Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/05/2020

Réallocation des terres cultivées, optimisation de la fertilisation et réduction des surfaces de production

L'expansion des terres cultivées, qui devrait se poursuivre avec l'accroissement de la population mondiale, menace les écosystèmes naturels. Dans un article publié dans Nature Sustainability, des chercheurs européens ont étudié s'il était possible, en optimisant l'allocation spatiale des terres et l'utilisation de fertilisants, de réduire la surface nécessaire à la production alimentaire. Ils en évaluent également les conséquences sur l'environnement.

Pour ce faire, les auteurs ont recours à un modèle d'optimisation répartissant les cultures de façon à minimiser la surface utilisée tout en maintenant les volumes de production de 2011-2015 pour chacune d'entre elles. Deux scénarios (normatifs et non pas exploratoires) sont étudiés. Le premier (maximum land sharing, MLS) repose sur une intensification maximale visant à minimiser la surface agricole nécessaire pour conserver une production constante. Le second (targeted land sharing, TLS) conduit à abandonner les cultures dans les hotspots de biodiversité et à libérer de la surface cultivée, de manière uniforme sur la surface terrestre, pour réduire les effets négatifs de l'agriculture intensive. Sont ensuite quantifiés les impacts de ces scénarios sur l'utilisation d'azote, de phosphore et d'eau d'irrigation, sur les émissions de gaz à effet de serre, le stockage du carbone et les habitats naturels.

Par rapport à la situation de référence (2011-2015), les auteurs montrent que la réallocation des cultures et l'utilisation optimale de fertilisants permettent de réduire la surface cultivée de près de 47 % dans le scénario MLS et de 38 % dans le scénario TLS (voir figure ci-dessous).

Surface cultivée en 2005 (a) et surface libérée dans les scénarios MLS (b) et TLS (c)

Surfaces1.jpg

Source : Nature Sustainability

Ces réductions de surface cultivée, combinées à une utilisation optimale des intrants, auraient aussi des conséquences sur l'environnement. Dans le scénario MLS, l'application d'azote et de phosphore augmenterait de 6 %, mais les besoins en eau d'irrigation et les émissions de GES diminueraient, respectivement de 35 % et 13 %. De plus, les surfaces d'habitats naturels disponibles pour les mammifères rares ou vulnérables à l'agriculture croîtraient de 2,6 % (contre 12,8 % dans le scénario TLS).

Effets des deux scénarios sur les externalités environnementales des systèmes de cultures (a. MLS, b. TLS)

Surfaces2.jpg

Source : Nature Sustainability

Lecture : la ligne des 100 % représente le scenario de référence (situation 2011-2015). Pour une portion de cadran, les résultats pour les 16 cultures majeures étudiées sont représentés avec une couleur foncée. Les résultats pour les autres cultures sont représentés avec une couleur claire.

Ces résultats donnent une idée des bénéfices environnementaux d'une allocation optimale des cultures et des ressources dans le monde. Toutefois, une telle répartition des surfaces de production augmenterait la dépendance de certaines régions aux importations, rendant nécessaire, selon les auteurs, une forte coopération entre acteurs pour combiner intérêts nationaux et objectifs environnementaux globaux.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Sustainability

10:21 Publié dans Agronomie, Production et marchés | Lien permanent | Tags : scénarios, terres cultivées, fertilisation, réallocation |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/02/2020

Sécurité alimentaire et disponibilité de la ressource en eau : une analyse des tendances mondiales

L'augmentation de la population mondiale et des revenus nécessitera une hausse considérable de la production agricole, pour faire face à la croissance de la demande alimentaire, de 70 à 100 % à l'horizon 2050 selon les projections. Face à un tel défi, aggravé par le changement climatique, la disponibilité en terres cultivées et en eau pour l'irrigation constitue un sujet de préoccupation majeur. Afin de clarifier les termes du débat, un article publié dans Global Food Security propose une analyse de tendances, basée sur les données de la FAO et une revue de la littérature scientifique.

Il montre que dans un contexte de croissance exponentielle de la population (à l'exception de l'Europe), les terres cultivées et la disponibilité en eau par habitant ont constamment baissé depuis les années 1960, bien qu'elles se stabilisent désormais dans certaines régions (cf. figures). Cela n'a pas empêché la production agricole, sur la même période, d'augmenter plus rapidement que la population grâce aux progrès techniques et organisationnels, soulignés par d'autres travaux sur la productivité agricole (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog). L'évolution des surfaces équipées pour l'irrigation par habitant est plus contrastée (figure ci-dessous) : baisse continue en Afrique, augmentation significative en Amérique du Sud, relative stabilité en Asie, etc. Cependant, en nombre d'hectares, elles augmentent dans la plupart des régions (sauf en Europe), ce qui témoigne d'investissements qui se poursuivent.

Terres cultivées (à gauche) et terres équipées (à droite) pour l'irrigation par habitant (Monde, 1961-2013)

Eau1.jpg

Source : Global Food Security

Ces tendances révèlent une capacité importante de l'agriculture à produire plus avec moins de terres et d'eau, mais rien n'indique, selon les auteurs, que cette capacité se développera à un rythme suffisant d'ici 2050. Le changement climatique, en aggravant les risques liés à l'eau (sécheresses, inondations, maladies, etc.) pourrait réduire des dotations déjà inégales, d'autant que les progrès techniques sont par nature incertains. Quelques pistes sont néanmoins prometteuses : se rapprocher des rendements potentiels des cultures (refermer le yield gap) permettrait selon certains auteurs de nourrir 2 milliards de personnes supplémentaires ; d'autres insistent sur les gains d'efficience liés à des modes d'allocation de l'eau plus souples et renégociables (ex. : quotas transférables).

Estimation et projection des ressources en eaux renouvelables disponibles par habitant, 1960-2080

Eau2.jpg

Source : Global Food Security

Lecture : eaux de surface à gauche, eaux souterraines au centre, eaux de surface et eaux souterraines à droite.

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Global Food Security

09:51 Publié dans 1. Prospective, Climat, Environnement, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : eau, irrigation, terres cultivées |  Imprimer | | | | |  Facebook