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14/06/2022

« Quick commerce » et livraisons à domicile

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Sur France Culture, l'épisode du 20 mai 2022 d'Entendez-vous l'éco évoque les enjeux du développement de la livraison à domicile, notamment des courses alimentaires et des plats cuisinés. Il donne la parole à une urbaniste (L. Dablanc), un professeur de logistique (A. Rouquet) et une économiste (P. Reme-Harnay). De façon complémentaire, un podcast d'Arte-Radio fait intervenir notamment R. Godin (journaliste économique), et propose le témoignage d'un livreur à vélo sans-papiers. Les entreprises les plus citées, telles Deliveroo, UberEats, Flink, Gorillas, Frichti et Getir, essaiment dans les grandes villes à travers le monde, d'abord en Asie du Sud-Est et en Europe depuis 5-6 ans, et dernièrement dans les Amériques. Au-delà des arguments de praticité et de rapidité, le confinement à la crise du Covid-19 leur a assuré une utilité accrue. Associée à cette tendance, la multiplication des dark kitchens s'est traduite par des nuisances de voisinage (voir à ce sujet une précédente brève).

Les deux programmes soulignent la continuité avec « l'épicerie de dépannage », connue dès l'Antiquité. Ils mettent en évidence le paradoxe de services se présentant comme disruptifs et innovants, mais perpétuant des formes brutales et très anciennes de subordination et d'exploitation, à l'encontre de travailleurs peu protégés, exposés à des risques physiques (fatigue, accidents). Vis-à-vis des livreurs, le « management algorithmique » pratiqué entretient une opacité sur les coefficients appliqués aux courses, de façon à diminuer les rémunérations. L'émission de France Culture évoque leurs actions collectives et les évolutions réglementaires pour mieux encadrer des conditions de travail décrites comme « déplorables ».

Enfin, le modèle économique, qualifié de « prédateur », est éclairé de façon particulièrement crue. Ces entreprises ont toutes commencé comme startups, financées par les investisseurs en capital-risque. Elles baissent les prix le temps de « tuer la concurrence » et de fidéliser les consommateurs. R. Godin rapporte cette stratégie au contexte du capitalisme financiarisé. Pendant la « phase de subvention », les levées de fonds permettent d'offrir un service sans se préoccuper du prix, quitte à perdre de l'argent. Elles prennent des parts de marché à la grande distribution et aux épiceries, sans gain de productivité ni création de valeur. Il y a là, selon lui, un simple « transfert d'activités ». Le marché restera de niche et les nouvelles entreprises sont vouées à se faire racheter par les acteurs installés du secteur, à savoir les enseignes de la grande distribution.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Sources : France Culture, Arte Radio

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