Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/02/2022

Les mouvements pour la revalorisation de la sauce soja au Japon

Alice Doublier (CNRS) a mené une enquête, au Japon, sur les mouvements de revalorisation de la sauce soja. Un article paru fin 2021 dans Anthropology of food en livre les premiers résultats. Le condiment, obtenu par macération d’un mélange de blé et de graines de soja, constitue un pilier de la gastronomie japonaise, « assaisonnement passe-partout » recherché pour sa régularité et l’apport en umami, « cette cinquième saveur qui enrobe le palais ». Produite traditionnellement en fûts de cèdre (image ci-dessous), la sauce fait l'objet, dès les années 1950, d’une production industrielle et d’une consommation globalisée, soutenue par l’implantation des brasseries Kikkoman aux États-Unis et en Europe. La consommation japonaise actuelle est 3,5 fois moins importante que celle des années 1970, les volumes produits dans l'archipel diminuent depuis les années 1990 et les productions traditionnelles sont en crise, ne représentant plus que 1 % du marché national.

Chai de sauce soja de la brasserie Shôkin

chai de soja.jpg

Source : © Alice Doublier (Shôdoshima, juin 2019)

Réticents à mettre en place des labels ou des indications géographiques, les petits producteurs s’organisent cependant, depuis une dizaine d’années, sous forme de collectifs et de réseaux protéiformes, pour « défendre une production locale et à taille humaine ». L’article décrit aussi les activités d’un nouveau corps de spécialistes, qui se présentent comme « sommeliers ». Derrière leurs trajectoires singulières (artiste-designer, salaryman reconverti, fils d’un brasseur, etc.), on peut voir un effet de génération, ainsi que « l’impérieuse nécessité ressentie » par de nombreux Japonais de faire vivre leurs industries traditionnelles et leur tissu de petites et moyennes entreprises (céramique, saké, etc.).

L’article souligne les efforts pour faire apprécier, à l’aide de différents dispositifs (livres, dégustations publiques, visites de chai, collaboration avec des chefs étrangers), les nuances entre différentes sauces, « réelles mais fort subtiles ». Comme souvent dans les démarches de patrimonialisation gastronomique, la défense d'une production artisanale est accompagnée « d’une mise en récit de la diversité des modes de fabrication et des saveurs », sous des formes qui évoquent la promotion du vin ou le dynamisme des bières artisanales. L’auteure souligne également la difficulté à justifier un prix bien plus élevé que celui du produit standard vendu en supermarché.

Dans le même numéro et toujours sur le Japon, signalons un article consacré aux scènes de cuisine et de dégustation dans les films d’animation, et un autre sur la fin du tabou de la viande au XIXe siècle.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Anthropology of food

07/02/2022

Durabilité et résilience du système alimentaire des Hauts-de-France

Le Basic et Bio Hauts-de-France ont réalisé un diagnostic de la durabilité et de la résilience du système alimentaire régional, insistant sur les enjeux de reterritorialisation. Les auteurs se sont appuyés sur des données publiques, la littérature existante et des ateliers d'échange avec une soixantaine d'acteurs. L'étude établit un « potentiel nourricier » de 130 % : la région est excédentaire en terres agricoles par rapport aux besoins alimentaires de ses habitants. Mais, elle présente un « potentiel agro-industriel » de seulement 70 % : les capacités de transformation agroalimentaire régionale et les emplois associés sont insuffisants pour répondre à la demande des habitants en produits transformés. Le diagnostic pointe également des fragilités du système alimentaire : dépendance aux intrants importés, faible capacité de résistance face aux chocs climatiques extrêmes, etc. Enfin, il présente deux scénarios à l'horizon 2050 (tendanciel et « de résilience et de préservation ») et leurs impacts sur l'emploi, les potentiels nourricier et agro-industriel.

Le « potentiel nourricier » des Hauts-de-France en 2019

potentiel nourricier.jpg

Source : Le Basic-Bio Hauts-de-France

Source : Le Basic

« Le lait, éternel, universel » : un épisode de l'émission radiophonique Concordance des temps

concordance des temps.jpg

Le 8 janvier 2022, J.-N. Jeanneney a consacré un épisode de l'émission Concordance des temps au lait, en compagnie de l'historien D. Nourrisson (université de Lyon). Consommé et présent dès l'Antiquité dans les mythologies (Grecs et Romains, Peuls, Égyptiens notamment), le lait est ensuite sacralisé au Moyen Âge, donnant lieu à de nombreuses œuvres d'art. L'allaitement fait depuis l'objet de débats récurrents (Renaissance, XIXe siècle, période contemporaine) : allaitement maternel, confié à une nourrice ou encore à base de lait animal. À partir du XVIe siècle, la consommation de lait de vache et de ses produits dérivés augmente progressivement, allant de pair avec l'accroissement des rendements de production. Un temps limitée aux zones de montagne et aux campagnes, l'offre en périphérie des villes se développe, des modes de transformation (ex. pasteurisation, fromages) et de transport contribuant à son extension. De grandes entreprises émergent (Nestlé, Danone, Lactalis) et, dans les années 1950, l'État soutient la consommation de lait avec des distributions scolaires.

Source : France Culture

10/01/2022

Nicolas Bricas, Damien Conaré, Marie Walser (dir.), Une écologie de l'alimentation, Éditions Quæ, décembre 2021, 312 pages

bricas 1.jpg

Publié pour les dix ans de la chaire Unesco Alimentations du monde, cet ouvrage propose de penser une « écologie de l'alimentation », vectrice à la fois de relations et d'engagement dans la société. Préfacé par C. Fischler, il valorise la grande richesse des travaux conduits par la chaire et est accessible dans une version augmentée en ligne. À la fois bilan et programme, il documente et questionne les grands défis alimentaires au fil de cinq parties. La première envisage l'alimentation comme essentielle à « nos relations dans le monde » (avec soi, les autres, la biosphère) et la deuxième traite des enjeux systémiques contemporains. La proposition d'une écologie de l'alimentation est décrite dans la troisième partie, tandis que la quatrième discute des « mots d'ordre » de la durabilité alimentaire : lutte contre le gaspillage, relocalisation, fortification des aliments, pouvoir des « consom'acteurs », etc. Enfin, s'appuyant sur les initiatives existantes, la dernière partie envisage les changements d'échelle nécessaires et les rôles de différents acteurs (secteur privé, formation et recherche, pouvoirs publics).

Liens : Éditions QuæChaire Unesco Alimentations du monde

08:45 Publié dans Alimentation et consommation, Société | Lien permanent | Tags : alimentation, durabilité |  Imprimer | | | | |  Facebook

15/12/2021

Domaines d'application et perspectives de l'impression alimentaire en 3D

L'impression alimentaire en 3 dimensions est une technique de fabrication additive permettant d'obtenir des produits personnalisables (aspect, composition), à partir d'ingrédients (chocolat, fromage, sucre, etc.), d'additifs ou de préparations à base de viandes, fruits, légumes, etc. Un article publié en octobre 2021, dans Comprehensive Reviews in Food Science and Food Safety, passe en revue les études récentes sur la mise en œuvre de cette technologie, dans plusieurs domaines d'application (figure ci-dessous) : nutrition personnalisée, santé, alimentation au cours des missions spatiales, etc.

Chronologie des principales avancées technologiques de l'impression alimentaire tridimensionnelle

impression alimentaire 1 bis.jpg

Source : Comprehensive Reviews in Food Science and Food Safety

Pour la chaîne d'approvisionnement, l'impression alimentaire en 3D peut réduire les coûts liés à la préparation des aliments et à leur transport. Cette technologie permettrait aussi de diminuer le gaspillage alimentaire en offrant la possibilité, notamment, d'utiliser comme ingrédients des éléments inexploités par ailleurs (ex. résidus de céréales, de viande, de produits laitiers, de fruits et de légumes). En matière de santé publique, l'enrichissement en nutriments des aliments imprimés ouvre, selon les auteurs, des perspectives pour lutter contre la malnutrition. De plus, l'impression permet l'amélioration esthétique des produits basés sur des ingrédients hautement nutritifs (insectes, algues, etc.), ce qui les rendrait plus acceptables par le consommateur. Elle peut également répondre à des enjeux d'alimentation personnalisée, en concevant des aliments spécifiquement adaptés aux besoins nutritionnels et de santé d'un individu ou d'une population spécifique (problèmes digestifs, allergies ou intolérances). Par ailleurs, des expérimentations de cette technologie sont en cours dans le cadre de missions spatiales de longue durée, pour lesquelles ses intérêts sont multiples : personnalisation du régime alimentaire des astronautes, augmentation de la variété de nourriture, prolongation de la durée de conservation des denrées, amélioration des propriétés organoleptiques des aliments, etc.

L'intégration d'une quatrième dimension, temporelle, élargit encore le champ des possibles, l'aliment pouvant se modifier après son impression. Il s'agit d'imprimer des aliments en 3D dont les propriétés (saveur, forme, couleur, composition nutritionnelle) sont sensibles à des stimuli (lumière, température, pH, humidité, etc.). Les pistes d'application sont multiples : changement des propriétés des aliments lors de la consommation, allongement de la durée de conservation, facilitation du stockage et de la distribution grâce à une compatibilité avec des emballages plats, etc. Enfin, l'auteur souligne les écarts de développement et d'adoption de cette technologie selon les régions du monde, en raison de son coût, de sa haute technicité et d'une acceptabilité différente de ces nouveaux aliments.

Jérôme Lerbourg, Centre d'études et de prospective

Source : Comprehensive Reviews in Food Science and Food Safety

15/11/2021

Utilisation du big data et des systèmes d'aide à la décision en hygiène alimentaire

Publié récemment dans Trends in Food Science and Technology, un article de chercheurs irlandais fait une revue de littérature sur l'usage du Big Data et des Systèmes d'aides à la décision (SAD) pour l’évaluation du risque sanitaire en alimentation, plus spécifiquement lié au changement climatique. Il a en effet des conséquences sur la sécurité alimentaire, en particulier au niveau microbiologique. À partir de 4 bases de données bibliométriques, les auteurs ont identifié 856 articles parus entre 1995 et 2021, pour en retenir finalement 92 portant sur les thèmes analysés.

De nombreuses sources d'informations et de données sur l'alimentation existent (recherche, données recueillies tout au long de la chaîne alimentaire), fournissant des éléments de natures diverses : propriétés physico-chimiques, règles juridiques, caractéristiques économiques, etc. (figure ci-dessous). Les techniques d'exploration de données (data mining) en évaluation des risques alimentaires associent l'intelligence artificielle, l’apprentissage automatique (machine learning) et l'apprentissage profond (deep learning). Elles évaluent la probabilité de la présence de pathogènes ou de contaminants, en explorant les facteurs environnementaux qui augmentent le risque de leur présence à toutes les étapes, de la fourche à la fourchette.

Réseau des sources et des types d'informations alimentaires

hygiene alimentaire.jpg

Source : Trends in Food Science and Technology

Parmi les menaces documentées, le changement climatique affectera température et taux d'humidité, deux facteurs favorisant le développement de mycotoxines dans les céréales, qui consommées par les vaches peuvent ensuite se retrouver dans leur lait. Or, cette filière fait l'objet de très nombreuses collectes de data, et leur traitement à l'aide de SAD permet par exemple de tracer et d'identifier avec précision les sources de contaminations à l'aflatoxine B1, et donc de retirer à la fois le lait produit de la chaîne alimentaire et les céréales de la ration des animaux concernés.

Le développement d'outils associant big data et SAD est promu dans divers programmes de recherche (programme européen H2020, projet néerlandais RICHFIELDS, etc.). Les auteurs font trois recommandations pour les améliorer : i) le recours renforcé à des outils d'analyse automatique de documents, actuellement sous-utilisés ; ii) l'utilisation de la plateforme de recueil de données sur la consommation des Européens, lancée en 2021 par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), qui peut se faire via des applications mobiles ; iii) le développement de la blockchain pour une transparence complète et le traçage de tous les composants sur l'ensemble de la chaîne alimentaire.

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : Trends in Food Science and Technology

08/11/2021

Les dépenses alimentaires des ménages américains bouleversées par le Covid

L'Economic Research Service du ministère américain à l'agriculture (USDA) a publié une analyse de leurs dernières statistiques sur les dépenses alimentaires des ménages américains. En 2020, avec la crise sanitaire, elles ont chuté de 8 %, recul inédit dans les dernières décennies, la récession de 2009 ne s'étant traduite que par une baisse de 3 %. C'est naturellement la consommation hors domicile qui a lourdement chuté, avec près de - 20 % de dépenses. Pour la première fois depuis vingt ans, les consommations alimentaires à domicile (+ 5 %) sont redevenues majoritaires. Les sources d'approvisionnement ont aussi été modifiées par la crise sanitaire : la hausse de la consommation à domicile a essentiellement profité aux épiceries et supermarchés (+ 8 %), historiquement majoritaires mais jusque là en déclin, et retrouvant en 2020 une part de marché de 60 %.

Source : USDA ERS

18/10/2021

Modifications de la structure de la filière fruits et légumes (1997-2018)

Dans le dernier numéro d’Infos Ctifl, la revue mensuelle d’actualités du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes, une analyse de la structuration de la filière fruits et légumes et de son évolution (1997-2018) est proposée. Cette filière ne couvre que 2 % de la surface agricole utile française mais elle emploie 18 % de la main-d’œuvre agricole. Ses 200 organisations de producteurs jouent un rôle important dans la première mise en marché et permettent un certain rééquilibrage des relations commerciales, grâce aux investissements réalisés en commun (production, conditionnement), au regroupement de l’offre et à la réduction des coûts de transaction qui en résultent. Cette première mise en marché peut aussi être réalisée par l’un des 540 expéditeurs, parfois producteurs, qui préalablement regroupent et conditionnent une partie de l’offre de fruits et légumes.

Dans la seconde partie de l’article, les auteurs dressent un bilan de l’évolution des circuits de distribution. Au cours de la période étudiée, une plus grande organisation de la filière, pour la première mise en marché, s’est traduite par une part croissante des ventes réalisée par les coopératives et autres organisations collectives (45 % en 2018 contre seulement 29 % en 1997). Le corollaire a été une baisse de la part des ventes réalisées en circuits courts. Les grossistes ont vu leur rôle s’amoindrir tandis que les centrales d’achat de la grande distribution se sont développées, bien que les enseignes soient désormais confrontées au développement d’autres circuits de distribution : magasins spécialisés, restauration hors domicile, vente directe. Les marchés ont, quant à eux, fortement décliné sur la période observée. Enfin, le poids des produits en provenance des pays tiers (« importations ») et de l'Union européenne (« introductions ») a augmenté dans la consommation finale. La production française couvre désormais 52 % des besoins, contre 61 % en 1997, sous l’effet de problèmes de compétitivité « coût » mais également de l’évolution des préférences des consommateurs pour des produits spécifiques (mangues, avocats, etc.).

Poids des opérateurs en pourcentage des volumes commercialisés à chaque stade

filiere fruits et legumes.jpg

Source : CTIFL

Amandine Hourt, Centre d'études et de prospective

Source : Infos Ctifl

Meat Atlas 2021 : « faits et chiffres sur les animaux que nous mangeons »

En septembre 2021, huit ans après la première édition, la fondation allemande Heinrich Böll a publié un nouveau Meat Atlas en partenariat avec les ONG Friends of the Earth Europe et BUND. Adoptant une approche mondiale, complétée d'éclairages régionaux et nationaux, cet atlas propose une synthèse des principaux faits et données sur 28 entrées clés : consommation, échanges internationaux, production, ressources naturelles, politiques publiques, protéines alternatives, etc. Des recommandations accompagnent ces analyses. Le document rapporte également les résultats d'une enquête conduite auprès de jeunes Allemands sur le sujet.

Parmi les nombreux éléments proposés, les auteurs s'intéressent aux étapes de l'abattage et de la transformation. Alors que les capacités de production augmentent, ils rappellent que la crise du covid-19 a mis un « coup de projecteur » sur les conditions de travail difficiles dans l'industrie de la viande. Elles vont de pair avec certaines stratégies d'entreprises pour contourner des règles nationales portant sur les salaires, la protection sociale ou encore l'impôt (ex. travail détaché). Les pages consacrées aux dix plus grandes firmes mondiales rappellent le degré élevé de concentration du secteur : par exemple, en Allemagne, cinq structures contrôlent les deux tiers du marché du porc transformé. Ce pouvoir de marché a aussi des conséquences sur l'évolution des exploitations agricoles, pouvant être accompagnée par des aides publiques.

Ventes réalisées par les plus grandes entreprises des secteurs de la viande et du lait en 2019-2020 (milliards de $ US)

meat atlas.jpg

Source : Heinrich Böll Stiftung

Du côté des ressources aquatiques, l'analyse nuancée considère les différents types d'eau utilisés pour la production : « verte » (précipitations), « bleue » (irrigation), « grise » (volume théorique nécessaire à la dilution de contaminants). Les espèces, les systèmes de production ou encore l'origine de l'alimentation animale sont aussi intégrés et la production industrielle se révèle alors la plus impactante. Les auteurs soulignent également les dégradations des ressources en eau et des zones humides constatées au niveau mondial, comme, par exemple, des zones marines « mortes » du fait de pollutions liées à l'élevage.

Enfin, des éclairages intéressants sont proposés sur la consommation d'insectes. Si son développement paraît prometteur en Europe et Amérique du Nord (marché estimé à 8 milliards de $ à 2030), les atouts et les risques d'un élevage de masse sont soulignés : faible consommation d'espace et de nourriture, perte de diversité génétique, émergence de maladies, etc.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : fondation Heinrich Böll

11/10/2021

Quelle alimentation en Bretagne à l'horizon 2050 ?

bretagne 1.jpg

Fin août 2021, le Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) de Bretagne a publié le rapport d'une analyse prospective conduite sur l'évolution des pratiques alimentaires à l'horizon 2050 et leurs implications pour le territoire et ses acteurs. Après un état des lieux documenté des tendances, quatre scénarios illustrent des futurs possibles : une alimentation fonctionnelle dans une société sous pression (1) ; une alimentation contrôlée dans un contexte de crises (2) ; une alimentation normée dans un contexte de sobriété volontaire (3) ; une alimentation mosaïque dans une société fragmentée (4). Les auteurs en tirent plusieurs enseignements pour répondre au défi alimentaire collectif, les territoires étant amenés à jouer un rôle clé. Cet exercice a également permis d'identifier les atouts de la région, tels l'ancrage des filières agroalimentaires, la densité de l'écosystème d'innovation ou les compétences de la société civile.

Source : CESER Bretagne

15/09/2021

L’Alimentarium

musée,alimentation,histoire,suisse,représentations

Né en 1981, l’Alimentarium est une création de la Fondation Nestlé. Il comprend un musée localisé à Vevey (Suisse) et une plate-forme digitale, interconnectés et tous deux consacrés aux systèmes alimentaires. L'entité regroupe 25 équivalents temps plein et accueille 55 000 visiteurs par an en moyenne ; le site internet cumulait en 2020 deux millions de consultations.

Le musée offre une scénographie originale qui expose des pièces de la collection (outils agricoles, affiches, emballages, etc.) et des installations relayant des résultats de la recherche scientifique sur la production agricole, la transformation, la distribution, la consommation des denrées et la nutrition, dans une perspective historique. En matière d’élevage, les bornes interactives rappellent la naissance de l’assolement triennal et de la polyculture au Moyen-Âge ainsi que la recherche tous azimuts d’amélioration de la production au XVIIIe siècle, dont témoigne la systématisation de la sélection artificielle des espèces. Les contenus du musée reviennent aussi sur les débats que provoquent, au XXe siècle, le développement de l’ingénierie génétique, la spécialisation poussée des races choisies et la traçabilité des produits carnés.

Sur l’industrie agroalimentaire, on retiendra particulièrement les contenus sur la conservation et l’emballage des produits. Protecteur des denrées, celui-ci est aussi une interface entre le producteur et le consommateur, à une époque où les relations entre l’un et l’autre se distendent : « la boîte d’emballage, sa forme, ses couleurs et typographie, ont toujours raconté une histoire ». Sont enfin documentés les différents types de denrées et leur composition chimique, les processus métaboliques, la diversification de la demande alimentaire dans les pays très développés, sous l’effet des préoccupations environnementales et du soutien à la production locale qu’expriment certains consommateurs (les Appellations d’origine contrôlée sont décrites comme « garantes de qualité et d’authenticité »).

Le site web offre quant à lui des dossiers pédagogiques, podcasts et webséries dont certains sont destinés aux jeunes publics sur des sujets diversifiés : sécurité alimentaire ; histoire des régimes alimentaires ; définition, bénéfices et risques des OGM.

Tube digestif et neurones pour expliquer la nutrition au musée

alimentarium.jpg

Source : Alimentarium

En 2020 et 2021, l’Alimentarium propose une exposition et des conférences sur le véganisme (voir une précédente brève). Mentionnant les débats sur les « faux fromages à la noix de cajou », qui agitent la Confédération depuis 2018, le musée relève que les fabricants ont associé leur préparation à l’image du « vrai fromage », dans un pays réputé pour son herbage, tout en se distanciant des exploitations animales.

Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective

Lien : Alimentarium

14/09/2021

Viande in vitro et impression 3-D de bœuf wagyu par une équipe japonaise

Paru dans Nature communications, un article relate l’assemblage sous forme de « steak », par une équipe de chercheurs de l’université d’Osaka, de différents types de cellules cultivées in vitro de bœuf wagyu (myocites, adipocytes, capillaires). Le procédé recourt à une impression 3-D intégrant un « bain » de gel tendineux (tendon-gel integrated bioprinting), mais les fibres obtenues ont ensuite été assemblées manuellement. Reproduire la structure persillée du bœuf japonais constitue en soi une performance. L’article livre à ce sujet d’intéressants aperçus sur les méthodes et les échelles de réalisation aujourd’hui accessibles : l'obtention d'un « steak » de 5 mm de diamètre et de 10 mm de long a nécessité la construction « de 72 fibres comprenant 42 muscles, 28 tissus adipeux et 2 capillaires sanguins ».

Vue d’ensemble du procédé

viande in vitro.jpg

Source : Nature communications

Lecture : a) structure d’une tranche de bœuf wagyu (« steak ») ; b) schéma de construction du prototype à partir de cultures de cellules in vitro. Sigles : FACS - fluorescence activated cell sorting ; SVF - stromal vascular fraction ; bSCs - bovine satellite cells ; bADSCs - bovine adipose-derived stem cells.

Source : Nature Communications

08/07/2021

Florent Quellier (dir.), Histoire de l’alimentation. De la préhistoire à nos jours, Paris, Belin, 2020, 800 p.

histoir alim 2.jpg

Une histoire complète de l'alimentation est toujours une aventure éditoriale : les éditions Belin ont publié récemment dans la collection Références un ouvrage sur ce thème. Sous la direction de Florent Quellier, professeur d'histoire moderne et spécialiste du sujet, une dizaine d'auteurs contribuent à ce livre qui reprend le cahier des charges de la collection : pouvoir être lu par un large public sans concession à la qualité scientifique. Il comprend de nombreuses illustrations rendant la lecture agréable, une rubrique « Clio aux fourneaux » avec des recettes d'époque qui remplace les « Ateliers de l’historien » des autres ouvrages de la collection.

La table des matières révèle deux entorses à l'universalisme du propos. L'une est d'ordre géographique : comme souvent, cette histoire est celle de notre espace occidental, le reste du monde étant seulement convoqué lorsqu'il est traité d'importations exotiques comme lors des Grandes découvertes du XVIe siècle. L’autre, totalement assumée par le coordinateur, est d'ordre chronologique : part belle est faite aux époques les plus anciennes, le dernier chapitre se terminant en 1980, l'histoire récente étant brièvement esquissée dans les 5 pages de conclusion. Le livre se divise en trois parties chronologiques de longueurs inégales : la préhistoire et l'Antiquité occupent la moitié de l'ouvrage, tandis que 200 pages sont consacrées à l'époque médiévale et que les mondes moderne et contemporain figurent dans les 200 dernières.

Le prisme choisi montre en quoi les habitudes alimentaires reflètent des questions de civilisation, de culture, voire de modes de vie. Ainsi, les banquets de la civilisation mésopotamienne plaçaient les convives dans la pièce et leur destinaient des mets différenciés selon leur position sociale (voir sur ce même sujet l'exposition en cours au Louvre Lens et une précédente brève). Bien avant notre époque, les philosophes grecs se posaient beaucoup de questions sur le carnisme et certains recommandaient même un régime végétarien comme hygiène de vie. À l'opposé, les entraîneurs grecs ont préconisé, les premiers, une diététique athlétique hyperprotéique. L'approvisionnement alimentaire de la ville de Rome et des métropoles où les Romains étaient installés (Alexandrie, Byzance, Carthage, etc.) reposait sur le concept très moderne d'association de circuits courts et d'une logistique mondialisée (à l'échelle de la mare nostrum). Ce livre est donc un bon moyen de redécouvrir comment nos ancêtres ont (ou pas) répondu à des questions très actuelles.

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Lien : Belin Éditeur

Effet du Nutri-Score sur les consommateurs : attitudes, perceptions du goût et intentions d'achat

Une étude expérimentale néerlandaise, publiée en juin 2021 par la revue Food Quality and Preference, étudie l’effet de l'étiquette Nutri-Score (NS) sur les attitudes, la perception du goût et les intentions d'achat des consommateurs envers des produits alimentaires. Les auteurs ont pour cela mené une enquête en ligne Qualtrics et une analyse de variance multivariée. 196 personnes ont été interrogées à propos de trois snacks populaires aux Pays-Bas et assignées au hasard à l’une des deux situations : avec l'étiquette NS et sans étiquette NS.

Matériaux de stimuli

NS.jpg

Source : Food Quality and Preference

Lecture : matériaux de stimuli pour la situation avec (1ère ligne) et sans étiquette Nutri-Score (2e ligne).

D’après l’Organisation mondiale de la santé, l’étiquetage nutritionnel figurant sur l’emballage est un outil stratégique pour lutter contre le surpoids et l’obésité. Sur la base d’une revue de littérature sur les différents modes d’affichage nutritionnel, les auteurs constatent que les preuves scientifiques concernant le NS sont mitigées. Ils émettent ensuite l’hypothèse que l'attitude et l'intention d'achat sont influencées positivement par le NS mais que la perception du goût l’est négativement. Les résultats de l’étude n'ont cependant montré aucun effet significatif du NS : les consommateurs n'ont pas eu une perception plus faible du goût des produits alimentaires avec le NS par rapport à ceux sans NS. Cela va à l’encontre des résultats de Shepherd et al. (1995), selon lesquels les croyances sur la qualité nutritionnelle, influencées par l’étiquetage, déterminent les choix des consommateurs. L’étude révèle par ailleurs que les consommateurs n’avaient pas une intention d’achat plus élevée pour les produits alimentaires avec NS par rapport à ceux sans NS.

Sachant que les Pays-Bas introduiront très prochainement le Nutri-Score, les auteurs recommandent que les recherches futures étudient si l’algorithme actuel du NS est adapté aux habitudes alimentaires des Néerlandais et conforme aux directives nationales en matière alimentaire. Ils jugent également nécessaire de sensibiliser les consommateurs à l’utilisation de l’étiquetage nutritionnel en privilégiant l’éducation et la promotion du label auprès des différents publics.

Salomé Sengel, stagiaire au Centre d’études et de prospective

Source : Food Quality and Preference

06/07/2021

La FAO analyse l'augmentation du prix des denrées alimentaires

L'Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) a publié en juin son rapport semestriel Outlook, sur la situation des principaux marchés mondiaux de denrées alimentaires (céréales, huiles végétales, sucre, viande, produits laitiers, produits de la mer). Les auteurs observent une augmentation du prix de ces denrées, en particulier le blé, les autres céréales et les huiles végétales : le prix des protéines en mai 2021 était 23 % plus élevé qu'en mai 2020, et le prix général des calories a augmenté de 34 % sur la même période. Les auteurs présentent également des prévisions pour les années 2021 et 2022 (cf. figure ci-dessous) et ils anticipent notamment un risque de crise alimentaire dans les 47 pays à faible revenu et peu autosuffisants en nourriture : leur ratio d'importations alimentaires sur importations totales devrait augmenter de 20 % en 2021, soit cinq fois plus que pour les pays les moins développés.

Comparaison du PIB (GDP) et du montant total des importations alimentaires (FIB) de 2015 à 2021 (prévision), en base 100 pour 2015

fao.jpg

Source : FAO

Lecture : de gauche à droite, et de haut en bas, les graphiques concernent : le monde ; les « pays développés » ; les « pays en développement » ; les « pays les moins développés » ; les pays à faible revenu et faiblement autosuffisants en nourriture ; les pays d'Afrique sub-saharienne.

Source : Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO)