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08/07/2020

Une évaluation de l’efficacité et de l'efficience de différents outils de politique agro-environnementale

L'Institute for Climate Economics (I4CE) a publié, en juin 2020, une étude consacrée à la Politique agricole commune (PAC). Si la prochaine réforme de la PAC est toujours en cours de négociation, la Commission européenne a d'ores et déjà annoncé sa volonté de passer d'une logique d'obligation de moyens à une logique d'obligation de résultats. Ce changement d'approche vise notamment à améliorer l'efficacité et l'efficience des aides agro-environnementales. Mais qu'en serait-il vraiment si de telles mesures étaient adoptées ?

Pour répondre à cette question, l'étude analyse six outils de politique agro-environnementale : le paiement vert, les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), les aides à l'agriculture biologique (conversion et maintien), la certification Haute valeur environnementale (HVE), le label bas carbone (LBC) et un dispositif australien relatif à la séquestration du carbone dans les sols agricoles. Les quatre premiers sont considérés comme des outils à obligation de moyens, visant à promouvoir des pratiques supposées bénéfiques pour l'environnement, alors que les deux derniers relèvent davantage d'une obligation de résultats. Pour chacun de ces outils, les auteurs ont estimé les impacts ainsi que les coûts (conception, fonctionnement, suivi, contrôle) associés à leur mise en œuvre.

Ils tirent plusieurs enseignements de leurs analyses. En premier lieu, les mesures à obligation de résultats n'entraînent pas nécessairement une plus grande efficacité : celle-ci dépend de l'ambition du dispositif et de son niveau d'exigence en matière d'additionnalité. Elles sont en revanche très pertinentes lorsque les liens entre les pratiques agricoles et les impacts sont mal connus au niveau global, car elles laissent à l'agriculteur la responsabilité de choisir les pratiques permettant d'atteindre localement le résultat visé. De plus, les mesures à obligation de résultats peuvent être moins coûteuses à administrer que celles à obligation de moyens, à l’instar des cadres de certification carbone, dont les coûts de gestion sont généralement plus faibles que ceux des MAEC. Enfin, l'approche basée sur une obligation de résultats faciliterait l'évaluation environnementale de la PAC, conduisant les auteurs à souligner, en conclusion, l’opportunité d’un tel dispositif dans la prochaine programmation.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : Institute for Climate Economics

La PAC actuelle ne permet pas d'enrayer le déclin de la biodiversité selon la Cour des comptes européenne

La biodiversité européenne décline depuis de nombreuses années et l'intensification agricole en est une des causes principales. Pour enrayer cette baisse, l'Union européenne s'est engagée en 2010 à respecter les objectifs de la convention des Nations unies sur la diversité biologique (figure ci-dessous). Dans ce but, la Commission a adopté en 2011 une stratégie en faveur de la biodiversité, dont l'un des objectifs est le renforcement de la contribution de l'agriculture au maintien et à l'amélioration de la biodiversité. Dans un rapport publié en juin, la Cour des comptes européenne analyse la contribution de la Politique agricole commune (PAC) à l'atteinte de cet objectif, et confirme certains résultats de l'évaluation de l'impact de cette politique sur la biodiversité, publiée en novembre 2019 par la Commission.

Accords internationaux et actions de l'UE en faveur de la biodiversité

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Source : Cour des comptes européenne

Dans le cadre de son suivi annuel, la Commission estime que, en 2019 et 2020, l'UE pourrait consacrer 8 % de son budget à la biodiversité, soit 13,5 milliards d'euros par an, avec une contribution annuelle de la PAC de 10,3 milliards d'euros. Cependant, selon les auteurs, cette estimation n'est pas fiable : elle repose sur l'utilisation de coefficients grossiers. De plus, la Cour souligne que cette estimation ne tient pas compte des autres dépenses pouvant avoir des impacts négatifs.

Méthode utilisée par la Commission pour calculer le financement de la biodiversité octroyé au titre de la PAC

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Source : Cour des comptes européenne

Les auteurs concluent que la majeure partie des fonds de la PAC n'a eu qu'un impact positif limité sur la biodiversité. Ainsi, la plupart des paiements directs ne contribuent pas à sa préservation ou à son amélioration. L'impact positif de la conditionnalité n'a pas été démontré tandis que le verdissement, étudié plus en détails dans un précédent rapport (voir à ce sujet un billet sur ce blog), est jugé peu ambitieux. Les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), et celles visant l'agriculture biologique et les zones Natura 2000, sont les plus susceptibles d'avoir un effet positif, mais peu de contrats sont passés avec des agriculteurs pour les plus exigeantes d'entre elles, en particulier celles relatives aux cultures arables. De ce fait, les auteurs préconisent i) une amélioration de la conception et de la mise en œuvre de la stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité (notamment coordination entre États membres et suivi des dépenses), ii) une contribution renforcée des paiements directs et du développement rural à la biodiversité des terres agricoles et iii) l'élaboration d'indicateurs permettant d'évaluer les effets de la PAC.

À noter qu'une nouvelle stratégie Biodiversité à horizon 2030 a été présentée par la Commission européenne en mai 2020.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Cour des comptes européenne

15:46 Publié dans 4. Politiques publiques, Environnement, PAC | Lien permanent | Tags : cour des comptes européenne, biodiversité, pac, budget |  Imprimer | | | | |  Facebook

Des transformations importantes des chaînes de valeur mondiales, accélérées par l'épidémie de Covid

Si la pandémie n'en est pas à l'origine, elle accélère les tendances lourdes à l’œuvre en matière d'investissements internationaux et, par là même, la transformation des chaînes de valeur mondiales : telle est la conclusion de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), dans son rapport publié en juin 2020.

L'organisme y conduit une analyse approfondie des évolutions, au cours des trente dernières années, de la « production internationale », à savoir celle des multinationales à l'origine des chaînes de valeur globales et des échanges qu'elles génèrent. Il propose notamment une classification des secteurs d'activité en fonction du type de chaîne de valeur, utilisant des critères liés à leur longueur et leur fragmentation, à la distribution géographique de la valeur ajoutée, au mode de gouvernance et au degré d'internalisation. L'agriculture (incluse dans l'ensemble I de la figure ci-dessous), apparaît comme l'archétype du secteur primaire peu intensif en capital, alors que l'agroalimentaire (ensemble III) est représentatif des chaînes de valeur régionalisées.

Répartition de la production internationale en fonction de la longueur et de la dispersion géographique des chaînes de valeur mondiales et identification des configurations archétypales

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Source : CNUCED

Lecture :

- I : industries primaires avec a. celles intensives en capital et b. celles peu intensives en capital ;

- II : chaînes de valeur intensives avec a. les faiblement technologiques et b. les technologiques ;

- III : répartition géographique avec a. une distribution en étoile et b. une distribution régionalisée :

- IV : industries des services connectés aux chaînes de valeur mondiales avec a. celles à forte valeur ajoutée, et b. celles à faible valeur ajoutée.

Les auteurs identifient trois ensembles de tendances qui ont transformé les chaînes de valeur au cours des trois dernières décennies et qui auraient été renforcées par la pandémie : la nouvelle révolution industrielle (robotisation et intelligence artificielle, digitalisation, fabrication additive), les évolutions en matière de politiques économiques (interventionnisme national, protectionnisme en matière d'investissement et de commerce, régionalisme et bilatéralisme), affirmation des enjeux de durabilité (réglementations, transformation des process et des produits, impacts sur les approvisionnements).

En combinant ces évolutions, quatre trajectoires des chaînes de valeur mondiales sont envisagées pour la prochaine décennie : relocalisation, diversification, régionalisation et reproduction. Dans ce dernier scénario, les multinationales se concentrent sur le design des produits et le pilotage des chaînes de valeur, délégant la production en série à des sous-traitants localisés au plus près des consommateurs, notamment grâce à l'impression 3D. Pour l'agriculture, la régionalisation et, dans une moindre mesure, la diversification et la relocalisation sont les trajectoires les plus probables. Dans le cas des industries agroalimentaires, la régionalisation et la diversification seraient les voies principales d'évolution.

Pertinence des différentes trajectoires selon les secteurs

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Source : CNUCED

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : CNUCED

Besoins en financement de l'agriculture et de l'agroalimentaire dans l'Union européenne : enseignements de l'étude fi-compass

Conduite à la demande de la Commission européenne et de la Banque européenne d'investissement, l'étude fi-compass a été publiée en juin 2020. Elle analyse l'offre et la demande de financements dans les secteurs agricole et agroalimentaire, dans 24 États membres, en suivant une méthodologie commune. L'étude repose sur deux enquêtes téléphoniques menées en 2018 et 2019, auprès de 7 600 agriculteurs, complétées par un examen des statistiques publiques européennes et nationales, et d'entretiens avec des parties prenantes, administrations et organismes financiers. Chaque pays a fait l'objet d'un rapport individuel, accessible sur un portail dédié. Une des contributions originales de l'étude consiste en l'estimation du déficit de financement (financing gap), défini comme la « demande de crédit non satisfaite en raison de contraintes ou d'absence d'accès au financement », et qui comprend à la fois les demandes rejetées ou découragées (anticipation de rejet).

Dans le cas de la France, plusieurs résultats intéressants se dégagent. Tout d'abord, le marché du crédit augmente dans le secteur agricole depuis plusieurs années, avec 52,7 milliards d'euros de prêts en 2018 contre 47,7 milliards en 2015. Néanmoins, les auteurs estiment qu'il existe un déficit de financement, entre 1,3 et 1,7 milliard d'euros, en dépit de conditions d'accès au crédit favorables et de taux d'intérêt bas. Les crédits sont inégalement répartis, 15 % des exploitations agricoles concentrant 65 % des volumes de prêts. Enfin, les nouveaux entrants et les jeunes agriculteurs connaissent un accès plus difficile au crédit, comme les porteurs des projets les plus innovants.

Déficit de financement du secteur agricole français par type de produit bancaire, 2017

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Source : fi-compass

Dans le secteur agroalimentaire français, la hausse de l’investissement est nettement plus marquée que pour l'agriculture (+35 % entre 2014 et 2017) et elle atteint 13 à 14 milliards d'euros en 2018. Cependant, le déficit de financement dans ce secteur serait de 2,9 milliards et concernerait à 88 % les petites entreprises. Sur la base de ces diagnostics, l'étude propose une série de recommandations, en faveur notamment d'évolutions du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

Déficit de financement du secteur agroalimentaire français par type de produit bancaire, 2017

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Source : fi-compass

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : fi-compass

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07/07/2020

Économies de gamme et synergies entre ateliers dans les élevages laitiers bavarois

Dans le numéro de juillet de l'European Review of Agricultural Economics, deux chercheurs allemands étudient les synergies liées à la diversification des productions dans les élevages laitiers de Bavière. Des économies de gamme sont en effet possibles lorsque les coûts de production de plusieurs produits, une fois regroupés, sont inférieurs aux coûts de production séparés. Les chercheurs se sont focalisés sur les complémentarités de coûts de facteurs de production qui permettent des économies croisées entre deux ateliers, et contribuent aux économies de gamme. Celles-ci peuvent aussi reposer sur le partage des coûts fixes. De telles complémentarités existent lorsque des ressources (y compris immatérielles, comme les compétences techniques) sont mobilisées pour différentes productions sans frais supplémentaires.

Les travaux exposés reposent sur les données comptables collectées de 2000 à 2014 par le Farm Accountancy Data Network (FADN, Rica européen) : ils retiennent 1 647 exploitations laitières de Bavière, enquêtées pendant au moins deux années successives. Si les exploitations laitières sont, en général, spécialisées, une part non négligeable de leurs recettes peut provenir d'une diversification interne : valorisation de la viande issue du troupeau laitier, mais aussi ateliers allaitants ou grandes cultures.

Part des différents ateliers dans les recettes des exploitations laitières de Bavière (2000-2014)

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Source : European Review of Agricultural Economics

Les complémentarités de coûts croisées entre les ateliers sont alors identifiées économétriquement par la distance à une fonction d'efficience, et analysées selon les caractéristiques des fermes et des agriculteurs. En définitive, ces économies dépendent de la taille et du degré de spécialisation des exploitations. Les plus grandes exploitations laitières réalisent davantage d'économies par des synergies avec les grandes cultures, alors que les plus petites peuvent mieux bénéficier de complémentarités avec l'atelier viande. La différence pourrait s'expliquer par le fait que les structures les plus grandes sont plus intensives en capital et les autres en travail. Pour les auteurs, si la diversification ne se limite pas aux réductions de coûts étudiées par eux, les politiques qui cherchent à la soutenir devraient prendre en compte la taille et la structure des exploitations.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : European Review of Agricultural Economics

Les effets de la pandémie de Covid-19 sur les activités économiques ultra-marines en débat au Sénat

Le 9 juin dernier, la Délégation sénatoriale aux outre-mer a organisé deux tables rondes sur l’agriculture et la pêche, donnant la parole à divers acteurs professionnels et publics. Ces sessions visaient à exposer les effets de la crise sanitaire sur l’activité, les mesures publiques de soutien dédiées et les adaptations des professionnels.

Vidéo de la table ronde sur l'agriculture et la pêche dans les outre-mer

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Source : Sénat

Selon la plupart des présidents de Chambres d’agriculture auditionnés, la crise sanitaire a eu un effet de loupe sur les difficultés des activités agricoles dans les territoires ultra-marins, tenant en partie à leur insularité. Le ralentissement du fret aérien a ainsi fragilisé l’approvisionnement en intrants ou en œufs à couver (indispensables à la filière avicole), conduisant à la baisse des surfaces et volumes de production. Les exportations ont par ailleurs été freinées, avec un manque à gagner significatif pour les agriculteurs, à l’image de ceux de la filière melon. La raréfaction de certains produits très prisés dans l’océan Indien, tels que l’ail, l’oignon et les épices, a enfin entraîné une hausse de leurs prix. En revanche, l’exiguïté des territoires et les hauts niveaux d’interconnaissance ont favorisé l'adaptation à ce contexte inédit, comme l'illustre le développement des points de vente directe et de drives fermiers dans la plupart des départements et régions d’outre-mer. Ces initiatives ont contribué à la stabilité des systèmes alimentaires locaux même si la crise a conduit certains ménages à privilégier le stockage de produits secs au détriment de la consommation d’aliments frais.

La table ronde sur la pêche a souligné la difficulté pour les producteurs d'accéder aux mesures de soutien gouvernementales, faute d’être à jour de leurs cotisations auprès de l’Union de recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales (URSSAF). Par ailleurs, le difficile écoulement des produits a entraîné des surcoûts liés à leur stockage. Enfin, d'après les intervenants, la gestion publique de la pandémie aurait renforcé les frontières nationales, d’ordinaire plus poreuses, diminuant ainsi l’exposition des pêcheurs locaux aux importations concurrentes de produits de la mer en provenance des bassins régionaux.

Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective

Lien : Délégation sénatoriale aux outre-mer

Impact des facteurs de changement global sur la biodiversité microbienne et les fonctionnalités des sols

Une littérature de plus en plus abondante documente les liens entre les pertes de biodiversité et les facteurs de changement global induits par l'homme (réchauffement climatique, usage des terres, etc.). Trois chercheurs chinois se sont intéressés, eux, aux impacts, moins étudiés, de ces facteurs sur la biodiversité microbienne et les fonctionnalités du sol. Les résultats de leur méta-analyse sont publiés dans Nature Communications.

Les auteurs compilent les résultats de 341 publications, comprenant 1 235 observations de terrain relatives à l'évolution de six facteurs de changement global : réchauffement, augmentation de la teneur en CO2, variation des précipitations, addition de phosphore, addition d'azote, changement d'usage des terres. Les observations ont été réalisées au sein de huit types de biomes : terres agricoles, toundras, forêts tempérées/boréales, forêts tropicales/subtropicales, végétation méditerranéenne, prairies, déserts et zones humides.

Localisation des terrains d'échantillonnage pour les études se penchant sur l'impact (a) du réchauffement et (b) de la concentration de CO2

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Source : Nature Communications

Les auteurs ont étudié l'impact de ces facteurs sur la diversité microbienne, de types « alpha » (estimée en nombre d'espèces coexistant sur un site) et « beta » (mesurée en niveau de similitude dans la composition des espèces de sites différents), et sur la structure des communautés. Ils ont aussi envisagé leurs effets sur la biomasse et les fonctionnalités des écosystèmes : respiration microbienne, processus liés aux cycles du carbone, de l'azote et du phosphore.

Ils concluent que, contrairement à ce que la littérature tend à montrer pour les macro-organismes tels que les animaux et les végétaux, les facteurs de changement globaux n'entraîneraient pas systématiquement une diminution de la biodiversité microbienne – à l'exception des espèces rares, plus sensibles à ceux-ci. Par ailleurs, la réduction de la diversité microbienne ne s’accompagnerait pas systématiquement d’une dégradation des fonctionnalités du sol, davantage impactées par la structure des communautés et la biomasse.

Principaux facteurs influençant la diversité microbienne du sol de type « alpha » dans les écosystèmes terrestres, issus d'études de cas sélectionnées

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Source : Nature Communications

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Communications

15:27 Publié dans Environnement | Lien permanent | Tags : sols, biodiversité, biodiversité microbienne |  Imprimer | | | | |  Facebook

Livre blanc sur la télémédecine vétérinaire

Le think tank Vet IN Tech, acteur reconnu de la télémédecine vétérinaire depuis 2017, présente un livre blanc sur le sujet au moment même où un décret vient d'en autoriser l'expérimentation. La première partie du document définit la télémédecine vétérinaire en comparant le contenu du décret et un avis de l'Académie vétérinaire de France de 2017, qui posait des jalons importants en la matière : cette pratique recouvre la téléconsultation, la téléexpertise, la télésurveillance médicale, la téléassistance médicale et la télérégulation.

Les cinq actes de télémédecine vétérinaire

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Source : Vet IN Tech

Un parangonnage est effectué avec la médecine humaine et la télémédecine vétérinaire dans trois pays anglo-saxons (Canada, États-Unis, Royaume-Uni), où la relation avec le client est régie par un contrat de soin et la télémédecine très encadrée. Le Canada, en particulier, l'a très tôt pratiquée du fait des distances à parcourir pour un effectif de vétérinaires insuffisant, les pratiques étant encadrées par un document de l'association des vétérinaires de 2014.

Dans une deuxième partie, véritable guide pour les vétérinaires, divers outils sont comparés au regard de leurs possibilités de connexion, leur interopérabilité (avec les logiciels de gestion de la clinique ou les applications des portables de leurs clients par exemple) et leur capacité de sécurisation des données. Les auteurs insistent sur quelques bonnes pratiques qui favorisent les téléconsultations dans des conditions aussi professionnelles qu'une consultation classique : elles concernent par exemple le temps et le formalisme à y consacrer.

Divers usages de la télémédecine sont aussi présentés. Paradoxalement, alors que la médecine des animaux de compagnie est très proche de la médecine humaine, les auteurs considèrent que la médecine vétérinaire rurale est la plus à même de développer la télémédecine (en particulier dans le cadre de la télésurveillance), en raison de l'usage des objets connectés en élevage. Dans ce cas, la principale difficulté est de faire payer le conseil à son juste prix. Enfin, les auteurs mettent en évidence l'intérêt de développer en parallèle la télémédecine et les actes classiques, plutôt que de substituer la première aux seconds.

Vue d'ensemble des possibilités offertes par la télémédecine pour l'examen clinique et les plans de prévention des maladies en élevage

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Source : Vet IN Tech

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : Vet IN Tech

L'Agence européenne de l'environnement fait le point sur les biodéchets

L'Agence européenne de l'environnement (EEA) a publié, début juin 2020, un état des lieux de la gestion des biodéchets dans l'UE, afin de promouvoir leur valorisation au sein d'une économie circulaire. Il s'agit aussi d'éclairer les modalités par lesquelles l'Union peut atteindre les cibles qu'elle s'est fixées en matière de réduction et de traitement durable des biodéchets (ex. : recycler 65 % des déchets municipaux d'ici à 2035).

Les auteurs soulignent que les biodéchets représentent 34 % des déchets municipaux dans l'UE, dont 60 % issus de l'alimentation et 36 % des espaces verts. Les pertes et gaspillage alimentaires compte pour 88 millions de tonnes chaque année, soit 173 kg/personne, ou encore 20 % de la nourriture produite. Un tel volume a des effets négatifs en termes environnementaux et de consommation, chaque kg de nourriture gaspillée représentant 0,8 à 4,5 kg de CO2 émis, et 3,2 à 6,1 € perdus pour l'acheteur.

Les biodéchets dans une économie circulaire

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Source : Agence européenne de l'environnement

Les auteurs recensent ensuite les possibilités de traitement et de valorisation des biodéchets, au premier rang desquelles le compostage. Celui-ci nécessite un processus qualité pour que le fertilisant qui en est tiré soit pur et utilisable. L'Allemagne, le Danemark et le Royaume-Uni ont par exemple développé des standards de qualité du digestat. Si les données sur le compostage, notamment des particuliers, sont rares, les auteurs estiment que 48 % des Slovènes ont un dispositif domestique dédié. En parallèle, ils mentionnent la digestion anaérobie produisant du biogaz ou du biodiesel, et l'alimentation animale. Cependant, la capacité de traitement des biodéchets varie beaucoup d'un État membre à un autre (de 0 à 356 kg/personne/an).

Enfin, les auteurs identifient des pistes d'actions publiques pour améliorer la prévention et le traitement des biodéchets : normes d'étiquetage responsable (interdire de labelliser « compostable » ou « biodégradable » des produits contenant du plastique, etc.) ; approches politiques combinant des mesures de sensibilisation et d'autres à caractère économique (annulation de la TVA sur les produits alimentaires donnés, etc.) ou réglementaire ; partenariats public-privé ; plates-formes de redistribution de la nourriture.

Hiérarchie des options préférables dans la gestion des biodéchets

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Source : Agence européenne de l'environnement

Vincent Hébrail-Muet, Centre d'études et de prospective

Source : Agence européenne de l'environnement

15:20 Publié dans Biomasse/Biocarburants, Environnement | Lien permanent | Tags : biodéchets, pertes, gaspillage, économie circulaire |  Imprimer | | | | |  Facebook

06/07/2020

Améliorer la durabilité de la pêche par des réformes fiscales : l'exemple des crevettes du Mozambique

Dans un document de travail de mai 2020, l'International Institute for Environment and Development (IIED) propose la mise en place de leviers fiscaux pour améliorer la durabilité de la pêche à la crevette de surface au Mozambique, dont les stocks déclinent. Ce travail repose sur une revue de littérature, une analyse des données existantes et la conduite d'entretiens.

La pêche artisanale a une responsabilité grandissante dans la surexploitation de cette ressource. La hausse du nombre de bateaux motorisés permet aux pêcheurs de s'éloigner des côtes, créant sur ces zones une concurrence avec la pêche semi-industrielle, alors même qu'ils ne sont pas soumis à la même réglementation (ex. arrêt saisonnier de la pêche industrielle). Le manque d'équipements frigorifiques entraîne en outre jusqu'à 25 % de pertes de marchandise, et la pêche sans licence ou avec du matériel illégal est courante. Pourtant, la pêche artisanale est importante pour l'alimentation des populations locales, elle crée de nombreux emplois en aval et donc plus de richesses que les pêches (semi-)industrielles.

Parmi les mesures préconisées, la réduction voire la suppression de l'exonération de taxe sur les carburants, néfaste pour l'environnement et bénéficiant surtout à la pêche industrielle, permettrait de générer des ressources publiques. Celles-ci pourraient financer la diversification des activités locales (et ainsi stopper l'arrivée de nouveaux pêcheurs), ou l'achat de matériel frigorifique permettant de diminuer les pertes de crevettes et donc de revenu. De plus, l'exemption de certains intrants et équipements de la taxe à l'importation (ex.: bateaux) pourrait être réduite afin de développer des filières de production et des emplois locaux.

La pérennisation des activités de pêche dépend avant tout de la préservation des mangroves, habitat naturel des crevettes. L’État gagnerait à les restaurer et les protéger, par exemple en promouvant l'utilisation par les familles d'autres sources d'énergie que le bois.

Capture de crevettes de surface (tonnes), au Mozambique entre 2007 et 2017, par type d'opérateur (vert : industriel ; rouge : semi-industriel ; bleu : artisanal)

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Source : IIED

Aurore Payen, Centre d'études et de prospective

Source : IIED

15:18 Publié dans 4. Politiques publiques, Pêche et aquaculture | Lien permanent | Tags : mozambique, crevettes, fiscalité |  Imprimer | | | | |  Facebook

Rôle de la géographie française dans l'approche territoriale de l'INTA (Argentine)

Un article publié en juin 2020 dans la revue Economía, Sociedad y Territorio aborde la genèse et la consolidation de l'approche territoriale à l'Instituto Nacional de Tecnología Agropecuaria (INTA), en mettant en évidence les apports de la géographie française à partir des années 1960. Créé en 1956 en Argentine (voir à ce sujet un portrait sur ce blog), l'INTA avait comme objectifs la recherche fondamentale et la diffusion des savoirs agricoles, dont le contenu et les orientations évoluèrent depuis, selon les contextes politiques.

À partir des années 1960, des programmes d'échange entre l'université de Bordeaux et la Universidad Nacional de Cuyo ont été développés, avec l'arrivée en Argentine d'enseignants et d'étudiants français : leurs contributions ont nourri la pratique locale de la géographie et laissé leur empreinte à l'INTA, en mettant l'accent sur l'approche territoriale et le développement régional. La coopération se poursuit de nos jours, notamment au sein du laboratoire Agriterris qui réunit des institutions françaises, argentines et brésiliennes.

L'approche territoriale s'est traduite, dans l'action publique argentine, par la mise en place des Proyectos regionales con enfoque territorial (PRET), qui déclinent à l’échelle locale le Plan Estratégico Institucional 2005-2015. Son objectif était d'impliquer davantage les organismes publics de recherche dans la prise en compte des problématiques socio-économiques et spatiales des territoires. Les stations expérimentales couvrant l'ensemble du pays ont permis la prise en compte des réalités régionales à partir des années 2000.

La mise en place des 122 PRET a entraîné une redistribution des rôles et une réallocation des ressources entre les deux piliers de l'institut que sont la recherche fondamentale et la vulgarisation des résultats. Celle-ci y est devenue de plus en plus centrale, en dépit du scepticisme des acteurs de la recherche fondamentale quant aux caractéristiques et finalités des PRET. En effet, selon l'auteur, ils favorisent la transmission des connaissances produites par les centres régionaux vers les systèmes productifs, contrastant avec l'orientation traditionnelle de l'INTA centrée sur les filières. Ces évolutions ont pu conduire à des conflits quant au choix des sujets de recherche au sein de l'institution.

Répartition géographique des centres régionaux de l'INTA en charge des PRET

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Source : INTA

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : Economía, Sociedad y Territorio

15:14 Publié dans Développement, Enseignement et recherche, Territoires | Lien permanent | Tags : géographie, argentine, inta |  Imprimer | | | | |  Facebook

Le développement de filières locales est-il le gage d'une écologisation des pratiques agricoles ?

La relocalisation des systèmes alimentaires contribue-t-elle à l’écologisation des pratiques agricoles ? Pour répondre à cette question, les auteurs d’un article publié en mai 2020, dans la revue Développement durable et territoires, adaptent les cadres d'analyse communément mobilisés pour étudier des démarches agro-écologiques en circuit court, faites de relations entre producteurs, intermédiaires et consommateurs (cf. tableau). L'article compare ainsi l'émergence de deux filières en région Auvergne - Rhône-Alpes :

- la filière du steak haché surgelé « 100 % charolais du Roannais », portée par Roanne agglomération et un groupe d'éleveurs de bovins charolais à l'herbe, associant 17 producteurs et 16 enseignes de distribution, pour 6,5 tonnes de viande en 2017 ;

- une filière de soja en Isère et dans les deux Savoies, mise en place par une coopérative agricole, qui propose un tourteau de soja non OGM aux producteurs de fromages savoyards sous signe de qualité (60 éleveurs engagés, 500 ha de soja soit 1 500 t/an en 2017).

Grille d'analyse du développement de filières productives locales (en grisé, critères agro-écologiques)

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Source : Développement durable et territoires

L’analyse établit que, dans un premier temps, la relocalisation des systèmes alimentaires valorise plus les pratiques agricoles existantes considérées comme écologiques qu'elle n'induit une véritable remise en question des pratiques conventionnelles. Dans l'ensemble, ces démarches de transition socio-économique des systèmes alimentaires n'intègrent pas le consommateur dans leur gouvernance. Le tourteau de soja non OGM, issu d'une trituration mécanique, questionne les pratiques des producteurs (préservation de la qualité du sol, fertilisation, rotations) mais également des polyculteurs-éleveurs qui l'utilisent pour l’alimentation de leurs troupeaux. Quant à la gouvernance multi-partenariale de la filière steak haché « 100 % charolais du Roannais », qui associe acteurs des filières et des territoires, elle est considérée par les auteurs comme le prototype d'une gouvernance adaptative, ouverte à la controverse sur l'écologisation des pratiques d'élevage, ce qui consolide sur le temps long les processus d'apprentissage.

Claire Bernard-Mongin, Centre d'études et de prospective

Source : Développement durable et territoires

Manger en ville. Regards socio-anthropologiques d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie, Audrey Soula, Chelsie Yount-André, Olivier Lepiller, Nicolas Bricas (dir.)

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Faisant suite au colloque « Manger en ville » organisé à Paris en décembre 2017, cet ouvrage réunit les regards socio-anthropologiques portés par des chercheurs d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie sur les mangeurs urbains. Alors que la question alimentaire est souvent abordée sous les angles de la consommation ou de la nutrition, le grand intérêt de ce livre est de se placer au niveau des individus, de leurs pratiques et de leurs représentations, d'autant plus que, comme le rappelle J.-P. Hassoun dans sa préface, « la ville est porteuse d'injonctions sociales entremêlées, souvent contradictoires ou paradoxales ».

À partir de terrains variés, les trois parties traitent des prescriptions normatives, de la rencontre entre alimentation et paysages urbains, et de l'invention de nouvelles pratiques culinaires. Par exemple, S. Kapadia interroge les notions de confiance et de défiance à Baroda (État du Gudjarat, Inde), à partir de la consommation hors domicile d'étudiants et de la popularité non démentie des « nouilles Maggi » depuis trois décennies, et ce malgré une crise sanitaire récente. De son côté, L. Martinez-Lomelí analyse les tensions entre injonctions sanitaires et patrimoniales à Mexico et Guagalajara (Mexique). Enfin, Y. Berton-Ofouémé présente les transformations de la cuisine urbaine à Brazzaville (République du Congo), du début des années 1990 à 2018, entre invention de nouveaux mets par les citadins (salades de crudités, peau de porc grillée) et diversification de la cuisine de rue. Si tous les continents y sont dorénavant représentés, la restauration hors domicile revêt des significations différentes selon les catégories socio-professionnelles. Dans un contexte de difficultés économiques, elle permet en particulier une alimentation à moindre coût et la création d'activités.

En conclusion, les coordonnateurs de cet ouvrage soulignent que ces analyses permettent de « questionner le regard habituellement porté, le plus souvent depuis le Nord, sur l'alimentation dans les villes du Sud ». Ces contributions échappent aux regards souvent « catastrophistes » ou « dénonciateurs » et documentent non pas des mouvements d'« uniformisation », de « convergence » ou de « transition », mais une grande diversité de situations et de trajectoires.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Quæ

03/07/2020

Trop peu de recherches sur les liens entre forêt, déforestation et maladies émergentes

Une analyse bibliométrique menée par une équipe de chercheurs français, publiée en mai 2020 dans la revue Environmental Research Letters, montre que les interactions entre la forêt, la déforestation et les maladies infectieuses émergentes sont peu documentées. En recherchant ces trois termes, dans le titre ou le résumé des articles publiés, les auteurs n'en ont trouvé que 565 entre 1953 et 2018. Qui plus est, la plupart se limitent à l'étude d'une partie de la chaîne de transmission des maladies, traitant seulement de la maladie de Lyme et des leishmanioses cutanées, ou considérant uniquement le continent américain. Seuls 165 articles envisagent réellement ces interactions et permettent d'éclairer, par exemple, les origines de la pandémie de Covid 19.

Les auteurs concluent sur l'importance de développer des recherches sur cette thématique, en privilégiant une échelle globale et une approche systémique, de façon à mieux comprendre et prévenir les dynamiques à l’œuvre.

Illustrations schématiques de maladies infectieuses ayant une origine forestière dans des situations de déforestation et d'augmentation des interactions entre l'homme et le milieu naturel

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Source : Environmental Research Letters

Lecture : à gauche, les ronds colorés illustrent la distribution de quatre maladies émergentes naturellement présentes dans ce type d'écosystèmes forestiers, le virus Nipah (en rouge), la bactérie responsable de l'ulcère de Buruli (en vert), les virus d'immunodéficience simienne (VIS) et humaine (VIH) (en jaune), la malaria (en bleu). À droite, les schémas montrent comment la déforestation liée au développement de l'agriculture, à l'installation des hommes et à la consommation de viande d'animaux sauvages modifie les équilibres et augmente le risque d'exposition des humains à ces maladies.

Source : Environmental Research Letters

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Une cartographie des services écosystémiques forestiers en Europe

Couvrant près de 40 % du territoire de l'Union européenne (UE), la forêt fournit de nombreux services écosystémiques qui sont cartographiés dans un article publié dans la revue Land Use Policy. Leur étude met notamment en évidence des disparités importantes entre les espaces forestiers de l'UE. Ainsi, les forêts du sud de l'Union, de l'ouest français et de l'Angleterre ont une vocation majoritairement récréative. Celles des régions de montagne fournissent essentiellement des services écosystémiques associés à la production de biomasse et à la régulation du cycle de l'eau. Quant aux espaces boisés des zones les plus septentrionales, ils remplissent des fonctions de stockage du carbone. Enfin, les forêts des régions du pourtour de la mer Baltique présentent un profil équilibré, témoignant de leur caractère multi-fonctionnel.

Services écosystémiques forestiers prédominants par région NUTS 3

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Source : Land Use Policy

Source : Land Use Policy

15:06 Publié dans Environnement, Forêts Bois | Lien permanent | Tags : forêts, services écosystémiques |  Imprimer | | | | |  Facebook