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17/01/2018

Une méta-analyse s'intéresse aux effets des nudges promouvant une alimentation plus saine

Dans un document de travail publié en décembre 2017, R. Cadario (IESEG) et P. Chandon (INSEAD) présentent une méta-analyse des résultats d'interventions visant à promouvoir, avec des nudges, une consommation alimentaire plus saine. Ces dispositifs, peu onéreux, connaissent un engouement croissant et une multiplication des publications scientifiques à leur sujet. Les auteurs apportent une contribution intéressante en étudiant une large gamme de nudges, en en proposant une catégorisation et en fournissant des premiers résultats permettant de prédire leur efficacité en fonction de différents paramètres. Sept types de nudges sont identifiés et classés en trois catégories, selon qu'ils cherchent à influencer ce que les consommateurs savent (cognitive nudges, par exemple l'étiquetage nutritionnel), ce qu'ils ressentent (affectives nudges), ou ce qu'ils font (behavioral nudges, par exemple le jeu sur la taille des portions ou des assiettes).

Cadre conceptuel proposé par les auteurs

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Source : INSEAD

Pour la méta-analyse, 81 articles ont été retenus, publiés avant fin 2016 et répondant à des caractéristiques précises : expériences de terrain, et non uniquement en laboratoire ou en ligne, testant uniquement des nudges, mesurant des actes, et non uniquement des intentions, de sélection de produits ou de consommation. Sur cette base, les auteurs évaluent que les outils étudiés conduisent à une baisse moyenne de 117 kcal consommées par jour et par individu ; l'effet des behavioral nudges est plus important (-186 kcal/jour) que celui des cognitive (-45) et des affective (-121). Par ailleurs, parmi les résultats, il apparaît qu'il est plus facile, pour les individus, de réduire leur consommation de produits peu sains que d'augmenter celle de produits sains ; que les interventions en épicerie ont des effets moins importants (-60 % en moyenne) que celles en restaurant ou cafétéria ; que les études conduites aux États-Unis sont plus efficaces que celles dans autres pays ; etc.

Les auteurs identifient également des pistes de recherche : sur les nudges, sur leur combinaison avec d'autres types d'interventions (incitations économiques par exemple), sur les caractéristiques socio-économiques des individus, etc. Enfin, pour avoir une méta-analyse « vivante », ils proposent à leurs confrères un outil en ligne pour corriger et enrichir les données.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : INSEAD

12/01/2018

Que manger ? Normes et pratiques alimentaires, François Dubet (dir.)

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L'alimentation n'a que peu intéressé les pères fondateurs des sciences sociales, qui y voyaient un objet trivial et secondaire. Depuis une trentaine d'années, elle bénéficie au contraire d'une attention soutenue de la part des jeunes chercheurs. Cet engouement s'explique par les crises sanitaires et les enjeux de santé publique, par l'ouverture des marchés et la mondialisation des cultures alimentaires, mais aussi par la place croissante des pratiques culinaires dans la construction des identités sociales. Les approches et les sujets évoluent, les méthodes et les terrains se diversifient. Le présent ouvrage témoigne de ce renouvellement et montre la progression du front de la recherche, à travers une douzaine d'articles des lauréats de l'appel à projets 2015-2016 de la Fondation pour les sciences sociales, dont le thème était : « Que manger ? Pratiques, normes et conflits alimentaires ». L'objectif de cette fondation est de faire connaître à un large public des travaux académiques innovants ancrés dans une solide démarche empirique.

La première partie traite des normes, coutumes, conventions et régulations alimentaires. Si les mangeurs ont toujours été encadrés et surveillés par les États, les religions ou les corporations, ces modalités de contrôle ne cessent d'évoluer et de se déplacer. Ainsi, S. Brimo montre que l'on passe de plus en plus de règles juridiques homogènes, édictées unilatéralement, contraignantes et sanctionnables, à des règles administratives molles, composites, facultatives, qui sont de l'ordre de la recommandation et du conseil. R. Schweizer souligne, lui, comment l'utilisation commerciale de l'origine « Suisse » a progressivement gagné en légitimité, entre intérêts économiques, expressions identitaires et compromis politiques. De son côté, S. Naulin explique pourquoi les critiques de restaurants dans les médias sont toujours convergentes et positives : manque de temps pour découvrir de nouveaux établissements, manque d'argent obligeant à se faire inviter, formatage des jugements par les attachés de presse, crainte des sanctions.

La seconde partie est consacrée aux comportements et modèles alimentaires. Y. Lohéac démontre, expérimentations à l'appui, que la faim est mauvaise conseillère : elle nous conduit à acheter plus d'aliments et à les payer plus cher que lorsque nous sommes rassasiés. Quant à A. Dupuy, son analyse de la division sexuelle du travail alimentaire à destination des enfants révèle que la réduction (timide) des inégalités homme-femme n'abolit pas les barrières de genre : la cuisine des pères diffère de celle des mères en de nombreux points (ingrédients, recettes, rapports au goût et à la santé, etc.). Citons enfin l'article de G. Comoretto qui, ayant observé la vie de cantines scolaires du point de vue des enfants, y décrit les processus de socialisation, de ségrégation et de domination.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions La Découverte

09/01/2018

L'édition 2017 des « Prospectives de Bordeaux » : une réflexion sur l'avenir de la recherche en écologie et environnement

Du 22 au 24 février 2017 se tenait à Bordeaux un colloque organisé par l’Institut Écologie et Environnement (INEE) du CNRS. Ces journées de réflexion sur les axes de recherche à l'horizon 2020-30 visaient en particulier « à définir les grandes avancées de la recherche en écologie et environnement » et à « définir les priorités, les domaines de recherche et les nouveaux outils à encourager, à développer, à soutenir ».

Un document de synthèse évoque, entre autres, les enjeux des grandes crises de l'environnement, les relations homme-animal, les modes alimentaires, One health, l'agro-écologie, l'eau, les capteurs, etc. Les contributions des participants sont également consultables sur le site des « Prospectives de Bordeaux ».

Sources : CNRS, CNRS

10:22 Publié dans 1. Prospective, Enseignement et recherche, Environnement | Lien permanent | Tags : cnrs, inee, écologie |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/12/2017

Recherche, productivité et production agricoles aux États-Unis : panorama des connaissances et perspectives

Un article publié en novembre dans le Journal of Agricultural and Applied Economics, co-écrit par quatre économistes de l'Economic Research Service de l'USDA, propose une revue très complète des débats actuels sur le ralentissement de la productivité agricole aux États-Unis, et de ses liens avec l'évolution et la recomposition public-privé des investissements en R&D.

Les auteurs analysent en détail les tendances de la productivité globale des facteurs (PGF) de l'agriculture américaine en examinant deux bases de données : celle développée par l'USDA, et celle de l'International Science and Technology Practice (InSTePP) de l'université du Minnesota. Ces deux bases diffèrent sur plusieurs aspects, notamment sur la façon de mesurer le capital. Leur analyse montre que :

- selon la base de l'USDA, la PGF s'est accrue de 1,74 %/an, en moyenne, sur la période 1948-1974 et de 1,57 % sur 1974-2009, indiquant un possible ralentissement ; cependant, avec les données étendues à 2011, ce ralentissement n'est plus statistiquement significatif ;

- selon la base InSTePP, la PGF a augmenté de 1,97 % sur la période 1950-1990 et de 1,18 % sur 1990-2007, soit un ralentissement plus marqué que pour la base USDA, et dont les origines remonteraient aux années 1990, au lieu des années 1970 ;

- les deux bases s'accordent sur le fait que la quasi-totalité de la croissance de la production agricole des États-Unis est attribuable à la PGF depuis le milieu du XXe siècle.

Selon les auteurs, il est ainsi difficile de conclure sur un réel ralentissement de la productivité agricole aux États-Unis, en dépit de la mobilisation de méthodes statistiques complexes.

La seconde partie de l'article est consacrée à l'évolution des dépenses de R&D, mettant en évidence une montée très significative du secteur privé ces dernières années (cf. figure ci-dessous). L'article résume et discute la littérature sur les impacts de la R&D sur la PGF agricole et analyse les conséquences possibles des évolutions observées. Les auteurs formulent enfin des pistes de recherches qui, selon eux, permettraient d'éclairer les choix politiques et d'investissement, publics et privés, en matière de science et technologie agricoles.

Dépenses publiques et privées de R&D agricole et alimentaire aux États-Unis entre 1970 et 2013

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Source : Journal of Agricultural and Applied Economics

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Journal of Agricultural and Applied Economics

17:11 Publié dans Enseignement et recherche, Production et marchés | Lien permanent | Tags : etats-unis, productivité, pgf, r&d |  Imprimer | | | | |  Facebook

11/12/2017

Modèles et analyses d'impact des politiques agricoles européennes : des améliorations possibles

Telle est la conclusion que vient de tirer une équipe de chercheurs néerlandais d'une revue de la littérature des dix dernières années, publiée dans Agricultural Systems. Elle est encore plus flagrante lorsqu'on se focalise sur les modèles centrés sur l'exploitation agricole, pourtant particulièrement adaptés à l'analyse des politiques agricoles actuelles ou futures.

Cette étude s'inscrit dans la continuité de celle menée il y a dix ans par la même équipe, sur les modèles agricoles bio-économiques basés sur la programmation mathématique. Les auteurs avaient alors préconisé d'approfondir la modélisation du processus de décision de l'agriculteur pour mieux saisir les impacts différenciés des politiques selon les types d'exploitation. Ils utilisent aujourd'hui une méthode similaire consistant à évaluer les différents modèles sur leurs capacités à traduire le comportement de l'agriculteur, l'inclusion de facteurs sociaux et environnementaux, et la transférabilité de l'outil à d'autres travaux de recherche.

Cadre général de réflexion pour analyser l'utilisation de modèles d'exploitation agricole pour des analyses d'impact des politiques agricoles et rurales européennes

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Source : Agricultural Systems

La revue porte sur la période 2003-2014 et sur l'Union européenne. Dans un premier temps, les auteurs ont dénombré les analyses d'impact de la politique agricole et rurale utilisant, parmi un total de 24, des données issues de travaux de modélisation : cela a été le cas pour un peu plus d'un tiers seulement (9) et, parmi ceux-ci, une partie des modèles utilisés n'était pas documentée.

Dans un second temps, ils se sont intéressés aux publications scientifiques consacrées aux modèles centrés sur l'exploitation agricole. De 2003 à 2014, plus de 200 articles ont été publiés, la finalité des travaux étant clairement l'analyse de mesures de politique agricole. La majorité des modèles utilise la programmation mathématique, est statique et centrée uniquement sur la maximisation du profit : pour les auteurs, mieux expliquer et prévoir le comportement des agriculteurs impliquera à l'avenir d'introduire plus systématiquement le risque, de développer des fonctions multi-objectifs, de combiner les résultats de modèles avec ceux d'enquêtes auprès des agriculteurs, etc. Des progrès peuvent également être réalisés en s'appuyant sur les sciences cognitives et l'intelligence artificielle. Enfin, un effort important doit être fait, de la part des chercheurs, pour expliciter les méthodes retenues et fournir les éléments nécessaires pour une évaluation par les pairs.

In fine, les conclusions de la revue de littérature ont été présentées lors d'un atelier d'experts et parties prenantes européens. Si des progrès sont attendus sur les modèles eux-mêmes, une plus grande utilisation de la modélisation dans les analyses d'impact passerait, selon les auteurs, surtout par un meilleur porté à connaissance de ces travaux.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Agricultural Systems

05/12/2017

30 ans de collaboration scientifique entre l'Afrique et l'Europe

Un rapport du Centre commun de recherche (Joint Research Center) de l'Union européenne, publié en novembre, présente un bilan de trois décennies de travail en commun du JRC avec les organisations et institutions de l'Union africaine. Structuré par grands thèmes (population et migrations, changement climatique, recherche et innovation, etc.), le rapport résume les grands résultats (données, travaux scientifiques) issus de cette collaboration, identifie des tendances, et dégage des leçons pour l'avenir. On y retrouve des chapitres dédiés à l'usage des terres, à l'agriculture, au changement climatique et aux pêcheries, entre autres. À ce rapport s'ajoute la base cartographique Africa StoryMaps, qui présente les principaux résultats sous forme de cartes interactives. Le rapport été présenté à l'occasion du 5e Sommet UA-UE à Abidjan les 29-30 novembre. Il s'inscrit dans le contexte du partenariat renouvelé UA-UE.

Source : Joint Research Center

09/11/2017

Le High Level Panel of Experts (HLPE), Groupe d'experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition

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Le Groupe d'experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition a été créé en octobre 2009, lors de la réforme de la gouvernance mondiale sur la sécurité alimentaire. L'ouverture à un plus grand nombre de parties prenantes était un des principes ayant présidé à sa constitution. Interface entre les politiques publiques et le monde de la recherche, le HLPE publie rapports et recommandations en réponse aux demandes spécifiques du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA). Ses productions, indépendantes des positions des États, visent à alimenter les débats au sein du CSA.

Les principales fonctions du HLPE sont de : i) faire un état des lieux de la sécurité alimentaire et de la nutrition ; ii) fournir une analyse scientifique fondée sur les connaissances disponibles et émettre des avis sur des questions précises ; iii) recenser les problèmes émergents et les hiérarchiser.

Le HLPE est composé d'un comité directeur élu pour un mandat de 2 ans et comprenant 10 à 15 experts reconnus dans des domaines liés à la sécurité alimentaire et à la nutrition. Pour chaque thème traité, ce comité sélectionne des équipes projets. Ainsi, depuis sa création, le HLPE a bénéficié de la participation de 203 experts venant de 52 pays. Son budget annuel est de l'ordre de 1,4 à 1,7 million de $US, financé par un fonds volontaire rattaché à la FAO, et servant à son fonctionnement et non à la rémunération de ses membres.

Si le HLPE ne réalise pas de recherche scientifique en propre, il mobilise les travaux existants, avec l'objectif d'expliciter la diversité des points de vue et de mettre en évidence les controverses associées. Il s'appuie également sur des consultations publiques (deux par rapport), favorisant la transparence ainsi que l'ouverture à la diversité des connaissances locales et à l'échelle mondiale.

Le HLPE a déjà produit 12 rapports, notamment sur la volatilité des prix des matières premières agricoles en 2011, les agrocarburants en 2013 et, plus récemment, sur la nutrition et les systèmes alimentaires (voir à ce sujet un autre billet sur ce blog). Il a également publié deux notes sur les « Questions cruciales et émergentes pour la sécurité alimentaire et la nutrition ».

Élise Delgoulet, Centre d'études et de prospective

Lien : HLPE

08/11/2017

Le think tank du Parlement européen fait le point sur l'éducation et la formation tout au long de la vie des agriculteurs européens

Une note récente du think tank du Parlement européen propose un bilan chiffré de l'éducation et de la formation des agriculteurs européens. Le vieillissement de la population agricole, entre autres lié au caractère peu attractif de ces métiers pour les jeunes, est crucial : seuls 6,9 % des agriculteurs européens ont moins de 35 ans, tandis que près du tiers dépasse les 65 ans. On apprend également qu'une majorité d'agriculteurs n'ont pas reçu de formation spécifique en agriculture, ce qui constitue un enjeu de politique publique face aux défis qui attendent le secteur : amélioration des performances environnementales, changement climatique, digitalisation, etc. Après ce panorama chiffré, la note présente de façon synthétique les systèmes éducatifs et de formation agricoles européens, le rôle de la PAC dans ce domaine, et les positions du Parlement européen et des parties prenantes sur ce sujet.

Source : Think tank du Parlement européen

08:36 Publié dans Agriculteurs, Enseignement et recherche | Lien permanent | Tags : parlement européen, formation, agriculteurs, éducation |  Imprimer | | | | |  Facebook

06/11/2017

Innovation : la politique des pôles de compétitivité doit évoluer

Créés en 2004, les pôles de compétitivité constituent un des piliers de la politique de l'innovation en France. Parmi les 68 qui fonctionnent aujourd'hui, 12 sont axés sur les secteurs de l'agriculture ou de l'agroalimentaire. Un avis récent du CESE dresse un bilan globalement positif de cette politique, tout en invitant à la faire évoluer. Les pôles de compétitivité ont eu, en tant qu'écosystèmes territoriaux, des impacts positifs sur les filières et l'emploi, malgré des résultats décevants en matière de dépôts de brevets. Ils ont induit des dynamiques de coopération entre les entreprises et le monde académique, ainsi qu'entre les TPE/PME et les grands groupes. Ils ont également contribué à l'attractivité des territoires. Face aux faiblesses qui persistent, le CESE émet plusieurs propositions, parmi lesquelles encourager les synergies entre les différents pôles, renforcer la sélectivité des financements et leur ciblage sur l'innovation, accompagner les entreprises en matière de numérisation et de gestion des emplois et des compétences.

Source : CESE

17/10/2017

L'émergence des animal studies et le militantisme pro-animaux

Dans un article publié par la Revue d'anthropologie des connaissances, Jérôme Michalon (sociologue, CNRS) met en perspective trente ans de publications autour des relations Homme-Animal dans trois revues américaines reconnues.

La première, Anthropozoös, créée en 1987, est imprégnée par les idées pacifistes du courant de l'Humane Education. Elle défend une prise en compte des bénéfices des interactions Homme-Animal, notamment dans les situations de soin, à partir de méthodes behavioristes (evidence-based medecine). « Le point de vue des humains est le prisme à travers lequel est évaluée l'importance de la recherche ». En 1993, la revue Society and Animals met en cause cette perspective trop anthropocentrée et plaide pour une meilleure prise en compte du point de vue animal, en maintenant une exigence de production de données empiriques dans le cadre de protocoles d'enquêtes, mais avec « un sous-texte antispéciste visant à souligner l'arbitraire de l'opposition entre humanité et animalité ».

Le champ d'étude se rapproche alors du domaine académique des « studies » (Gender studies, Post-colonial studies, etc.), qui cherchent à provoquer « un changement de perspective » et à relire l'histoire en revalorisant « les points de vue minoritaires et/ou minorisés sur le monde ». Enfin, en 2007, le Journal of Critical Animal Studies développe une approche plus philosophique du problème, avec une « volonté de rendre "présentables" les théories de la libération animale ». Les auteurs se recrutent davantage du côté des humanités.

L'article retrace ainsi l'évolution des liens entre militants pro-animaux et scientifiques. Ceux-ci sont souvent réduits à l'influence, très en amont, de quelques penseurs souvent cités comme Peter Singer et Tom Regan. À rebours de cette histoire convenue, Michalon pointe les contradictions d'un espace discursif tendu « entre radicalisation et académiquement correct » et souligne l'arrivée tardive de « disciplines pour lesquelles la notion de "sujet" est importante », comme la philosophie.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Revue d'anthropologie des connaissances

10:32 Publié dans Enseignement et recherche, Société | Lien permanent | Tags : animal studies, relation homme-animal |  Imprimer | | | | |  Facebook

11/10/2017

« La caméra explore les champs » de la région Centre-Val de Loire

Le numéro de septembre d’Études Rurales, intitulé « La caméra explore les champs », se penche sur la représentation audiovisuelle de la société rurale, s'appuyant sur une série d'analyses de films ethnographiques à dimension sociale ou historique. La sociologue-anthropologue Nadine Michau y éclaire, dans un article analytique, son documentaire « Quel chemin on emprunte ? » sur les mutations agricoles du début du XXIe siècle dans la région Centre-Val de Loire. Ce film fait suite à l'enquête sociologique SOPHY (Conditions d’acceptabilité des changements de pratiques agricoles) menée par le laboratoire Citeres (Cités, territoires environnement et sociétés) et le CNRS-Université François-Rabelais-Tours entre 2011 et 2014, enquête à laquelle la réalisatrice a contribué.

« Quel chemin on emprunte ? » part ainsi de l'interrogation d'un céréalier quant à ses choix de pratiques culturales et son positionnement idéologique, dans un contexte de mutations technologique et économique de l'agriculture, et sous un contrôle citoyen omniprésent. Cinq profils sociaux d'agriculteurs, comme autant de réponses à cette question, sont distingués dans l'enquête SOPHY qui s'appuie sur les critères de conduite d'exploitation (méthodes conventionnelles, raisonnées et biologiques) et de perception par l'agriculteur de son environnement institutionnel et professionnel. Par des entretiens filmés avec des exploitants, N. Michau illustre chacun de ces profils.

Dans l’analyse de son film proposée dans Études Rurales, la réalisatrice critique le support filmographique et le « pouvoir de censure » qu’impose implicitement la caméra. Elle souligne ainsi le décalage entre les propos rapportés lors des entretiens et la réalité. En effet, souffrant de leur image médiatique de « pollueurs aux pratiques intensives », les agriculteurs interrogés mesurent l’image qu’ils offrent au public à travers ce documentaire. Cependant, l’enquête filmée reste, d’après l'auteure, un instrument de reconnaissance et de légitimation pour les exploitants agricoles à la recherche de modes d’expression plus directs auprès des citoyens. Enfin, diffusé aux institutions intéressées, « Quel chemin on emprunte ? » est également un outil intéressant d'investigation et un support de réflexion sociologique sur le métier d’agriculteur.

Capture d'écran du documentaire « Quel chemin on emprunte ? »

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Source : université de Tours

Armelle Huille, Centre d'études et de prospective

Sources : Études rurales, université de Tours

09/10/2017

L'Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecuária (Embrapa) - Entreprise Brésilienne de Recherche Agricole

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Fondée en 1973, l'Entreprise Brésilienne de Recherche Agricole (Embrapa) est un organisme rattaché au ministère de l'Agriculture, de l’Élevage et de l'Alimentation, et fait partie du Système National de Recherche Agricole (SNPA). Elle conduit des actions de recherche, développement, transfert de technologie, communication et développement institutionnel. Organisée en différentes unités (17 centrales et 62 décentralisées), l'Embrapa dispose d'un budget de 62 millions de Réals (16,8 millions d'euros) et emploie près de 9 900 agents, dont environ 2 400 chercheurs. Son action est déclinée en six programmes : pilotage de projets scientifiques de haut niveau, pluri-disciplinaires et multi-partenariaux ; compétitivité et durabilité sectorielles ; soutien au développement de l'agriculture familiale et à la durabilité de l'environnement rural ; etc. Elle consacre le programme « Embrapa et École » à la vulgarisation des connaissances pour les enfants et adolescents, et participe à l'élaboration et à l'exécution de politiques gouvernementales (réduction des émissions de gaz à effet de serre par exemple). Par ailleurs, elle tisse des partenariats internationaux en contribuant au Programme de coopération technique du gouvernement brésilien, notamment par le transfert technologique dans des régions d'agriculture tropicale.

L'Embrapa dispose d'un système d’intelligence stratégique, Agropensa, destiné à appuyer la définition de la stratégie de recherche, développement et innovation de l'institution et de ses partenaires. Il assure une identification et un suivi de tendances, et appuie l'organisation, l'intégration et la diffusion des bases de données et d'informations agricoles. Il réalise des études prospectives, dont la première, Visão 2014–2034: o futuro do desenvolvimento tecnológico da agricultura brasileira, est le fruit du travail collectif de plus de 200 personnes (Embrapa, autres institutions nationales et internationales, représentants des chaînes productives nationales).

Les publications de l'Embrapa traitent, entre autres, d'agro-écologie et de production biologique, d'agroforesterie, de biocarburants. On peut ainsi citer un rapport de juillet 2017 présentant quatre scénarios sur l'augmentation de la part du biodiesel dans la matrice énergétique brésilienne d'ici 2030. Enfin, l'organisme édite quatre revues à comité éditorial (Cadernos de Ciência & Tecnologia, Pesquisa Agropecuária Brasileira, Pesquisa Florestal Brasileira et Revista de Política Agrícola) et une revue de vulgarisation (Ciência para a vida).

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : Embrapa

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11/09/2017

Réutilisation des eaux usées pour l'irrigation en agriculture : une estimation globale

Publié en juillet, un article des Environmental Research Letters développe une méthode permettant d'estimer, à partir de bases de données existantes, la probabilité que des eaux usées soient réutilisées sur les terres agricoles. Les auteurs estiment ainsi qu'au niveau mondial, 29,3 millions d'hectares (Mha) sont concernés, principalement (85 %) dans cinq pays : Chine, Inde, Pakistan, Mexique et Iran.

Pour arriver à ces résultats, les auteurs ont utilisé la base de données MIRCA2000, afin d'identifier les surfaces irriguées péri-urbaines, situées au maximum à 40 km en aval de zones urbaines de plus de 50 000 habitants. Ces données ont ensuite été superposées à la carte du réseau des cours d'eau par bassin versant. Ce croisement leur a permis d'obtenir les zones péri-urbaines cultivées et irriguées à partir d'eaux superficielles, qu'ils ont nommées downstream irrigated cropland (DSIC). Les auteurs ont par la suite qualifié la part des eaux usées dans les eaux de surface en recourant au return flow ratio (RFR) développé dans le projet AQUEDUCT, et ont retenu les valeurs supérieures à 20 %.

La dernière étape a consisté en une classification des zones selon le pourcentage d'eaux usées traitées, en s'appuyant sur d'autres sources d'information : publications scientifiques, FAO AQUASTAT, rapports nationaux du Joint monitoring program, et International Utility Benchmarking Network (IBNET). Sur cette base, les auteurs ont finalement exclu les zones où plus de 75 % des eaux usées étaient traitées. Ainsi, si les États-Unis sont le pays avec le plus grand nombre d'hectares susceptibles de dépendre des eaux usées pour l'irrigation (DSIC), il est peu probable que ces 2,8 Mha soient irrigués par des eaux usées non traitées. La figure ci-dessous reprend les différentes étapes et les résultats de l'étude au niveau global.

Surfaces irriguées selon les différentes catégories successivement définies dans l'étude

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Source : Environmental Research Letters

Les surfaces calculées sont 8 fois supérieures à celles issues de précédents travaux reposant sur des enquêtes et des statistiques nationales. Les auteurs soulignent plusieurs limites : la saisonnalité des pluies qui fait varier les résultats consécutivement au choix du ratio RFR, la probable surestimation des niveaux de traitement des eaux usées par manque de données à une échelle fine, une approche plutôt globale ne tenant pas compte du type de cultures irriguées, etc.

Élise Delgoulet, Centre d'études et de prospective

Source : Environmental Research Letters

11:14 Publié dans Enseignement et recherche, Environnement, Production et marchés | Lien permanent | Tags : irrigation, eaux usées, reuse |  Imprimer | | | | |  Facebook

06/09/2017

Sociologie des systèmes alimentaires alternatifs. Une promesse de différence, Ronan Le Velly

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Depuis quinze ans, Ronan Le Velly (Montpellier SupAgro) s’est imposé comme l’un des spécialistes français des « systèmes alimentaires alternatifs », nourrissant sa réflexion de nombreuses enquêtes sur le commerce équitable et les circuits courts de proximité. Il s’interroge dans ce livre sur la « promesse de différence » portée par ces tentatives de réorganisation des filières agroalimentaires. L’analyse est menée à trois niveaux. Comment la promesse de différence s’exprime-t-elle dans les projets des acteurs ? Comment est-elle mise en action ? Enfin, les réalisations sont-elles à la hauteur, et comment faire mieux ?

Des choix et des compromis sont nécessaires pour faire entrer les projets dans la réalité. Ainsi, les finalités du commerce équitable ne peuvent pas toutes être atteintes simultanément. L’établissement des prix minimums est une étape délicate, en tension entre l’opposition au commerce conventionnel (les prix doivent être rémunérateurs) et le refus de la charité.

Ces « activités de régulation » peuvent déboucher sur des « agencements marchands » très variés. L’auteur compare notamment trois expériences de relocalisation des approvisionnements pour la restauration collective. Pour lui, l’hybridation des régulations conventionnelles et des régulations visant à « produire de la différence » est porteuse d’« enjeux opérationnels et politiques ». Il en vient ainsi à discuter la question du changement d’échelle et de la diffusion de ces formes innovantes.

Pour toucher un plus grand nombre de consommateurs, doit-t-on nécessairement se normaliser et donc s'éloigner de l'idéal d'« alternativité » ? Trois exemples sont détaillés : la professionnalisation du réseau Artisans du Monde, l’AMAP (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne) Poisson de l’Île d’Yeu et la certification Fairtrade. Le diagnostic est nuancé et l’auteur appelle à rejeter tout fatalisme. Il souligne en particulier que « la recherche peut aider les acteurs à saisir les mécanismes sources de satisfaction ou non de la promesse de différence ». La reconception des systèmes alimentaires apparaît ainsi, à le lire, comme un véritable enjeu d’ingénierie.

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Lien : Presses des Mines

Nanotechnology in Agriculture and Food Science, Monique Axelos, Marcel Van der Woorde (eds.)

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Ce recueil de 19 articles scientifiques signés de chercheurs internationaux présente une vue d'ensemble des différents usages possibles des nanotechnologies dans le domaine alimentaire. Il est coordonné par Monique Axelos, directrice scientifique alimentation et bioéconomie de l'Inra et Marcel Van der Woorde, professeur émérite de l'université de Delft.

En agriculture, le recours aux nanotechnologies permet de diminuer la quantité d'intrants chimiques en les rendant plus réactifs, encapsulés et ciblés sur un couple pathogène-plante. Dans l'agroalimentaire, différents systèmes peuvent contribuer à la salubrité des produits : emballages alimentaires qui, par effet barrière sur les gaz, inhibent la formation des bactéries, ou encore capteurs détectant des substances indésirables dans l'aliment (allergènes, contaminants). L'ouvrage aborde également la question des nanoparticules présentes dans les aliments : protéines naturelles, nanomatériaux organiques manufacturés encapsulant des micronutriments fragiles pour améliorer les qualités nutritionnelles ou organoleptiques, et enfin particules d'additifs alimentaires inorganiques pouvant se retrouver inopinément sous forme nanométrique.

Le recueil n'omet pas les dangers potentiels des nanotechnologies, en lien essentiellement avec les nanomatériaux inorganiques, et inclut des études de toxicologie, sur l'homme via le tractus gastro-intestinal, et sur l’environnement. Il souligne l'importance de l'analyse des risques, liée à la capacité des laboratoires à détecter et caractériser en routine les nanomatériaux.

La position de la Commission européenne en 2009, les présentant comme l'une des six technologies de pointe essentielles en 2020, est rappelée, ainsi que l'investissement dans ce domaine de nombreux pays, misant sur un effet positif sur la production agricole, le développement durable et le gaspillage alimentaire. Certains dispositifs sont déjà effectifs, d'autres encore au stade de la recherche.

Très technique mais complété par des illustrations, ce livre publié en langue anglaise est avant tout destiné à un lectorat professionnel : ingénieurs agronomes, chimistes de l’alimentation, toxicologues, écotoxicologues, administrations, industriels.

Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective

Lien : Wiley