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09/05/2019

Rapport à la viande et évolution des abattoirs : une approche anthropologique

La revue Anthropology of food publie un numéro spécial intitulé « Viande et architecture », qui s'intéresse aux « transformations du rapport à la viande par les lieux et l'espace », en particulier sous l'angle de l'abattage. Il est constitué d'articles abordant la question sous différents angles, historique, géographique, sociologique et artistique.

Pendant plusieurs siècles, les bouchers étaient au cœur du marché de la viande : ils tuaient, découpaient puis vendaient les pièces de boucherie. Ils formaient une corporation reconnue au Moyen Âge. La création d'abattoirs mit fin progressivement à ce monopole. Depuis la fin du XIXe siècle, les abattoirs ont beaucoup évolué, les petits bâtiments urbains ont fait place à de grandes structures externalisées, l'abattoir de Bruxelles étant ainsi l'un des derniers en centre-ville en Europe.

Implantation des boucheries dans Paris à la fin du XIVe siècle

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Source : Anthropology of food

Un changement d'échelle s'est aussi produit en matière économique : le travail de la viande est devenu une « industrie de série et de flux », avec succession d'actes répétitifs (taylorisme) accomplis par un personnel peu qualifié et peu payé. Sur le plan architectural, l'abattoir moderne comporte une succession de figures géométriques, permettant l'application du principe sanitaire de « la marche en avant » (prévoyant en particulier une séparation nette entre secteur propre et secteur souillé). Cependant, après une période de centralisation, le retour à l'abattage de proximité, associé à un meilleur accompagnement des animaux, est défendu par certains. En Wallonie, des éleveurs du groupe Nature et progrès ont ainsi opté pour des modes d'abattage alternatifs.

L'aspect artistique des activités en lien avec le travail de la viande est largement traité dans ce numéro, prenant en compte différents registres : architectural (anciens abattoirs urbains transformés en lieux culturels, comme à Toulouse), cinématographique (souvent associées à des actions mortifères et violentes dans des films d’horreur), pictural et photographique aussi. Enfin, sont également traités les abattages halal (article consacré à l'organisme certificateur AVS) et en Inde (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog), objets de divergences politiques et culturelles.

Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective

Source : Anthropology of food

11:56 Publié dans Alimentation et consommation, Société | Lien permanent | Tags : abattoirs, viande, histoire, art, géographie |  Imprimer | | | | |  Facebook

08/02/2019

Les batailles de la viande, une série d’émissions sur France Culture

L'émission Entendez-vous l’éco, sur France Culture, a consacré une série aux « batailles de la viande », ré-écoutable en podcast. La première émission donne la parole aux historiens. Pour B. Laurioux (université de Tours), l’industrialisation du secteur de la viande au XIXe siècle, conjointement avec l’urbanisation, occasionne une véritable « perte de contact avec l’animal et avec la manière de le préparer » et une « rupture de compétence » chez les consommateurs. Les évolutions du marché de la viande, et notamment l’intensification de l’élevage dans les années 1960, sont ensuite discutées avec deux économistes, J.-L. Rastoin (Montpellier Supagro) et J.-P. Simier (Bretagne Développement Innovation). La série explore aussi l’univers des abattoirs avec une journaliste, A. de Loisy, et une politiste, A. Gautier (université Lyon 2). Enfin, une dernière émission interroge l’avenir du rapport Homme-Animal, avec un échange entre D. Chauvet (association Droit des animaux) et G. Chapouthier (CNRS).

Source : France Culture

03/07/2018

Les agents des services vétérinaires en abattoir et la mort des animaux

A. Gautier (Sciences Po Lyon) a consacré sa thèse aux agents de l’État chargés de l’inspection des viandes dans les abattoirs, en privilégiant l'analyse de leurs conditions de travail et la redéfinition de leurs missions. Dans deux billets du blog Transhumances publiés récemment, elle revisite ses carnets de terrain au regard de la question de la mise à mort des animaux. Si certains contrôleurs sont plus préparés que d'autres, « la mort des bêtes constitue toujours un tabou avec lequel les agents doivent s'arranger ». La prise de poste en abattoir est vécue comme une « mise à l'épreuve » et le spectacle de la mise à mort comme « un choc intime », dont rêves et cauchemars gardent la trace. Au niveau collectif, la protection animale et la « bientraitance », enjeux de plus en plus médiatisés, donnent aujourd'hui un nouveau sens au travail, « les inspecteurs revendiquant une fonction de garde-fous dans l'abattoir ».

Ce blog Transhumances a été créé par des chercheurs en sciences sociales de l'Inra, pour partager leurs résultats à un rythme plus adapté que celui des publications par les revues scientifiques. Parmi les autres sujets abordés récemment, figurent l'élevage porcin aux États-Unis, l'association L214, les vétérinaires homéopathes, ou encore la peur des insectes.

Source : Transhumances

09:38 Publié dans Société | Lien permanent | Tags : abattoirs, services vétérinaires |  Imprimer | | | | |  Facebook

09/04/2018

Ouvriers à l'abattoir. L'image d'un groupe professionnel dans les films documentaires

Dans le dernier numéro de la revue Images du travail - Travail des images, J-P. Géhin (sociologue à l'université de Poitiers) s'intéresse aux documentaires montrant le travail en abattoir. Les ouvrier-ère-s d'abattoir, peu nombreux et « quasi invisibles socialement », sont pourtant « un groupe professionnel souvent montré dans les documentaires de création ».

L'auteur analyse un corpus de 18 films en combinant deux grilles de lecture. La première entrée est attentive au travail : gestes effectués, position dans les relations de production, sens donné au travail, et notamment relation avec le hors-travail. La seconde est centrée sur les représentations du groupe professionnel : comment le documentaire présente-t-il le métier ? Quelle voix est donnée aux membres du groupe dans le film, pour en donner quelle image ? Quels emblèmes sont associés à celui-ci ?

Parmi ces films, deux sont restés célèbres, Le Sang des bêtes de Franju (1949), sur les abattoirs de La Villette, et Meat de Wiseman (1973), sur la chaîne de la viande aux États-Unis. Ces deux « œuvres fondatrices » organisent une polarisation du regard, la première sur la violence de la mise à mort des animaux, la seconde sur la mécanisation et l'automatisation d'une « industrie de flux ». Dans la plupart des films, le travail lui-même semble invisible, ce qui renvoie certes aux efforts de communication d'entreprises désireuses de contrôler leur image, mais aussi à « des difficultés plus générales concernant la possibilité de montrer et d'analyser le travail humain ».

Quelques tentatives récentes s'efforcent de déplacer le point de vue « en puisant dans la boîte à outils des sciences sociales ». L'auteur mentionne ainsi la « visée ergonomique » de films tels que Le cinquième quartier (Alazard, 2008) et Saigneurs (Gaullier et Girardot, 2015). Entrée du personnel (Frésil, 2011) contourne l'impossibilité de filmer en toute indépendance, en combinant scènes jouées par les ouvriers et « vraies » images du travail. Géhin éclaire également l'actualité récente et commente les vidéos diffusées par l'association L214. Pour lui, « l'abattoir n'est pas une exception honteuse mais seulement une loupe grossissante de nombreux espaces professionnels où robotisation et numérisation imposent des cadences toujours plus soutenues, renforçant la pénibilité physique comme mentale ».

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Images du travail - Travail des images

09:45 Publié dans Société, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : abattoirs, documentaires, travail |  Imprimer | | | | |  Facebook

Une analyse de l'ONG Sustainable Food Trust sur la relocalisation de l'abattage

Un rapport de l'ONG Sustainable Food Trust s'intéresse à la question de la relocalisation de l'abattage des animaux d'élevage au Royaume-Uni. Les auteurs ont mobilisé différentes sources d'information : analyses scientifiques, textes réglementaires, politiques et économiques, publications d'ONG diverses (Greenpeace notamment), etc. Depuis les années 1970, la tendance est à la baisse du nombre d'abattoirs, ceux-ci étant passés de 1 890 en 1971 à 249 en 2018. Selon les auteurs, plusieurs facteurs expliquent ce phénomène de concentration, ayant conduit à la fermeture des structures les moins rentables : crises sanitaires (encéphalopathie spongiforme bovine en 1996, fièvre aphteuse en 2001), baisse de la consommation de viande, et renforcement des contraintes réglementaires.

Évolution du nombre d'abattoirs en viande rouge, en fonction de leur taille, entre 2007 et 2017

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Source : Sustainable Food Trust

Face à cette tendance lourde, le rapport note un regain d'intérêt récent pour l'abattage local, de la part de certains éleveurs et d'associations, pour des raisons à la fois économiques, éthiques et environnementales. Selon ses promoteurs, cette pratique éviterait le surcoût et la souffrance animale induits par de longs déplacements, et permettrait à l'éleveur de commercialiser de la « viande locale ». L'association Pasture for life a ainsi souligné le rôle des petits abattoirs dans l'économie rurale, au-delà des emplois directs. Quand l'existence d'abattoirs locaux n'est pas envisageable, le développement d'abattoirs mobiles représente une alternative, et même une tendance émergente au niveau mondial. Le rapport en dresse un état des lieux dans plusieurs pays. Au Royaume-Uni, après une première tentative en 1990 par l'ONG Humane Slaughter Association, d'autres projets ont été lancés depuis. En Suède, la société Halsingestintan exerce depuis 2015 et a conclu un partenariat avec la société française Bœuf éthique. Ce type de structures existe aussi en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Canada et aux États-Unis. Le rapport souligne les potentiels atouts pour le bien-être animal et le développement local, mais aussi les facteurs limitants d'une telle pratique, notamment la faible capacité d'abattage (de l'ordre de quelques dizaines d'animaux par jour) et le nécessaire respect de la réglementation sanitaire. Il propose enfin plusieurs recommandations, notamment une reconnaissance par les pouvoirs publics de l'importance, du point de vue de l'économie et du bien-être animal) de la viande locale, avec mise en place d’une task force réunissant les acteurs concernés. Il suggère aussi l'adoption d'une réglementation plus favorable aux abattoirs mobiles et aux petits abattoirs locaux, afin d'en enrayer la baisse.

Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective

Source : Sustainable Food Trust

09:42 Publié dans Protection des végétaux et des animaux, Territoires | Lien permanent | Tags : abattoirs, royaume-uni |  Imprimer | | | | |  Facebook

10/05/2016

Abattoirs de Chicago, Jacques Damade

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Ce petit livre raconte l'histoire de la plus grande entreprise humaine de mise à mort d'animaux. Au début du XIXe siècle, il y avait la plaine immense et sauvage du Middle West, qui se remplit progressivement de troupeaux de bovins et de porcs en semi-liberté. Puis fut créée en 1833 la municipalité de Chicago, dont on comptait seulement 4 500 habitants en 1835. C'est en 1848 qu'y fut construite la première gare, élément d'un vaste réseau ferré qui favorisera la circulation des bêtes et des hommes. Si les trains permettent d'acheminer les troupeaux, ils favorisent aussi l'expédition de la viande vers les consommateurs des grandes villes, et ce sont neuf compagnies de chemin de fer qui achètent 1,3 km2 de marécage, au sud de Chicago, pour y créer en 1865 l'Union Stock Yard and Transit Co ("The Yard"). On aménage le long des voies d'immenses parcs à bestiaux et on y centralise les abattoirs.

Pour alimenter les commerces de façon continue, on commence à pratiquer l'abattage d'été, d'où l'obligation de faire venir d'immenses quantités de glace du Wisconsin, puis le premier essai de wagon frigorifique, en 1867, à destination de Boston. C'est le début du bœuf bon marché et de la recherche incessante de nouveaux débouchés, toujours plus éloignés. Simultanément, l'abattage se rationalise, se technicise, devient un travail à la chaîne, fait de tâches distinctes, simplifiées, répétitives, réalisées en cadence : assommer, égorger, échauder, racler, éviscérer, nettoyer les carcasses, découper, scier, expédier, etc. Le temps est compté, il faut tuer en masse, les techniques sont de plus en plus ingénieuses, les dépôts de brevets se multiplient, le parcours de la viande se complexifie, l'organisation du travail est méthodique, efficace, rentable. L'année 1883, la ville ne compte que 400 000 habitants, mais elle devient le plus grand centre d'abattage du monde : 1,9 million de bovins, 5,65 millions de porcs, 750 000 moutons.

Sur ce flux animal se greffe un flux de travailleurs pauvres, chômeurs, vagabonds, prêts à tout pour obtenir un job, venus d'Irlande, de Pologne, d'Italie, de Lituanie, d'Allemagne, de Russie, mal payés, souvent blessés, vite remplacés, soumis à de terribles conditions de travail et aux violences entre communautés. Cette « Babel-Chicago » a ses quartiers, ses boutiques, ses traditions, ses nourritures. Plus tard, ces abattoirs de la toute puissance et de la démesure serviront de modèle aux autres industriels, en particulier ceux de l'industrie automobile.

Sur le même sujet, on pourra lire deux grands classiques : La jungle, d'Upton Sinclair (1906), et La mécanisation au pouvoir (chapitre 4, « La mécanisation et la mort : la viande »), de Siegfried Giedion, (1948). À noter également le témoignage récent de Stéphane Geffroy (À l'abattoir, Seuil, avril 2016).

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions La Bibliothèque

10:09 Publié dans Travail et emploi | Lien permanent | Tags : abattoirs, chicago |  Imprimer | | | | |  Facebook