Trois utopies contemporaines, Francis Wolff (08/12/2017)

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Ancien professeur au département de philosophie de l'École normale supérieure (Ulm), Francis Wolff est à la tête d'une œuvre singulière aux thèmes diversifiés : Socrate (1985), Philosophie de la corrida (2007), Pourquoi la musique ? (2015), Il n'y a pas d'amour parfait (2016). Dans ce dernier livre, alerte et critique, il analyse ce qu'il considère être trois des grandes utopies des sociétés modernes : le posthumanisme, qui prône l'amélioration infinie des capacités physiques, intellectuelles et morales des êtres humains ; le cosmopolitisme, qui vante l'hospitalité généralisée, l'abolition des frontières et la citoyenneté universelle ; enfin l'animalisme, qui vise l'amélioration des conditions de vie des bêtes, leur libération et l'abolition du spécisme.

Nous sommes pris, depuis quelques années, dans une déferlante d'ouvrages en faveur de la cause animale. De qualités très inégales, ils se recopient les uns les autres et constituent un nouveau courant de pensée puissant, non dénué d'idéologie et de préjugés. Solidement campé à contre-courant, Wolff en décortique les présupposés théoriques, les fondements politiques, et s'interroge sur la destinée possible de ces nouvelles représentations du monde.

Pour lui, la philosophie, la science juridique et la vie réelle admettent depuis longtemps que nous avons des devoirs envers les animaux. L'utopie animaliste dépasse cet acquis et revendique qu'on leur attribue des droits étendus. Mais quels en seraient les fondements ? Comment faire pour que tous les animaux soient égaux ? Comment concéder à la fois au loup et à l'agneau le droit de vivre ? Les équilibres écologiques nient l'effectivité de ces pseudo-droits, et quand bien même nous cesserions de manger la chair des bêtes, nous ne pourrions empêcher que les autres espèces se dévorent entre elles. Il ne peut exister de communauté animale. Les droits des animaux ne peuvent s'imposer aux animaux, mais seulement aux humains qui les enferment, exploitent, torturent ou tuent : « ce ne sont donc pas leurs droits mais nos devoirs » (p 90), et l'on en revient alors au point de départ de la philosophie des Lumières. Plus généralement, contrairement à ce qu'affirme l'anti-spécisme, nous, humains, ne sommes pas des animaux comme les autres, précisément parce que nous nous imposons des obligations envers les animaux. Selon l'auteur, la seule question qui vaille est donc celle-ci : « quel type de traitement est juste selon le type d'animal qu'il est, le type de relation que nous avons avec lui et donc le type de communauté implicite que nous formons avec lui ? » (p 106).

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Fayard

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