16/10/2018
Évaluation de l'impact de la PAC sur les flux de main-d’œuvre agricole
Une équipe de chercheurs du Centre for institution and economic performance (université KU Leuven, Belgique), a publié en septembre un document de travail sur une évaluation de l'impact des subventions de la Politique agricole commune (PAC) sur les flux de main-d’œuvre agricole. Si cette question n'est pas nouvelle, ce travail se démarque des précédents par une analyse distinguant les effets des différents outils de la PAC, par son ampleur (210 régions européennes de l'Union à 27 étant couvertes), par l'attention portée à la robustesse des estimations économétriques et par le caractère récent de la période étudiée (2004 à 2014).
Les auteurs montrent que, en moyenne sur l'Union européenne (UE) et sur la décennie étudiée, les subventions de la PAC ont ralenti, de façon faible mais néanmoins significative, les départs d'actifs agricoles du secteur. Dans l'ensemble des pays, cet effet est largement attribué aux paiements découplés du premier pilier. Il se révèle toutefois moins fort dans les « anciens » États membres (UE-15) que dans les « nouveaux ». Pour les auteurs, ce résultat s'explique par le fait que les paiements découplés améliorent la productivité agricole, et donc la survie des exploitations. Les paiements couplés du premier pilier n'ont eu quant à eux aucun effet sur l'emploi, quelle que soit la zone considérée (anciens ou nouveaux membres).
L'impact du second pilier sur l'emploi paraît nul dans son ensemble, mais cela masque en réalité des effets variés selon les mesures et pays considérés. Ainsi, les paiements agro-environnementaux ont fortement réduit les départs d'actifs agricoles dans l'UE-15, plus encore que ne l'ont fait les paiements découplés, mais pas dans les nouveaux États membres. Dans ceux-ci, les mesures les plus efficaces pour limiter les sorties de la main-d’œuvre agricole ont été les investissements dans le capital physique et les paiements pour les zones défavorisées ; en revanche, les investissements dans le capital humain les ont accélérés.
Sur la base de la précédente programmation, les auteurs estiment qu'une diminution de 10 % du budget de la PAC amènerait quelques 16 000 personnes (en plus des 180 000 départs annuels) à quitter tous les ans le secteur. Ils concluent également qu'un report de 10 % des aides couplées sur des paiements découplés préserverait près de 13 000 emplois annuels.
Vanina Forget, Centre d'études et de prospective
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13/09/2018
Consommation responsable : rapport du COE sur les opportunités pour l'emploi
Dans un rapport adopté en juin 2018, le Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) s'intéresse aux impacts potentiels sur les emplois (volume, structure, localisation) de la consommation responsable, définie comme tout comportement d'un consommateur arbitrant ses choix (achat, usage, rejet de biens et services), « non seulement sur la base de critères d'intérêt privé (prix, qualité) mais aussi au regard de considérations collectives ». Plusieurs segments (pratiques nouvelles ou connaissant une amplification récente) sont identifiés, en lien avec des problématiques i) d'environnement (ex : produits verts), ii) de santé et bien-être (produits biologiques, produits plus sains), iii) d'impact économique territorial potentiel jugé positif (produits locaux, circuits courts, « Made in France »), iv) de respect de normes sociales fondamentales et de principes éthiques (ex : commerce équitable). Mobilisant en particulier la littérature existante et une étude réalisée en propre sur les effets potentiels du « Made in France », le rapport caractérise les segments de consommation, analyse leurs effets possibles sur l'emploi et documente ces effets pour chaque tendance.
In fine, les auteurs proposent une grille d'analyse commune et relèvent que si ces nouvelles attentes se traduisent de plus en plus par des comportements effectifs d'achat, amenés à se poursuivre et s'amplifier, elles reposent sur des arbitrages complexes. En matière d'emploi, ces évolutions représentent des opportunités variées et divers canaux de création sont ainsi identifiés : plus grande intensité en main-d’œuvre (exemple des magasins bio équitables), moindre propension à importer, etc. De possibles effets multiplicateurs au niveau des territoires (ex : magasins de producteurs) et d'entraînement des secteurs connexes sont également mis en exergue. La nature et la localisation des emplois peuvent évoluer : réallocations géographiques et sectorielles (ex : bio, circuits courts), métiers nouveaux ou transformés (ex : permaculture, agriculture urbaine), etc.
Le COE identifie différents atouts français pour « consolider et développer » l'offre agricole, industrielle et des services liés (ex : poids des secteurs agricole et agroalimentaire, crédibilité et reconnaissance des labels d'origine et de qualité). La réalisation des potentialités d'emploi nécessite toutefois la conjugaison de plusieurs actions : information du consommateur, productivité et compétitivité de l'offre, distribution des produits « responsables », anticipation des besoins en compétences dans les métiers et territoires, attention accrue portée à la qualité des emplois, etc.
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Source : Conseil d'orientation pour l'emploi
10:19 Publié dans 2. Evaluation, Alimentation et consommation, Environnement, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : coe, consommation responsable, emploi | Imprimer | |
08/06/2018
Économie alimentaire et emploi en Afrique de l'Ouest
La Note ouest-africaine de l'OCDE d'avril 2018 aborde les activités agricoles et non agricoles contribuant à l'économie alimentaire en Afrique de l'Ouest, dans leurs dimensions spatiale, rurale, urbaine et démographique. Elle s’intéresse particulièrement aux jeunes et aux femmes.
Les données microéconomiques et sur l'emploi utilisées dans l'étude proviennent des enquêtes de la Banque mondiale (LSMS-ISA). Elles couvrent le Burkina Faso, le Ghana, le Mali, le Niger, le Nigeria, la Côte d'Ivoire et le Sénégal, qui représentent à eux seuls 82 % de la population de la région. Pour les pays restants, des modélisations ont été effectuées à partir des données de l'Organisation internationale du travail. La diversité, le niveau d'agrégation et la fiabilité des données limitent néanmoins la portée de l'analyse.
Pourcentage et nombre de personnes exerçant un emploi dans l'économie alimentaire
Source : OCDE
Selon les auteurs, les pays de la région qui disposent du PIB par habitant le plus élevé ont un niveau d'urbanisation plus important et une part d'emplois agricoles et alimentaires plus faible, ce qui révèle un processus de transformation structurelle. L'économie alimentaire, qui représente 66 % de l'emploi total de la région, reste en moyenne dominée par l'agriculture (78 % des emplois), suivie de loin par la commercialisation (15 %), la transformation (5 %) et la restauration hors domicile (2 %). La distribution spatiale montre que la première est essentiellement rurale, les autres étant urbaines, ou rurales et urbaines. Derrière ces données agrégées, les pays se caractérisent toutefois par des situations variées : par exemple, au Mali, l'agriculture représente 98 % de l'emploi, alors que ce taux est de 78 % au Ghana.
Le profil d'activité des jeunes (15-24 ans) employés dans le secteur alimentaire varie selon les pays, le milieu (rural ou urbain) et le genre. L'absence d'opportunités dans d'autres secteurs de l'économie explique qu'ils soient majoritairement employés en milieu rural. Par ailleurs, 51 % des emplois alimentaires sont occupés par des femmes, en grande partie dans les activités non agricoles : 83 % dans la transformation, 71 % dans la commercialisation et 88 % en restauration hors domicile. Selon les auteurs, le poids des jeunes et des femmes dans l'économie alimentaire de cette région justifierait des mesures pour faciliter leur insertion dans des activités non agricoles, sources d'opportunités et de diversification des revenus.
Hugo Berman, Centre d'études et de prospective
Source : OCDE
10:27 Publié dans Agriculteurs, IAA, Mondialisation et international, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : afrique de l'ouest, emplois, agriculture, commercialisation, transformatio, restauration, rural, urbain | Imprimer | |
07/06/2018
Les risques professionnels des travailleurs de l'agriculture, de la pêche et de la forêt augmenteront avec le changement climatique
L'Anses a publié en avril 2018 les résultats d'une expertise collective sur les risques induits par le changement climatique, à l'horizon 2050, sur la santé des travailleurs. À partir de la littérature scientifique, les auteurs identifient les évolutions climatiques et environnementales les plus probables, et les relient aux risques professionnels via les « circonstances d'exposition » de chacun. L'agriculture, la foresterie, la pêche et l'aquaculture apparaissent fortement exposées.
Risques liés au changement climatique par secteur d’activité
Source : Anses
La hausse des températures augmentera l'exposition à la chaleur et la pénibilité du travail, avec des impacts directs et indirects sur les risques professionnels, particulièrement forts pour les métiers d'extérieur. Chez les travailleurs agricoles, la chaleur pourrait conduire au développement de maladies chroniques, notamment respiratoires. Les sécheresses agricoles, plus longues et plus intenses, généreront des hausses de concentrations atmosphériques de poussières, contribuant à ces pathologies et aux expositions aux substances pesticides et biocides. Par ailleurs, la chaleur aggravera les feux de forêts et les risques professionnels directs en foresterie.
Le changement global modifiera les zones de répartition de vecteurs de maladies infectieuses (moustiques, tiques, etc.), faisant ainsi évoluer les risques (en particulier infectieux et allergiques) liés aux agents biologiques, notamment pour les personnes travaillant en milieu naturel ou en contact avec des animaux. Dans le milieu agricole, l’utilisation potentiellement plus importante de produits phytosanitaires, en réaction à d’éventuelles augmentations des pathologies des cultures et des animaux d’élevage, pourrait accroître le risque chimique.
Enfin, les modifications de la fréquence et de l’intensité de certains aléas climatiques (inondations, submersions, sécheresses, feux de forêts, etc.) pourront conduire à une augmentation des risques, en particulier accidentels, de fatigue physique et psychique, dans le monde agricole et forestier. L'augmentation de la fréquence des tempêtes sera un risque direct pour les travailleurs en extérieur et notamment de la pêche.
L'Anses conclut le rapport par plusieurs recommandations à destination du monde du travail et de la recherche afin de mieux anticiper et prévenir ces risques.
Vanina Forget, Centre d'études et de prospective
Source : Anses
10:11 Publié dans Climat, Forêts Bois, Pêche et aquaculture, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : changement climatique, anses, risques professionnels, agriculture, pêche, forêt | Imprimer | |
Ouvrières agricoles saisonnières embauchées en CDI : la fin de la précarité ?
Un récent document de travail présente une analyse sociologique de trajectoires professionnelles d'ouvrières agricoles, élargissant la question de la soutenabilité du travail aux différentes formes d'emploi, discontinu ou pérenne. L'auteur met ainsi en évidence les situations dans lesquelles certaines salariées peu qualifiées, embauchées en CDI à temps plein, peuvent devenir prisonnières de conditions de travail qu'elles jugent insupportables.
Poursuivant ses recherches sur le salariat agricole, en particulier dans sa composante saisonnière (voir sa thèse de doctorat sur le travail intermittent, comparant les saisonniers agricoles et les intermittents du spectacle), l'auteur s'appuie sur des enquêtes longitudinales menées auprès de salariés dans les Pyrénées Orientales. Retournant à deux ans d'intervalle interroger les mêmes personnes, il étudie leurs trajectoires au regard de leur situation de travail, de leur capital humain et de leur rapport au travail.
L'analyse est centrée sur des ouvrières travaillant pour un groupement d'employeurs, en CDI à temps plein. Dans un premier temps, l'auteur revient sur le contexte local auquel elles sont confrontées : un territoire peu industrialisé, où les emplois saisonniers en agriculture et dans le tourisme sont majoritaires ; un secteur, la production de fruits et légumes, soumis à une vive concurrence, en particulier du Maghreb et de l'Espagne ; un modèle d'organisation du travail et un statut juridique hybride (groupement d'employeurs) qui individualise la relation de travail ; une division genrée du travail, accentuant les inégalités de traitement au sein des ouvriers agricoles.
Dans ce contexte de pression intense sur les cadences de travail, des femmes, avec un bagage scolaire faible et peu valorisable sur le territoire, sont amenées à accepter des conditions de travail difficiles (pénibilité, discrimination salariale, harcèlement moral), pour s'assurer des revenus réguliers. Sortir de cette situation leur imposerait de démissionner, en perdant tout droit au chômage. C'est donc le fait même de disposer d'un emploi à temps plein qui les empêche de mettre à distance l'insoutenabilité de leur travail, au contraire des saisonniers qui avaient été enquêtés précédemment par l'auteur.
Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective
Source : Centre d'études de l'emploi
10:09 Publié dans Travail et emploi | Lien permanent | Tags : trajectoire professionnelle, ouvrières agricoles | Imprimer | |
06/06/2018
Écarts de salaires et barrières à la mobilité dans le secteur agricole
L'American Economic Journal a publié en avril 2018 un article visant à expliquer les différences de salaires entre l'agriculture et d'autres secteurs économiques. L'analyse microéconomique utilise la base de données américaine sur les ménages IPUMS, sur un échantillon de treize pays (riches et pauvres) pour la période 1970-2010. Cet article revêt un intérêt particulier dans la mesure où les freins à la mobilité des travailleurs agricoles vers des emplois non agricoles font l'objet de peu d'études.
Les auteurs montrent tout d'abord que les salaires dans l'agriculture sont inférieurs et les travailleurs moins éduqués que dans les autres secteurs. Par exemple, par rapport au cas spécifique des services qui utilisent une part importante de travailleurs qualifiés, le rapport est de un à trois pour les salaires, et de un à cinq pour le niveau d'éducation. Les auteurs estiment également, par secteur, le retour sur investissement scolaire en matière de salaire (« Returns to schooling », à savoir la valorisation du nombre d'années d'études en termes de salaire), alors que les travaux précédents le calculaient de façon agrégée. Ils montrent que ce retour sur investissement est plus faible dans le secteur agricole (voir figure).
Selon cet article, l'écart proviendrait davantage de la différence de « capacité intrinsèque » des travailleurs que de la manière dont le capital humain est valorisé dans chaque secteur. Pour le montrer, deux modèles multi-sectoriels ont été réalisés pour chacun de ces deux facteurs explicatifs. En comparant les gains de la mobilité du travail du secteur agricole vers un autre secteur de l'économie avec ceux constatés pour des travailleurs au Brésil, aux États-Unis et en Indonésie, les auteurs déduisent que le modèle basé sur les capacités intrinsèques aboutit à des résultats plus proches de la réalité.
Enfin, en estimant un niveau de capital humain par secteur (produit du retour sur investissement et du nombre d'années de scolarité), ils montrent que ce dernier explique une part plus importante de l'écart de salaire entre secteurs que ce que les travaux antérieurs avaient estimé. Est ensuite calculée la partie de cet écart non expliquée par la différence de capital humain et composée des barrières à la mobilité du travail de l'agriculture vers les autres secteurs : localisation géographique, facteurs sociétaux, etc. Les auteurs concluent que ces barrières sont faibles et bien inférieures à celles révélées par les travaux précédents.
Retour sur investissement scolaire en termes de salaire par secteur (agriculture, industrie, services) et par pays (selon le niveau de PIB/individu)
Source : American Economic Journal: Macroeconomics
Raphaël Beaujeu, Centre d'études et de prospective
10:05 Publié dans Mondialisation et international, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : salaires, agriculture, mobilité, capital humain | Imprimer | |
05/06/2018
En agriculture, plus de 90 % des emplois sont informels selon l'OIT
L'Organisation internationale du travail (OIT) vient de publier la troisième édition de son panorama du travail informel dans le monde, approfondissant l'investissement réalisé en 2013 à l'occasion de l'édition précédente. Ce sont désormais plus de 100 pays (soit plus de 90 % de la population active) qui sont couverts par des jeux de statistiques comparables. Un important travail méthodologique a ainsi permis d'évaluer le nombre d'emplois du secteur informel, et de les qualifier (types d'activité, d'accès à la protection sociale, etc.). Les résultats sont déclinés sous deux formes, incluant ou non l'agriculture. Au total, l'OIT évalue à plus de 60 % la proportion d'emplois informels, avec des variations importantes selon les pays, la localisation de l'emploi (rural/urbain), le genre, l'âge, le niveau d'éducation, etc. Ainsi, 93 % de l’emploi informel dans le monde se trouvent dans les pays émergents et en développement, et l’agriculture est le secteur affichant le plus haut niveau, estimé à plus de 90 %.
L'OIT alerte sur l'urgence à réduire l'informalité du travail, qui s'accompagne de difficultés d'accès à la protection sociale et juridique, de conditions de travail dégradées, d'une faible productivité et d'un accès restreint au crédit pour les employeurs.
Principaux critères permettant d'identifier l'emploi informel, au sens de l'OIT
Source : OIT
09:53 Publié dans Agriculteurs, Mondialisation et international, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : oit, travail informel, agriculture | Imprimer | |
04/06/2018
Le coût des prix bas : travailler dans le hard discount alimentaire
Un article de Cyrine Gardes (sociologue, Ehess), publié dans la Nouvelle revue du travail, rend compte d'une enquête de 8 semaines dans un magasin de hard discount alimentaire de la banlieue parisienne. La recherche d'une meilleure productivité du travail guide toute l'organisation, donnant lieu à « une redéfinition complète des métiers et de leurs cadences » : les postes d'encadrement et de maîtrise, de caissier, de manutentionnaire ou d'agent de nettoyage, tendent à « fusionner » pour éviter les temps morts. Par ailleurs, le brouillage des frontières hiérarchiques est mis en avant par les employeurs pour vanter un modèle social plus ouvert. Ce discours reflète en partie la réalité : le low cost alimentaire permet à certains d'accéder à des CDI, ou de reprendre des études. Mais, du fait des temps partiels, d'autres s'installent dans « une nouvelle situation défavorable, caractérisée par un revenu stable, mais particulièrement faible ».
Source : Nouvelle revue du travail
09:43 Publié dans Société, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : hard discount, travail | Imprimer | |
Mise en place, gestion et contrôle de la force de travail par une entreprise argentine agro-exportatrice
La revue Mundo Agrario publie, dans son numéro d'avril 2018, un article sur la gestion de la force de travail dans l'agroalimentaire, intitulé « Ricos buenos, pobres dignos. Moral y poder en una empresa agroexportadora del sur santafecino ». Combinant perspective historique, étude bibliographique et observation participante, l'auteur analyse le processus de formation d'un marché de travail localisé, par une entreprise agro-exportatrice installée depuis 150 ans dans le sud de la province de Santa Fe, en Argentine. Il caractérise la mise en place, par les différentes générations de propriétaires, d'un système de relations interpersonnelles (création d'une école en 1918, aides économiques, financement d'études) vis-à-vis des salariés, contribuant à la formation d'un sentiment d'appartenance et de réciprocité, et favorisant également une certaine soumission de ces derniers.
Source : Mundo Agrario
09:42 Publié dans Mondialisation et international, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : agroalimentaire, argentine, travail, histoire | Imprimer | |
14/05/2018
Désigner les arbres, un acte de sylviculture hautement subjectif
C'est ce que démontre une étude récemment publiée dans la revue PLoS ONE, à partir de l'analyse des choix d'arbres à exploiter dans le cadre d'éclaircies au sein de peuplements sur-capitalisés. L'acte de désignation des arbres est essentiel en matière de gestion sylvicole : il permet progressivement de choisir et élever, dans les conditions les plus favorables (accès à la lumière et à l'eau), les plus beaux spécimens (souvent d'un point de vue économique) d'un peuplement forestier. Il s'agit alors d'identifier par une marque (martelage), les arbres à abattre (ou à conserver, dans les premières éclaircies) par le bûcheron. Pour ce faire, les forestiers s'appuient sur les préconisations des guides sylvicoles, les objectifs de gestion du peuplement, et leur propre évaluation des arbres in situ.
Afin de mesurer l'impact du facteur humain dans cette sélection, les auteurs ont utilisé les résultats de tests de désignation menés dans 12 marteloscopes (espaces forestiers à vocation pédagogique), répartis sur tout le territoire de la Grande-Bretagne, avec 19 équipes de 9 à 20 personnes. Au total, 36 opérations de martelage ont été analysées selon deux axes : l'intensité plus ou moins forte du martelage (nombre d'arbres désignés par personne) et la convergence en matière de choix d'arbres (nombre de fois où l'arbre a été retenu).
Dans le cadre de l'étude, les situations proposées étaient globalement équivalentes, seule la localisation géographique variant : peuplements soumis à une faible intensité de gestion dans lesquels il fallait proposer une éclaircie, avec une majorité de forêts résineuses. Deux modalités d'éclaircie ont été comparées : « éclaircie par le bas » (suppression des arbres dominés par les sujets à conserver) et « éclaircie par le haut » (suppression de sujets co-dominants).
Répartition empirique des opérations de martelage selon le degré de convergence des évaluations (test statistique du Kappa), d'une convergence nulle (k < 0,1 ; « Poor ») à parfaite (k>0,9 ; « Perf. »)
Noir : éclaircies par le bas – Rouge : éclaircies par le haut
Source : PLoS ONE
Les résultats montrent qu'il n'y a pas de consensus en matière de désignation, et le dissensus est plus prononcé lors des éclaircies par le haut. Pour parvenir à cette conclusion, les auteurs se sont notamment inspirés de travaux menés dans le domaine médical, sur l'analyse de la convergence des diagnostics. Ils ont tenté d'expliquer, sans succès, une partie de ces différences d'évaluation par le niveau de compétences ou le degré de complexité du peuplement : à rebours des hypothèses préalables, les experts les plus chevronnés se sont avérés les moins convergents dans leurs avis, et les peuplements apparemment les plus complexes à évaluer facilitent des prises de décision similaires. Un travail plus fin d'analyse des comportements serait ainsi nécessaire pour approfondir ces premiers éléments.
Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective
Source : PLoS ONE
13:45 Publié dans Forêts Bois, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : forêt, martelage, sylviculture | Imprimer | |
09/04/2018
Ouvriers à l'abattoir. L'image d'un groupe professionnel dans les films documentaires
Dans le dernier numéro de la revue Images du travail - Travail des images, J-P. Géhin (sociologue à l'université de Poitiers) s'intéresse aux documentaires montrant le travail en abattoir. Les ouvrier-ère-s d'abattoir, peu nombreux et « quasi invisibles socialement », sont pourtant « un groupe professionnel souvent montré dans les documentaires de création ».
L'auteur analyse un corpus de 18 films en combinant deux grilles de lecture. La première entrée est attentive au travail : gestes effectués, position dans les relations de production, sens donné au travail, et notamment relation avec le hors-travail. La seconde est centrée sur les représentations du groupe professionnel : comment le documentaire présente-t-il le métier ? Quelle voix est donnée aux membres du groupe dans le film, pour en donner quelle image ? Quels emblèmes sont associés à celui-ci ?
Parmi ces films, deux sont restés célèbres, Le Sang des bêtes de Franju (1949), sur les abattoirs de La Villette, et Meat de Wiseman (1973), sur la chaîne de la viande aux États-Unis. Ces deux « œuvres fondatrices » organisent une polarisation du regard, la première sur la violence de la mise à mort des animaux, la seconde sur la mécanisation et l'automatisation d'une « industrie de flux ». Dans la plupart des films, le travail lui-même semble invisible, ce qui renvoie certes aux efforts de communication d'entreprises désireuses de contrôler leur image, mais aussi à « des difficultés plus générales concernant la possibilité de montrer et d'analyser le travail humain ».
Quelques tentatives récentes s'efforcent de déplacer le point de vue « en puisant dans la boîte à outils des sciences sociales ». L'auteur mentionne ainsi la « visée ergonomique » de films tels que Le cinquième quartier (Alazard, 2008) et Saigneurs (Gaullier et Girardot, 2015). Entrée du personnel (Frésil, 2011) contourne l'impossibilité de filmer en toute indépendance, en combinant scènes jouées par les ouvriers et « vraies » images du travail. Géhin éclaire également l'actualité récente et commente les vidéos diffusées par l'association L214. Pour lui, « l'abattoir n'est pas une exception honteuse mais seulement une loupe grossissante de nombreux espaces professionnels où robotisation et numérisation imposent des cadences toujours plus soutenues, renforçant la pénibilité physique comme mentale ».
Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective
09:45 Publié dans Société, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : abattoirs, documentaires, travail | Imprimer | |
04/04/2018
Le bien-être des agriculteurs affecté négativement par le travail
C'est l'une des conclusions de l'étude publiée récemment par la Dares, à partir des résultats de l'enquête de 2016 sur les conditions de travail et les risques psychosociaux. Le bruit, l'isolement et le manque de reconnaissance sont les principaux facteurs de mal-être au travail des agriculteurs.
Les contributions du travail au bien-être selon la catégorie socio-professionnelle
Source : Dares
Les auteurs se sont appuyés sur un indicateur synthétique, la contribution des conditions de travail au bien-être psychologique, déterminée à partir de six types d'exposition (pénibilité physique, contraintes d'organisation, intensité du travail, conflits éthiques, demande émotionnelle, insécurité de la situation de travail) et trois types de ressources (autonomie, soutien social, reconnaissance). Dans un deuxième temps, ces résultats sont confirmés par une analyse plus fine, prenant appui sur deux typologies différentes des situations de travail, au regard de leur participation au bien-être des travailleurs. Ainsi les agriculteurs se retrouvent-ils, pour plus de la moitié, dans les classes des « invisibles » ou des « mécontents » (typologie 1), et des « isolés » ou « précaires laborieux » (typologie 2).
Source : Dares
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03/04/2018
Un nouveau MOOC s'intéresse à la durabilité des systèmes alimentaires dans une perspective méditerranéenne
Développé dans le cadre d'un partenariat entre le Barilla Center for food and nutrition (BCFN), le Sustainable Development Solutions Network, la SDG Academy et l'université de Sienne, ce cours en ligne, ouvert mi-mars, a pour objectif de donner un aperçu des défis et opportunités du secteur agricole dans le bassin méditerranéen, en lien avec les enjeux environnementaux et climatiques. Il est organisé en dix modules, traitant par exemple de l'histoire de l'agriculture et du régime alimentaire de cette région, de pêche et d'aquaculture, des moyens d'atteindre différents Objectifs du développement durable (ODD), ou encore des nouveaux types de métiers dans le contexte méditerranéen.
Sources : BCFN, SDG Academy
08:47 Publié dans Agronomie, Alimentation et consommation, Environnement, Pêche et aquaculture, Sécurité alimentaire, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : mooc, bcfn, méditerranée, systèmes alimentaires | Imprimer | |
13/03/2018
Identifier et valoriser les compétences transversales pour faciliter les mobilités professionnelles
Les compétences transversales, mises en œuvre dans des métiers très différents, peuvent faciliter la mobilité professionnelle. C'est l'un des résultats d'un récent document de travail de France Stratégie qui poursuit, par là, son analyse approfondie de l'évolution des métiers et des compétences.
Ce travail original s'appuie d'abord sur l'enquête « Conditions de travail » de la Dares pour identifier, pour 75 familles professionnelles, des situations de travail types mettant en œuvre des compétences transversales : celles-ci sont génériques, non spécifiques, telles que les compétences « socles » (lecture, écriture, calcul, numérique) et les compétences comportementales. Puis, dans un second temps, le panel annuel de l'enquête « Emploi » de l'Insee est utilisé pour déterminer les facteurs expliquant les mobilités professionnelles entre métiers. L'analyse porte essentiellement sur les salariés, pour lesquels l'enquête « Conditions de travail » est plus détaillée. On peut notamment citer les salariés de l'agriculture et du maraîchage-viticulture, les techniciens et cadres de l'agriculture, les ouvriers et techniciens des industries de process (dont font partie les industries agroalimentaires, IAA), les métiers des services à la personne (SAP).
Au total, 16 situations de travail ont été associées à des compétences transversales spécifiques : par exemple, le travail en environnement physique contraint requiert une capacité à adopter des gestes et postures adaptés. Les métiers sont ensuite classés en fonction de l'importance de la mobilisation de chacune des compétences transversales, rapprochant des familles professionnelles a priori éloignées : ainsi, la prise en charge des risques et l'application de normes de qualité sont partagées par les jardiniers, les bouchers-charcutiers, les ouvriers des IAA ou du BTP, les médecins et les militaires.
Des compétences transversales communes à des familles de métiers très diverses
Source : France Stratégie
Cette proximité de situations de travail et de compétences transversales associées explique, en partie, les mobilités professionnelles constatées. Toutefois, certains facteurs peuvent venir réduire les flux entre secteurs, lorsque les métiers sont fortement genrés (ex : services à la personne), géographiquement concentrés (ex : viticulteur) ou reposent sur une technicité spécifique (ex : boucher-charcutier ou boulanger).
En réalisant une cartographie des compétences transversales par métiers, cette étude met en évidence leur importance et la nécessité de les valoriser, surtout pour les salariés les moins qualifiés, afin de favoriser des mobilités professionnelles choisies, mais également pour répondre à la demande des secteurs en tension, parmi lesquels les IAA, l'agriculture et les SAP.
Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective
Source : France Stratégie
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07/03/2018
Co-combustion de bois dans les centrales à charbon américaines : plus d'emplois à court terme, mais plus d'émissions de CO2 à long terme
Telle est la principale conclusion du Policy Brief récemment publié par la Chaire Économie du Climat sur la base de propositions présentées à la Maison Blanche par FutureMetrics, cabinet de consultants américains spécialisé dans le pellet de bois. En effet, la production d'électricité issue de centrales à charbon est actuellement très concurrencée par les centrales thermiques fonctionnant à partir de gaz de schiste. Or, les emplois mobilisés dans les premières sont trois fois plus importants que dans les secondes. La filière forestière est elle-même en difficulté en raison de la baisse d'activité dans la filière papetière. L'introduction de 10 % de pellets de bois dans les centrales à charbon permettrait de réduire sensiblement les émissions de CO2 du secteur, tout en soutenant l'emploi dans les filières charbon et forêt-bois.
L'auteur du Policy Brief alerte sur les risques d'une telle stratégie à long terme, en particulier pour la transition énergétique et la ressource forestière aux États-Unis. Il admet toutefois que ce type de stratégie puisse être utilisé de manière transitoire en phase d'investissement dans les énergies renouvelables.
Source : Chaire Économie du Climat
10:04 Publié dans Climat, Forêts Bois, Mondialisation et international, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : etats-unis, centrales, électricité, pellet, bois | Imprimer | |