agronomie | Lien permanent | Tags : agro-équipements, machinisme, innovation, information |  Imprimer | | | | |  Facebook

07/11/2018

Fidéliser, servir, rendre dépendant. Le travail d'attachement au sein d'une grande coopérative agricole

Robin Villemaine (sociologue, AgroSup Dijon) publie, dans la revue Sociologie du travail, un article tiré de sa thèse sur le travail des cadres technico-commerciaux (TC) d'une grande coopérative céréalière du nord-est de la France. Ces agents jouent un rôle important dans « l'attachement » des agriculteurs à leur coopérative. L'auteur dégage notamment de ses entretiens différents profils d'agriculteurs (plus ou moins autonomes ou, au contraire, « délégataires ») et trois procédés mis en œuvre par les TC pour les fidéliser : les « cocooner », sanctionner l'infidélité commerciale, instaurer une convention d'exclusivité. L'article évoque « la faible distance entre le travail de fidélisation » et « le tissage d'une relation de dépendance », une question au centre des débats récurrents sur la séparation du conseil et de la vente d'intrants.

Source : Sociologie du travail

10/10/2018

Étude des bénéfices environnementaux et sociaux générés par les activités agricoles dans les Cévennes

Inscrites au patrimoine mondial de l'Unesco, les Cévennes se caractérisent par un paysage karstique ouvert, fait de prairies permanentes. Façonné par l'agro-pastoralisme, cet écosystème fragile est aujourd'hui menacé par l'évolution des pratiques agricoles. Partant de ce constat, une équipe de l'Inra, associée au bureau d'étude BRL, s'est penchée sur les relations entre activités agricoles et écosystème dans cette région. Leurs travaux ont fait l'objet d'un article publié dans la revue Land Use Policy. Ils s'inscrivent dans le cadre du projet de recherche européen PEGASUS, qui vise à développer des approches innovantes permettant de renforcer les bénéfices sociaux et environnementaux des activités agricoles et forestières. Il repose sur 32 études de cas conduites dans 10 États membres.

Délimitation du parc national des Cévennes

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Source : Land Use Policy

Les auteurs mobilisent un cadre conceptuel relevant de la théorie des biens communs, afin de comprendre comment le contexte socio-économique et politique influe sur la production, par les activités agricoles, de biens publics et services écosystèmiques. Pour cela, des entretiens ont été conduits auprès d'acteurs impliqués dans la gouvernance locale : Parc national, État (direction départementale des territoires), associations de professionnels du tourisme, agriculteurs, etc.

Les auteurs ont identifié trois facteurs impactant, de façon négative, la production de bénéfices sociaux et environnementaux par les agriculteurs, et deux l'impactant de façon positive. Parmi les facteurs négatifs, on trouve d'abord les mécanismes de marché et l'environnement compétitif, qui encouragent par exemple le remplacement des prairies permanentes par des surfaces cultivées. Viennent ensuite le changement climatique et la recrudescence des sécheresses, qui incitent les éleveurs à délaisser le pâturage, ce qui conduit à l'enfrichement de certains terrains. Enfin, les modalités de calcul des aides de la PAC ne sont pas forcément favorables au maintien des infrastructures agro-écologiques caractéristiques du paysage cévennol.

Parmi les facteurs positifs, les auteurs mentionnent la présence de nombreux agriculteurs néo-ruraux, qui attachent une grande importance à la préservation de l'écosystème local. Enfin, ils insistent sur le rôle central qu'a eu le Parc national pour impulser une dynamique de préservation du paysage et de l'écosystème.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : Land Use Policy

Les méga-entreprises agricoles, une porte d'entrée pour le capital financier en agriculture : le cas de El Tejar

Un article de la revue Mundo Agrario d'août 2018 aborde la financiarisation de l'agriculture et les investissements en terres, dans la zone du Mercosur, via le cas de l'entreprise El Tejar. Les objectifs de ses fondateurs étaient d'en faire la plus grande entreprise agroindustrielle au monde et de la coter en bourse.

À partir d'une approche multi-échelle, nationale (Argentine), régionale (Mercosur) et internationale (logique des fonds de private equity, crises financières, marchés de commodités), l'étude de cas de El Tejar repose sur une trentaine d’entretiens et une observation participante menée parmi son personnel en Argentine et au Brésil. L'évolution de cette entreprise familiale, fondée en 1987 en Argentine, permet d'aborder le rôle des capitaux financiers spéculatifs internationaux, auxquels elle a fait appel en 2006 pour soutenir son expansion transfrontalière vers la Bolivie, l'Uruguay et surtout le Brésil. En s'appuyant sur le modèle argentin d'agriculture né dans les années 1990 (semis direct / soja OGM / glyphosate / externalisation des tâches), et en combinant propriété foncière et fermage, El Tejar a progressivement mis en production dans le Mercosur 72 000 ha en 2003, 105 000 ha en 2004, 900 000 ha en 2008.

Selon les auteurs, le secteur agricole est considéré comme un refuge face aux crises successives (bulles technologique et immobilière), et un placement intéressant dans le contexte du boom des prix des commodités et de la terre (en particulier pour des investissements dans des entreprises privées non cotées en bourse). Cependant, la sortie des capitaux, en cas de difficultés économiques, est source d'instabilité pour le secteur agricole. El Tejar en est l'illustration, son expansion au Brésil s'étant accompagnée d'une gestion hasardeuse, qui reproduisait le modèle argentin sans prendre en compte les spécificités locales. Les pertes enregistrées dès le début de la production, dans ce pays, ont entraîné des changements de management, lesquels ont conduit finalement à une restructuration de l'entreprise, puis à la vente des principaux actifs en Argentine et en Uruguay en 2014, afin de concentrer la production au Brésil. La surface contrôlée, en terres propres et en fermage, n'était ainsi plus que d'environ 200 000 ha en 2014/2015.

Évolution de la surface contrôlée par El Tejar dans le Mercosur, de 2003/2004 à 2014/2015 (milliers d'ha) et faits marquants dans l'histoire de l'entreprise

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Source : Mundo Agrario

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : Mundo Agrario

09:59 Publié dans Agriculteurs, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : mercosur, financiarisation, argentine, brésil |  Imprimer | | | | |  Facebook

08/10/2018

La Rural Investment Support for Europe (RISE) Foundation (La fondation de soutien à l'investissement rural en Europe)

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Créée en 2006, à Bruxelles, par l'ex-commissaire européen à l'agriculture Franz Fischler, en collaboration avec l'organisation européenne des propriétaires terriens (ELO) et l'association Friends of the countryside, le Rural Investment Support for Europe (RISE) est une fondation d'utilité publique indépendante, financée par des donateurs, institutionnels ou privés, via la Fondation Roi Baudouin, elle-même rattachée au réseau philanthropique Transnational giving europe (TGE network). L'objectif principal de RISE est de soutenir la compétitivité de l'économie rurale en Europe. À cette fin, elle produit des études et rapports dont elle tire des recommandations destinées aux décideurs. La fondation s'appuie sur une équipe internationale d'experts internes ou externes, économistes et scientifiques, dont le professeur Buckwell, économiste agricole, qui a dirigé plusieurs études récentes de RISE. Sont organisés également des ateliers de consultations et plates-formes de débats avec des experts, représentants d'ONG, professionnels, décideurs et universitaires. Les axes de réflexion concernent l'agriculture, l'élevage ainsi que la biodiversité et le patrimoine rural.

Parmi les publications de la fondation, on peut citer un rapport sur l'agriculture écologiquement intensive, sorti en 2014, qui proposait des pistes pour concilier productivité et environnement. En 2016, le rapport Nutrient recovery and reuse in european agriculture traitait des récupération et réutilisation des nutriments tout au long de la chaîne alimentaire, afin de limiter la pollution et le gaspillage. En 2017, un rapport sur l'avenir de la PAC proposait notamment de la centrer sur les résultats et de réduire les paiements directs. Les auteurs identifiaient deux axes majeurs d'adaptation, la gestion des risques et celle des terres (autour de contrats de services dans ce dernier cas), et émettaient différentes recommandations de fond et de procédure en vue de la réforme de cette politique.

Plus récemment, la fondation a publié un rapport sur l'espace optimal à consacrer à l'élevage en Europe (voir à ce sujet une autre brève sur ce blog). Les auteurs, font des propositions pour limiter les pertes nutritives, et mettent en exergue les défis liés à une diminution de l'élevage : par quoi remplacer les produits animaux ? Quid des protéines végétales alternatives ? Que fera-t-on des terres libérées ? Seront-elles laissées à un état « sauvage », dédiées à la forêt, à la production de céréales, de biocarburants, etc. ? Enfin, dans le cadre du programme européen de recherche et d'innovation Horizon 2020, la fondation vient de lancer un projet d'économie circulaire, axé sur la gestion du carbone, du phosphore et de l'azote.

Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective

Source : Fondation RISE

14/09/2018

Comprendre la faible participation des agriculteurs à la gouvernance territoriale

Prolongeant la tendance entamée dans les années 1975-85, les politiques de développement rural, en France, se caractérisent par une territorialisation grandissante. L'action publique s’opère de plus en plus à l’échelle de « territoires de projet » (pays, parcs naturels, territoires Leader, bassins de vie, intercommunalités, etc.) et repose sur des démarches participatives. Constatant la faible implication des agriculteurs dans ces dispositifs de gouvernance, une équipe de sociologues de l’Inra s’est penchée sur ce phénomène.

Leurs travaux, conduits dans le cadre du projet Gouv.Innov, ont fait l’objet d’une publication dans la Revue européenne des sciences sociales. Ils y ont suivi une « opération concertée d’aménagement de l’espace rural » (OCAGER), lancée par le pays Corbières Minervois (département de l’Aude). Leurs résultats combinent des informations issues d’observations participantes, d’entretiens semi-directifs et d’archives.

Les auteurs montrent que les agriculteurs, rompus à l’action collective et habitués à déléguer leur représentation aux coopératives, syndicats et chambres d’agriculture, sont déstabilisés par des démarches participatives qui s’adressent d’abord aux individus et non aux collectifs. De plus, la dynamique du développement rural, où l’agriculture n’est plus considérée comme un champ d’action publique à part entière, mais est soumise à une approche transversale, se heurte aux logiques sectorielles qui prévalent chez les agriculteurs. Pour ces raisons, la plupart d’entre eux ne prennent pas part aux réunions de concertation, ou bien seulement à celles consacrées aux questions agricoles, et comptent sur leurs institutions pour les représenter le reste du temps.

Les auteurs notent toutefois que les « néo-agriculteurs » font exception à cette règle. Souvent tournés vers des systèmes alternatifs (agriculture biologique, etc.) et porteurs d’une vision politique de leur activité, ils trouvent aisément leur place dans les processus de concertation, et ce d’autant plus que leurs parcours professionnels antérieurs les ont acculturés aux démarches délibératives. De fait, ils sont surreprésentés dans les dispositifs participatifs.

Ainsi, cette étude de cas illustre les défis sociaux, culturels et organisationnels auxquels sont confrontés les dispositifs participatifs cherchant à mobiliser les acteurs locaux, et notamment les agriculteurs.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : Revue européenne des sciences sociales

L'agriculture sociale en Catalogne

Un article du Boletín de la Asociación de Geógrafos Españoles de juin 2018 traite de l'agriculture sociale et de sa mise en pratique, en Catalogne, en tant que processus d'inclusion socio-économique de populations précaires et de revitalisation de l'espace rural à travers, notamment, la survie des petites exploitations agricoles. L'étude, menée par une équipe du Departament de Geografia de la Universitat Autònoma de Barcelona, analyse en premier lieu l'évolution historique du concept « d'agriculture sociale », depuis les monastères du Moyen-Âge jusqu'à la multifonctionnalité des espaces ruraux du XXIe siècle, en passant par les hôpitaux et les œuvres religieuses du XXe siècle.

Une analyse des caractéristiques de l'agriculture sociale catalane est menée, en se basant sur des données de la statistique publique, des enquêtes de terrain et des outils cartographiques. Les auteurs ont recensé, en 2017, 206 expériences, dont 161 concernent l'agriculture sociale proprement dite (hors jardinage), orientés vers les personnes handicapées, âgées, en situation de pauvreté et/ou de chômage. Parmi ces démarches, 61 % ont une approche écologique, dont 77 % en agriculture, 8 % en transformation agroalimentaire (produits laitiers, confitures, bières artisanales par exemple), 8 % en foresterie, 5 % en services agricoles, 1 % en artisanat et 1 % en élevage. L'encadrement est assuré par des techniciens agricoles, éducateurs, psychologues ou assistants sociaux, et du volontariat. Les ressources foncières et financières sont publiques, privées et mixtes.

Selon les auteurs, les forces de l'agriculture sociale en Catalogne reposent sur son inscription dans une stratégie agroalimentaire ancrée dans le territoire et contribuant effectivement au développement local et à l'innovation sociale. Mais des faiblesses sont également soulignées : atomisation des expériences, faible reconnaissance institutionnelle et sociale, différentiels de compétitivité par rapport à l'agriculture traditionnelle, etc.

Enfin, en s'appuyant sur un diagramme de flux, les auteurs proposent une série d'actions stratégiques qui, selon eux, favoriseraient ces expériences : encouragement de l'agriculture sociale en tant que secteur de l'économie sociale, meilleure inclusion du modèle dans les politiques publiques, mise en place d'un cadre juridique propre, appui à la mise en place de financements alternatifs et de réserves de terres.

Expériences d'agriculture sociale en Catalogne selon le champ d'action

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Source : Boletín de la Asociación de Geógrafos Españoles

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : Boletín de la Asociación de Geógrafos Españoles

10:24 Publié dans Agriculteurs, Territoires | Lien permanent | Tags : catalogne, agriculture sociale |  Imprimer | | | | |  Facebook

11/09/2018

Innovation et développement dans les systèmes agricoles et alimentaires, Guy Faure, Yuna Chiffoleau, Frédéric Goulet, Ludovic Temple, Jean-Marc Touzard

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Publié récemment en accès libre, ce livre fournit une synthèse sur les questions d'innovation et de développement dans les systèmes agroalimentaires. Sa première partie met en perspective les relations entre science, agriculture et société. J.-M. Touzard souligne les spécificités des innovations agricoles et alimentaires (rapport au vivant, à la nature et à l'espace), et se demande si celles-ci « ne sont pas en train de se dissoudre dans le cadre de la globalisation ». La convergence des enjeux (transition écologique, changement climatique et sécurité alimentaire) avec « deux révolutions technologiques majeures » (biotechnologies et déploiement du numérique), pousse « à la confrontation de différents modèles, offrant plusieurs perspectives pour le maintien ou non de ces spécificités ».

La deuxième partie explore certaines alternatives à l'agriculture conventionnelle : circuits courts, agriculture urbaine, etc. Par exemple, S. de Tourdonnet et H. Brives cernent l'originalité des processus d'innovation liés à l'agro-écologie. Ils suggèrent que deux voies extrêmes se dessinent : celle d'un conseil individualisé, très prescriptif, où l'agriculteur exécute les préconisations d'un conseiller ou d'un système expert (outil d'aide à la décision, OAD), et celle d'un accompagnement de groupe, tourné vers un renforcement de l'autonomie et des capacités de réaction. Dans la troisième partie, consacrée aux outils d'accompagnement, les auteurs emmenés par G. Faure affinent encore l'analyse avec une typologie des approches du conseil agricole en fonction de ses objectifs, des coûts, du niveau de diffusion envisageable, etc.

Enfin, la dernière partie de l'ouvrage s'intéresse aux effets de l'innovation, aux « chemins d'impact » de la R&D et aux outils de simulation. Parmi les contributions, S. Mouret et J. Porcher soulignent que les évaluations morales sont inhérentes à certains processus d'innovation « responsable » (en l'occurrence, en matière d'abattage à la ferme). J.-M. Barbier et Y. Chiffoleau donnent quant à eux des exemples d'outils d'évaluation multicritères, notamment l'adaptation de la méthode IDEA pour évaluer les transitions agro-écologiques des exploitations agricoles.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Éditions Quæ

09:57 Publié dans Agriculteurs, Agronomie | Lien permanent | Tags : innovation, conseil, systèmes agroalimentaires |  Imprimer | | | | |  Facebook

10/09/2018

L'égalité hommes-femmes en agriculture : une enquête sur le réseau AAF

Un article de Clémentine Comer (sociologue, université Rennes 1) examine le mouvement d’institutionnalisation de l'égalité professionnelle dans le secteur agricole. À partir d'une enquête auprès du réseau « Agriculture au féminin » (AAF), né en 2008 au sein des chambres d’agriculture bretonnes, elle dégage les étapes et les limites de ce processus. Selon l'auteure, « l’égalité professionnelle défendue poursuit les intérêts des fractions les plus économiquement dotées de l’agriculture familiale » et se conforme à « une matrice syndicale libérale et patronale ». Dans ce contexte, le « féminisme agricole », auto-limité, tient ainsi à distance « les revendications qui paraissent trop conflictuelles » ou qui pourraient alimenter les demandes salariales.

Source : Actes de la recherche en sciences sociales

09:46 Publié dans Agriculteurs, Société | Lien permanent | Tags : aaf, égalité hommes-femmes |  Imprimer | | | | |  Facebook

06/07/2018

Production et circulation des savoirs de l'agro-écologie

La Revue d'anthropologie des connaissances propose un numéro sur la mise au point et la circulation de savoirs utiles aux agriculteurs engagés dans des démarches agro-écologiques. De ce riche dossier, retenons ici, en premier lieu, la grille de lecture proposée par C. Compagnone, C. Lamine et L. Dupré, dans le texte d'introduction. La « diversité des formes de distribution de la connaissance » en agriculture peut être ordonnée suivant deux axes :

- le niveau de mise en forme des savoirs (du plus personnel et incorporé au plus général et détaché de la situation locale, ie les connaissances scientifiques) ;

- le degré de mise en commun de ces savoirs (avec d'un côté la connaissance comme bien commun et de l'autre des savoirs « encapsulés » dans des objets brevetés).

Cette grille de lecture croise des oppositions classiques : celle entre « savoirs situés » et « savoirs génériques », et celle entre « savoirs paysans » et « savoirs d'experts ».

L'échange de savoirs entre pairs, sur un mode participatif, est illustré par plusieurs articles : F. Derbez sur les variétés paysannes de maïs ; J. Thomas sur un collectif d'agriculteurs en techniques culturales simplifiées ; N. Girard et D. Magda sur l'animation d'un réseau d'éleveurs. Un article d'A. Cardona, A. Lefèvre et S. Simon s'intéresse à des activités tournées vers la production de connaissances scientifiques, au sein de deux stations expérimentales de l'Inra. De son côté, S. Di Bianco rend compte d'une enquête sur le « recadrage » du travail des technico-commerciaux dans une coopérative agricole au moment où celle-ci s'engage dans l'Agriculture écologiquement intensive (AEI). L'auteure montre comment « l'encapsulation des savoirs (...) dans des instruments » et des équipements « permet leur déploiement rapide », sur un mode diffusionniste, « sans remettre en cause les rapports sociaux conseillers-agriculteurs ».

Enfin, contrastant avec les autres articles du numéro, qui documentent la production de connaissances formulées dans l'orbite d'une « science normale », J. Foyer consacre un article au syncrétisme des croyances et des savoirs dans la viticulture biodynamique.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Revue d'anthropologie des connaissances

10:08 Publié dans Agriculteurs | Lien permanent | Tags : agro-écologie, savoirs, transmission, variétés paysannes, tcs, élevage, biodynamie |  Imprimer | | | | |  Facebook

Environnement et rentabilité dans une région du nord-ouest de l'Argentine

Un article de la revue Población & Sociedad de juin 2018 analyse, dans un contexte de déforestation, l'évolution d'un modèle de production de commodités agricoles dans les provinces argentines de Tucumán et Santiago del Estero. L'étude s'appuie sur des sources variées : documents sur l'histoire de l'occupation des terres, recensements agricoles pour l'évolution de la structure agraire, images satellitaires pour les changements d'affectation des sols, et entretiens sur le terrain avec chercheurs, techniciens agricoles, membres de la coopérative Unión y Progreso, producteurs agricoles et consultants.

Alors que la canne à sucre était une quasi monoculture à Tucumán, une crise de surproduction en 1965 a conduit à une politique de reconversion productive, favorisant la culture du soja. Une dizaine d'années plus tard a débuté une nouvelle étape d'expansion, par déforestation, de la frontière agricole vers l'Est (Nord-Ouest de Santiago del Estero). Mais la dégradation des sols par la culture du soja a progressivement poussé les rendements à la baisse, conduisant les techniciens agricoles à recommander la rotation soja-maïs. Depuis les années 1990, suite à la commercialisation du soja OGM résistant au glyphosate et dans un contexte de prix internationaux favorables, le « paquet technologique » semis direct-OGM-glyphosate a été largement adopté, alors vu comme une solution au problème de rentabilités et de rendements décroissants. Selon les auteurs, les limites environnementales du modèle ont été atteintes dès le milieu des années 2000, avec l'apparition d'insectes et mauvaises herbes résistants à l'herbicide.

Ce état de faits a conduit les producteurs agricoles, ces dernières années, à considérer la dimension agro-environnementale comme une partie intégrante de leurs stratégies de diversification et d'amélioration de la productivité : reprise de la rotation soja-maïs, augmentation de la surface en canne à sucre, incorporation de valeur ajoutée sur place via la production porcine, organisation politique des agriculteurs en tant qu'interlocuteurs de l’État, et revendiquant des politiques différentielles qui tiennent compte de leur moindre compétitivité par rapport à d'autres régions du pays.

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : Población & Sociedad