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15/05/2020

L’utilisation des données issues du secteur privé pour analyser la consommation alimentaire lors de la crise du Covid-19

La pandémie, et les mesures de confinement ou de restriction qui s’ensuivirent, ont eu des effets notables sur le comportement alimentaire des ménages : pics de consommation pour constituer des réserves, achats privilégiés de certains produits, fermeture des restaurants, etc. Dans un document de travail récent, une équipe de chercheurs suédois analyse ces variations en combinant trois sources de données issues du secteur privé : informations diffusées par les médias (base Meltwater) ; ventes alimentaires de la coopérative Coop Sweden (3,5 millions de membres, 650 points de vente dans le pays), avec des détails sur les produits, la date, le lieu et le canal de vente ; données de géolocalisation de Telia, premier opérateur de téléphonie mobile suédois. Pour distinguer les effets de la crise, les chercheurs ont comparé les données de 2020 avec celles de 2019 (premier trimestre).

Les observations ainsi combinées (figure ci-dessous) témoignent d’une hausse sensible du volume d’informations médiatiques sur le Covid-19 à partir du 25 février (risque d’importation du virus via les voyages, etc.), avec une accélération à partir du 10 mars (le virus circule désormais sur le territoire national). Les ventes alimentaires, stables jusqu’au 10 mars, connaissent un pic de + 74 % à Stockholm et de + 49 % en dehors de la ville entre le 11 et le 17 mars, avant de redescendre à des valeurs plus habituelles. Par ailleurs, immédiatement après la recommandation faite aux personnes âgées d'éviter les contacts sociaux, on note à partir de mi-mars une baisse nettement plus marquée des visites de magasins alimentaires, à Stockholm, pour les individus de plus de 66 ans. La mobilité diminue également fortement dans la capitale (- 80% environ fin mars), malgré l’absence de confinement. Ces données seront régulièrement mises à jour et serviront de base pour une analyse approfondie.

Volume d’informations sur le Covid-19 dans les médias et comportements de la population au premier trimestre 2020 à Stockholm

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Source : Stockholm School of Economics

Lecture : pour l'axe des ordonnées à gauche, l’unité utilisée est le nombre de mentions journalières du Covid-19 dans les sources d’informations. Pour les autres variables de la figure, les données présentées sont des ratios entre les données 2020 et 2019. Par exemple, une valeur de 1,2 pour les ventes alimentaires signifie une hausse de 20 % des ventes alimentaires journalières en 2020 par rapport à celles observées le même jour en 2019.

Portant sur l'ensemble du panier de biens, aux États-Unis, un autre document de travail récent a été publié par une équipe américano-danoise. Elle a utilisé plusieurs sources : les données bancaires de particuliers fournies par une organisation fintech, à but non lucratif, d'aide à l'épargne (4 735 utilisateurs ; août 2016 - mars 2020) ; les résultats de sondages téléphoniques Gallup sur les préférences politiques ; un scoreboard sur l’efficacité de la distanciation sociale. Les résultats montrent de larges variations de dépenses moyennes des ménages (en dollars/jour) et mettent en évidence des liens intéressants avec les facteurs démographiques, les mesures de confinement, les préférences électorales (figure ci-dessous), etc.

Dépenses des ménages en réponse à la crise du Covid-19 aux États-Unis, en fonction des préférences politiques

Conso2.jpg

Source : NBER

Lecture : dépenses moyennes des ménages, en dollars/jour. Les couleurs des courbes correspondent aux préférences politiques prédominantes : en bleu démocrates, en gris indépendants, en rouge républicains.

Julien Hardelin, Centre d’études et de prospective

Sources : Stockholm School of Economics, NBER

11:06 Publié dans Alimentation et consommation | Lien permanent | Tags : covid-19, suède, etats-unis, consommation |  Imprimer | | | | |  Facebook

Les métiers de l'agriculture et de l'alimentation « sur le front du Covid-19 »

France Stratégie a publié récemment une analyse de la vulnérabilité des métiers face à la pandémie, dans laquelle les métiers liés à l'agriculture et aux industries agroalimentaires sont majoritairement classés comme étant « sur le front du Covid-19 ». Les auteurs ont croisé des données issues notamment de la comptabilité nationale et des enquêtes Emploi et Conditions de travail de l'Insee. Ils ont alors défini trois indicateurs de vulnérabilité des travailleurs : économique, de conditions de vie et de conditions de travail. Ils ont ensuite croisé les scores obtenus pour chaque métier, défini d'après les familles professionnelles de la Dares (ministère du Travail), et en analysant l'évolution au regard de la crise actuelle, ils ont identifié cinq grandes catégories de métiers.

Cinq catégories de métiers déterminées en fonction de leurs vulnérabilités

FranceStrategie.jpg

Source : France Stratégie

Lecture : pour chaque groupe de métiers, le rapport entre le rayon du disque de couleur et celui du cercle noir correspond au rapport entre son score pour la variable considérée et la valeur moyenne de la variable pour l'ensemble de la population en emploi. Par exemple, le salaire médian des cadres « hyperconnectés » est égal à 1,7 fois le salaire médian de la population en emploi.

Les agriculteurs, les maraîchers et certains métiers de bouche (boulangers, bouchers, etc.) sont très sollicités pour répondre aux besoins de première nécessité. S'ils sont moins au contact du public (à l'exception des commerces alimentaires de détail), ils sont vulnérables économiquement (revenus moyens inférieurs au revenu médian). En outre, la difficulté à recourir à de la main-d’œuvre saisonnière, en raison de la crise, accroît la pénibilité du travail à réaliser (volume, contraintes physiques), souvent dans des temps limités.

Les marins, pêcheurs et aquaculteurs, les ouvriers des industries agroalimentaire et du bois, « vulnérables de toujours », voient leur situation s'aggraver dans le contexte actuel. Leur vulnérabilité économique se double d'une vulnérabilité physique (horaires atypiques, rythmes de travail intenses, angoisse de perdre son emploi) et sociale (fort taux de familles monoparentales parmi les métiers les plus féminisés sur les chaînes de production, conditions de vie plus difficiles que la moyenne).

Enfin, les métiers de la restauration, en particulier les cuisiniers, sont durement touchés actuellement (« métiers nouvellement vulnérables »), alors qu'ils avaient été relativement préservés lors de la crise financière de 2008. Ces métiers risquent de pâtir de la crise même après la fin du confinement, sachant que, par ailleurs, ils sont également plus exposés que la moyenne aux risques physiques.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : France Stratégie

11:02 Publié dans Travail et emploi | Lien permanent | Tags : covid-19, france stratégie, travail, emplois, vulnérabilité |  Imprimer | | | | |  Facebook

Numéro spécial du Canadian Journal of Agricultural Economics sur le Covid-19

Le Canadian Journal of Agricultural Economics (ou Revue canadienne d'agroéconomie) consacre un numéro spécial aux défis de la crise du Covid-19 pour l'agriculture et l'alimentation en Amérique du Nord, et plus particulièrement au Canada. Il comprend 18 articles portant sur différents aspects : filières agroalimentaires, échanges commerciaux, gestion des risques, marchés à terme, chaînes d'approvisionnement, travail, etc. Rédigées par des spécialistes des domaines considérés, ces contributions offrent un diagnostic économique fondé sur l'analyse de données, en considérant les impacts de la pandémie à plusieurs échéances temporelles (jours, semaines, mois, années à venir).

Parmi les messages saillants, ressort le fait qu’à court terme la disponibilité en produits alimentaires est assurée, bien que les difficultés de la chaîne d’approvisionnement altèrent le fonctionnement des marchés. À plus long terme, les effets de possibles baisses de revenus des ménages, liées à la crise économique, devront être surveillés, en particulier sous l’angle des inégalités. Les contributions soulignent également les impacts hétérogènes du Covid-19 selon les filières considérées : substantiels pour les fruits et légumes, dans l'immédiat (désorganisation de l'approvisionnement liée à la fermeture des magasins et restaurants) et à un pas de temps plus lointain (incertitudes sur les importations) ; potentiellement plus limités pour les céréales et oléoprotéagineux. L’analyse des marchés à terme, qui reflète les croyances en l’avenir des acteurs économiques, montre cependant un accroissement de la volatilité sur ces marchés, lié à des anticipations sur les volumes produits et sur les stocks (cf. figure ci-dessous).

Au total, quatre préoccupations dominantes pour le système alimentaire canadien émergent de ce numéro spécial : « la disponibilité de la force de travail ; la fermeture des frontières ; la baisse des revenus des ménages ; l’aggravation de l’insécurité alimentaire dans certaines catégories de la population ». Les auteurs soulignent l'intérêt, dans le contexte actuel de surcharge d’informations de qualité variable, de disposer d'analyses solides pour discerner les défis et élaborer des réponses politiques pertinentes. À ce stade, selon eux, la résistance du système alimentaire canadien paraît plus confirmée que remise en cause.

Volatilité des options d’achats sur le Chicago Mercantile Exchange (CME) pour les marchés futurs du blé tendre rouge d’hiver

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Source : Canadian Journal of Agricultural Economics

Julien Hardelin, Centre d’études et de prospective

Source : Canadian Journal of Agricultural Economics

14/05/2020

« Les visages de la pandémie » : dossier de La vie des idées

Depuis le 12 mars 2020, le site La vie des idées explore les différentes facettes des phénomènes épidémiques grâce à un ensemble de textes, régulièrement enrichi, combinant essais, entretiens et recensions d'ouvrages. Parmi ces contributions éclairantes, notamment sur la pandémie actuelle, plusieurs textes traitent des relations entre humains et animaux. Rappelant que « la vie fonctionne en réseaux, en interrelations » (symbioses, parasitismes, etc.), F. Moutou présente, de façon synthétique, trois voies de transmission des zoonoses : par contact et voisinage (ex. : rougeole), par voie orale et l'alimentation (ex. : ESB), via les vecteurs hémophages (ex. : fièvre jaune). De leur côté, F. et A. Laugrand portent un regard anthropologique sur les chauves-souris, à partir de recherches menées aux Philippines. Ils soulignent comment la proximité avec ces animaux conditionne leur perception et joue sur la sensibilité humaine aux pathogènes dont ils peuvent être des réservoirs. M. Quet, quant à lui, s'intéresse au pangolin, « pris au piège de la marchandisation de la nature » et exposé, pour des usages alimentaires et médicaux, à diverses menaces (braconnage, dégradation de son habitat, etc.).

D'autres contributions apportent des éclairages sur les conséquences de la pandémie pour les populations. La première dresse un portrait de Wuhan, ville mondialisée, et « relate les expériences de confinement racontées par ses habitants ordinaires » : réorganisation de la vie quotidienne, prépondérance du numérique, par exemple pour les courses alimentaires, etc. La deuxième est consacrée à l'Inde et en particulier aux implications du confinement pour l'alimentation des plus défavorisés. Les auteurs rappellent que la part du budget consacrée à la nourriture est, en moyenne, de 43 % pour les ménages urbains, contre 53 % pour les ménages ruraux (et 61 % pour les 5 % les plus pauvres). La crise a alors deux conséquences : une perte de sources de revenus (souvent basées sur des emplois informels) ; un risque d'interruption de la chaîne alimentaire (difficultés d'ouvertures de magasins, de mobilité des travailleurs agricoles, etc.).

Pour finir, on peut signaler plusieurs recensions d'ouvrages : La grande grippe de 1918 (F. Vinet), Un monde grippé (F. Keck), Tempêtes microbiennes (P. Zylberman), etc.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : La vie des idées

L'impact potentiel de l'épidémie de Covid-19 sur la sécurité alimentaire des pays arabes

La Commission économique et sociale des Nations unies pour l'Asie de l'Ouest (UNESCWA) a publié une note sur les conséquences possibles de l'épidémie de Covid-19 sur la situation économique et l'alimentation des populations dans 18 pays arabes de cette région. Plus de 50 % des calories consommées dans la région étant importés, ces pays sont dépendants du commerce international, en particulier pour les produits de base (le blé et le riz représentent à eux seuls 11 milliards de dollars de déficit commercial) et les aliments riches en protéines. La note souligne plus particulièrement les risques liés aux perturbations des approvisionnements mondiaux (production, transport et distribution, stockage par les pays producteurs, etc.). Alors même qu'une part significative de la population de près d'un tiers des pays de la région connaît déjà des situations de stress ou de crise (voir à ce sujet une autre brève sur ce blog), ces perturbations pourraient faire basculer près de 2 millions de personnes supplémentaires dans l'insécurité alimentaire, s'ajoutant aux 50 millions d'individus actuellement sous-nourris. La Commission préconise la mise en œuvre de politiques nationales et régionales capables de protéger les plus vulnérables.

Source : UNESCWA

10:51 Publié dans Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : unescwa, asie de l'ouest, covid-19, insécurité alimentaire |  Imprimer | | | | |  Facebook

Coronavirus : divers regards sur la crise proposés par Terra Nova

Initiée le 23 mars 2020 par le think tank Terra Nova, cette série de contributions propose des « réflexions, témoignages et questionnements suscités par la pandémie de Covid-19 et ses multiples conséquences ». Parmi la quarantaine de contributions disponibles début mai, T. Pech rappelle les liens étroits entre urgences sanitaire et écologique : le développement des infections zoonotiques est en effet, selon lui, associé au déclin de la biodiversité et à l'augmentation des interactions entre animaux sauvages et domestiques, notamment du fait de l'expansion de l'agriculture et de l'élevage. Dans son texte publié le 10 avril, L. Dablanc revient sur la logistique en temps de crise. Toujours stratégique pour les villes, cette activité est devenue plus visible et prioritaire. Des éclairages sont donnés, grâce à un « Baromètre de la logistique urbaine en confinement », sur les aspects alimentaires (e-commerce, livraisons de repas). Pour finir, mentionnons l'analyse de L. Chabason sur la gouvernance mondiale pour mieux lutter contre les pandémies zoonotiques.

Source : Terra Nova

13/05/2020

Actualités du Covid

Pour compléter les billets et brèves publiés en mai 2020 sur le thème de la pandémie de Covid-19, voici quelques autres publications récentes.

Début avril 2020, la FAO a publié un rapport identifiant les chaînes de transmission des impacts de la crise dans les secteurs agricole et alimentaire. Du fait des données disponibles, cette analyse empirique porte, pour l'essentiel, sur la production primaire, le commerce et la consommation finale. Les auteurs proposent un classement des pays selon leur exposition au choc. Dans un rapport d'avril, l'Australian Bureau of Agricultural and Resource Economics and Science (ABARES) détaille les conséquences, pour le commerce des secteurs australiens agricole, forestier et de la pêche : dans un premier temps, des exportations difficiles vers la Chine pour les produits les plus exposés (restauration hors foyer, produits du bois) ; ensuite, une interruption des chaînes logistiques et d'approvisionnement, et un manque de disponibilité de la main-d’œuvre, notamment immigrée (horticulture et productions intensives). Toutefois, ce sont bien les conditions saisonnières, et tout particulièrement les sécheresses des trois dernières années, qui conditionnent le plus l'avenir de ces secteurs. Dans un article de son Economic Bulletin, la Banque d'Espagne propose des scénarios de référence pour l'économie espagnole post-Covid-19. Deux méthodes sont utilisées, la première évaluant les pertes par secteurs suite aux mesures de confinement, la deuxième simulant les principales chaînes de transmission des effets économiques de la pandémie.

En France, le Haut conseil pour le climat (HCC) a rendu public, toujours en avril, un rapport spécial intitulé Climat, santé : mieux prévenir, mieux guérir. Le HCC y tire les enseignements des crises sanitaires et environnementales, puis envisage diverses pistes « pour la suite ». Concernant les zoonoses, un Décryptage de l'Iddri s'intéresse aux options de régulation des rapports entre humains et faune sauvage. Les auteurs identifient quatre entrées clés, requérant des réponses institutionnelles adaptées.

Parmi les diverses publications envisageant les conséquences alimentaires de la pandémie, un article paru dans l'European Journal of Clinical Nutrition adopte une entrée nutritionnelle et propose un cadre d'action à plusieurs niveaux : individuel (ex. : pratiques alimentaires), « communautaire » (ex. : accessibilité de l'alimentation), national (ex. : politiques agricoles et alimentaires, communication), global (ex. : accords commerciaux, normes alimentaires). Dans un autre article, paru dans Environment, Development and Sustainability, sont présentés les résultats d'une enquête en ligne conduite, en Tunisie, pendant les deux premières semaines de confinement et portant sur les évolutions consécutives des pratiques alimentaires et du gaspillage. Des changements allant dans le sens des recommandations internationales en la matière (FAO) sont déclarés, induits plus par les difficultés contextuelles (affectant les disponibilités alimentaires, les déplacements des personnes, les sources de revenus) que par des considérations environnementales. Par ailleurs, un rapport d'Euromonitor International envisage les conséquences de la crise sur les produits emballés (consommation au foyer, grignotage, produits laitiers).

Enfin, signalons les éclairages divers proposés par la Mission Agrobiosciences-INRAE dans le numéro 7 de sa revue Sésame ainsi que les autres articles proposés en ligne sur le thème du Coronavirus.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

10:44 | Lien permanent | Tags : covid-19 |  Imprimer | | | | |  Facebook

Des prix de détail peu sensibles aux chocs de demande

Le lien entre prix et variations de la demande est un sujet ancien et majeur en économie. Considérant des produits de première nécessité (denrées alimentaires, produits d'hygiène et ménagers), deux chercheurs de la Réserve fédérale (Fed - Banque centrale américaine) ont étudié les réponses des prix au détail, dans les supermarchés, à des chocs de demande dus à des événements imprévus. Le choix d'épisodes externes et conjoncturels leur a permis d'isoler l'effet de ces chocs par rapport à des équilibres de long terme.

Ils ont sélectionné trois types d’événements affectant uniquement la demande des consommateurs, sans perturber le reste des chaînes d'approvisionnement :

- deux épisodes de grèves touchant des enseignes de supermarchés en 2003, à la suite desquels les acheteurs se sont redistribués entre les détaillants ;

- les déplacements majeurs de populations en Louisiane causés par l'ouragan Katrina, se traduisant par une hausse massive de la demande dans les zones les plus épargnées ;

- les tempêtes de neige de 2009 et 2010 qui ont stimulé certains achats par anticipation.

Les données du panel distributeurs IRI, couvrant l'ensemble des États-Unis entre 2001 et 2011, ont permis aux auteurs d'analyser les variations locales des prix et volumes par rapport à un régime habituel.

Fluctuation des indices de volume et des prix autour du choc de demande (exemple des grèves)

Prix.jpg

Source : Journal of the European Economic Association

Les résultats sont similaires pour les différentes catégories de produits étudiés, dont particulièrement les denrées alimentaires. Tout d’abord, les observations hebdomadaires montrent qu’en dehors de ces chocs, les prix sont régulièrement ajustés et leurs variations se répercutent, pour 80 % d’entre elles, sur les magasins d'une même chaîne, laissant la place à des adaptations locales. Par ailleurs, face aux chocs locaux de demande, les prix n'augmentent que marginalement. Ainsi, les réallocations de clientèle consécutives aux grèves n'ont entraîné que des fluctuations très modérées (voir figure), avec une faible élasticité des prix (0,07). L’analyse des effets des déplacements de population après l'ouragan Katrina met en évidence des résultats similaires (élasticité de 0,03). Enfin, les ruées sur les magasins à l'annonce des tempêtes de neige, en prévision de l'isolement et d'un accroissement des repas pris à domicile, n'ont eu aucun effet inflationniste. Pour les auteurs, une des explications de cette rigidité des prix serait le coût de gestion de leur changement, trop élevé pour des réponses locales.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : Journal of the European Economic Association

Les marchés agroalimentaires des sous-régions d'Asie : un modèle voué à l'échec ?

L'International Food Policy Research Institute (IFPRI) a publié, en avril, un document de discussion sur les freins à la mise en place d'accords régionaux de commerce de produits agroalimentaires dans trois sous-régions d'Asie, regroupant 17 pays (Asie centrale, Asie du Sud, Asie du Sud-Est). Les auteurs étudient deux périodes (1998-2002 et 2013-2017), au cours desquelles ils observent que ces pays ont peu échangé de produits agroalimentaires entre voisins.

En analysant les données d'échanges et un indice de complémentarité entre partenaires commerciaux, ils montrent que les petits pays arrivent à développer des niveaux de complémentarité commerciale plus élevés, par des accords bilatéraux avec un ou deux grands pays voisins, que par un accord régional avec plusieurs pays de leur taille dans la même sous-région. Par ailleurs, les auteurs remarquent que les exportations et les importations sont concentrées, pour chaque pays, sur une dizaine de produits. Or, les marchés principaux pour ces produits ne se trouvent pas à l'échelle sous-régionale : ce qu'un pays exporte n'est pas nécessairement ce qu'un autre pays de la même sous-région cherche à importer. Il y a donc une incompatibilité entre offre et demande, qui pénalise surtout les petits pays. Par exemple, le Bangladesh exporte ses produits agroalimentaires à 43,5 % vers l'Asie mais seulement à 16,7 % vers l'Asie du Sud, sous-région dont il fait partie. Alors que 50 % de ses exportations sont des poissons et crustacés, seulement 2,2 % sont destinés à l'Asie du Sud, faute de demande.

S'agissant des grands pays, il apparaît que la taille du marché sous-régional est trop petite pour absorber les volumes qu'ils exportent ou pour leur fournir ceux qu'ils souhaitent importer. Cela les conduit à chercher des grands partenaires commerciaux en dehors de la sous-région plutôt qu'à bénéficier d'un accord de commerce régional.

Ces différentes observations permettent aux auteurs d'expliquer pourquoi les accords de commerce régionaux ne se développent pas davantage dans ces zones, malgré la volonté réelle des gouvernements de pays en développement d'Asie de réduire leur dépendance commerciale vis-à-vis de quelques grands partenaires internationaux.

Pour les 10 commodités agroalimentaires les plus exportées, parts destinées aux marchés sous-régional, asiatique et mondial

Asie.jpg

Source : IFPRI

Vincent Hébrail-Muet, Centre d'études et de prospective

Source : IFPRI

12/05/2020

Où en est le développement de la viande in vitro ?

Un dossier de Frontiers in Nutrition fait le point sur les techniques de production dans ce secteur émergent. Dans un bilan intitulé « Le mythe de la viande cultivée », S. Chriki (Isara) et J.-F. Hocquette (INRAE) relèvent que, depuis le début des années 2010, « aucune avancée majeure n'a été observée, malgré de nombreuses publications nouvelles ». La mise au point de milieux de culture ne recourant pas à des sérums animaux semble acquise, mais n'est pour le moment pas documentée. Certaines inquiétudes planent encore, comme celle d'une dégénérescence de lignée similaire à celle des cellules cancéreuses. Selon eux, les alternatives à base de protéines végétales, déjà sur le marché, pourraient même avoir rendu « obsolète » le projet de viande in vitro. Une autre contribution souligne d'ailleurs la « longue trajectoire de recherches supplémentaires » nécessaire avant d'obtenir une composition et une texture comparables à la viande traditionnelle (goût, couleur, teneur en vitamine B12, etc.).

Un article, co-signé notamment par M. Post (université de Maastricht et Mosa Meat), détaille les options techniques pour les étapes de prolifération des cellules satellites (cellules souches présentes dans les muscles), puis de différenciation de celles-ci en cellules musculaires, en vue de proposer une stratégie de production à grande échelle. Certains microsupports (microcarriers) favorisent l'adhérence des cellules plus que d'autres, en fonction de leur enrobage (ex. : protéines de matrice extracellulaire comme la fibronectine), de leur topographie (rugosité, élasticité, etc.) ou de leur caractère hydrophile. Trois options sont possibles :

- des microsupports non comestibles temporaires, comme du plastique, à enlever après la prolifération, mais avec des difficultés liées à la séparation (chimique, thermique ou mécanique) ;

- des structures non comestibles mais dégradables ;

- des polymères comestibles (additifs alimentaires classiques), imbriqués dans le produit final, avec encore des inconnues liées à l'interférence éventuelle avec le processus de différenciation.

Les auteurs privilégient cette dernière option. Ils suggèrent aussi la faisabilité d'un processus de prolifération/différenciation en une étape unique, moins perturbant pour les cellules et plus facile à industrialiser.

Représentation des étapes de préparation des cellules et des options selon la nature des microsupports

ViandeInVitro.jpg

Source : Frontiers in Nutrition

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Frontiers in Nutrition

10:27 Publié dans Enseignement et recherche | Lien permanent | Tags : viande in vitro |  Imprimer | | | | |  Facebook

Réallocation des terres cultivées, optimisation de la fertilisation et réduction des surfaces de production

L'expansion des terres cultivées, qui devrait se poursuivre avec l'accroissement de la population mondiale, menace les écosystèmes naturels. Dans un article publié dans Nature Sustainability, des chercheurs européens ont étudié s'il était possible, en optimisant l'allocation spatiale des terres et l'utilisation de fertilisants, de réduire la surface nécessaire à la production alimentaire. Ils en évaluent également les conséquences sur l'environnement.

Pour ce faire, les auteurs ont recours à un modèle d'optimisation répartissant les cultures de façon à minimiser la surface utilisée tout en maintenant les volumes de production de 2011-2015 pour chacune d'entre elles. Deux scénarios (normatifs et non pas exploratoires) sont étudiés. Le premier (maximum land sharing, MLS) repose sur une intensification maximale visant à minimiser la surface agricole nécessaire pour conserver une production constante. Le second (targeted land sharing, TLS) conduit à abandonner les cultures dans les hotspots de biodiversité et à libérer de la surface cultivée, de manière uniforme sur la surface terrestre, pour réduire les effets négatifs de l'agriculture intensive. Sont ensuite quantifiés les impacts de ces scénarios sur l'utilisation d'azote, de phosphore et d'eau d'irrigation, sur les émissions de gaz à effet de serre, le stockage du carbone et les habitats naturels.

Par rapport à la situation de référence (2011-2015), les auteurs montrent que la réallocation des cultures et l'utilisation optimale de fertilisants permettent de réduire la surface cultivée de près de 47 % dans le scénario MLS et de 38 % dans le scénario TLS (voir figure ci-dessous).

Surface cultivée en 2005 (a) et surface libérée dans les scénarios MLS (b) et TLS (c)

Surfaces1.jpg

Source : Nature Sustainability

Ces réductions de surface cultivée, combinées à une utilisation optimale des intrants, auraient aussi des conséquences sur l'environnement. Dans le scénario MLS, l'application d'azote et de phosphore augmenterait de 6 %, mais les besoins en eau d'irrigation et les émissions de GES diminueraient, respectivement de 35 % et 13 %. De plus, les surfaces d'habitats naturels disponibles pour les mammifères rares ou vulnérables à l'agriculture croîtraient de 2,6 % (contre 12,8 % dans le scénario TLS).

Effets des deux scénarios sur les externalités environnementales des systèmes de cultures (a. MLS, b. TLS)

Surfaces2.jpg

Source : Nature Sustainability

Lecture : la ligne des 100 % représente le scenario de référence (situation 2011-2015). Pour une portion de cadran, les résultats pour les 16 cultures majeures étudiées sont représentés avec une couleur foncée. Les résultats pour les autres cultures sont représentés avec une couleur claire.

Ces résultats donnent une idée des bénéfices environnementaux d'une allocation optimale des cultures et des ressources dans le monde. Toutefois, une telle répartition des surfaces de production augmenterait la dépendance de certaines régions aux importations, rendant nécessaire, selon les auteurs, une forte coopération entre acteurs pour combiner intérêts nationaux et objectifs environnementaux globaux.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Sustainability

10:21 Publié dans Agronomie, Production et marchés | Lien permanent | Tags : scénarios, terres cultivées, fertilisation, réallocation |  Imprimer | | | | |  Facebook

Le microbiome racinaire : une piste pour améliorer la résistance des plantes aux sécheresses ?

Au mois de mars, un numéro spécial de la revue Science s'est intéressé au problème de la sécheresse, dans un contexte où le changement climatique en aggrave la récurrence et l'ampleur. Les articles de cette livraison analysent diverses conséquences, de la menace planant sur les forêts aux mécanismes de réponse des plantes, en passant par le fonctionnement des modèles de prédiction des famines. Ils explorent également les effets passés, présents et futurs de la sécheresse sur le plan social (par exemple au sein de l'ancienne civilisation Wari ou dans l'actuelle Amérique du Nord) et leurs implications pour les politiques publiques (ex. : gestion de l'eau).

Dans l'un des articles, les chercheurs s'appuient sur une large revue de la littérature pour décrire les mécanismes moléculaires existant au niveau de la rhizosphère. Ils se penchent sur les interactions entre le microbiome et les racines pour envisager des pistes de recherche qui permettraient d'améliorer la résistance et la régénération des plantes soumises à des stress hydriques.

Les interactions plante-microbiome pendant et après les épisodes de sécheresse

Secheresse.jpg

Source : Science

À titre d’exemple, les transformations des racines et des substances exsudées peuvent exercer une sélection sur le microbiome du sol, modifiant les cycles du carbone et du nitrate et améliorant les capacités de réponse à long terme. Lors des épisodes de stress hydrique, les plantes sécrètent aussi, dans certains cas comme celui du chêne, des métabolites « signaux » dans la rhizosphère. De leur côté, des champignons mycorhiziens ou des bactéries filamenteuses sont susceptibles de proliférer en période de sécheresse et de stimuler l'activité antioxydante ou la régulation osmotique. Certaines bactéries peuvent également sécréter des molécules qui induisent l'élongation des racines, améliorant ainsi l'accès de la plante à l'eau. Enfin, les effets de l'utilisation de probiotiques et prébiotiques sur le microbiome du corps humain constituent autant de pistes de recherche pour la rhizosphère.

Les auteurs soulignent cependant les limites des conclusions des travaux recensés, insistant sur l'importance de poursuivre l’effort de recherche. La plupart des connaissances résultent d'études expérimentales en milieu contrôlé, sur des espèces de plantes non destinées à être cultivées, tandis que celles qui le sont ont été sélectionnées pour des traits pouvant compromettre les interactions bénéfiques avec le microbiome racinaire.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Science

10:18 Publié dans Agronomie, Climat | Lien permanent | Tags : sécheresse, microbiome racinaire, racines, rhizosphère |  Imprimer | | | | |  Facebook

Qu'apportent les groupes d'échanges d'agriculteurs sur les questions climatiques ?

L'agriculture est aujourd'hui responsable du quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre et les politiques publiques incitent les agriculteurs à adopter des pratiques favorables au climat. Pour y parvenir, une des solutions est de constituer des groupes d'échanges participatifs, associant chercheurs, conseillers et producteurs. Dans un article du Journal of Rural Studies, une équipe évalue l'efficacité de telles démarches, à travers l'étude du programme écossais Farming for a Better Climate. Grâce à la mise en place de groupes participatifs, il vise à permettre aux agriculteurs d'acquérir des compétences et des connaissances nouvelles sur les relations entre climat et agriculture. Il s'agit de favoriser l'adoption de pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et de renforcer la résistance des exploitations. Les méthodes d'évaluation mobilisées combinent approches quantitatives quasi-expérimentales et qualitatives (entretiens, observations participantes, etc.).

Objectifs du programme (PEP) et indicateurs utilisés pour l'évaluation

Ecosse.jpg

Source : Journal of Rural Studies

Lecture : pour chaque indicateur, le type de méthode utilisé pour l'évaluation est indiqué entre parenthèses (QN pour les méthodes quantitatives et QL pour les méthodes qualitatives). RE signifie « renewable energy ».

L'évaluation met en évidence un effet globalement positif de ce programme. Les entretiens réalisés auprès des participants soulignent toutefois que la dimension participative de ces démarches aurait pu être renforcée, nombre d'entre eux regrettant une approche trop descendante. Les analyses quantitatives montrent un effet significativement positif du programme sur l'acquisition de connaissances et compétences relatives au lien entre agriculture et climat, mais aussi concernant l'adoption de pratiques favorables à celui-ci. Néanmoins, les entretiens conduisent à nuancer ce résultat, le recours à ces pratiques résultant moins de la participation aux échanges que d'impératifs économiques (réduction des dépenses liées aux engrais et carburants notamment). Concernant la capacité de résistance des exploitations, peu d'analyses ont pu être conduites, faute d'indicateurs disponibles, mais les auteurs montrent cependant que les agriculteurs ayant participé à ce programme tendent à avoir des sources de revenu plus diversifiées.

Si cette évaluation montre une certaine utilité des groupes d'échanges pour concilier agriculture et climat, les auteurs appellent, en conclusion, à ne pas négliger les autres outils de politiques publiques (régulation, subventions, etc.).

Mickaël Hugonnet, Centre d’études et de prospective

Source : Journal of Rural Studies

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11/05/2020

Territoires, culture et classes sociales, Jean-Claude Chamboredon

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Jean-Claude Chamboredon, sociologue érudit et rusé, est décédé le 30 mars. Ses dernières publications remontaient aux années 1990 mais il était resté une figure incontournable des sciences sociales françaises. Depuis 2015, l’École normale supérieure et les éditions Rue d’Ulm avaient entrepris de faire revivre son œuvre en republiant ses principaux écrits en versions papier et électronique. Le présent livre vient clore ce projet éditorial. Il rassemble douze articles traitant tous des liens entre classes sociales, ancrages territoriaux et expressions culturelles, avec de nombreux développements sur les mutations de l'agriculture et du monde rural.

Un texte très intéressant retrace l'invention de « l'éternel paysan » à travers l'œuvre de Jean-François Millet. Chamboredon décrit les fondements sociaux, politiques et esthétiques de cette imagerie pittoresque et révèle l'opposition, chez ce peintre, de deux figures idéal-typiques : celle des prolétaires agricoles et manouvriers dépendants des grandes exploitations, et celle des paysans indépendants du bocage et des régions de foncier parcellaire. Ses toiles, tout en esthétisant la campagne, façonnent une nouvelle représentation de la paysannerie et célèbrent la force muette du peuple : dos courbés, réalisme rustique, petite vie des simples et des humbles.

Deux autres articles, novateurs au moment de leur publication (1980 et 1982), sont consacrés à la chasse. Pour Chamboredon, cette dernière ne relève pas seulement des pratiques viriles et des traditions populaires. Elle est aussi et surtout une activité sociale complexe, objet de lutte entre des groupes pour le contrôle de l'usage des espaces campagnards. Dans les années 1960 et 1970, elle permettait à des ex-ruraux « dépaysannés », partis habiter en ville, de garder des liens avec leurs commune et famille d'origine, ce qui explique la croissance significative de l'effectif national de chasseurs alors même que la population rurale baissait rapidement : la diffusion de la chasse était l'envers du processus d'urbanisation.

Plusieurs autres textes importants, publiés dans les années 1980, traitent du rural et de ses évolutions. Se démarquant des approches marxiste, fonctionnaliste et structuraliste alors dominantes, Chamboredon propose une lecture plus complexe en termes de groupes sociaux, de rapports de pouvoir et d'identité culturelle. Avec la déprise agricole, le rural était de moins en moins un espace de travail, de production, et de plus en plus un espace d'habitation (principale ou secondaire), de loisir, de repos, de folklore, de consommation d'environnement et de zones protégées. Ce passage de la campagne-agriculture à la campagne-paysage marquait l'emprise des habitants des villes sur les terroirs paysans, et la condamnation du rural à n'être plus, selon lui, qu'une « sorte d'équipement urbain ».

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Rue d'Ulm

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La pomme de terre, un bon révélateur des relations entre politique, marché et sécurité alimentaire en République populaire de Chine

En avril 2020, un article publié dans le Journal of current chinese affairs revient sur les campagnes de promotion de la pomme de terre (Solanum tuberosum) lancées ces dernières années par le ministère de l’agriculture chinois à destination des producteurs, des professionnels de l’industrie agroalimentaire et des consommateurs. En Chine, l’idée selon laquelle la capacité des gouvernants à nourrir la population garantit, en retour, la loyauté des gouvernés, remonte aux dynasties impériales. Pour l’auteur, la promotion du tubercule renouvelle cette économie morale de l’alimentation en octroyant désormais une place centrale au marché : consommer de la pomme de terre, dans un pays qui en est devenu le premier producteur mondial, est un moyen de soutenir l’économie nationale et de garantir la sécurité alimentaire. Pour mener son enquête, dans le prolongement de ses précédents travaux anthropologiques, il procède à une analyse de contenu classique (ouvrages et documentaire télévisé sur la pomme de terre, tous produits par le ministère de l’agriculture).

La première partie de l’article porte sur la diffusion du tubercule dans les régimes alimentaires depuis le XVIIe siècle. Le repas chinois est structuré autour du couple fàn (denrée centrale) et cài (plat d’accompagnement). La pomme de terre est aujourd'hui devenue un élément de garniture important dans le Yunnan ou le Gansu mais elle est, ailleurs, considérée comme un produit allogène ou associée à la famine. La seconde partie montre comment la politique publique chinoise tente d’agir sur les représentations pour stimuler la consommation. Ainsi, il a été avancé que le tubercule présentait toutes les caractéristiques du fàn – neutralité gustative et forte capacité nutritive. Vanté comme étant à la fois une céréale, un légume, un fruit et un médicament, sa consommation participerait également de la bonne santé. Par ailleurs, le ministère de l’agriculture a encouragé le remplacement, dans la production agroalimentaire, de farines de riz ou de blé par leur équivalent à base de pomme de terre. Ainsi, à la différence de la période maoïste pendant laquelle les régimes alimentaires étaient strictement encadrés, les messages actuels du pouvoir valorisent le choix du consommateur et sa possible contribution au bien national commun.

Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective

Source : Journal of current chinese affairs

10:09 Publié dans 4. Politiques publiques, Alimentation et consommation | Lien permanent | Tags : chine, pomme de terre |  Imprimer | | | | |  Facebook