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12/01/2018

Que manger ? Normes et pratiques alimentaires, François Dubet (dir.)

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L'alimentation n'a que peu intéressé les pères fondateurs des sciences sociales, qui y voyaient un objet trivial et secondaire. Depuis une trentaine d'années, elle bénéficie au contraire d'une attention soutenue de la part des jeunes chercheurs. Cet engouement s'explique par les crises sanitaires et les enjeux de santé publique, par l'ouverture des marchés et la mondialisation des cultures alimentaires, mais aussi par la place croissante des pratiques culinaires dans la construction des identités sociales. Les approches et les sujets évoluent, les méthodes et les terrains se diversifient. Le présent ouvrage témoigne de ce renouvellement et montre la progression du front de la recherche, à travers une douzaine d'articles des lauréats de l'appel à projets 2015-2016 de la Fondation pour les sciences sociales, dont le thème était : « Que manger ? Pratiques, normes et conflits alimentaires ». L'objectif de cette fondation est de faire connaître à un large public des travaux académiques innovants ancrés dans une solide démarche empirique.

La première partie traite des normes, coutumes, conventions et régulations alimentaires. Si les mangeurs ont toujours été encadrés et surveillés par les États, les religions ou les corporations, ces modalités de contrôle ne cessent d'évoluer et de se déplacer. Ainsi, S. Brimo montre que l'on passe de plus en plus de règles juridiques homogènes, édictées unilatéralement, contraignantes et sanctionnables, à des règles administratives molles, composites, facultatives, qui sont de l'ordre de la recommandation et du conseil. R. Schweizer souligne, lui, comment l'utilisation commerciale de l'origine « Suisse » a progressivement gagné en légitimité, entre intérêts économiques, expressions identitaires et compromis politiques. De son côté, S. Naulin explique pourquoi les critiques de restaurants dans les médias sont toujours convergentes et positives : manque de temps pour découvrir de nouveaux établissements, manque d'argent obligeant à se faire inviter, formatage des jugements par les attachés de presse, crainte des sanctions.

La seconde partie est consacrée aux comportements et modèles alimentaires. Y. Lohéac démontre, expérimentations à l'appui, que la faim est mauvaise conseillère : elle nous conduit à acheter plus d'aliments et à les payer plus cher que lorsque nous sommes rassasiés. Quant à A. Dupuy, son analyse de la division sexuelle du travail alimentaire à destination des enfants révèle que la réduction (timide) des inégalités homme-femme n'abolit pas les barrières de genre : la cuisine des pères diffère de celle des mères en de nombreux points (ingrédients, recettes, rapports au goût et à la santé, etc.). Citons enfin l'article de G. Comoretto qui, ayant observé la vie de cantines scolaires du point de vue des enfants, y décrit les processus de socialisation, de ségrégation et de domination.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions La Découverte