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14/12/2017

La résistance aux antimicrobiens et les aires marines protégées : deux des six enjeux majeurs des Nations unies pour l'environnement

Les Nations unies pour l’environnement ont publié le 5 décembre 2017, à l'occasion de leur troisième Assemblée, le rapport « Frontières 2017 : questions émergentes d'ordre environnemental ». Six enjeux clés y sont développés : la dimension environnementale de la résistance aux antimicrobiens, les nanomatériaux, la durabilité des aires marines protégées, les tempêtes de sable et de poussière, les solutions solaires pour les foyers hors-réseau et les migrations liées à la dégradation de l’environnement.

Co-sélection de résistance aux antibiotiques, aux métaux et aux biocides

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Source : Nations unies pour l'environnement

Dans la lignée de l'approche One Health, le rapport tisse les liens entre santés humaine, animale et environnementale, en soulignant l'usage abusif des antibiotiques en élevage, notamment comme promoteurs de croissance dans certains pays, et la méconnaissance mondiale des effets environnementaux associés. Il indique ainsi que 70 % des antibiotiques mondiaux sont aujourd'hui consommés par des animaux et que cette utilisation pourrait augmenter de 67 % d'ici 2030. Les déchets agricoles tels que le fumier peuvent contenir des concentrations d’antibiotiques similaires à celles utilisées pour soigner les infections. En aquaculture, jusqu'à 75 % des antimicrobiens utilisés se retrouvent dans l'environnement. Or, ces différents rejets, même à très faibles doses, favorisent l'apparition de résistances chez les bactéries présentes dans les eaux et les sols. Ce phénomène est amplifié par la présence d'autres polluants comme les métaux lourds.

Les aires marines protégées sont un autre sujet mis en exergue par le rapport. Il rappelle que la surpêche, l’exploitation d’autres ressources, l’aménagement du littoral, la pollution et le tourisme endommagent des habitats naturels essentiels et réduisent rapidement les populations marines. 31 % des 600 stocks halieutiques suivis par des organismes de recherche internationaux font actuellement l’objet d’une pêche non durable (essentiellement illégale, ni déclarée ni régulée), et 58 % sont pleinement exploités. En 40 ans, 49 % des espèces marines et 50 % des récifs coralliens ont disparu. Compte tenu du poids économique (plus de 24 milliards de dollars) et alimentaire des océans, cette dégradation est qualifiée de « schéma d’autodestruction sociétale » qui justifierait de protéger au moins 10 % des zones marines et côtières d’ici à 2020. L'amélioration de la gouvernance des aires marines protégées est aussi importante que leur extension, plus de 40 % d'entre elles souffrant aujourd'hui de graves insuffisances.

Vanina Forget, Centre d'études et de prospective

Source : Nations unies pour l'environnement

Le développement de l'automatisation change la donne de la production industrielle dans le monde

D'après un rapport récent et très riche de la Banque mondiale, l'automatisation croissante des chaînes de production pourrait conduire à une moindre dynamique de développement, dans certains pays dont la croissance dépend fortement de l'emploi industriel. En effet, avec l'introduction des robots, de plus en plus d'industries relocalisent leur production au plus près des consommateurs, dans les pays développés, où elles peuvent s'appuyer sur des personnels qualifiés. Chaque révolution technologique a été à l'origine d'une modification substantielle de l'organisation géographique de la production manufacturière : la robotisation, l'internet des objets et l'impression 3D sont les facteurs actuels de rupture pouvant conduire à une nouvelle répartition des emplois industriels dans le monde. Les secteurs forestier et agroalimentaire sont en particulier concernés.

Partant d'une analyse des tendances récentes de la production industrielle dans le monde (notamment les délocalisations croissantes pour diminuer les coûts de la main-d’œuvre), le rapport rappelle le rôle important joué par les emplois manufacturiers dans le développement de certains pays et régions, tels que la Chine, l'Amérique du Sud et l'Asie du Sud-Est. C'est particulièrement le cas des industries pour lesquelles la proportion d'ouvriers est importante : le bois, le textile, l'ameublement et, dans une moindre mesure, l'agroalimentaire.

Après avoir établi un lien entre dynamisme industriel et développement, et l'avoir caractérisé selon les secteurs, le rapport examine les tendances qui pourraient contribuer au ralentissement de la croissance induite par l'industrie : démographie, migrations, commerce, investissement, concentration des activités, serviciarisation de l'industrie, etc. Une cartographie de l'évolution des avantages comparatifs révélés est ainsi réalisée pour chaque ensemble des secteurs industriels, mettant en évidence les dynamiques récentes à l’œuvre.

Modification des avantages comparatifs révélés entre 1993-1995 et 2012-2014 pour les secteurs de la transformation des matières premières, notamment agroalimentaire, industries du bois et du papier.     En orange les pays ayant perdu des avantages comparatifs ; en vert foncé ceux en ayant gagné

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Source : Banque mondiale

Modification des avantages comparatifs révélés entre 1993-1995 et 2012-2014 pour les secteurs industriels d'exportation, intensif en main-d’œuvre peu qualifiée, notamment textile et ameublement

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Source : Banque mondiale

Les secteurs industriels sont enfin passés au crible d'une accélération future des principales tendances motrices : les conséquences pour leur avantage comparatif révélé sont analysées au regard du triptyque compétitivité / capabilité / connectivité. Certaines situations critiques au regard du développement sont alors identifiées : par exemple, en agroalimentaire, certains pays (par exemple Équateur, Sénégal, Nigéria) pourraient voir leur compétitivité dégradée, conduisant à un renversement de leur avantage comparatif du fait de l'importance croissante des services liés à la production. De manière générale, le rapport met en évidence le fait que les écarts de niveaux de formation entre les pays ont désormais un poids déterminant dans la géographie de la production industrielle, face au développement de l'automatisation.

Le rapport débouche sur une série de préconisations en matière de politiques commerciale, industrielle et éducative. Enfin, il s'interroge sur la faisabilité et la pertinence d'une politique industrielle ciblée sur un secteur ou un objectif (par exemple, limiter les pertes d'emplois non qualifiés) dans le contexte de rupture technologique.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Banque mondiale

Atténuation des émissions de gaz à effet de serre et sécurité alimentaire

Dans une publication d'Environmental Research Letters, un collectif d'une douzaine de chercheurs explore, à 2050, les arbitrages entre sécurité alimentaire et stratégie d'atténuation. Pour ce faire, ils mobilisent le modèle économique d'équilibre partiel GLOBIOM, qui englobe les secteurs agricole et forestier. Cette approche prend en compte, de façon endogène, trois mécanismes d'atténuation : i) des leviers techniques visant le CH4, le N20 ainsi que le carbone séquestré dans les sols, ii) des changements structurels comme les types de systèmes de production (animal et végétal) ou dans les échanges commerciaux, iii) les rétroactions de la demande alimentaire suite aux variations de prix des denrées. La sécurité alimentaire est, quant à elle, considérée via le calcul des calories disponibles par habitant et par jour, la méthode FAO permettant d'estimer le nombre de personnes sous-nutries.

Les auteurs ont construit un ensemble de scénarios, en plus de celui de référence sans changement climatique, qui croisent différentes modalités parmi lesquelles :

- 5 seuils d'augmentation de température, auxquels sont associés une demande en biomasse destinée à l'énergie, et un prix de la tonne CO2 éq ;

- 8 applications différentes du prix carbone variant selon les zones géographiques (ex : pays de l'Annexe-I du protocole de Kyoto seulement, ou avec la Chine).

Pour un scénario avec une cible de + 1,5°C, le secteur des terres (agriculture, forêt et changement d'usage des terres), contribuerait à l'atténuation à hauteur de 7,9 GtCO2 éq par an en 2050. Par rapport au scénario de référence, la disponibilité alimentaire (calories par habitant et par jour) chuterait de 285 unités (110 si la demande est plus inélastique), ce qui signifierait 300 (80 dans le second cas) millions de personnes sous-nutries en plus. Dans un autre scénario, le prix carbone est appliqué à tous les pays pour les émissions de CO2, et seulement pour les pays de l'Annexe-I pour le CH4 et le N20. Il permet d'atténuer de 4,8 GtCO2 éq par an avec un moindre impact sur les calories disponibles (-140 calories). L'introduction de la séquestration de carbone par les sols, sans effet sur les rendements, permet encore d'augmenter ce potentiel à 11,4 GtCO2 éq et de limiter l'impact sur la sécurité alimentaire.

Élise Delgoulet, Centre d'études et de prospective

Source : Environmental Research Letters

13/12/2017

Terra Nova s'intéresse aux enjeux et opportunités d'une alimentation moins carnée

Dans un rapport publié en novembre, le think tank Terra Nova s'intéresse aux enjeux liés à la consommation de viande et envisage les arguments en faveur d'une « transition alimentaire », formulant in fine onze propositions ouvertes. La première partie revient sur les facteurs économiques, sociaux, techniques et culturels ayant conduit à la forte augmentation de la consommation de viande au XXe siècle. La seconde traite, quant à elle, de la « triple crise de la viande » : crise économique, crise de confiance, crise de légitimité autour des questions d'empreinte écologique et de montée de la sensibilité à la souffrance animale. On rappellera notamment que la consommation française de viande, en baisse, est revenue en 2013 au niveau de la fin des années 1980. Les « promesses de la révolution végétale », venant en appui à la nécessaire transition alimentaire, font l'objet de la troisième partie. Cette transition reposerait, dans les prochaines décennies, sur une division par deux de la consommation de « chair animale » par habitant, et sur l'inversion du rapport entre protéines végétales et protéines animales. Au chapitre des solutions, le rapport met particulièrement en avant la « FoodTech » (voir une autre brève sur ce blog) et les innovations autour des protéines végétales. Il s'intéresse également aux consommateurs : goût, lien aux terroirs, restauration scolaire, prix, campagnes d'information en nutrition.

La consommation individuelle de viande en France (en kgec par habitant)

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Source : Terra Nova

La quatrième partie présente les onze propositions, insistant sur l'évolution progressive et lente des régimes alimentaires, liée aux habitudes, normes sociales et préférences culturelles, mais également à la nécessité d'une stratégie de long terme « pour organiser et accélérer la transition de notre modèle agricole et de ses modes de production ». Parmi ces propositions, on peut retenir, par exemple, la généralisation de l'option du « repas alternatif végétarien » et l'imposition d'un jour végétarien par semaine dans la restauration scolaire du secondaire, la promotion, sur les produits à la vente, de la mention visible du mode d'élevage et d'abattage, ou encore une meilleure valorisation des végétaux grâce aux signes officiels de la qualité et de l'origine (SIQO).

Si certains points mériteraient d'être précisés ou développés, ce rapport s'appuie sur une palette large d'analyses, de la production à la consommation, des questions médicales aux problématiques environnementales, etc. Il contribue ainsi au débat sur l'évolution des régimes alimentaires.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : Terra Nova

17:19 Publié dans Alimentation et consommation, Société | Lien permanent | Tags : terra nova, viande, consommation, protéines |  Imprimer | | | | |  Facebook

Agir sur les comportements nutritionnels : une expertise collective de l'Inserm

Depuis le mois de novembre, l'intégralité de l'expertise collective conduite par l'Inserm, Agir sur les comportements nutritionnels. Réglementation, marketing et influence des communications de santé, est accessible en ligne. Une synthèse de cet important et riche travail avait déjà été diffusée en avril. Dans le cadre de la révision des repères nutritionnels, cette expertise répond à la préoccupation de Santé Publique France concernant l'efficacité des messages nutritionnels inclus dans les publicités alimentaires depuis 2007, et aborde plus généralement leur impact en matière de santé publique. Le groupe d'experts s'est appuyé sur une revue de littérature scientifique (environ 700 publications), des communications d'intervenants extérieurs et une étude exploratoire sur l'attention portée aux messages sanitaires (utilisation d'un système d'eye tracking). Le dispositif d'information étudié étant spécifiquement français, peu d'évaluations en sont disponibles et d'autres travaux ont donc été mobilisés, notamment en économie, marketing, psychologie, sciences du comportement et sciences de l'information et de la communication.

Le rapport comporte trois parties traitant i) de la réglementation et du marketing alimentaire, ii) des effets des messages nutritionnels et iii) des processus de réception et traitements des messages sanitaires par les individus. Parmi les principaux enseignements mis en avant dans la synthèse, on retiendra notamment que le dispositif étudié repose sur le « paradigme du consommateur responsable ». D'autre part, les mesures adoptées par certaines États pour limiter l'exposition des enfants au marketing alimentaire ont un faible impact. Des critères d'efficacité de l'information nutritionnelle sont identifiés : en particulier, les « recommandations alimentaires doivent être simples, compréhensibles, spécifiques et faciles à mettre en application », avec un « format court, coloré et illustré ». L'importance du niveau d'attention du récepteur, les représentations du risque, la résistance au changement ou encore le recours aux émotions positives sont autant de points clés soulignés pour la conception des messages nutritionnels. À la fin de cette expertise, les experts proposent un ensemble de recommandations pour l'action publique et identifient des pistes de recherche, par exemple sur la connaissance des populations cibles.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Sources : Inserm, La Documentation française

Micro-fermes maraîchères et conditions de travail : des principes aux compromis

Les micro-fermes maraîchères, qui suscitent aujourd'hui un certain engouement, constituent-elles un fantasme urbain ou une alternative viable à l'agriculture conventionnelle (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog) ? Des travaux récents se sont à nouveau penchés sur la question.

A. Dumont et P. Baret (université catholique de Louvain) se sont intéressés aux conditions de travail en production légumière en Wallonie. Leurs résultats ont été publiés dans le Journal of Rural Studies. Ils ont mené une enquête auprès de 41 producteurs dans des systèmes techniques variés, « conventionnels » ou bio, de façon à positionner chaque classe d'exploitations (petite, moyenne ou grande) au regard d'une série de critères. Parmi les producteurs bio, ils ont aussi distingué des exploitations qualifiées d'« agro-écologiques » en fonction du respect ou non d'au moins neuf des onze « principes » de l'agro-écologie retenus dans une précédente publication.

Leur étude confirme des faits souvent évoqués, en particulier la difficile conciliation entre les trois dimensions économique, sociale et environnementale de la performance. Pour les plus petites exploitations, « les conditions de travail dans les systèmes agro-écologiques se révèlent plus mauvaises qu'on ne pouvait s'y attendre », en ce qui concerne l'autonomie et l'insatisfaction au travail. La forte compétition sur le créneau des « paniers » pousse à compléter l'offre en recourant à des grossistes, parfois à l'insu des consommateurs, tandis que ceux-ci refusent de s'engager à long terme. Les très petites surfaces sont alors insuffisantes pour vivre de sa production.

La thèse d'agronomie de K. Morel (AgroParisTech) va plus loin, en mettant au point un modèle de simulation du revenu, avec des données d'entrée sur les rendements, le temps de travail, etc., issues notamment d'observations sur une vingtaine de fermes dans le nord de la France et une dizaine à Londres. Les « chances de viabilité » apparaissent variables selon les scénarios et les combinaisons productives, mais dans certains cas bien réelles, ce qui semble converger avec les constats plus positifs des chercheurs belges sur les bonnes performances des exploitations agro-écologiques de taille moyenne.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Sources : Journal of Rural Studies, Archive ouverte HAL

12/12/2017

Recherche, productivité et production agricoles aux États-Unis : panorama des connaissances et perspectives

Un article publié en novembre dans le Journal of Agricultural and Applied Economics, co-écrit par quatre économistes de l'Economic Research Service de l'USDA, propose une revue très complète des débats actuels sur le ralentissement de la productivité agricole aux États-Unis, et de ses liens avec l'évolution et la recomposition public-privé des investissements en R&D.

Les auteurs analysent en détail les tendances de la productivité globale des facteurs (PGF) de l'agriculture américaine en examinant deux bases de données : celle développée par l'USDA, et celle de l'International Science and Technology Practice (InSTePP) de l'université du Minnesota. Ces deux bases diffèrent sur plusieurs aspects, notamment sur la façon de mesurer le capital. Leur analyse montre que :

- selon la base de l'USDA, la PGF s'est accrue de 1,74 %/an, en moyenne, sur la période 1948-1974 et de 1,57 % sur 1974-2009, indiquant un possible ralentissement ; cependant, avec les données étendues à 2011, ce ralentissement n'est plus statistiquement significatif ;

- selon la base InSTePP, la PGF a augmenté de 1,97 % sur la période 1950-1990 et de 1,18 % sur 1990-2007, soit un ralentissement plus marqué que pour la base USDA, et dont les origines remonteraient aux années 1990, au lieu des années 1970 ;

- les deux bases s'accordent sur le fait que la quasi-totalité de la croissance de la production agricole des États-Unis est attribuable à la PGF depuis le milieu du XXe siècle.

Selon les auteurs, il est ainsi difficile de conclure sur un réel ralentissement de la productivité agricole aux États-Unis, en dépit de la mobilisation de méthodes statistiques complexes.

La seconde partie de l'article est consacrée à l'évolution des dépenses de R&D, mettant en évidence une montée très significative du secteur privé ces dernières années (cf. figure ci-dessous). L'article résume et discute la littérature sur les impacts de la R&D sur la PGF agricole et analyse les conséquences possibles des évolutions observées. Les auteurs formulent enfin des pistes de recherches qui, selon eux, permettraient d'éclairer les choix politiques et d'investissement, publics et privés, en matière de science et technologie agricoles.

Dépenses publiques et privées de R&D agricole et alimentaire aux États-Unis entre 1970 et 2013

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Source : Journal of Agricultural and Applied Economics

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Journal of Agricultural and Applied Economics

17:11 Publié dans Enseignement et recherche, Production et marchés | Lien permanent | Tags : etats-unis, productivité, pgf, r&d |  Imprimer | | | | |  Facebook

Options pour accompagner l'agriculture européenne face au risque d'un Brexit dur

L'Union européenne a acquis, ces dernières années, une expérience dans la réponse à des chocs extérieurs qu'elle pourrait mettre à profit en cas de Brexit dur, impliquant de fortes perturbations du commerce avec le Royaume-Uni. Dans un rapport publié à l'occasion d'un atelier du Parlement européen et regroupant plusieurs analyses, l'économiste Alan Matthews consacre ainsi un chapitre à identifier les leviers mobilisables pour accompagner le secteur agricole si un tel scénario se produisait.

Les impacts négatifs seraient de divers ordres : réintroduction de tarifs douaniers, perte de l'accès préférentiel au marché britannique, hausse des coûts administratifs. Compte tenu des conséquences que cela aurait sur certaines filières agricoles, il serait nécessaire de combiner des mesures temporaires pour gérer le choc sur les marchés, avec des mesures plus structurelles pour aider les agriculteurs et les opérateurs à s'adapter. Les impacts étant différents selon les pays et les filières, les mesures générales de marché devraient aussi s'accompagner de mesures plus ciblées.

L'auteur préconise aussi de tirer les enseignements de la crise de l'embargo russe et de la crise laitière de 2014-2016. Il suggère notamment que les aides au stockage soient utilisées avec parcimonie, afin de ne pas retarder la reprise des cours. Le retrait des surplus, pratiqué sur les fruits et légumes frais, serait pertinent mais de manière transitoire. Des aides ciblées accordées par le biais d'enveloppes nationales, et sur la base d'un menu de mesures, permettraient de venir en aide en priorité aux États membres les plus affectés. L'application des mesures se ferait de façon différenciée, selon l'exposition de chaque pays au Brexit.

Au-delà des mesures conjoncturelles, il s'agirait également d'accompagner les agriculteurs vers une adaptation plus structurelle. L'auteur préconise pour cela de faciliter l'accès au conseil en élargissant le champ des dispositifs actuels, d'encourager la prise de risques pour investir de nouveaux marchés, à travers la mobilisation d'instruments financiers, et de renforcer les mesures de promotion dans les secteurs les plus touchés.

Alexandre Martin, Centre d'études et de prospective

Source : Parlement européen

17:08 Publié dans 4. Politiques publiques, Mondialisation et international, PAC | Lien permanent | Tags : brexit |  Imprimer | | | | |  Facebook

Les instruments de marché peuvent-ils promouvoir la séquestration de carbone dans les sols agricoles ?

L'agriculture représentait 9,9 % des émissions de gaz à effet de serre européennes en 2014. Or, les sols agricoles ont une capacité de séquestration du carbone importante. La diffusion de pratiques agricoles favorables à cette séquestration pourrait donc aider l'Union européenne à atteindre ses objectifs de réduction des émissions : c'est l'idée de l'initiative « 4 pour 1000 » lancée à la COP 21 en 2015. Dans cette optique, des chercheurs allemands ont réalisé une expérience avec des agriculteurs pour évaluer l'impact potentiel de différents instruments économiques visant à promouvoir de telles pratiques agricoles. Les résultats de cette évaluation ex ante ont été publiés en octobre dans la revue Ecological Economics.

152 agriculteurs allemands ont pris part à cette expérience en participant à un jeu simulant la réalité d'une exploitation agricole, et ont été rémunérés sur la base de leurs décisions. Dans ce jeu, ils disposaient chacun d'une ferme de 100 hectares sur laquelle ils devaient répartir trois cultures (blé d'hiver, colza d'hiver, maïs ensilage), chacune ayant des coûts, des prix et des rendements différents, pour 5 saisons culturales. De plus, pour chaque assolement, ils pouvaient choisir de mettre en place des pratiques favorables au stockage de carbone dans les sols, ce qui augmentait également la probabilité qu'ils aient des rendements élevés. Ensuite, plusieurs instruments économiques pour promouvoir ces pratiques étaient introduits, parmi lesquels une subvention (de type mesure agro-environnementale et climatique), de 30 €/ha, et un certificat (type crédit carbone), dont le prix variait de manière aléatoire entre 25 et 35 €/ha. Chaque agriculteur rejouait alors 5 autres saisons en présence d'un des instruments. Les résultats de l'analyse statistique montrent que les instruments proposés permettent d'augmenter l'adoption de ces pratiques. Les auteurs trouvent également, contrairement à ce qui était attendu, que les certificats, qui ne garantissent pas un prix fixe et connu à l'avance à l'agriculteur, sont plus efficaces que les subventions.

Cet article illustre bien le potentiel des expériences économiques pour l'évaluation ex ante des politiques agricoles. Toutefois, les résultats sont à prendre avec précaution, leur transférabilité au monde réel dépendant fortement de la conception de l'expérience et des paramètres choisis. Ici, par exemple, l'adoption de pratiques favorables à la séquestration de carbone dans les sols n'est pas coûteuse pour les agriculteurs.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Ecological Economics

11/12/2017

Modèles et analyses d'impact des politiques agricoles européennes : des améliorations possibles

Telle est la conclusion que vient de tirer une équipe de chercheurs néerlandais d'une revue de la littérature des dix dernières années, publiée dans Agricultural Systems. Elle est encore plus flagrante lorsqu'on se focalise sur les modèles centrés sur l'exploitation agricole, pourtant particulièrement adaptés à l'analyse des politiques agricoles actuelles ou futures.

Cette étude s'inscrit dans la continuité de celle menée il y a dix ans par la même équipe, sur les modèles agricoles bio-économiques basés sur la programmation mathématique. Les auteurs avaient alors préconisé d'approfondir la modélisation du processus de décision de l'agriculteur pour mieux saisir les impacts différenciés des politiques selon les types d'exploitation. Ils utilisent aujourd'hui une méthode similaire consistant à évaluer les différents modèles sur leurs capacités à traduire le comportement de l'agriculteur, l'inclusion de facteurs sociaux et environnementaux, et la transférabilité de l'outil à d'autres travaux de recherche.

Cadre général de réflexion pour analyser l'utilisation de modèles d'exploitation agricole pour des analyses d'impact des politiques agricoles et rurales européennes

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Source : Agricultural Systems

La revue porte sur la période 2003-2014 et sur l'Union européenne. Dans un premier temps, les auteurs ont dénombré les analyses d'impact de la politique agricole et rurale utilisant, parmi un total de 24, des données issues de travaux de modélisation : cela a été le cas pour un peu plus d'un tiers seulement (9) et, parmi ceux-ci, une partie des modèles utilisés n'était pas documentée.

Dans un second temps, ils se sont intéressés aux publications scientifiques consacrées aux modèles centrés sur l'exploitation agricole. De 2003 à 2014, plus de 200 articles ont été publiés, la finalité des travaux étant clairement l'analyse de mesures de politique agricole. La majorité des modèles utilise la programmation mathématique, est statique et centrée uniquement sur la maximisation du profit : pour les auteurs, mieux expliquer et prévoir le comportement des agriculteurs impliquera à l'avenir d'introduire plus systématiquement le risque, de développer des fonctions multi-objectifs, de combiner les résultats de modèles avec ceux d'enquêtes auprès des agriculteurs, etc. Des progrès peuvent également être réalisés en s'appuyant sur les sciences cognitives et l'intelligence artificielle. Enfin, un effort important doit être fait, de la part des chercheurs, pour expliciter les méthodes retenues et fournir les éléments nécessaires pour une évaluation par les pairs.

In fine, les conclusions de la revue de littérature ont été présentées lors d'un atelier d'experts et parties prenantes européens. Si des progrès sont attendus sur les modèles eux-mêmes, une plus grande utilisation de la modélisation dans les analyses d'impact passerait, selon les auteurs, surtout par un meilleur porté à connaissance de ces travaux.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Agricultural Systems

Publication d'une méta-analyse sur la restriction d'usage des antibiotiques chez les animaux producteurs d'aliments et sur ses conséquences

Face au problème global du développement de l'antibiorésistance, plusieurs pays ont adopté des réglementations imposant des restrictions d'usage des antibiotiques chez les animaux producteurs d'aliments. The Lancet a publié en novembre une méta-analyse des études relatives à l'incidence de cette restriction sur l'état des antibiorésistances chez ces animaux et chez l'homme. L'objectif de cette étude, répondant à une demande de l'advisory group on integrated surveillance of antimicrobial resistance (AGISAR) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), est de déterminer l’efficacité de ces mesures, dans l'optique de la rédaction de lignes directrices par l'OMS.

Sur environ 9 000 références initiales, 181 études ont été sélectionnées, majoritairement des articles scientifiques, mais aussi des résumés de conférences, des thèses ou des rapports officiels, provenant pour l'essentiel des États-Unis et d'Europe. Cette sélection a été basée sur trois critères : i) la catégorie d'animaux (volailles, porcs, vaches laitières en priorité) ; ii) les résistances à des antibiotiques inscrits sur les listes OMS (antibiotiques d'importance critique pour la médecine humaine) ou OIE (antibiotiques importants en médecine vétérinaire) ; iii) l'existence d'interventions engagées pour réduire l'usage des antibiotiques (dispositions réglementaires d'interdiction ou de restriction, initiatives privées). La méta-analyse a été réalisée via le protocole PRISMA, en procédant systématiquement à une comparaison avec un groupe témoin.

Les résultats indiquent que les dispositions interventionnistes induisent des réductions significatives du risque de résistances chez l'animal, de l'ordre de 15 % pour les bactéries résistantes et 23 % pour les multi-résistantes. Cependant, l'effet potentiel des réductions d'usage sur les résistances dans l’espèce humaine est plus complexe, et est principalement démontré chez les personnes en contact avec les animaux de production. Les auteurs soulignent l'intérêt de compléter ce type d’analyse pour, notamment, identifier le type de mesures le plus efficace ou les alternatives antibiotiques pouvant être conseillées.

Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective

Source : The Lancet

L'industrie du chocolat, facteur de déforestation et de perte de biodiversité en Côte d'Ivoire et au Ghana

D'après une enquête de l’ONG Mighty Earth, l’industrie mondiale du chocolat est le premier facteur de déforestation et de forte perte de biodiversité dans les parcs nationaux et forêts protégées en Côte d'Ivoire et au Ghana. Selon les auteurs, en s’approvisionnant en matières premières auprès de plantations cacaoyères installées illégalement dans ces zones, les négociants et chocolatiers contribuent significativement à la déforestation dans ces deux pays, premiers producteurs mondiaux de cacao.

Carte de l'acheminement du cacao cultivé illégalement

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Source : Mighty Earth

En Côte d’Ivoire, 7 des 23 zones forestières protégées ont été presque entièrement converties en cultures de cacao et 13 d'entre elles ont déjà perdu l’intégralité de leurs populations de primates. Dans l’enceinte même de ces aires protégées, d’importants campements de cultivateurs de cacao se sont installés et des négociants achètent ouvertement les fèves cultivées illégalement. L'enquête souligne que presque toutes les marques célèbres de chocolat sont impliquées dans ce trafic, permis par un manque d'application des lois.

En 2015, le marché mondial du chocolat était évalué à 100 milliards de dollars et la consommation croît annuellement de 2 à 5 %. Seuls 3,5 à 6,6 % du prix final de vente bénéficient aux cultivateurs de cacao, contre 16 % dans les années 1980. Leur revenu moyen est d'environ 0,5 $ par jour. Ce secteur est souvent pointé du doigt pour ses mauvaises pratiques sociales, incluant l’esclavage et le travail des enfants.

Au premier semestre 2017, un programme regroupant 34 des plus grands chocolatiers et entreprises du secteur a été engagé, pour ralentir la déforestation par une gestion plus durable de la filière. L'initiative Cacao & Forêt (Framework of Action of the Cocoa & Forests Initiative) a effectivement été signée à l'occasion de la vingt-troisième Conférence des Parties (COP 23) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques par la Côte d'Ivoire, le Ghana et 22 entreprises représentant les deux tiers du secteur du cacao.

José Ramanantsoa, Centre d'études et de prospective

Source : ONG Mighty Earth

08/12/2017

Analyser la transformation structurelle pour le développement : productions, exportations et chaînes de valeur globales

Ce document de travail de la Banque africaine de développement analyse les nouvelles conceptions théoriques sur les processus de transformation structurelle des pays en développement. À la différence des approches qui s'attachent à l'analyse de la structure de la production et de l'emploi, la littérature empirique récente s'est concentrée sur la structure des exportations. Ces questions concernent particulièrement les secteurs agricoles.

Dans cette perspective, la diversification et la sophistication des exportations sont considérées comme des indicateurs permettant d'apprécier les processus de transformation structurelle. La diversification des exportations caractérise généralement les pays à revenu élevé, et est donc un indicateur de développement économique, alors que la concentration des exportations correspond davantage à des pays à faible revenu. Dans les premières phases du développement économique, la diversification augmente puis s'équilibre. Le contexte actuel de fragmentation verticale des productions à l'échelle mondiale complique cependant l'analyse. Dans le cadre des chaînes de valeur globales (CVG), la part des « échanges de tâches » croît par rapport à celle des « échanges de biens ».

L'économie du changement structurel suppose des productions source de développement économique. Elle se fonde sur des indicateurs de sophistication ou de complexité qui, en analysant les caractéristiques des exportations, permettent de remonter vers l'amont et estimer le degré de complexité de la structure productive. Des outils comme l'Indice de sophistication et le PRODY mesurent le niveau de sophistication par le revenu moyen des exportateurs. Le Product Complexity Index (PCI) et l'Economic Complexity Index (ECI) ont des approches à partir, respectivement, des produits exportés et des pays exportateurs. Enfin, les approches basées sur la création de valeur ajoutée permettent de dépasser celles limitées à la production et à l'exportation : elles font appel aux capabilités en tant que combinaison de facteurs susceptibles de définir le profil de développement d'un pays.

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : Banque africaine de développement

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Journée scientifique de Météo et Climat sur la place de la forêt et de l'agriculture françaises face aux changements climatiques

La Société française de la météorologie et du climat, Météo et Climat, a organisé sa 10e Journée scientifique sur le thème « Changements climatiques : quelle place pour notre forêt et notre agriculture demain ? ». Elle a réuni neuf intervenants qui ont présenté les modifications attendues, et d'ores et déjà perceptibles, du changement climatique sur les productions végétales, animales et forestières, ainsi que les réponses agronomiques, technologiques et politiques pouvant y être apportées.

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Source : Météo et Climat

Thierry Caquet (directeur scientifique pour l'environnement de l'Inra) a dressé un panorama des problématiques alimentaires, nutritionnelles et climatiques existantes, des types d'adaptations envisageables et de certaines voies explorées pour y répondre. Ensuite, les présentations (disponibles en ligne) ont couvert des échelles, objets et disciplines variés. Parmi les messages transversaux, la question de la ressource en eau est revenue comme un enjeu majeur et insuffisamment appréhendé. La nécessité de développer une recherche expérimentale, appliquée, dédiée à l'adaptation face au changement climatique a également été rappelée.

À cet égard, l'exemple de la vigne, développé par Hans Reiner Schultz, président de l’université de Geisenheim (Allemagne), était particulièrement frappant. Une réduction mondiale du rendement de la vigne est déjà observée et a été attribuée par plusieurs travaux académiques au réchauffement climatique. L'augmentation de la température est par exemple perceptible jusqu'à 12 mètres de profondeur. Face à la variabilité de la pluviométrie, la question de l'érosion des sols apparaît majeure pour une culture souvent basée sur des parcelles en pente, tout comme la question de la sécheresse. L'ampleur de la réduction de la production à attendre demeure néanmoins très incertaine, tant nos connaissances sur la capacité d'adaptation des cépages en conditions réelles et diversifiées sont limitées, appelant ainsi à des recherches à l'échelle des parcelles. Il est en revanche certain que les ressources génétiques mondiales de la vigne ont été à ce jour peu exploitées et que la diversité génétique des porte-greffes serait à étendre.

Vanina Forget, Centre d'études et de prospective

Source : Météo et Climat

Trois utopies contemporaines, Francis Wolff

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Ancien professeur au département de philosophie de l'École normale supérieure (Ulm), Francis Wolff est à la tête d'une œuvre singulière aux thèmes diversifiés : Socrate (1985), Philosophie de la corrida (2007), Pourquoi la musique ? (2015), Il n'y a pas d'amour parfait (2016). Dans ce dernier livre, alerte et critique, il analyse ce qu'il considère être trois des grandes utopies des sociétés modernes : le posthumanisme, qui prône l'amélioration infinie des capacités physiques, intellectuelles et morales des êtres humains ; le cosmopolitisme, qui vante l'hospitalité généralisée, l'abolition des frontières et la citoyenneté universelle ; enfin l'animalisme, qui vise l'amélioration des conditions de vie des bêtes, leur libération et l'abolition du spécisme.

Nous sommes pris, depuis quelques années, dans une déferlante d'ouvrages en faveur de la cause animale. De qualités très inégales, ils se recopient les uns les autres et constituent un nouveau courant de pensée puissant, non dénué d'idéologie et de préjugés. Solidement campé à contre-courant, Wolff en décortique les présupposés théoriques, les fondements politiques, et s'interroge sur la destinée possible de ces nouvelles représentations du monde.

Pour lui, la philosophie, la science juridique et la vie réelle admettent depuis longtemps que nous avons des devoirs envers les animaux. L'utopie animaliste dépasse cet acquis et revendique qu'on leur attribue des droits étendus. Mais quels en seraient les fondements ? Comment faire pour que tous les animaux soient égaux ? Comment concéder à la fois au loup et à l'agneau le droit de vivre ? Les équilibres écologiques nient l'effectivité de ces pseudo-droits, et quand bien même nous cesserions de manger la chair des bêtes, nous ne pourrions empêcher que les autres espèces se dévorent entre elles. Il ne peut exister de communauté animale. Les droits des animaux ne peuvent s'imposer aux animaux, mais seulement aux humains qui les enferment, exploitent, torturent ou tuent : « ce ne sont donc pas leurs droits mais nos devoirs » (p 90), et l'on en revient alors au point de départ de la philosophie des Lumières. Plus généralement, contrairement à ce qu'affirme l'anti-spécisme, nous, humains, ne sommes pas des animaux comme les autres, précisément parce que nous nous imposons des obligations envers les animaux. Selon l'auteur, la seule question qui vaille est donc celle-ci : « quel type de traitement est juste selon le type d'animal qu'il est, le type de relation que nous avons avec lui et donc le type de communauté implicite que nous formons avec lui ? » (p 106).

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Fayard

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