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22/01/2021

Tendances et perspectives pour l'agriculture des pays de l'Union africaine

Le ReSAKSS, système régional d'analyse stratégique et de gestion des connaissances de l'Union africaine (voir à ce sujet un portrait), a publié récemment son Annual Trends and Outlook Report 2020 (ATOR 2020). Il a notamment été présenté à l'occasion de sa conférence annuelle 2020, Sustaining Africa's Agrifood System Transformation: The Role of Public Policies. Le rapport ATOR fournit un ensemble riche et diversifié d'analyses sur des sujets d'intérêt majeur pour l'avenir de l'agriculture des pays de l'Union africaine, et fait le point sur les indicateurs du Programme détaillé de développement de l'agriculture africaine (PDDAA). Il se fonde sur les meilleures données disponibles. Les travaux du ReSAKSS sont accompagnés par l'IFPRI et ont bénéficié de divers financements internationaux (USAID, Fondation Bill et Melinda Gates, IFAD, etc.).

Valeur ajoutée agricole par habitant dans 16 pays d'Afrique, 1965-2018

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Source : ReSAKSS

Le millésime 2020 du rapport se concentre sur le rôle des politiques publiques pour assurer la croissance et le développement des secteurs agricole et agroalimentaire. Comme le souligne le chapitre 2, de nombreux pays de l'Union africaine ont connu, depuis le début du XXIe siècle, une forte croissance économique, en particulier dans l'agriculture (figure ci-dessus). Cette phase de boom a succédé à deux décennies de stagnation (années 1980 et 1990), au cours desquelles le PIB par tête a diminué (figure ci-dessous). La croissance agricole des années 2000 et 2010 s'appuie sur le progrès technique, avec des gains de productivité de la terre et du travail substantiels. Selon les auteurs, qui passent en revue les facteurs explicatifs du PIB par habitant, les politiques publiques ont joué un rôle fondamental : gouvernance (efficacité des pouvoirs publics, qualité des régulations), développement du capital humain (scolarisation, espérance de vie), stabilité macroéconomique, assistance au secteur agricole par rapport au reste de l'économie, etc.

Le rapport ATOR 2020 comprend dix-sept chapitres, incluant analyses thématiques et études de cas nationales, qui soulignent ces dynamiques et insistent sur plusieurs défis : la digitalisation de l'agriculture africaine, la transformation des chaînes de valeur intermédiaires du millet au Sénégal, le rôle de l'irrigation dans le développement de l'agriculture au sud du Sahara, la mécanisation agricole au Ghana, les politiques relatives aux engrais et aux semences, etc.

Croissance annuelle moyenne par décennie dans 30 pays d'Afrique, 1960-2018

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Source : ReSAKSS

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : ResAKSS

20/01/2021

Une séance de l'Académie d'agriculture consacrée à André Voisin

« Nul n'est prophète en son pays » : l'adage sied bien à André Voisin, agriculteur-chercheur du milieu du XXe siècle, dont les écrits sur le fonctionnement des herbages et le pâturage demeurent largement ignorés en France, alors qu'ils sont toujours enseignés dans les écoles d'agronomie sud-américaines et océaniennes. Pour éclairer ce paradoxe, l'Académie d'agriculture de France a récemment consacré une séance aux travaux de son ancien membre.

Parmi les présentations, signalons celle d'André Pfimlin, qui rappela les lois du « pâturage rationnel » établies par Voisin : un temps de repos des prairies suffisamment long entre deux séquences de pâturage pour permettre la « flambée de croissance » de l'herbe ; un temps d'occupation court afin de ne pas cisailler les jeunes repousses ; une conduite du troupeau en lots pour réserver la primeur des prairies fraîches aux vaches en production ; etc. Autant de principes qui visent à « faire se rencontrer l'herbe et la vache au bon moment », afin de satisfaire les besoins de la seconde sans compromettre ceux de la première, et réciproquement.

Si Voisin n'eut que peu d'échos en France, c'est surtout, comme le montra Charlène Bouvier, en raison de son opposition au retournement des prairies permanentes que prônaient alors les tenants de la révolution fourragère (Chazal, Dumont, etc.). Ces derniers leur préféraient les prairies temporaires et les cultures fourragères, qu'ils jugeaient plus productives. De son côté, Voisin voyait dans la prairie permanente la garantie d'une flore adaptée aux conditions pédo-climatiques locales et, dans la prairie temporaire, une charge financière pour l'éleveur puisqu'elle doit être régulièrement ressemée, sous peine de voir la production herbagère diminuer sévèrement dans les 4 ou 5 années suivant l'implantation (« les années de misère »).

Pour conclure la séance, Gilles Lemaire a montré que la démarche de Voisin, empirique, pluridisciplinaire et beaucoup plus systémique qu'analytique, contrastait avec la façon dont était alors conçue la recherche agronomique en France. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que ses travaux aient été plus favorablement accueillis dans un pays comme la Nouvelle-Zélande, où ce type d'approche caractérise la recherche et le développement agricoles depuis les années 1920-1930.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Lien : Académie d'agriculture de France

19/01/2021

Numérique et bien-être des animaux d’élevage

Lors d’un séminaire organisé en décembre 2020, la chaire AgroTIC traitait deux domaines d’actualité : l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) en élevage, et le bien-être animal (BEA). Une douzaine d’interventions ont permis, au-delà d’un panorama des nombreux outils existants, de voir si la relation entre TIC et bien-être était toujours positive et bénéfique tant pour l’éleveur que pour l’animal, dans une perspective One Welfare. Les présentations étaient regroupées en 3 sessions : la première relative à l'évaluation du BEA, depuis la mesure des paramètres jusqu'à l’aide à la décision ; la deuxième associant le bien-être animal et celui de l’éleveur ; la dernière traitant des questions de société. Revenons ici sur deux de ces interventions.

L’utilisation des outils numériques en élevage présente plusieurs défis, selon Michel Marcon, de l’Institut du porc (IFIP). Le premier est économique : le consommateur est de plus en plus sensible au BEA, mais il n’accepte de payer davantage que de façon limitée ; quant à l’éleveur, son utilisation du numérique doit conduire à une réduction des frais et des médicaments vétérinaires par une détection précoce des problèmes de santé. Ces outils peuvent aussi être une source de revenu supplémentaire par une amélioration des performances ou une meilleure traçabilité du cahier des charges d’un label. Un deuxième défi tient à l'accessibilité et à la connectique, le rural étant parfois mal raccordé (figure ci-dessous). L'éleveur doit également choisir une solution robuste, adaptée à des contraintes techniques (insectes sur les caméras, humidité, etc.), non spécifique de l'endroit pour lequel l’outil a été choisi (installation dans des bâtiments différents).

Couverture en fibre des zones rurales de l’ouest de la France fin 2019

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Source : Arcep

Pour Nathalie Hostiou (INRAE), le numérique a divers impacts sur le métier d’éleveur. D'abord, la réduction du temps de travail n’est pas aussi importante qu'espérée, l’automatisation permettant plutôt une redistribution du travail dans la journée et une flexibilité des horaires. En matière de charge mentale, le numérique peut devenir un « fil à la patte » avec des alertes jour et nuit. Il induit par ailleurs de nouvelles relations humain-animal avec une distanciation (moins de contacts directs), mais aussi une meilleure connaissance individuelle des animaux. Enfin, l’autonomie dans le travail peut être remise en question avec une forte dépendance aux services, une dépossession des paramètres déterminants pour la gestion de l’élevage et des décisions qui leur sont liées.

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : chaire AgroTIC

Recommandations de l'Assemblée nationale sur la politique européenne de sécurité sanitaire de l'alimentation

Les députés André Chassaigne et Catherine Osson ont remis en décembre 2020, à la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, le rapport de leur mission d'information sur la politique de l'UE en matière de sécurité sanitaire de l'alimentation. Cette mission avait pour but d'analyser la politique en place, d'en identifier les faiblesses et d'émettre des recommandations relatives à l'évolution de la législation européenne.

Les auteurs rappellent que, ces dernières années, le nombre de décès ayant des causes alimentaires était estimé dans le monde à 420 000, dont un tiers d'enfants. Ils signalent toutefois que si le sujet semble de plus en plus prégnant en France, c'est en raison de sa forte médiatisation, liée notamment à l'attention croissante des consommateurs à leur alimentation, et non à cause d'une recrudescence des crises alimentaires : celles-ci sont en effet stables depuis les années 2000. En revanche, la législation européenne, une des plus strictes au monde, nécessiterait d'être actualisée, ses financements consolidés, sa capacité à anticiper et à sanctionner les cas de fraudes alimentaires améliorée. En particulier, les importations françaises de produits alimentaires ont augmenté ces dernières années, associées à une division par deux du solde commercial agricole national entre 2011 et 2017. Cette augmentation rend d'autant plus nécessaire un contrôle accru de la conformité de ces importations aux exigences européennes, pour garantir la sécurité du consommateur mais aussi la compétitivité des producteurs européens vis-à-vis de ceux des pays tiers. S'appuyant sur un précédent rapport sénatorial, les auteurs rappellent qu'entre 8 et 12 % des denrées alimentaires en provenance de pays tiers ne respectent pas les normes européennes de production.

Importations agroalimentaires en France (milliards d'euros constants)

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Source : Sénat

Les auteurs formulent 21 recommandations, certaines étant relatives à la lutte contre les fraudes alimentaires : adoption d'une définition européenne partagée, élaboration d'un plan d'action par la Commission, renforcement des obligations et des sanctions comme des moyens de contrôle des produits agroalimentaires importés et notamment de leur traçabilité, création d'une police sanitaire, etc. Les auteurs préconisent aussi une accélération des travaux sur le gaspillage alimentaire, sur l'étiquetage de l'origine, sur l'utilisation de la blockchain, de QR code (code-barres à deux dimensions) et de l'intelligence artificielle pour améliorer la traçabilité des produits. Enfin, ils recommandent de mettre en place une politique agricole et alimentaire commune pour garantir une meilleure cohérence normative entre l'amont et l'aval de la filière.

Vincent Hébrail-Muet, Centre d'études et de prospective

Source : Assemblée nationale

Alertes et lanceurs d'alerte, Francis Chateauraynaud

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Au milieu des années 1990, F. Chateauraynaud (EHESS) a renouvelé la sociologie des risques et de l’expertise en créant le terme et mettant en évidence le rôle des « lanceurs d’alerte », à savoir ces personnes ou ces groupes qui, « rompant le silence, passent à l’action pour signaler l’imminence, ou la simple possibilité d’un enchaînement catastrophique ». La notion connut rapidement un certain succès. L’ouvrage retrace ses appropriations par les acteurs du risque environnemental, puis par ceux de la lutte contre la corruption et la délinquance économique. Mise à l'agenda politique dès le Grenelle de l'environnement (2007), elle est introduite dans l’ordre juridique en 2013 et 2016, avec le vote de deux lois sur la protection des lanceurs d'alerte contre les pressions et sur la procédure de signalement.

L'auteur critique cette institutionnalisation en se référant à l'idéal-type d'une « alerte authentique », basée sur l’attention aux changements à peine sensibles des milieux de vie. Dans ce modèle, une fois lancée, la mobilisation connaît des trajectoires variées, en partie imprévisibles. Elle est reprise dans de multiples arènes, connaît des rebondissements comparables à une enquête collective, jusqu’à provoquer les ajustements nécessaires pour prévenir le risque, ou limiter les dégâts, et retrouver prise sur le futur. Selon Chateauraynaud, le dispositif français, conçu en partie au moment de l'affaire Cahuzac, entretient la confusion avec une autre catégorie, moins pertinente pour l'analyse des risques : la « dénonciation de scandales » et le whistleblower.

Ce « jeu de lois » repose aussi sur le respect d'étapes, de formes et de hiérarchies. Or, toute alerte « véritable », mise en branle par des signaux faibles, « hors du code », ne tend-elle pas « à contourner les procédures normales » ? De nombreux dossiers, dans le domaine agricole et agroalimentaire (maladies liées aux pesticides, « vache folle », OGM, etc.), mais aussi des technologies de surveillance (affaire Snowden), le suggèrent. « La prolifération des objets d’alerte et de controverse », loin de démontrer l’ingouvernabilité de sociétés tétanisées par le principe de précaution, est avant tout « le signe d’un travail collectif permanent assurant les conditions de la vie sociale ». La question des institutions appropriées reste cependant ouverte, l'auteur évoquant des pistes plus ou moins convaincantes (plateformes citoyennes, autorités administratives indépendantes, etc.).

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Lien : PUF

18/01/2021

Bouleversement. Les nations face aux crises et au changement, Jared Diamond

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Voici une quinzaine d'années, le biologiste américain Jared Diamond publia un livre sur l'effondrement des sociétés (Collapse: How Societies Choose to Fail or Succeed, 2006), qui rencontra un large public à défaut de séduire les historiens professionnels, peu convaincus par sa lecture monofactorielle de l'évolution humaine. Il en ira certainement de même pour sa dernière publication (Upheaval: Turning Points for Nations in Crisis), à l'ambition totalisante affirmée, mais qui repose essentiellement sur les expériences vécues par l'auteur et sur l'idée que les crises sociétales sont similaires aux crises psychiques individuelles. Malgré ces défauts, l'ouvrage intéressera tous ceux qui se préoccupent du devenir des institutions, des changements culturels, de la survenue des crises et des capacités de résistance des systèmes sociaux.

L'analyse embrasse les deux derniers siècles et sept pays sont plus spécifiquement étudiés : Allemagne, Australie, Chili, États-Unis, Finlande, Indonésie et Japon. De ce large panorama historique et géographique, Diamond conclut à l'existence de douze facteurs qui, selon lui, influent directement sur le contenu et la forme des crises nationales. Il peut s'agir du « degré de consensus sur l'existence de la crise », du « niveau de reconnaissance de la nécessité d'agir » ou de l'acceptation plus ou moins franche « d'une aide venant d'un autre pays ». Il peut aussi s'agir de la nature de « l'identité nationale », de « l'expérience acquise lors de crises antérieures », des valeurs culturelles fondamentales ou de la prégnance des « contraintes géostratégiques ». Selon l'auteur, cette grille de lecture peut s'appliquer à toutes les crises (politiques, économiques, environnementales, énergétiques, sanitaires, etc.) et à tous les secteurs (production agricole, eau, alimentation, pêche, exploitation forestière, qualité des sols, etc.).

Les quatre derniers chapitres sont particulièrement intéressants, car prospectifs et synthétiques, Diamond utilisant sa grille de lecture pour décrypter l'avenir du Japon et des États-Unis, et plus généralement celui du monde. Ses conclusions sont peu optimistes car il considère que la majorité des « douze facteurs de crise » se retrouvent à l'échelle planétaire : l'humanité manque d'une identité partagée, elle est confrontée à des défis globaux inédits et ne peut s'appuyer sur l'expérience passée. Il n'y a pas non plus d'acceptation mondiale de notre responsabilité, et nos choix sont limités par de sévères contraintes (épuisement des énergies fossiles, changement climatique, baisse de la biodiversité). Bref, toutes les conditions sont réunies pour qu'advienne non pas un effondrement du monde, mais un bouleversement des nations qui le composent.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Gallimard

Quels agriculteurs en 2040 dans l'Union européenne ?

Dans le cadre de sa conférence annuelle sur les perspectives agricoles de l'Union européenne, la direction générale de l'agriculture de la Commission a présenté, en décembre 2020, les résultats d'une étude prospective sur les agriculteurs européens à l'horizon 2040 (support de présentation, visioconférence en replay)

Menée avec le Joint Research Centre (JRC), elle repose sur une méthode originale, combinant des outils de la prospective (exploration des possibles, tendances structurantes) et du design (prototypes, profils). Une démarche participative (interviews, ateliers organisés dans plusieurs pays, discussions thématiques à distance) a permis d'impliquer des agriculteurs, des chercheurs, des représentants d'organisations non gouvernementales, des institutions et des organisations professionnelles agricoles, etc.

L'exercice prospectif s'est déroulé en plusieurs phases. Après avoir caractérisé douze profils types d'agriculteurs en 2020 (six actuellement dominants, et six autres plus marginaux), les auteurs ont identifié les variables motrices (sociales, technologiques, environnementales, économiques, politiques) intervenant dans l'évolution du métier. Ils ont ensuite croisé ces éléments avec quatorze tendances structurantes générales, documentées et mises à disposition par le JRC pour alimenter les analyses prospectives au niveau européen.

Le résultat est présenté dans des portraits fictifs illustrant les douze profils projetés en 2040 (figure ci-dessous). À cette échéance, l'analyse conclut à une diversité accrue des types d'agriculteurs et des modèles agricoles : certains profils, émergents en 2020, seraient nettement plus présents en 2040, comme par exemple les agriculteurs « urbain », « cellulaire » ou l’« amateur passionné » pour lequel le revenu tiré de l’agriculture n'est pas une préoccupation. À l'inverse, les agriculteurs « intégré », « intensif » ou « patrimonial » (prisonnier d'investissements passés et, dans une situation précaire, reproduisant le modèle antérieur) sont déjà bien établis en 2020 et occuperont toujours une place notable en 2040.

Cette multiplication des modèles agricoles constitue un défi pour les politiques publiques, rendant plus difficile le ciblage des instruments et des financements.

Les douze profils d'agriculteurs en 2040 identifiés par l’étude

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Source : Commission européenne, JRC

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Commission européenne, Joint Research Centre

12:40 Publié dans 1. Prospective, Agriculteurs, Exploitations agricoles, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : prospective, agriculteurs |  Imprimer | | | | |  Facebook

Prospective sur l'utilisation des antimicrobiens en aquaculture à horizon 2030

96 % des antimicrobiens les plus utilisés en aquaculture sont classés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme très importants ou d'importance critique pour la médecine humaine. Leur usage pouvant entraîner l'apparition de résistances et leur remplacement par d'autres molécules étant très limité, un article de décembre 2020 publié dans Nature projette l'évolution de leurs emplois à horizon 2030. Pour ce faire, les auteurs partent des taux d'utilisation mis en évidence dans la littérature et des perspectives de croissance de la production aquacole élaborées par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

L'aquaculture ne représentait en 2017 que 6 % des consommations d'antimicrobiens, contre 21 % en médecine humaine et 74 % pour l'élevage d'animaux terrestres. Ces proportions devraient rester stables en 2030, malgré une potentielle augmentation de 33 % des volumes d'antimicrobiens utilisés en aquaculture. En équivalent biomasse (mg/kg), l'aquaculture utiliserait toutefois à cette échéance 80 % d'antimicrobiens de plus que la médecine humaine et 18 % de plus que pour l'élevage.

Projection de la consommation annuelle d'antimicrobiens (tonnes) selon sa destination

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Source : Nature

Lecture : en gris la médecine humaine, en vert le bétail, en orange la volaille, en rose les porcins, en bleu foncé l'aquaculture. Les pointillés représentent l'intervalle de confiance pour l'aquaculture.

Consommant en 2017 près de 94 % du volume mondial d'antimicrobiens en aquaculture (58 % pour la Chine et 11 % pour l'Inde), l'Asie et le Pacifique devraient conserver cette part en 2030, alors que celle de l'Afrique augmenterait (de 2,3 à 2,6 % du volume total) et celle de l'Europe diminuerait légèrement (de 1,8 à 1,7 %). Les plus fortes croissances s'observeraient au Brésil (94 % d'augmentation), en Arabie Saoudite (77 %), en Australie (61 %), en Russie (59 %) et en Indonésie (55 %), ces pays étant susceptibles de représenter alors 11,5 % des volumes employés en 2030.

Par ailleurs, la vaccination préventive et la sélection des espèces ont montré leur efficacité pour réduire l'utilisation d'antimicrobiens dans les élevages. Dans les pays en voie de développement, acteurs majeurs de ce secteur, l'accessibilité financière des solutions est un objectif fort. Selon les auteurs, la création de structures chargées du suivi des usages permettrait de mieux identifier les risques dans un pays donné et de mettre en œuvre des mesures d'interventions ciblées.

Aurore Payen, Centre d'études et de prospective

Source : Nature

15/01/2021

Irriguer pour s'adapter au changement climatique et sécuriser la production alimentaire

60 % de la production alimentaire mondiale reposent aujourd'hui sur l'agriculture pluviale. Face au changement climatique qui modifie les régimes de précipitations et les températures, l'irrigation constitue une mesure d'adaptation efficace, si elle est utilisée de manière durable (non épuisement des ressources souterraines et de surface). Dans un article publié en novembre dans la revue PNAS, des chercheurs s'intéressent aux impacts potentiels du changement climatique sur la demande en eau d'irrigation, sa disponibilité, et quantifient la possible extension de l'irrigation, dans un scénario de référence (considérant la période 1996-2005) et dans le cas où les températures globales augmenteraient de 3°C par rapport au scénario de référence.

Leur approche comporte plusieurs étapes : i) l'identification des terres cultivées touchées par les pénuries d'eau de pluie, ii) l'estimation des besoins en eau d'irrigation et le relevé des zones de cultures pluviales à irriguer si les températures augmentaient, la cartographie iii) des régions agricoles où les eaux de surface et souterraines pourraient suffire à irriguer si des infrastructures légères étaient construites (ex. petits bassins de rétention) et iv) de celles nécessitant des infrastructures plus lourdes (ex. barrages), enfin v) l'estimation des surfaces irriguées, des volumes d'eau et du nombre de personnes qui pourraient être approvisionnées dans chaque scénario.

Les auteurs montrent que 86 % des terres cultivées (800 Mha) sont menacés par la rareté de l'eau de pluie dans le scénario de référence, et 93,5 % dans un climat 3°C plus chaud (870 Mha). Cette différence de 70 Mha nourrirait plus de 700 millions de personnes.

Cartographie des systèmes culturaux non irrigués qui seront menacés par la rareté des eaux de pluie

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Source : PNAS

Lecture : les terres cultivées menacées par la rareté de l'eau de pluie dans le scénario de référence sont en gris. Les terres cultivées additionnelles menacées par la rareté de l'eau de pluie si les températures augmentaient de 3°C sont en rouge. Les zones en vert ne sont pas menacées tandis que celles en marron sont déjà irriguées.

Dans ces conditions, le recours à des infrastructures de stockage légères permettrait d'irriguer durablement 140 Mha de plus dans le scénario de référence, mais seulement 53 Mha supplémentaires dans un climat 3°C plus chaud (figure ci-dessous). Dans ce scénario, l'usage d'infrastructures de stockage plus lourdes permettrait d'étendre les surfaces irriguées de 281 Mha, pour un approvisionnement d'un milliard de personnes en plus. Selon les auteurs, les zones à fort potentiel pour étendre les surfaces irriguées se situent en Europe de l'Est, en Asie centrale, en Afrique sub-saharienne et en Amérique latine.

Potentiel d'expansion durable des surfaces irriguées au niveau mondial, consommation d'eau supplémentaire et nombre de personnes nourries, selon les conditions climatiques et les types d'irrigation

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Source : PNAS

Lecture : le potentiel apporté par l'usage d'infrastructures légères est en rose foncé. Le potentiel apporté par l'usage d'infrastructures légères et un déficit d'irrigation de 20 % est en rose clair. Le potentiel apporté par l'usage d'infrastructures lourdes figure en bleu.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : PNAS

12:50 Publié dans Agronomie, Environnement | Lien permanent | Tags : eau, irrigation, pratiques agricoles, changement climatique |  Imprimer | | | | |  Facebook

La modernisation des systèmes d'irrigation en France : quelles économies d'eau possibles à l’échelle de la parcelle ?

Le dernier numéro de la revue Sciences Eaux & Territoires restitue le contenu d'un colloque sur les économies d'eau en irrigation, coorganisé les 13 et 14 novembre 2019 par l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea), Montpellier SupAgro et l’Association française pour l’eau, l’irrigation et le drainage (AFEID). Dans le cadre d’ateliers, des acteurs de la gestion de l'eau ont échangé sur les enjeux techniques et scientifiques.

Plusieurs voies permettent d'améliorer la gestion de l'irrigation : choix de l'heure, irrigation déficitaire régulée, ajustement des fréquences et quantités selon une stratégie optimisée par des modèles, etc. Dans ce cadre, l'une des études présentées visait à évaluer les économies d'eau selon les systèmes d'irrigation utilisés (par aspersion vs localisé) et les modes de pilotage (sans et avec sondes d’état hydrique du sol). L'irrigation localisée comprend les goutte-à-goutte de surface et enterrés, ainsi que la micro-aspersion. Pour établir leur comparaison au sein de contextes similaires (même année, même sol, même culture), les auteurs ont analysé les données de soixante-dix études réalisées en France métropolitaine au cours des trois dernières décennies.

Les résultats confirment l'efficacité des systèmes d'irrigation localisée et de l'utilisation des sondes d’état hydrique du sol (figure ci-dessous). Mais, pour les premiers, les économies d'eau doivent être relativisées en fonction du déficit hydrique de la saison culturale, alors que celles dues à l'utilisation des sondes sont, elles, indépendantes des conditions climatiques. Plus précisément, en conditions de déficit hydrique faible (années pluvieuses), le système localisé permet une meilleure régulation de l'apport d'eau en fonction des pluies. À l'inverse, lors d'années sèches, toute l'eau d'irrigation apportée de manière localisée contribue à la reconstitution des réserves hydriques du sol, réduisant ainsi les économies d'eau observées par rapport à un système d'irrigation par aspersion. Enfin, les auteurs identifient des améliorations des pratiques, comme par exemple réduire ou supprimer le ou les derniers apports afin d'éviter un stockage excessif d'eau d'irrigation dans le sol.

Économies d'eau (EE-SI) selon les systèmes d’irrigation (par aspersion ou localisé), en fonction du déficit hydrique de la saison culturale

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Source : Revue Sciences Eaux & Territoires

Lecture : l'économie d'eau (EE en %) obtenue en utilisant un système d'irrigation localisé (GGS pour goutte-à-goutte de surface, GGE pour goutte-à-goutte enterré, MA pour micro-aspersion), par rapport à un système par aspersion, est mesurée par [(Irr1 - Irr2) / Irr1] x 100], où Irr1 (mm) et Irr2 (mm) sont les quantités totales d'eau d'irrigation appliquées pendant la saison culturale avec les systèmes localisés et les systèmes par aspersion. Expon. sont les courbes exponentielles pour chaque type de culture.

Jérôme Lerbourg, Centre d'études et de prospective

Source : Sciences Eaux & Territoires

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Le changement climatique impacte le potentiel d'atténuation des forêts françaises

Des chercheurs d'INRAE, de la Chaire d'économie du climat et de l'Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) ont publié les résultats d'une étude évaluant le potentiel des forêts françaises pour atténuer le changement climatique et approvisionner l'industrie du bois. Elle s'inscrit dans la continuité de travaux menés dans d'autres pays européens, et combine plusieurs modèles : ceux-ci permettent de considérer à la fois les impacts biophysiques et économiques des évolutions climatiques sur les ressources forestières, et les effets des dynamiques d'usage des sols et des décisions en matière de gestion des peuplements. Ces dernières dépendent de la croissance et de la mortalité attendues des arbres, mais aussi du prix des produits bois. Pour évaluer ces impacts, les chercheurs se sont appuyés sur une modélisation spatialisée du secteur forestier, intégrant des décisions endogènes de gestion des ressources, couplée à un modèle d'approvisionnement agricole et à un modèle économétrique d'usage des sols. Ils ont également utilisé un modèle statistique évaluant les effets du changement climatique, calibré sur les données de l'inventaire national des forêts.

Les résultats de l'étude sont de plusieurs ordres. En termes biophysiques, ils montrent l'impact important du changement climatique sur la mortalité des arbres, multipliée par 1,83 en moyenne, et par 2,38 d'ici à 2060-2080. Cet impact s'ajoute à l'effet sur les variations de croissance, négatives dans la plupart des régions françaises (figure ci-dessous) : le temps de passage des arbres d'un diamètre au diamètre supérieur est multiplié par 1,07 en moyenne sur l'ensemble de la période. Combinés aux décisions de coupes et de ventes de bois des gestionnaires visant à maximiser leurs profits sous ces nouvelles conditions, ces effets feraient perdre aux forêts 30 % de leur potentiel d'atténuation entre 2015 et 2100. Au plan économique, l'impact d'un contexte international favorable sur les prix serait positif, compensant, au moins dans un premier temps, les pertes pour le secteur liées à la surmortalité.

Impacts du changement climatique sur la mortalité et la croissance des arbres en France

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Source : Journal of Forest Economics

Lecture : la première ligne de cartes concerne les feuillus, la deuxième les conifères. La couleur des régions reflète l'évolution des taux de croissance (une couleur rouge signifiant une diminution de la croissance des arbres). La couleur des cercles représente l'évolution de la mortalité des arbres (une couleur rouge indiquant une augmentation de la mortalité). La taille des cercles indique la probabilité de présence des feuillus et des conifères en fonction de l'évolution du climat.

Si les volumes forestiers totaux devraient continuer à augmenter au cours des prochaines décennies, les conséquences du changement climatique sur la mortalité et la croissance des arbres, ainsi que les effets liés à l'augmentation de la concurrence avec le secteur agricole pour les terres, devraient amener ces volumes à un pic à la fin du siècle, puis à un déclin au cours du siècle prochain.

Évolution des volumes forestiers (a) et de l'équilibre de carbone généré par les forêts, les produits bois et l'effet de substitution (b)

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Source : Journal of Forest Economics

Lecture : à gauche, les courbes représentent les volumes forestiers totaux (courbe pleine), de feuillus et de conifères (courbes en pointillés). À droite, l'aire verte correspond au stock de carbone des peuplements de forêts, l'aire violette à celui des produits bois, et l'aire bleue à l'effet de substitution (par exemple la substitution des produits issus de la biomasse forestière aux énergies fossiles).

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Journal of Forest Economics

12:32 Publié dans Environnement, Forêts Bois | Lien permanent | Tags : changement climatique, atténuation, bois |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/01/2021

Migration, Agriculture and Rural Development, Michele Nori, Domenica Farinella

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La plupart des études sur la main-d’œuvre agricole issue des migrations internationales portent sur les grandes cultures et territoires à haut potentiel agronomique. À l'inverse, l’ouvrage de Michele Nori et Domenica Farinella analyse les effets de la présence immigrée sur les systèmes agricoles de moindre intensité, localisés dans des territoires isolés ou en déclin, dans trois pays méditerranéens (Espagne, Grèce, Italie). La thèse centrale, élaborée dans le cadre d’une recherche en cours sur l’agropastoralisme (PASTRES), est que l’emploi de ces salariés venus d’ailleurs participe au maintien des activités dans ces territoires et à la reproduction des sociétés rurales.

L’ouvrage revient dans un premier temps sur les mutations des agricultures européennes au cours des dernières décennies. La reconfiguration des chaînes de valeur agricoles et agroalimentaires a favorisé un partage inégal de la valeur entre les agriculteurs, les industriels et la grande distribution. De plus, la valorisation par la PAC des territoires à haut potentiel agricole a contribué à la marginalisation de ceux moins dotés (massifs montagneux, îles et régions isolées). Dans un second temps, les auteurs montrent que la présence d’immigrés originaires d’Europe de l’Est, du Maghreb et d’Afrique sub-saharienne, dans ces zones rurales, est un facteur de revitalisation des sociétés locales, contribuant au maintien de l’activité et de l’identité des territoires.

Ce rôle des immigrés est patent dans les activités agropastorales, comme le montre la dernière partie de l’ouvrage. Dans les Alpes et Apennins, deux tiers des salariés officiellement enregistrés sont immigrés tandis que c’est le cas de neuf bergers sur dix dans les Abruzzes italiennes. Du fait de leur socialisation en milieu rural, la plupart d’entre eux ont à leur actif une expérience de l'élevage et de la production animale.

La présence des immigrés dans les régions agropastorales d'Italie

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Source : Springer Open

Deux résultats du chapitre final retiennent particulièrement l’attention. Dans ces territoires d’agropastoralisme, le renouvellement générationnel de la main-d’œuvre s’opère au travers d’un changement d’origine des populations. La stabilisation des immigrés dans ces emplois est pourtant rare : leur accès difficile à la terre et aux facilités bancaires les oriente vers d’autres secteurs du marché du travail, alors même que les exploitants locaux peinent à trouver un repreneur lorsqu’ils cessent leur activité.

Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective

Lien : Springer Open

12:45 Publié dans Agriculteurs, Territoires | Lien permanent | Tags : agropastoralisme, migrations, migrants, emploi, territoires, méditerranée |  Imprimer | | | | |  Facebook

Steven L. Kaplan, Pour le pain, Fayard, 2020, 366 pages

pain,consommation,alimentation,changement social

Ancien professeur à Cornell University (État de New York), ainsi que dans plusieurs universités françaises, Steven Kaplan est tombé amoureux de notre pays en mâchant sa première bouchée de pain, un jour de 1962 au jardin du Luxembourg. Depuis, il n'a cessé de consacrer ses recherches au bricheton, au lingot ou à la baguette, adoptant toujours une large perspective économique et sociale héritée de l'école des Annales : Bread, Politics and Political Economy, 1976 ; Le pain, le peuple et le roi, 1986 ; Le meilleur pain du monde, 1996 ; Le pain maudit, 2008 ; Raisonner sur les blés, 2017 (voir à ce sujet une brève). Dans ce nouvel ouvrage, il étudie la baisse continue de la consommation de pain, les actions entreprises pour l'enrayer, les stratégies des principaux acteurs concernés et les évolutions plus profondes de la culture panaire nationale. De façon plus personnelle, voire militante, Kaplan s'inquiète de la situation actuelle, appelle à la résistance et entreprend de défendre la cause du pain et des céréales, des meuniers et des boulangers.

L'auteur ne détaille pas une thèse centrale, mais il nous convie à une enquête vivante, diversifiée, nuancée, au fil de dix-neuf chapitres thématiques mobilisant les résultats d'études qualitatives et quantitatives. Certains chapitres traitent de la culture du pain, de la dégustation, des aspects sanitaires, des acteurs de la filière, de la boutique ou des questions de formation professionnelle. D'autres sont consacrés au désamour des consommateurs, à l'image malmenée des produits, aux attentes de naturalité, aux anciennes variétés de blé, mais aussi au levain et aux débats publics sur le gluten, aux nouvelles façons de commémorer ou de muséifier. Des pages très intéressantes sont centrées sur la « contre-filière » des « paysans-boulangers ».

De ces nombreux coups de projecteur, il ressort que nous n’avons pas seulement affaire à une moindre appétence des nouvelles générations, à une baisse des achats ou à une crise passagère, mais plutôt à une mutation structurelle du modèle alimentaire français, à une transformation profonde des saveurs et des repas, et à une place toujours plus réduite accordée au pain, concurrencé par des ingrédients et des plats jugés plus modernes et pratiques, plus sains et goûteux. Après avoir été au cœur de la ration des populations, le pain est devenu un produit d’accompagnement, une possibilité mais plus une obligation, et malgré le combat mené par Kaplan, « ni décliniste, ni réactionnaire nostalgique d’un quelconque âge d’or », sa consommation continuera à baisser dans les prochaines années.

Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective

Lien : Éditions Fayard

12:30 Publié dans Alimentation et consommation, Société | Lien permanent | Tags : pain, consommation, alimentation, changement social |  Imprimer | | | | |  Facebook

Analyse de Terra Nova sur les applications de notation alimentaire

Le 16 décembre 2020, le think tank Terra Nova a publié un rapport consacré aux applications de notation alimentaire, outils récents qui connaissent une augmentation continue du nombre de leurs utilisateurs. La préoccupation forte pour la qualité de l'alimentation (aspects nutritionnels, sanitaires et plus récemment environnementaux) se traduit par de nouveaux besoins des mangeurs auxquels répondent, notamment, les applications de notation.

Si les premiers outils (ex. BuyOrNot) se positionnaient face aux acteurs agroalimentaires, les propositions se sont depuis multipliées, portées par des structures variées (collectifs de citoyens, industriels de l'agroalimentaire, associations de consommateurs, etc.). OpenFoodFacts (dont les données servent elles-mêmes à une centaine d'autres applications) et Yuka sont les plus utilisées, et les auteurs relèvent que ce type d'outils s'adresse préférentiellement à une partie de la population (plus de 35 ans, de catégorie socio-professionnelle élevée, habitant en Île-de-France).

Du fait de l'offre importante d'applications, leur différenciation est nécessaire et passe actuellement par une plus grande personnalisation des services : critères de choix des consommateurs, suivi de régimes alimentaires spécifiques (en particulier liés à des problèmes de santé ou à des confessions religieuses). Cette personnalisation nécessite une évaluation plus complexe (finesse et fiabilité) des habitudes alimentaires et des contributions plus exigeantes de l'utilisateur (données très détaillées à renseigner, mises à jours régulières). De manière générale, l'auteure souligne les questions liées à l'utilisation d'informations personnelles. Elle met aussi en avant la variabilité des méthodes de notation et les différences importantes des niveaux de preuves scientifiques selon les types de données utilisées (ex. données nutritionnelles vs celles sur les additifs et conservateurs).

Complétant l'analyse par des éléments sur les démarches publiques et celles engagées par les industriels, le rapport aboutit à plusieurs propositions. Y figure notamment le renforcement des efforts de recherche afin que les applications de notation s'appuient sur des données robustes et des niveaux de preuves élevés. Il invite aussi à renforcer la régulation de ces outils et à garantir la transparence des modèles économiques et de la gestion des informations personnelles.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : Terra Nova

AKADEMIYA2063

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Depuis son lancement, le 1er juillet 2020, l'organisation à but non lucratif AKADEMIYA2063 fournit analyses et données sur l'agriculture des pays de l'Union africaine, et facilite les échanges de connaissances entre eux. En 2015, l’Union africaine s’est dotée d’un plan de développement à accomplir à l’échéance 2063. La première des sept « aspirations » du plan, « une Afrique prospère fondée sur la croissance inclusive et le développement durable », vise notamment au développement des secteurs agricole et agroalimentaire. Pour favoriser la mise en œuvre des politiques et des stratégies relevant de ce périmètre, les programmes précédemment portés par l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), dans le cadre de son soutien au Programme détaillé de développement de l’agriculture en Afrique (PDDAA), ont été transférés à AKADEMIYA2063, basée à Kigali (Rwanda).

AKADEMIYA2063 accueille ainsi le Système régional d’analyse stratégique et de gestion des connaissances (ReSAKSS). Il publie chaque année l'Annual Trends and Outlook Report (ATOR), qui contient des analyses sur des sujets stratégiques et recense les indicateurs du PDDAA (voir à ce sujet un autre billet). AKADEMIYA2063 gère aussi le Consortium de modélisation des politiques pour la croissance et le développement en Afrique (AGRODEP), qui favorise l’implication et la visibilité d'experts africains sur les questions de développement et de croissance agricole. Enfin, AKADEMIYA2063 appuie le Panel Malabo Montpellier (Panel MaMo), qui regroupe des scientifiques européens et africains actifs dans les domaines de l’agriculture, de l’écologie, de la nutrition, des politiques publiques et du développement. Il identifie les caractéristiques des pays les plus performants et évalue leurs réalisations en vue de leur transposition dans d’autres pays. Ces analyses alimentent les discussions d’un forum semestriel regroupant des décideurs politiques africains.

En conjuguant ces trois programmes, AKADEMIYA2063 soutient le dialogue politique entre les pays du continent et favorise l’élaboration de politiques agricoles nationales s'inscrivant dans le cadre commun défini par le PDAAA.

Amandine Hourt, Centre d'études et de prospective

Source : AKADEMIYA2063