La France périurbaine, Hervé Marchal, Jean-Marc Stébé (14/01/2019)
Le « périurbain » (néologisme forgé en 1967) est autant dénigré et déprécié qu'il est mal connu et caricaturé. Fidèle à l'esprit vulgarisateur de la collection Que sais-je ?, ce petit livre, écrit par deux sociologues universitaires, offre un bon aperçu des réalités qui le composent et des théories permettant de l'analyser. Nous n'évoquerons ici qu'une partie seulement de leurs réflexions, celles concernant les liens entre périurbain et ruralité.
Les années 1950-60 connaissent une forte extension des villes et un déversement résidentiel, via les « grands ensembles » d'habitat collectif et les nouvelles zones pavillonnaires. Cette expansion des périphéries, au-delà des banlieues, intéresse alors surtout les géographes, qui mettent l'accent sur la recomposition des campagnes françaises : augmentation subite de la population dans certaines zones, proportion croissante de personnes ne vivant plus de l'agriculture, migrations pendulaires domicile-travail, juxtaposition de différents modes de vie, etc. Les acteurs sociaux et les médias insistent, eux, sur la fin de l'âge d'or et la dénaturation des villages, sur les nouveaux espaces de vie « sans âme » qui pervertiraient le rural.
Du début des années 1970 à la fin des années 1990, le mouvement d'urbanisation des zones rurales s'accentue. Le front urbain continue à avancer, mais surtout, de nombreuses familles accèdent à la propriété en retapant de vieilles maisons ou en construisant des pavillons, surtout dans les communes rurales proches des agglomérations. L'importance du phénomène est attestée par les nombreuses notions inventées pour le qualifier (« rurbanisation », « exurbanisation », « suburbanisation », « tiers-espace »). Dans tous les cas les observateurs, de plus en plus sociologues, diagnostiquent les mêmes conséquences : changements d'affectation des sols, réorganisation des économies locales, rapprochement des modes de vie des anciens et nouveaux habitants, mais aussi redynamisation des espaces ruraux.
Sur les vingt dernières années, de plus en plus de champs et de forêts ont été encerclés par les hangars commerciaux, plateformes logistiques, nœuds routiers, nappes pavillonnaires. La ville s'est éparpillée, selon une logique de mitage. De nouveaux habitants se sont installés, à la recherche de calme et de nature. Des conflits d'usage en ont résulté, mais le périurbain est aussi devenu, de façon bien plus positive, terre d'hybridations inédites : nouvelles pratiques citoyennes, innovations économiques, sociabilités réinventées. Simultanément, le désenchantement est monté dans une partie de l'ex-rural péri-urbanisé, les habitants des territoires les plus éloignés des centres urbains exprimant leur désillusion croissante et leurs difficultés à vivre : sentiment d'être relégués, éloignement des équipements publics, coût des déplacements en voiture, etc.
Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective
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