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16/06/2020

Covid-19 et risques associés aux restrictions aux exportations

Dans un Policy Research Working Paper publié en mai (voir également ce billet de blog), une équipe de la Banque mondiale analyse les impacts potentiels de la crise sanitaire du Covid-19 sur les marchés alimentaires mondiaux, en matière de volumes exportés et de prix. Plusieurs facteurs, tels que la réduction du volume de travail (maladies, mobilité réduite, etc.) et les ruptures de chaînes logistiques, sont susceptibles de causer un choc d'offre négatif. Cependant, cette contraction initiale de l'offre pourrait aussi avoir des effets multiplicateurs si elle conduisait les pays à mettre en place, en cascade, des restrictions aux exportations pour s'isoler du marché mondial dans le but de sécuriser l'approvisionnement de leur marché intérieur. Ce phénomène bien connu des théoriciens des jeux a eu des précédents au cours des années 2008-2011, et a contribué directement à 30 à 40 % de l'accroissement total des prix pour certains produits alimentaires.

Pour estimer le choc d'offre initial au niveau mondial, les auteurs ont tenu compte de la réduction des exportations alimentaires chinoises, en janvier et février 2020, par rapport à leurs valeurs sur la même période en 2019. Ils ont ensuite fait l'hypothèse que le choc d'offre serait proportionnel au contenu en travail peu qualifié des exportations considérées, afin d’en déduire la réduction totale de l'offre de travail de façon différenciée selon les produits agricoles.

Les estimations des auteurs confirment le rôle multiplicateur important, de l'ordre de 3, des cascades de restrictions aux exportations agricoles et agroalimentaires. Un choc d'offre mondial similaire à celui analysé pour la Chine conduirait à une baisse des exportations en volume de - 12,7 %, et à une hausse des prix moyens de 4 %. En cas d'escalade des restrictions aux exportations, leur volume pourrait chuter de - 40 % et la hausse des prix atteindre + 12,9 %, avec des différences notables selon les produits : + 16,1 % pour les céréales, + 7,8 % pour le lait et les œufs, + 24,9 % pour les légumineuses, etc. Les premières victimes seraient les pays les plus dépendants des importations alimentaires (cf. figure), notamment au Maghreb, au Proche-Orient (Yemen, etc.) et en Asie centrale (Tadjikistan, Azerbaïdjan, etc.). Les auteurs soulignent ainsi l'importance de politiques commerciales coopératives et le besoin d'un suivi en continu des marchés alimentaires mondiaux.

Augmentations des prix pondérées par les volumes pour les pays dépendants des importations alimentaires, dans le cas du scénario d'escalade de restrictions aux exportations

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Source : Banque mondiale

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Banque mondiale

Dans l'UE, la continuité des activités liées à l'alimentation repose en particulier sur les travailleurs extra-nationaux

C'est l'une des conclusions d'une étude récemment publiée par le Centre commun de recherche (Joint Research Centre) de la Commission européenne, sur la contribution des travailleurs détachés ou extra-européens aux activités « essentielles » durant la pandémie. Les chercheurs se sont appuyés sur la définition qu’en donne la Commission dans le contexte de l'épidémie et sur les résultats de la dernière enquête européenne (2018) sur les actifs. Ils ont analysé la composition de la force de travail au regard de l'origine de ces « travailleurs clés ». Par leur contribution à la sécurité alimentaire, les travailleurs agricoles (12 % des « travailleurs clés »), de la transformation et du commerce (2 %), ainsi que les pêcheurs et chasseurs professionnels (0,2 %) sont classés dans cette catégorie.

Si la part des travailleurs extra-nationaux dans l’agriculture et la pêche reste faible (moins de 10 %), elle approche 20 % dans l'agroalimentaire et le commerce, avec des variations importantes selon les pays. De ce fait, les auteurs concluent à la dépendance de ces secteurs clés vis-à-vis de la main-d’œuvre extra-nationale, notamment pour les emplois les moins qualifiés.

Proportion de travailleurs extra-nationaux selon les secteurs et l'origine nationale

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Source : Joint Research Centre

Source : Joint Research Centre

Conséquences du confinement sur les habitudes alimentaires

En mai 2020, Santé Publique France a publié des données relatives aux conséquences du confinement sur les habitudes alimentaires. Elles sont issues des 3e et 6e vagues de l'enquête CoviPrev, conduite en ligne auprès de 2 000 personnes en France métropolitaine. À la mi-avril, 17 % des individus déclaraient manger moins équilibré, 37 % cuisiner davantage de plats maison, 22 % plus grignoter et 37 % avoir pris du poids. Les réponses à ces deux derniers items ont augmenté au fil du temps. Par ailleurs, les moins de 40 ans, les familles avec enfants de moins de 16 ans, ou encore les personnes ayant des niveaux élevés d'anxiété, de dépression et des problèmes de sommeil, étaient particulièrement concernées par des difficultés d'approvisionnement (trouver moins souvent que d'habitude les produits souhaités en magasin) et par une plus grande attention portée à leur budget alimentaire. Enfin, les consommateurs d'alcool interrogés sont 11 % à avoir déclaré une hausse de ces pratiques, 65 % une stabilité et 24 % une baisse.

Sources : Santé Publique France, Santé Publique France

12:13 Publié dans Alimentation et consommation | Lien permanent | Tags : covid-19, habitudes alimentaires |  Imprimer | | | | |  Facebook

Actualités du Covid

Pour compléter les billets et brèves publiés en juin 2020 sur le thème de la pandémie de Covid-19, voici quelques autres publications récentes.

Fin avril, la Banque mondiale a publié un Commodity markets outlook détaillant les conséquences de la pandémie sur les marchés de produits de base, en particulier agricoles et alimentaires. Le 26 mai, le think tank du Parlement européen a proposé une synthèse sur le commerce et la sécurité alimentaire. La Global Alliance for Improved Nutrition a, de son côté, diffusé trois rapports successifs sur les implications de la crise sanitaire pour les systèmes alimentaires de plusieurs pays (Bangladesh, Éthiopie, Inde, Indonésie, Kenya, Mozambique, Nigeria, Pakistan, Rwanda, Tanzanie). L'université de Purdue a proposé, via une interface en ligne, un indice quantifiant la vulnérabilité des approvisionnements agricoles et alimentaires des États-Unis, à partir du nombre de travailleurs malades et pour plusieurs productions.

La Fondation pour la recherche sur la biodiversité a publié, en mai, une synthèse des connaissances sur les liens entre zoonoses (en particulier le Covid-19) et biodiversité. Elle s'appuie sur les connaissances actuelles et pointe les lacunes et les sujets de discussion au sein de la communauté scientifique. Au travers de 22 fiches notamment, cette synthèse aborde les thèmes de la faune sauvage, de l'érosion de la biodiversité et de la destruction des milieux naturels, ainsi que du système de production alimentaire et des transports.

L'EHESS a initié, sur son site, un « Carnet » proposant des billets de chercheurs en sciences sociales pour « montrer comment divers champs de recherches nous proposent des clés de lecture, mais aussi des échos entre la crise en cours et des terrains, des objets ou des périodes apparemment éloignés ». Par exemple, J.-P. Gaudillière, F. Keck et A. Rasmussen s'intéressent aux dynamiques de construction sociale des virus, des savoirs et des épidémies, et F. Jarrige et T. Le Roux proposent un texte intitulé « Une autre pandémie : la pollution ». Selon un principe similaire, le CERI alimente régulièrement un dossier consacré à la crise sanitaire : il mêle des contributions traitant de pays ou zones du monde spécifiques et des textes plus transversaux.

L'Ined partage les premiers résultats du projet Confinement, Conditions de vie et Inégalités (CoCoVI), visant à analyser les conditions de logement et de vie des ménages en France pendant la pandémie. Dans Foods, un article mobilise des données déclaratives pour rendre compte des évolutions de pratiques alimentaires en Italie, pendant le confinement. Si la moitié des répondants déclarent ne pas avoir changé de régime, les consommations de chocolat, glaces et desserts ont augmenté dans 42,5 % des cas, tout comme celles de snacks salés (23,5 %) et de fruits et légumes (21,2 %). Les prises d'alcool ont, elles, diminué de 36,8 %.

Enfin, The Conversation consacre une série de 13 « longs formats » au « temps de la réflexion ». Ces articles, publiés chaque fin de semaine depuis le mois d'avril, traitent sous divers angles de cette question : « comment penser le monde dans lequel nous voulons vivre ? ».

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Sources : Banque mondiale, Parlement européen, Global Alliance for Improved Nutrition, Université de Purdue, Fondation pour la recherche sur la biodiversité, EHESS, CERI, Ined, Foods, The Conversation

12:06 | Lien permanent | Tags : covid-19 |  Imprimer | | | | |  Facebook

15/06/2020

Un déclin mondial des insectes terrestres mais pas des insectes aquatiques

Des publications récentes ont signalé le déclin des insectes dans certains pays et régions du monde, notamment en Allemagne, mais des questions subsistent quant à l'étendue de ce phénomène. Pour y répondre, des chercheurs allemands et russes ont réalisé une méta-analyse de 166 études conduites entre 1925 et 2018 (avec une durée médiane de 20 ans), couvrant 41 pays et 1 676 sites d'observation. Leurs résultats, publiés en mai dans Science, sont très variables dans l'espace, même pour des sites relativement proches (figure ci-dessous). Toutefois, les auteurs ont dégagé deux tendances globales : un déclin des insectes terrestres (en abondance et en biomasse), estimé à 0,92 % par an, soit - 8,81 % par décennie ; une croissance annuelle de ceux d'eau douce de + 1,08 %, soit + 11,33 % par décennie. Ils précisent que les zones où l'agriculture est la plus intensive sont sous-représentées dans l'échantillon, les tendances négatives observées pouvant donc être sous-estimées. Certaines régions (Amérique du Nord et une partie de l'Europe) sont particulièrement touchées par le déclin des insectes terrestres.

Tendances de long terme pour l'abondance et la biomasse en insectes (166 études)

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Source : Science

Les tendances sur de courtes périodes (10 ans) ont aussi été analysées à partir des années 1960 (figure ci-dessous). En Europe, le déclin des insectes terrestres s'est accentué au fil du temps tandis que les tendances positives observées pour ceux d'eau douce se sont renforcées. Cela pourrait refléter un effet favorable des politiques publiques de protection de la qualité de l'eau.

Évolution des tendances depuis les années 1960

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Source : Science

Les auteurs ont étudié le lien entre abondance en insectes, changement d'usage des terres et changement climatique. Ils remarquent que les tendances observées sont moins marquées dans les aires protégées, et trouvent une relation négative entre urbanisation et évolution de l'abondance des insectes terrestres. Elle pourrait être due à la destruction d'habitats ainsi qu'à la pollution chimique et lumineuse. En ce qui concerne les espèces aquatiques, les tendances sont plus positives lorsque la surface cultivée est plus élevée. Enfin, les auteurs n'ont pas observé de corrélation entre abondance d'insectes et changement climatique.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Science

11:59 Publié dans Agronomie, Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : insectes, insectes terrestres, insectes aquatiques |  Imprimer | | | | |  Facebook

Quantification de l'empreinte carbone du soja exporté par le Brésil

Six chercheurs de divers instituts européens ont quantifié les émissions de gaz à effet de serre (GES) du soja produit au Brésil et exporté. Grâce à la base de données Trase, ils retracent environ 90 000 configurations différentes de chaîne logistique, depuis les municipalités ou les États fédérés de production jusqu'aux portes des usines des pays importateurs. Ces données représentent la quasi-totalité du soja brésilien exporté entre 2010 et 2015. En appliquant une méthode d'analyses du cycle de vie à l'ensemble de ces configurations, les auteurs quantifient les émissions de GES liées à la production (changements d'usage des terres et pratiques culturales), à la transformation (en huile et en tourteaux) et au transport (domestique et international) du soja et de ses produits dérivés.

Représentation du système et des données collectées pour l'inventaire de cycles de vie du soja brésilien exporté

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Source : Global Environmental Change

Les émissions proviennent en majorité du changement d'usage des terres (pour un tiers), du transport domestique (environ un quart) et de la transformation industrielle (un peu plus de 20 %). Les auteurs soulignent cependant que l'empreinte carbone du soja varie beaucoup selon le lieu de production et les étapes de transport et de transformation. Cette empreinte est particulièrement élevée (jusqu'à six fois la moyenne brésilienne) dans les régions de Matopiba (comprenant les États fédérés de Maranhão, Tocantins, Piauí et Bahia) et de Pará, principalement en raison de la perte récente du couvert végétal naturel. Bien que les importations chinoises soient responsables des émissions les plus importantes (114,70 MteqCO2), soit près de deux fois les émissions de l'Union européenne (67,6 MteqCO2), cette dernière a la plus forte empreinte carbone lorsque le calcul est rapporté à la tonne de soja équivalente (0,77 teqCO2/teqsoja contre 0,67 teqCO2/teqsoja pour la Chine). En effet, le soja importé par l'Union provient du nord du Brésil, particulièrement concerné par les pertes récentes de couvert végétal naturel. Les auteurs soulignent néanmoins le caractère aléatoire du nombre d'années prises en compte pour les changements d'usage des terres, et ils en appellent à une harmonisation des méthodes pour estimer les émissions de gaz à effet de serre liées.

Émissions totales de GES (en millions de teqCO2) liées au soja importé entre 2010 et 2015

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Source : Global Environmental Change

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Global Environmental Change

11:56 Publié dans Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : brésil, soja, empreinte carbone |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/06/2020

Fields of Gold. Financing the Global Land Rush, Madeleine Fairbairn

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Les réflexions sur les rapports entre capital et agriculture sont anciennes mais elles connaissent un renouveau depuis une quinzaine d'années, en raison de l'intérêt croissant de certains investisseurs financiers en faveur du foncier agricole. Ce phénomène, composante de ce que l'on qualifie parfois de « financiarisation » de l'agriculture, est source de vives controverses. Dans cet ouvrage clair et synthétique, Madeleine Fairbairn, figure incontournable du courant anglo-saxon des études agraires critiques (Agrarian Studies), analyse cette « ruée vers la terre » de manière originale : elle se place du point de vue des investisseurs, alors que les recherches sont habituellement focalisées sur les conséquences de leurs décisions pour les agricultures familiales des pays ciblés.

Le premier chapitre montre qu'aux États-Unis, la finance a commencé à acquérir des terres dès 1990. Les débuts sont toutefois balbutiants, l'agriculture peinant à atteindre les rentabilités à deux chiffres auxquelles Wall Street est habituée. La crise de 2008 et la hausse des prix agricoles changent néanmoins la donne. Rapidement, le marché foncier étasunien ne suffit plus à absorber la masse de capitaux disponibles, conduisant ainsi à l'internationalisation du phénomène.

Le deuxième chapitre se penche sur la rationalité économique des investisseurs. L'auteure montre que ces derniers considèrent d'abord le foncier comme un actif financier rare, tel l'or, dont la valeur tend à s’accroître au cours du temps, et non comme un facteur permettant de produire des denrées agricoles. En d'autres termes, ils misent davantage sur l'augmentation de la valeur des terres, pour rentabiliser leur investissement, que sur les revenus tirés de la production.

Cette approche se heurte toutefois aux spécificités du foncier agricole, qui en font un actif financier à part. Ces particularités (hétérogénéité, illiquidité, etc.) et les outils mis en place par la finance pour les contourner, sont passés en revue dans le troisième chapitre. Enfin, la dernière partie montre la difficulté que rencontrent les États pour limiter l'ampleur de ces investissements. Portant un regard critique sur ce phénomène de financiarisation, l'auteur suggère en conclusion de s'inspirer des théories de l'économiste du XIXe siècle Henry Georges, qui proposait de taxer lourdement les gains liés à l'accroissement de la valeur des terres.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Lien : Cornell University Press

11:54 Publié dans Agriculteurs, Mondialisation et international, Territoires | Lien permanent | Tags : foncier, fairbairn, financiarisation |  Imprimer | | | | |  Facebook

Pêche, aquaculture et sécurité alimentaire dans l’Océanie insulaire

En mai 2020, L’Information géographique a consacré un dossier au développement économique, à la gestion et à la prévention des risques naturels dans deux territoires ultra-marins du bassin Pacifique, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna. Dans cette région, vers laquelle s’opère « un glissement du centre de gravité économique mondial » depuis les années 1990, la France dispose d’une zone économique exclusive d’1,3 million de kilomètres carrés, équivalent à près de trois fois la superficie de l’Hexagone.

Parmi les cinq contributions constituant le dossier, deux portent sur les systèmes alimentaires. Dans son article, P. Dumas explore le rôle des activités halieutiques et aquacoles dans l’évolution du modèle économique néo-calédonien, très dépendant du nickel et des transferts financiers de l’État. La pêche hauturière de thon constitue un premier levier de croissance : actuellement limitée à vingt palangriers, du fait des règles privilégiant la durabilité de la ressource, son développement bénéficierait de la proximité du Pacifique ouest, riche en thon. L'essor de l’élevage de crevettes bleues (L. stylirostris), production haut de gamme d’ores et déjà exportée vers le Japon et les États-Unis, serait un autre relais de croissance.

Dans un second article consacré aux sociétés mélanésiennes, G. David revient sur le défi de la sécurité alimentaire dans l’archipel. Selon l’auteur, l’un des invariants du système insulaire océanien est la gestion coutumière du risque alimentaire. Confrontées aux cyclones et épisodes de sécheresse, les populations ont développé des usages complets des ressources animales et végétales : en témoignent le nombre élevé d’espèces concernées (rapporté à l’ensemble de celles présentes sur le territoire) et la variété des parties végétales utilisées (branches, feuilles, fleurs, fruits, racines).

Les savoirs traditionnels, réponse aux aléas et vulnérabilités des communautés insulaires du Pacifique pour gérer leur sécurité alimentaire

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Source : L’Information géographique

L’érosion de ces savoirs traditionnels et les difficultés d’acheminement des marchandises, du fait notamment du recul du cabotage à l’échelle régionale, pourraient déstabiliser les systèmes alimentaires locaux. Sur ce point, l'auteur souligne la « satellisation de petits États insulaires vis-à-vis de la Chine » qui pourrait se traduire, à l'avenir, par leur approvisionnement par le gouvernement de Pékin.

Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective

Source : L’Information géographique

Revue de littérature sur les apports de la sélection variétale conventionnelle pour réduire les risques sanitaires des aliments

Dans un article récemment publié dans Trends in Food Science & Technology, une équipe de chercheurs américains présente les apports de la sélection végétale pour améliorer la sécurité sanitaire en diminuant toxines et allergènes. En effet, seule une minorité d'espèces a fait l'objet de manipulations génétiques en vue de produire des variétés améliorées : maïs, soja, colza, riz, papaye, courge, pomme. Pour la grande majorité des cultures, la sélection variétale reste basée sur des techniques conventionnelles (figure ci-dessous) qui ont, au fil du temps, incorporé des innovations technologiques facilitant l'identification des marqueurs génétiques souhaités ou à minorer. Ces pratiques ont entre autres pour but d’éviter ou de limiter la production de toxines, qu'elle soit naturelle ou en réaction à des maladies.

Schéma général du processus conventionnel de sélection variétale

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Source : Trends in Food Science & Technology

Lecture : les cases blanches et noires présentent les chromosomes de chaque parent au stade 1, et le génome complet de chaque parent ou lignée, à partir du stade 2.

La réduction de la sensibilité aux maladies est un objectif visé dans le cas des céréales et de la production d'aflatoxines par des champignons les contaminant lors de l'exposition à des conditions chaudes et humides. Les auteurs reviennent ainsi sur la sélection du maïs, afin de développer la résistance naturelle des grains.

Certaines plantes produisent naturellement des allergènes et toxines. La sélection variétale a alors consisté à réduire ou faire disparaître ces molécules, au moins dans la partie consommée. L’article prend deux exemples pour l'illustrer : la pomme et la pomme de terre. Dans ce dernier cas, en tant que représentante de la famille des solanacées, la pomme de terre (comme la tomate et le poivron) produit naturellement des alcaloïdes et glycoalcaloïdes qui la protègent des ravageurs. Les auteurs détaillent ensuite le long processus de domestication, puis la sélection moderne visant à adapter les variétés aux différents usages, tout en essayant de conserver l'aptitude naturelle de la plante à se défendre.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Trends in Food Science & Technology

 

11/06/2020

L'EFSA fait un point sur la fièvre de la vallée du Rift en Europe et à Mayotte

L'Agence européenne de sécurité sanitaire (EFSA) a publié, dans son EFSA Journal, deux articles consacrés à la fièvre de la vallée du Rift (FVR) en Europe et à Mayotte. La FVR est une maladie virale transmise par des moustiques des genres Aedes et Culex. Chez les animaux atteints (ruminants, camélidés domestiques et sauvages), elle provoque surtout des avortements. Zoonose souvent bénigne chez l'homme, elle peut néanmoins se présenter sous des formes graves, voire mortelles. Endémique en Afrique sub-saharienne et dans la péninsule arabique, la maladie est apparue il y a vingt ans en Afrique du Nord, en Turquie et au Moyen-Orient. Sa circulation à bas bruit dans les élevages a motivé une évaluation du risque de son introduction en Europe, alors qu'aucun cas n'y a jamais été rapporté.

Celle-ci pourrait se faire par l’intermédiaire d’animaux vivants infectés ou de moustiques porteurs embarqués dans des bateaux (notamment dans des conteneurs) et des avions provenant de pays touchés. Grâce aux règles sanitaires strictes en matière d'importation d'animaux vivants, le risque est jugé faible à très faible dans la plupart des pays de l'UE et plus élevé dans ceux ayant des relations commerciales intenses avec les régions où se développe la maladie (Pays-Bas, Malte, Grèce, Chypre). Pour enrayer la FVR, l'EFSA recommande une coopération importante avec les pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, un renforcement et une harmonisation de la surveillance et des capacités de réponse en Europe, ainsi qu’une lutte par désinsectisation contre les vecteurs.

Disparue de Mayotte en 2007, 126 cas chez des ruminants et 143 cas humains y ont été diagnostiqués entre novembre 2018 et octobre 2019. Chez les premiers, la prévalence d'avortements a été multipliée par 5 par rapport aux années précédentes, et la production laitière a diminué de 18 %. Le climat tropical favorise la persistance des insectes vecteurs pendant toute l'année et, en outre, des animaux infectés sont introduits illégalement depuis les Comores. Déjà confrontés à une FVR endémique, les pays les plus exposés à une transmission en provenance de Mayotte sont les Comores, Madagascar, le Mozambique et la Tanzanie. L'EFSA juge le risque d'introduction en France métropolitaine très faible et faible pour la Réunion.

Distribution géographique des cas de FVR dans les élevages de ruminants mahorais en 2018-2019

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Source : EFSA

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Sources : EFSA, EFSA

11:43 Publié dans Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : fvr, mayotte, efsa |  Imprimer | | | | |  Facebook

La FAO étudie l'adéquation de la blockchain aux secteurs de la pêche et de l'aquaculture

L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a publié un rapport présentant les opportunités, les défis et quelques cas concrets de l'application de la technologie blockchain aux secteurs de la pêche et de l'aquaculture. Les auteurs rappellent que la traçabilité repose sur la capacité à identifier un produit tout au long de la chaîne de production, et qu'elle est un cadre nécessaire à la sécurité sanitaire de l'alimentation comme à l'éligibilité des produits à l'exportation. Ils soulignent ensuite que, à ce jour, il n'existe pas de système traçant complètement l'entrée dans la chaîne et l'ensemble des opérations subies par un produit, puis les transactions dont il est l'objet en sortie. La technologie blockchain offre de ce point de vue des perspectives intéressantes.

Elle présente plusieurs avantages. Reposant sur un réseau décentralisé, elle garantit la sûreté de l'information : celle-ci ne peut être modifiée que si la vaste majorité des acteurs du réseau sont d'accord, et elle est enregistrée à tous les niveaux de la blockchain. Cette technologie garantit aussi une transparence totale, toute opération sur le produit étant enregistrée. Ainsi, l'application de la blockchain aux secteurs de la pêche et de l'aquaculture permettrait d'enregistrer, pour un produit donné, toutes les informations, depuis le point de capture jusqu'au consommateur final. Elle serait donc un support de confiance dans les informations que les États pêcheurs (au sens de la nationalité des pavillons des navires) doivent fournir pour garantir la légalité de leurs prises. Cette confiance s'appliquerait aussi aux données de traçabilité justifiant de la sécurité sanitaire de la production, et permettant son accès à divers pays pour être transformée ou commercialisée. Enfin, la blockchain pourrait être un outil de lutte contre la fraude. Pour illustrer son application concrète, les auteurs donnent sept exemples d'utilisation concernant le thon, qui est à l'heure actuelle l'espèce faisant le plus l'objet de développements de cette technologie.

Les auteurs concluent que la blockchain permettrait, dans les secteurs étudiés, de gagner en efficience et en capacité à rendre des comptes, mais ils invitent à ne pas tout miser sur cet outil, qui n’est pas encore totalement opérationnel.

Transformation de la chaîne de traçabilité classique d'assurance-qualité en une blockchain

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Source : FAO

Vincent Hébrail-Muet, Centre d'études et de prospective

Source : FAO

11:40 Publié dans 5. Fait porteur d'avenir, Pêche et aquaculture | Lien permanent | Tags : blockchain, pêche, aquaculture |  Imprimer | | | | |  Facebook

10/06/2020

Modes d'organisation de la pêche au Mexique et jeux d'acteurs : entre confiance et opportunisme

Un article publié dans Plos One en avril 2020 analyse les relations de pouvoir qui lient les pêcheurs de Bahia de Kino et de Rio Lagartos (Mexique) à leurs clients, à partir d’interviews et de données d'octroi de prêts. Dans ce pays, tous les pêcheurs ne possèdent pas l'ensemble des moyens nécessaires pour leur activité : il leur faut parfois emprunter pour payer les intrants (ex. : carburant), entretenir leur matériel voire louer un bateau. Pour ce faire, ils développent souvent des relations de type protecteur-protégé avec un patron, ou intègrent une coopérative. Ces deux derniers acteurs, qui sont alors à la fois clients et créditeurs, sélectionnent avec précaution leurs débiteurs pour ne pas menacer leur propre survie économique. De ce fait, ils privilégient les pêcheurs qui sortent en mer selon un rythme prévisible, ont les compétences pour capturer les espèces désirées, honorent leurs engagements plutôt que de vendre leur pêche au plus offrant pour ne les rembourser que dans un second temps.

L'étude des prêts et des remboursements montre que les relations de confiance sont plus fortes entre pêcheurs et coopératives qu'entre pêcheurs et patrons : les prêts consentis sont plus élevés et les remboursements plus nombreux dans le premier cas. Dans le second, les débiteurs tendent à accumuler les dettes, devenant ainsi plus exposés au risque d’exploitation. À cela s'ajoute le caractère bilatéral de leurs relations, dont le coût social de rupture est plus faible que si plusieurs acteurs étaient impliqués. Les patrons ont ainsi plus de difficultés à maintenir des relations durables avec les pêcheurs fiables : ils sont donc forcés d'interagir avec un plus grand nombre de pêcheurs non fiables que dans le cas des coopératives, où la pression sociale est plus forte et dissuade les comportements opportunistes. De plus, pour les pêcheurs, rejoindre une coopérative permet de participer à la gouvernance de la structure, ce qui renforce leur adhésion et leur volonté d'honorer leurs engagements. Finalement, l'organisation en coopérative semble plus à même de répartir équitablement les bénéfices.

Nombre de débarquements effectués par les pêcheurs pour rembourser les avances des patrons et coopératives en fonction du nombre de prêts accordés par ceux-ci

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Source : Plos One

Lecture : la taille des cercles indique le nombre d'occurrences et les couleurs les catégories de pêcheurs selon leur comportement (rouge : hors catégorie ; kaki : recherche du meilleur prix ; vert : fiable ; bleu : moins fiable ; violet : non fiable). Le disque en partie haute du graphe présente la répartition des débarquements selon le profil des pêcheurs.

Aurore Payen, Centre d'études et de prospective

Source : Plos One

11:37 Publié dans Pêche et aquaculture, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : mexique, pêche, coopérative |  Imprimer | | | | |  Facebook

Agriculture et pauvreté rurale au Mexique

Le Centro de Estudios para el Desarrollo Rural Sustentable y la Soberanía Alimentaria (CEDRSSA) est un organisme d'appui technique rattaché à la Chambre des députés du Mexique, à l'origine de travaux sur le développement rural et la souveraineté alimentaire. Publié en mars 2020, un document est consacré au rapport entre pauvreté rurale et agriculture, secteur dans lequel 65 % de la population (soit un quart du total du pays) sont considérés comme pauvres, et 23 % en état d’extrême pauvreté. En 2018, les trois quarts de la population rurale parlant une langue indigène sont en situation de pauvreté, les femmes étant les plus touchées. Ces données ont été obtenues grâce à une méthode de mesure « multidimensionnelle » forgée par le Conseil national d'évaluation de la politique de développement social (Coneval) en 2008, mobilisant diverses variables : taille du lieu d'habitation, accès à l'alimentation, aux services, à l'éducation, à la santé et à la sécurité sociale, etc.

Évolution du nombre de Mexicains en situation de pauvreté, entre 2008 et 2018

Mexique.jpg

Source : CEDRSSA

Lecture : axe des ordonnées en « millions de personnes ». Population totale du Mexique : 126 millions.

Selon les auteurs, sur la période récente, la politique agricole productiviste et visant la satisfaction du marché intérieur mexicain, a stimulé les exportations qui sont devenues un moteur de la croissance du secteur, en lien avec le Traité entre le Mexique, les États-Unis et le Canada (TLCAN/T-MEC). Cependant, dans ce contexte de libéralisation des échanges commerciaux, les produits agricoles de ces deux pays sont souvent plus compétitifs que ceux de la production locale. Ces évolutions n'ont donc pas amélioré les conditions de vie des ouvriers agricoles et de leurs familles, dont on estime le nombre à presque six millions. Plus de 90 % d'entre eux sont précaires, sans contrat de travail ni protection sociale, et doivent prendre en charge leur subsistance pendant les périodes d’inactivité inter-récoltes. Par ailleurs, les petits et moyens agriculteurs (86 % du total) sont relativement âgés et ont une scolarité limitée. Ils ont peu d'accès à l'assistance technique et aux financements, disposent de faibles revenus et subissent les effets de la dégradation des ressources naturelles et de l’augmentation des risques climatiques. Les auteurs soulignent également que les politiques publiques visant à surmonter ces difficultés ont été dispersées et insuffisamment financées. Ils estiment enfin qu'il faudrait désormais privilégier une stratégie visant l'appui institutionnel et technique aux agriculteurs les plus pauvres, avec des financements conséquents et une coordination cohérente.

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : CEDRSSA

11:35 Publié dans Agriculteurs, Mondialisation et international, Société | Lien permanent | Tags : mexique, pauvreté, rural |  Imprimer | | | | |  Facebook

Où en est l'impression 3-D alimentaire ?

Un article d'A. Baiano (université de Foggia), paru dans Food Reviews International, fait le point sur le développement de l'impression 3-D alimentaire. Se basant sur un corpus d'environ 200 textes scientifiques et d'autant de dépôts de brevets, l'auteure balise les domaines d'application, les fronts de recherche et les enjeux de la diffusion de cette technologie.

Cet état des lieux ne révèle pas de rupture majeure récente dans la conception des imprimantes. La fabrication additive était déjà utilisée dans les années 1980 pour le prototypage industriel, mais il a fallu attendre deux décennies pour avoir une série de réalisations dans le domaine alimentaire, principalement par extrusion : matières sucrées (2006-2009), aliments faciles à avaler destinés aux personnes âgées (2012-2015), viande in vitro (bioprinting, 2013), ou encore chocolat (2014). À partir d'un dessin en deux dimensions, un bras robotique ajoute des matériaux couche sur couche, différents procédés d'extrusion, de pulvérisation et de frittage permettant d'aboutir à une construction solide en trois dimensions (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog).

Si les options fondamentales semblent stabilisées, l'article attire l'attention sur plusieurs défis : les matériaux riches en fibres, intéressants d'un point de vue nutritionnel, sont difficiles à employer car de nature à obstruer les buses ou à produire des bulles à l'intérieur de l'aliment et des craquelures, compromettant sa texture et sa stabilité. Les recherches en vue d'optimiser la formulation des ingrédients et les paramètres d'impression (taille de la buse, vitesse du moteur, etc.) utilisent principalement les œufs, le lait et leurs dérivés, mais aussi des gélatines animales.

Autre point peu étudié, les ingrédients et les aliments imprimés sont exposés à des contaminations microbiennes, voire, dans le cas des équipements d'entrée de gamme, à la migration de plastiques et de particules toxiques. Les garanties nécessaires ne peuvent être obtenues qu'en contrepartie d'un prix élevé. L'auteure rassemble ainsi des éléments sur les modèles commercialisés : si le prix de base est autour de 6 000 dollars, il peut monter bien plus haut, jusqu'à 65 000 pour l'unité BeeHex utilisée dans un vol de la NASA pour imprimer une pizza, et capable de débiter 500 cookies par heure.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Food Reviews International

11:24 Publié dans 5. Fait porteur d'avenir | Lien permanent |  Imprimer | | | | |  Facebook

Vers un renforcement des conflits liés à la pêche du fait du changement climatique ?

Acidification, hausse des températures, élévation du niveau des océans : les conséquences du changement climatique sur les écosystèmes marins sont d'ores et déjà nombreuses. Elles devraient se renforcer à l'avenir, affectant les stocks de poissons et leur répartition à l'échelle mondiale. Dans un article publié dans la revue Marine Policy, une équipe nord-américaine s'interroge sur la possibilité que ces facteurs conduisent à une augmentation des conflits liés à la pêche. Les auteurs mettent notamment en évidence deux zones particulièrement sensibles : la mer de Chine, où la conflictualité pourrait être exacerbée par une ressource qui devrait diminuer avec le changement climatique ; la zone Arctique où, à l'inverse, les stocks de poissons devraient s'accroître et être davantage exploitables, du fait de la fonte des glaces, suscitant ainsi d'intenses convoitises et une forte concurrence.

Évolution probable (%) du potentiel maximal de captures en 2050 et localisation des conflits liés à la pêche entre 1993 et 2010

Conflits.jpg

Source : Marine Policy

Source : Marine Policy

11:21 Publié dans Climat, Pêche et aquaculture | Lien permanent | Tags : changement climatique, pêche, conflits |  Imprimer | | | | |  Facebook