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17/01/2022

Thomas Delahais, Agathe Devaux-Spatarakis, Anne Revillard, Valéry Ridde (dir.), Évaluation. Fondements, controverses, perspectives, Éditions science et bien commun, décembre 2021

évaluation,politiques publiques,usages,sciences sociales

De nombreuses organisations lancent aujourd'hui des évaluations pour juger des effets de leurs interventions. C'est notamment le cas dans les domaines agricole, alimentaire et forestier. Pour autant, les bases théoriques de l'évaluation demeurent mal connues, et il existe peu de références francophones en la matière. Pour pallier ce manque, un collectif de praticiens et de chercheurs a réuni les traductions en français de textes fondateurs et contemporains sur le sujet.

L'ouvrage est organisé en cinq parties compilant chacune 5 à 8 textes, souvent des extraits d'articles de recherche ou de communications. La première partie se penche sur l'utilité de l'évaluation. Elle montre que si celle-ci s'appréciait auparavant à l'aune du nombre de recommandations mises en œuvre, la diversité des usages est désormais prise en compte : évolution de la perception d'une politique, apports de connaissances sur un phénomène, etc. La deuxième partie est consacrée aux acteurs de l'évaluation : des équipes scientifiques d'abord, considérées comme les garantes de l'objectivité des travaux, puis, dès les années 1970, un nombre grandissant d'intervenants (consultants, associations, etc.). La section suivante aborde la question des valeurs selon lesquelles sont jugées les dispositifs évalués. Là encore, un glissement progressif est mis en évidence. En effet, il était initialement admis qu'il revenait aux évaluateurs de déterminer les critères de jugement ; aujourd'hui, on considère de plus en plus que la définition de ces critères doit résulter d'une démarche participative incluant les parties prenantes. La quatrième partie se penche sur l'articulation entre science et évaluation : si l'évaluation mobilise des méthodes de sciences sociales, son caractère interdisciplinaire et appliqué a limité son implantation dans le champ universitaire. Enfin, le dernier chapitre dresse un panorama des paradigmes en matière d'évaluation. Il en souligne la diversité, entre d'un côté les tenants d'approches expérimentales, et de l'autre les adeptes de données qualitatives. Si beaucoup considèrent que ces paradigmes sont irréconciliables, d'autres plaident pour leur croisement.

Dans son ensemble, cet ouvrage offre une lecture historique, riche et diversifiée des fondements, des controverses et des perspectives dans le champ de l'évaluation des politiques publiques.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions science et bien commun

12/01/2018

Que manger ? Normes et pratiques alimentaires, François Dubet (dir.)

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L'alimentation n'a que peu intéressé les pères fondateurs des sciences sociales, qui y voyaient un objet trivial et secondaire. Depuis une trentaine d'années, elle bénéficie au contraire d'une attention soutenue de la part des jeunes chercheurs. Cet engouement s'explique par les crises sanitaires et les enjeux de santé publique, par l'ouverture des marchés et la mondialisation des cultures alimentaires, mais aussi par la place croissante des pratiques culinaires dans la construction des identités sociales. Les approches et les sujets évoluent, les méthodes et les terrains se diversifient. Le présent ouvrage témoigne de ce renouvellement et montre la progression du front de la recherche, à travers une douzaine d'articles des lauréats de l'appel à projets 2015-2016 de la Fondation pour les sciences sociales, dont le thème était : « Que manger ? Pratiques, normes et conflits alimentaires ». L'objectif de cette fondation est de faire connaître à un large public des travaux académiques innovants ancrés dans une solide démarche empirique.

La première partie traite des normes, coutumes, conventions et régulations alimentaires. Si les mangeurs ont toujours été encadrés et surveillés par les États, les religions ou les corporations, ces modalités de contrôle ne cessent d'évoluer et de se déplacer. Ainsi, S. Brimo montre que l'on passe de plus en plus de règles juridiques homogènes, édictées unilatéralement, contraignantes et sanctionnables, à des règles administratives molles, composites, facultatives, qui sont de l'ordre de la recommandation et du conseil. R. Schweizer souligne, lui, comment l'utilisation commerciale de l'origine « Suisse » a progressivement gagné en légitimité, entre intérêts économiques, expressions identitaires et compromis politiques. De son côté, S. Naulin explique pourquoi les critiques de restaurants dans les médias sont toujours convergentes et positives : manque de temps pour découvrir de nouveaux établissements, manque d'argent obligeant à se faire inviter, formatage des jugements par les attachés de presse, crainte des sanctions.

La seconde partie est consacrée aux comportements et modèles alimentaires. Y. Lohéac démontre, expérimentations à l'appui, que la faim est mauvaise conseillère : elle nous conduit à acheter plus d'aliments et à les payer plus cher que lorsque nous sommes rassasiés. Quant à A. Dupuy, son analyse de la division sexuelle du travail alimentaire à destination des enfants révèle que la réduction (timide) des inégalités homme-femme n'abolit pas les barrières de genre : la cuisine des pères diffère de celle des mères en de nombreux points (ingrédients, recettes, rapports au goût et à la santé, etc.). Citons enfin l'article de G. Comoretto qui, ayant observé la vie de cantines scolaires du point de vue des enfants, y décrit les processus de socialisation, de ségrégation et de domination.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions La Découverte

20/05/2015

Quelle place faut-il faire aux animaux en sciences sociales ? L’agentivité animale en question

Dominique Guillo (CNRS) livre, dans la Revue française de sociologie, un éclairage exigeant sur le renouveau actuel des travaux autour des relations homme-animal. Pour plusieurs raisons, la thèse du « Grand Partage » moderne entre nature et culture, avancée par Bruno Latour et reprise par Philippe Descola, pour rendre compte de l’exclusion des animaux du champ des sciences sociales, ne tient pas. Sous des airs de radicalité, les recherches ethnométhodologiques, d’une part, en anthropologie des sciences, d’autre part, reconduiraient en fait une posture, figée au XXe siècle, d’opposition entre sciences humaines et sciences de la nature, là où les travaux des fondateurs de la sociologie, au XIXe siècle (Durkheim, Weber), reconnaissaient une certaine continuité entre homme et animaux, ainsi que l’intérêt de collaborer avec les biologistes. Entre-temps, le racisme et l’eugénisme ont pour ainsi dire forcé les sciences sociales à dramatiser l’opposition entre nature et culture (l’humain irréductible à la biologie) et à reproduire les dualismes classiques de la philosophie. Aujourd’hui, pour l’auteur, il importe de ne pas perpétuer ces oppositions en faisant mine de les dépasser, et d’établir « un dialogue sans réductions croisées des sciences sociales avec les sciences de la vie ».

Lien : Revue française de sociologie

09:07 Publié dans Enseignement et recherche, Société | Lien permanent | Tags : animal, sciences sociales |  Imprimer | | | | |  Facebook