Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/09/2018

Comprendre la faible participation des agriculteurs à la gouvernance territoriale

Prolongeant la tendance entamée dans les années 1975-85, les politiques de développement rural, en France, se caractérisent par une territorialisation grandissante. L'action publique s’opère de plus en plus à l’échelle de « territoires de projet » (pays, parcs naturels, territoires Leader, bassins de vie, intercommunalités, etc.) et repose sur des démarches participatives. Constatant la faible implication des agriculteurs dans ces dispositifs de gouvernance, une équipe de sociologues de l’Inra s’est penchée sur ce phénomène.

Leurs travaux, conduits dans le cadre du projet Gouv.Innov, ont fait l’objet d’une publication dans la Revue européenne des sciences sociales. Ils y ont suivi une « opération concertée d’aménagement de l’espace rural » (OCAGER), lancée par le pays Corbières Minervois (département de l’Aude). Leurs résultats combinent des informations issues d’observations participantes, d’entretiens semi-directifs et d’archives.

Les auteurs montrent que les agriculteurs, rompus à l’action collective et habitués à déléguer leur représentation aux coopératives, syndicats et chambres d’agriculture, sont déstabilisés par des démarches participatives qui s’adressent d’abord aux individus et non aux collectifs. De plus, la dynamique du développement rural, où l’agriculture n’est plus considérée comme un champ d’action publique à part entière, mais est soumise à une approche transversale, se heurte aux logiques sectorielles qui prévalent chez les agriculteurs. Pour ces raisons, la plupart d’entre eux ne prennent pas part aux réunions de concertation, ou bien seulement à celles consacrées aux questions agricoles, et comptent sur leurs institutions pour les représenter le reste du temps.

Les auteurs notent toutefois que les « néo-agriculteurs » font exception à cette règle. Souvent tournés vers des systèmes alternatifs (agriculture biologique, etc.) et porteurs d’une vision politique de leur activité, ils trouvent aisément leur place dans les processus de concertation, et ce d’autant plus que leurs parcours professionnels antérieurs les ont acculturés aux démarches délibératives. De fait, ils sont surreprésentés dans les dispositifs participatifs.

Ainsi, cette étude de cas illustre les défis sociaux, culturels et organisationnels auxquels sont confrontés les dispositifs participatifs cherchant à mobiliser les acteurs locaux, et notamment les agriculteurs.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : Revue européenne des sciences sociales

10/09/2018

L'égalité hommes-femmes en agriculture : une enquête sur le réseau AAF

Un article de Clémentine Comer (sociologue, université Rennes 1) examine le mouvement d’institutionnalisation de l'égalité professionnelle dans le secteur agricole. À partir d'une enquête auprès du réseau « Agriculture au féminin » (AAF), né en 2008 au sein des chambres d’agriculture bretonnes, elle dégage les étapes et les limites de ce processus. Selon l'auteure, « l’égalité professionnelle défendue poursuit les intérêts des fractions les plus économiquement dotées de l’agriculture familiale » et se conforme à « une matrice syndicale libérale et patronale ». Dans ce contexte, le « féminisme agricole », auto-limité, tient ainsi à distance « les revendications qui paraissent trop conflictuelles » ou qui pourraient alimenter les demandes salariales.

Source : Actes de la recherche en sciences sociales

09:46 Publié dans Agriculteurs, Société | Lien permanent | Tags : aaf, égalité hommes-femmes |  Imprimer | | | | |  Facebook

11/07/2018

Anticiper les changements climatiques en Nouvelle-Aquitaine pour agir dans les territoires

Cinq ans après un premier rapport, le comité scientifique régional AcclimaTerra vient de publier une nouvelle édition. Sous la direction d'H. Le Treut, cette deuxième livraison est le fruit de la mobilisation d'environ 240 chercheurs. Elle intègre le périmètre élargi de la Nouvelle-Aquitaine et de nouvelles thématiques et disciplines (dont les sciences humaines). Face à la complexité des questions climatiques et de la transition environnementale, la région représente un espace d'action, de réflexion, de débat et d'éducation citoyenne, l'adaptation devant se concevoir avant tout à l'échelle des territoires. S'adressant à l'ensemble des acteurs concernés (élus, citoyens, etc.), les auteurs veulent accompagner cette démarche (défi de l'interface entre diagnostic scientifique et « complexité du fait social ») et fournissent des informations pour aider à la prise de décision. Une lecture à plusieurs niveaux est ainsi proposée (ouvrage, synthèse, infographies, compléments disponibles en ligne, etc.).

Évolution des émissions de gaz à effet de serre par secteur et par gaz, entre 1990 et 2015

acclimaterra.jpg

Source : AcclimaTerra

Après un rappel des données clés de la région la plus vaste de France (5,9 millions d'habitants, 84 % du territoire occupés par l'agriculture et la forêt, etc.), quinze chapitres présentent des analyses détaillées sur des thématiques variées : dépendance entre climat local et climat global, approches historique et juridique, santé environnementale, milieux naturels, territoires urbains, massifs montagneux, etc. La ressource en eau, l'agriculture, la forêt, la pêche et la conchyliculture font ainsi l'objet de développements intéressants.

Extrait (volet « adaptation ») de l'infographie synthétisant le chapitre consacré à la pêche et à la conchyliculture

acclimaterra2.jpg

Source : AcclimaTerra

De la conclusion, il ressort que tous les territoires de la Nouvelle-Aquitaine sont, à des degrés divers, vulnérables au changement climatique, ce qui appelle, pour les auteurs, des actions différenciées tenant compte des inégalités. Ils soulignent également des besoins de travaux scientifiques, par exemple pour mieux établir les risques et estimer la vulnérabilité des territoires. Ils identifient par ailleurs des actions nécessaires dans divers domaines (ressource en eau, forêt, montagne, zones humides, pêche, conchyliculture, etc.). Ils insistent aussi sur l'urgence à agir en matière agricole, en mettant à profit les débats actuels, entre autres sur les produits phytosanitaires : repenser les systèmes de production en tenant compte de la durabilité économique et de la diversité des exploitations, ainsi que des changements d'habitudes alimentaires.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : AcclimaTerra

05/07/2018

La conservation des aliments, révélatrice de nos choix de société et de nos systèmes de valeurs

Le n°69 de Techniques & Culture, revue semestrielle d'anthropologie des techniques, est consacré au thème du « temps des aliments ». Cette publication avait précédemment exploré le champ de l'alimentation en 1999, dans un double numéro (31-32) consacré à la dynamique des pratiques alimentaires. Ce numéro de 2018 réunit une vingtaine de contributions, dans une perspective interdisciplinaire : ethnologie, anthropologie, histoire et archéologie principalement. Si trois grands temps de l'aliment sont identifiés (production, conservation et consommation), les auteurs explorent surtout la conservation, de loin la moins connue. Moyen de préserver durablement la denrée alimentaire et ses propriétés (sanitaires, nutritionnelles, organoleptiques) en se jouant, dans une certaine mesure, des effets du temps et de l'espace, elle témoigne de la manière dont les rapports sociaux s'organisent, soumis à diverses contraintes et jeux de pouvoir.

Dans une première partie (« Bonifier. Capitaliser »), des articles s'intéressent aux logiques de capitalisation, d'accumulation et de bonification qui, par la conservation, permettent la valorisation des produits. Par exemple, dans une approche anthropologique, I. Bianquis et I. Borissova montrent, à travers l'étude de la consommation de produits laitiers, de viandes et de poissons crus congelés en Yakoutie (Nord-Est de la Sibérie), que ce mode de conservation spécifique confère une plus-value à la fois économique et sociale, en transformant le goût et donc la valeur de l'aliment.

Dans la seconde partie (« Faire circuler. Partager »), les articles sont consacrés aux logiques de circulation, de partage et d'échange. Ainsi, par une étude historique allant du XIIIe au XVIIIe siècle, S. Robert montre comment, à partir de soubassements politiques et religieux, la valorisation de la consommation de poisson frais a conduit à l'établissement d'un réseau commercial de chasse-marée (transporteurs spécialisés dans l'acheminement de poissons), depuis des ports de pêche du nord de la France vers Paris. La conservation se retrouve cependant contrôlée, normée et encadrée par la ville de Paris, qui établit des dates limites de vente, pour garantir la sécurité sanitaire de ce produit périssable.

Carte des routes les plus probablement utilisées par les chasse-marée

temps3.jpg

Source : Techniques & Culture

D'hier à aujourd'hui, il apparaît donc que la conservation des aliments structure à la fois les espaces et les temporalités alimentaires, et est au cœur d'enjeux économiques, politiques ou symboliques.

Arnaud Lamy, Centre d'études et de prospective

Source : Techniques & Culture

03/07/2018

Les agents des services vétérinaires en abattoir et la mort des animaux

A. Gautier (Sciences Po Lyon) a consacré sa thèse aux agents de l’État chargés de l’inspection des viandes dans les abattoirs, en privilégiant l'analyse de leurs conditions de travail et la redéfinition de leurs missions. Dans deux billets du blog Transhumances publiés récemment, elle revisite ses carnets de terrain au regard de la question de la mise à mort des animaux. Si certains contrôleurs sont plus préparés que d'autres, « la mort des bêtes constitue toujours un tabou avec lequel les agents doivent s'arranger ». La prise de poste en abattoir est vécue comme une « mise à l'épreuve » et le spectacle de la mise à mort comme « un choc intime », dont rêves et cauchemars gardent la trace. Au niveau collectif, la protection animale et la « bientraitance », enjeux de plus en plus médiatisés, donnent aujourd'hui un nouveau sens au travail, « les inspecteurs revendiquant une fonction de garde-fous dans l'abattoir ».

Ce blog Transhumances a été créé par des chercheurs en sciences sociales de l'Inra, pour partager leurs résultats à un rythme plus adapté que celui des publications par les revues scientifiques. Parmi les autres sujets abordés récemment, figurent l'élevage porcin aux États-Unis, l'association L214, les vétérinaires homéopathes, ou encore la peur des insectes.

Source : Transhumances

09:38 Publié dans Société | Lien permanent | Tags : abattoirs, services vétérinaires |  Imprimer | | | | |  Facebook

02/07/2018

Arte signe une websérie documentaire mettant en lumière la tendance fast-food

Arte propose, dans sa collection de programmes contemporains Arte Creative, une série documentaire dénommée « Fast and Good, la révolution street-food », disponible librement au visionnage en ligne. Issue d'une collaboration entre le réalisateur N. Fernandez Brédillard et le guide gastronomique Fulgurances, ces 7 épisodes de 5 minutes explorent l'univers de la cuisine fast-food, en France et à l'étranger, sous le regard croisé de différents chefs et experts (Bon Appétit, Le Fooding).

Capture d'écran de l'une des vidéos de la websérie Fast and Good

arte.jpg

Source : Arte

La cuisine de rue de demain est ainsi repensée, avec pour défi l'équilibre fragile entre la qualité gustative et nutritionnelle des produits (Fast-Good), la praticité de l'offre, la forte demande, et l'attente d'un prix bon marché. La série pointe également le défi que constitue la proposition d'une street-food à la française, l'offre actuelle reposant principalement sur des influences américaines et asiatiques.

Source : Arte

09:14 Publié dans Alimentation et consommation, Société | Lien permanent | Tags : arte, street food, fast food, webserie |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/06/2018

Technologies numériques d'auto-mesure : inégalités sociales d'utilisation, perceptions et appropriations dans les milieux modestes

Alors que se développent les applications de self-quantification (mesure, enregistrement, quantification, participation à des réseaux sociaux), en matière d'alimentation et d'activité physique, peu de travaux en ont documenté les usages quotidiens et les perceptions, et leurs liens avec les statuts sociaux. Deux articles récents apportent des éléments intéressants en la matière.

Le premier, publié par F. Régnier et L. Chauvel dans le Journal of Medical Internet Research, présente les résultats d'une enquête qualitative conduite auprès de 79 personnes (dont 60 femmes) utilisant une telle application (Weight Watchers, MyFitnessPal, application sportive). Des analyses de contenu, textuelle et quantitative, permettent d'identifier trois types de personnes, se différenciant par leur milieu social et l'objectif d'utilisation de l'outil (curatif et contraint vs préventif et choisi), l'intensité de leurs efforts d'auto-mesure et leur participation à des réseaux sociaux. Les auteurs documentent une diversité d'usages et de motivations, reviennent notamment sur le « pouvoir des nombres » et sur ce qu'apporte l'implication dans une communauté en ligne. Ils mettent en évidence une segmentation sociale importante dans l'utilisation de ces outils, entre milieux aisés et intermédiaires et milieux plus modestes. Ainsi, ce n'est pas tant l'outil qui est important dans l'évolution des modes de vie (régime alimentaire, activité physique), que l'utilisation qui en est faite et la dynamique dans laquelle s'inscrivent les individus.

Trois types d'utilisateurs : « Resistant », « For self-improvement », « For sharing »

Appli.jpg

Source : Journal of Medical Internet Research

Le second article, publié par F. Régnier dans Réseaux, s'intéresse aux perceptions et appropriations des outils de self-tracking (alimentation et activité physique) dans les milieux modestes. Des 50 entretiens utilisés, il ressort une familiarité diverse avec ces outils, décroissant au fur et à mesure que baisse le niveau de vie et le degré d'intégration sociale, et reflétant la forte hétérogénéité de cette catégorie de population. Peu familière à ces personnes, la démarche d'auto-mesure « ne correspond ni aux habitudes de consommation ni aux pratiques d'entretien du corps » et s'oppose « à un goût de liberté en matière d'alimentation, et à une culture spécifique du temps libre ». En revanche, ces outils constituent « un vecteur de savoir et d'autonomisation » pour la fraction la mieux intégrée (économiquement, socio-culturellement, en termes de réseaux). Pour l'auteure, se pose ainsi la question d'une « fracture numérique », en termes d'équipement mais surtout d'usages, et « du risque d'une marginalisation des catégories modestes en matière de numérique ''alimentation'' ».

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Sources : Journal of Medical Internet Research, Réseaux

11/06/2018

Lutte contre le gaspillage et aide alimentaire : la deuxième vie des produits de grande distribution

Dans un numéro de Politix consacré aux formes contemporaines de la philanthropie, S. Bordiec (sociologue, université de Bordeaux) s'intéresse aux relations établies entre magasins de grande distribution et associations de solidarité dans le cadre de l'aide alimentaire. L'auteur a enquêté dans le Médoc, à la pointe du « couloir de la pauvreté » mis en évidence par l'Insee, qui s’étend jusqu’à Agen. Il a mené une observation ethnographique des activités de deux associations caritatives : une antenne du Secours Populaire et une épicerie sociale. Des entretiens ont complété cette démarche

Cela lui a permis d'assister aux premiers pas de la mise en œuvre de la Loi Garot de février 2016 sur la lutte contre le gaspillage alimentaire. Celle-ci encadre la destruction, par les grandes surfaces de plus de 400 m², d'invendus propres à la consommation, et prévoit la mise en place de conventions (« contrats de don ») entre le distributeur et une association caritative. Les dons sont liés à un mécanisme de déduction fiscale : « les responsables des grandes surfaces doivent maximiser les dons afin de minimiser les pertes d'argent liées aux marchandises invendues ».

Ainsi s'établit « une dépendance mutuelle fondée sur un intérêt bien compris », mais souvent, également, sur la méconnaissance des motivations et des logiques d'action des partenaires. Accompagnant la directrice d'un supermarché Carrefour et ses employés, Bordiec décrit pas à pas le processus de la « ramasse » : identification en rayon, par les employés du magasin, des produits à « casser/donner », manutention à l'arrière du magasin, enregistrement des produits par le personnel de l'association. L'étape du tri des denrées donne à voir les arbitrages entre le don et le maintien en rayon (y compris avec des promotions), variables notamment en fonction de la valeur et de la qualité des produits. « Tout en étant incontournable », conclut l'auteur, la conformation « aux obligations légales et morales » « peut prendre des formes hétérogènes », en fonction de la compréhension des enjeux et de la place de l'opérateur dans la division du travail.

Soulignons que ce numéro de Politix comporte aussi un article sur l'essor de la certification forestière.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Politix

04/06/2018

Le coût des prix bas : travailler dans le hard discount alimentaire

Un article de Cyrine Gardes (sociologue, Ehess), publié dans la Nouvelle revue du travail, rend compte d'une enquête de 8 semaines dans un magasin de hard discount alimentaire de la banlieue parisienne. La recherche d'une meilleure productivité du travail guide toute l'organisation, donnant lieu à « une redéfinition complète des métiers et de leurs cadences » : les postes d'encadrement et de maîtrise, de caissier, de manutentionnaire ou d'agent de nettoyage, tendent à « fusionner » pour éviter les temps morts. Par ailleurs, le brouillage des frontières hiérarchiques est mis en avant par les employeurs pour vanter un modèle social plus ouvert. Ce discours reflète en partie la réalité : le low cost alimentaire permet à certains d'accéder à des CDI, ou de reprendre des études. Mais, du fait des temps partiels, d'autres s'installent dans « une nouvelle situation défavorable, caractérisée par un revenu stable, mais particulièrement faible ».

Source : Nouvelle revue du travail

09:43 Publié dans Société, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : hard discount, travail |  Imprimer | | | | |  Facebook

Marchés des objets connectés à destination du grand public : étude prospective

Réalisée dans le cadre du Pipame et diffusée récemment, une étude prospective s'intéresse aux marchés des objets connectés à destination du grand public. La maison (notamment l'électroménager), le bien-être (beauté, sport) et les dispositifs autour des animaux de compagnie (géolocalisation, traqueur connecté) figurent parmi les secteurs les plus concernés identifiés et étudiés. Les auteurs dressent un état du marché français, montrant notamment que l'offre y est globalement similaire, avec le plus souvent un objet, une application et un service de base (pilotage et/ou visualisation des données générées) ; les services avancés (exploitation des données générées, combinaison de plusieurs objets) sont peu développés et adoptés. Ils décrivent en détail chaque segment étudié, s'intéressant notamment à l'offre d'objets connectés et aux éventuels prescripteurs (par exemple les assureurs pour le bien-être). Une comparaison avec le Royaume-Uni, les États-Unis et la Chine montre des similitudes entre les quatre pays. Les auteurs s'intéressent ensuite aux perspectives d'évolution, établissent quatre scénarios de développement des marchés, jouant sur les critères clés que sont la confiance et la fourniture de services. Enfin, ils formulent des recommandations à destination des acteurs publics et privés concernés.

Niveau de connaissance (bleu) et d'équipement (orange) en objets connectés

pipame.jpg

Source : Pipame

Source : Direction générale des entreprises

07/05/2018

Colloque sur « l'acceptabilité des élevages par la société » : cartographie des controverses, mobilisations collectives et prospective

Des conditions de vie des bêtes aux impacts de l'élevage sur l'environnement, les filières animales sont au cœur de nombreux débats. Le projet Casdar « Accept », dont le séminaire de clôture a eu lieu début avril, avait pour objectif d'en dresser la carte et d'en identifier les mécanismes, de façon à alimenter les réflexions sur l'avenir de l'élevage. Trois années de travail ont permis d'avancer sur 4 axes, déclinés en 12 études (cf. figure).

Présentation de la structure du projet Accept (intervention de C. Roguet)

Accept.jpg

Source : Accept

Le premier volet, mené notamment dans le cadre de la thèse en cours d'E. Delanoue, a confirmé que les débats sur l'élevage prennent une forme particulière, celle de la « controverse ». S'y combinent en effet 1) des incertitudes scientifiques (sur la mesure des impacts environnementaux, la sensibilité des animaux, etc.), 2) une opposition assez tranchée entre deux parties (les « pour », notamment du côté du monde agricole, et les « anti », souvent du côté du monde associatif), et 3) un « public » placé en position d'arbitre (consommateurs-citoyens, industries agroalimentaires et décideurs politiques).

Une méthodologie sophistiquée combinant scientométrie, groupes d'échanges éleveurs-citoyens et sondages d'opinion, a permis de donner corps à une typologie des attitudes à l'égard de l'élevage. Différents profils de consommateurs-citoyens se dégagent : les « abolitionnistes » (qui militent pour la fin de l'élevage, y compris en adoptant une alimentation végane), les « alternatifs » (qui veulent consommer « moins, mais mieux », typiquement des produits bio), les « optimisateurs » (vers qui les démarches de progrès des filières peuvent être orientées), les « compétiteurs » (soucieux des parts de marché de la France) et les « indifférents ». En faisant varier le poids de chacun de ces profils dans la société de 2040, la réflexion prospective envisage divers scénarios d'évolution, d'une France indifférente gagnée par la junk food à la crise du secteur viande, mis à l'index tel un « nouveau tabac ».

Parmi les nombreux apports du projet Accept, signalons enfin la mise au point, par les chambres d'agriculture de Bretagne, d'un outil d'auto-diagnostic à destination des éleveurs, leur permettant de mieux anticiper l'acceptabilité de leurs projets au niveau local, et donc de désamorcer les conflits.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Accept

13:25 Publié dans 1. Prospective, Société | Lien permanent | Tags : accept, controverses, élevage, acceptabilité, colloque |  Imprimer | | | | |  Facebook

Colloque « Les aliments voyageurs » de la Chaire Unesco Alimentations du monde

Ce 7e colloque international de la Chaire Unesco Alimentations du monde, tenu en février 2018 à Montpellier, et dont la synthèse et les vidéos ont été diffusées récemment, proposait de traiter de la thématique des « aliments voyageurs ». Autour de plusieurs sessions de présentations et de discussions, le fil rouge de la journée était la façon dont les aliments et les pratiques alimentaires se sont associés aux voyages des hommes. Sur cette question, plusieurs intervenants de divers horizons, académiques ou professionnels, ont pu interagir.

Vidéo de présentation du colloque

unesco.jpg

Source : Chaire Unesco Alimentations du monde

Les propos introductifs ont rappelé que près des deux tiers des aliments que nous consommons sont originaires d'une autre zone géographique. M. Chandeigne (éditeur, traducteur) a ainsi souligné que les voyages de navires espagnols et portugais, au cours du XVIe siècle, ont été les vecteurs d'un bouleversement alimentaire mondial. Plantes et graines ont été déplacées d'un continent à l'autre, comme le cocotier asiatique, le piment américain ou le caféier africain (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog). C. Grataloup (géohistorien) s'est quant à lui intéressé à l'histoire du petit-déjeuner et aux origines de ses produits phares, thé, café et cacao, issus de trois continents différents (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog). Le repas matinal, organisé autour de l'une de ces boissons chaudes, a émergé en Europe au début du XVIIIe siècle, d'abord dans les couches sociales aisées, puis s'est popularisé au cours du siècle suivant. Le développement de ces pratiques en Occident, inscrit dans de plus larges processus politico-économiques, n'a pas été sans conséquences négatives : colonialisme, traites esclavagistes et déportations d'hommes.

Pour K. Mouzawak (activiste culinaire libanais), les aliments ne voyagent pas seuls, ce sont les hommes (conquérants, colonisateurs, marchands, immigrés, etc.) qui voyagent et les transportent avec eux. Étudiant les effets de la migration, M. Lefebvre (nutritionniste) montre que si les arrivants enrichissent culturellement et culinairement la nouvelle région d'accueil, celle-ci, par son offre de denrées plus abondante et différente, peut altérer la santé des nouveaux venus. Au-delà des aliments, ce sont les savoirs culinaires, recettes et concepts de plats qui voyagent. S. Sanchez (anthropologue) présente le cas de la pizza, partie à la conquête des tables du monde entier. Enfin, plusieurs projets autour de la transmission culinaire ont également été présentés : Tawlet de K. Mouzawak, Grandmas Projet de J. Parienté et le Refugee Food Festival de M. Mandrila. Il en ressort que la cuisine peut très vite devenir un geste politique et militant.

Arnaud Lamy, Centre d'études et de prospective

Source : Chaire Unesco Alimentations du monde

La chair, les hommes et les dieux. La viande en Inde, Mickaël Bruckert

Bruckert.jpg

Dans cet ouvrage, M. Bruckert propose d'interroger les pratiques et les représentations associées à la production et à la consommation de produits carnés en Inde : bovins, petits ruminants, porcs, etc. Ce faisant, il confronte les nombreuses questions liées à la viande aux réalités du terrain, apportant un panorama bien plus complexe que l'image simplifiée que nous pouvons souvent en avoir. Des régulations anciennes, renvoyant à des dimensions cosmique, sociale et biologique, sont à l’œuvre et font face à des tendances contemporaines fortes (urbanisation, mondialisation, développement d'une vaste classe moyenne, etc.). Le devenir de la viande et les choix faits par la société indienne, « entre le végétarisme rituel hindou et la carnivorie à l'occidentale », sont au cœur de cet ouvrage.

Appréhendant l'alimentation comme un « fait spatial », s'attachant aux réalités tant « matérielles » qu'« idéelles », l'auteur croise des approches géographiques et ethnologiques et s'appuie sur des enquêtes dans l’État du Tamil Nadu (extrême Sud-Est de l'Inde). Il envisage comment sont définis et négociés la place et les statuts de la viande i) par les mangeurs, ii) par les acteurs de la production et des réseaux d'approvisionnement (bouchers, industriels, abatteurs, éleveurs et marchands de bestiaux, agriculteurs), et iii) dans trois espaces, public, politique, social, cette dernière approche intégrant à la fois des dynamiques transversales et des dynamiques propres à certains groupes d'acteurs. De cette enquête riche et argumentée, on peut notamment retenir que les mangeurs définissent et négocient de façons complexes et variables (caste, génération, genre, lieu) la place et les statuts de la viande. Sa consommation, loin d'être débridée, est marquée par une massification, une démocratisation et de nouveaux usages et significations. Le rapport à la viande s'individualise, avec une carnivorie vectrice de liberté, de distinction sociale et de plaisir, alors que de nouveaux végétarismes plus individuels se développent.

Fortement inscrit dans le territoire, à des échelles variables, le rapport des Indiens à la viande mobilise un imaginaire géographique portant sur les places respectives attribuées aux humains et aux animaux. M. Bruckert met en évidence un double mouvement, d'invisibilisation de l'élevage et de l'abattage d'une part, de plus grande visibilité de la viande dans l'espace public, support de valeurs nouvelles, d'autre part. Ainsi, « c'est alors même qu'elle est plus acceptée que la viande devient plus conflictuelle », ses significations complexes ne disparaissant pas avec la modernité. En fin d'ouvrage, l'auteur élargit son propos aux sociétés occidentales.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Lien : CNRS Éditions

13:17 Publié dans Alimentation et consommation, Mondialisation et international, Société | Lien permanent | Tags : inde, viande, bruckert |  Imprimer | | | | |  Facebook

04/05/2018

Raisonner sur les blés. Essais sur les Lumières économiques, Steven L. Kaplan

Kaplan.jpg

Il n'y a pas de débat agricole et alimentaire qui ne pose, à un moment donné, la question des rapports entre État et marché, entre intervention publique et libre-échange. Cette alternative, loin d'être nouvelle, s'est clairement exprimée au milieu du XVIIIe siècle au sujet du commerce des grains, devenant la matrice des oppositions ultérieures entre partisans de la régulation et défenseurs du laissez-faire. Ce clivage est même consubstantiel au développement de l'économie politique, puis de la science économique.

C'est ce que montre S. Kaplan, le plus français des historiens américains. Arrivé chez nous en 1962, il consacra sa thèse au pain (Bread, Politics and Political Economy in the Reign of Louis XV, 1976), avant de publier une quinzaine d'ouvrages majeurs, principalement centrés sur la France des Lumières, la généalogie des idées, le monde du travail et l'alimentation.

Après une longue introduction qui pose les bases théoriques et empiriques de la recherche, l'ouvrage est constitué de chapitres consacrés aux grands protagonistes de cette bataille intellectuelle autour du blé : Lemercier de la Rivière et Turgot pour les physiocrates, Galiani, Diderot, l'abbé Roubaud et Necker pour les anti-physiocrates partisans de la « police des grains ».

Au lecteur patient, ce gros livre érudit, plein d'humour, écrit dans une langue raffinée par un conteur hors pair, montre à chaque page que l'histoire n'est pas dépassée, ou du passé, mais un carnaval de leçons vivantes facilitant la compréhension du présent.

Lien : Éditions Fayard

13:10 Publié dans Production et marchés, Société | Lien permanent | Tags : histoire, kaplan, blé |  Imprimer | | | | |  Facebook

03/05/2018

Analyse des effets économiques et sociaux d'une alimentation plus durable

L'Ademe a publié récemment une étude sur les effets économiques et sociaux d'une alimentation plus durable, répondant à l'objectif initial d'« identifier les acquis et les pistes d'études et de recherche pour faire évoluer les pratiques des acteurs de la chaîne alimentaire et les comportements des consommateurs vers plus de durabilité ». S'appuyant sur les données et la littérature existantes, les auteurs ont travaillé sur la valeur sociale de l'alimentation pour les Français (représentations, comportements, etc.), puis se sont intéressés à sa valeur économique et à sa répartition. Enfin, ils ont envisagé l'impact d'une alimentation plus durable sur cette valeur économique, sa répartition, les emplois et les coûts cachés, choisissant pour se faire cinq démarches répondant à différentes dimensions de la durabilité : agriculture biologique, appellations d'origine protégée fromagères, circuits courts de proximité, commerce équitable origine France, projets alimentaires territorialisés (PAT).

Schéma récapitulatif des cinq systèmes étudiés et de leurs combinaisons possibles

Ademe.jpg

Source : BASIC

La question de la généralisation de ces démarches est posée et des facteurs de réussite et points de vigilance sont identifiés : maintien et développement d'une diversité de modèles intégrant une ou des composantes de la durabilité ; précision et évaluation de cette durabilité ; prise en compte des coûts cachés ; régulation. Les auteurs identifient enfin diverses recommandations à destination des acteurs économiques, des pouvoirs publics, des acteurs des territoires et des consommateurs.

Source : Ademe