14/06/2022
Ifpri, 2022 Global Food Policy Report: Climate Change and Food Systems, 2022, 189 pages
En mai 2022, l'International Food Policy Research Institute (Ifpri) a publié son Global food policy report annuel, consacré au changement climatique et aux systèmes alimentaires. Il mobilise des travaux internes (notamment des résultats du modèle IMPACT) ou réalisés par d'autres centres du Consultative Group on International Agricultural Research (voir un portrait de cet organisme). Au fil des 12 chapitres, les auteurs décrivent des actions publiques et des innovations à même de répondre aux défis climatiques et à leurs conséquences : nouvelles variétés à cultiver, sources d'énergie « propre », technologies digitales, réforme du commerce, gouvernance des territoires, protection sociale, etc.
Par exemple, ils proposent de consacrer une partie des aides publiques agricoles à la recherche sur des technologies améliorant la productivité et diminuant les émissions de gaz à effet de serre. Malgré une difficulté de mise en œuvre et la nécessité de mettre en place une coordination internationale, ces investissements publics paraissent les moins distorsifs et les plus efficaces pour lutter contre le changement climatique. Les auteurs invitent également à réorienter une partie des flux financiers dans une optique de « finance climatique ». Si les flux annuels actuels consacrés aux secteurs de l'agriculture, de la forêt et des autres usages des terres sont estimés à 20 milliards de $ (figure ci-dessous), les besoins sont projetés, à 2030, à 350 milliards pour atteindre les Objectifs de développement durable. Dans un autre chapitre, divers apports des technologies digitales sont mis en avant : gestion des risques (ex. services d'informations météorologiques localisés), suivi de la qualité des denrées, prévisions climatiques, etc.
Montants (millions de $ américain) alloués à la « finance climatique » (moyenne annuelle estimée pour 2017-2018)
Source : Ifpri
Enfin, l'analyse de plusieurs régions met en évidence des enjeux clés spécifiques : utilisation de l'eau pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, politiques d'aides à l'agriculture pour l'Asie du Sud, etc. Par exemple, l'Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan) fait face à deux défis majeurs : les pénuries d'eau ; la dégradation des terres sous l'effet combiné de l'augmentation des températures, de l'aridité, des pratiques culturales, de l'irrigation et du sur-pâturage. La diversification des cultures et l'utilisation de techniques d'économie d'eau sont les deux pistes principales identifiées, les auteurs soulignant le besoin de production de données locales fiables sur le changement climatique et les systèmes alimentaires.
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Lien : Ifpri
09:51 Publié dans 4. Politiques publiques, Alimentation et consommation, Climat, Environnement, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : système alimentaire, changement climatique | Imprimer | |
16/05/2022
Des forêts en libre évolution, au croisement d'enjeux scientifiques et sociaux
La Revue forestière française consacre un numéro double à une thématique originale, les forêts en libre évolution. Croisant des regards de forestiers, d'historiens, d'écologues, de statisticiens, de géographes, de sociologues, de juristes, etc., le dossier fait un état des lieux des connaissances actuelles et identifie de nombreux champs de recherche pour l'avenir.
Les forêts primaires et les vieilles forêts (qui ne font plus l'objet d'intervention depuis plus de 100 ans environ) représenteraient 3 % de la surface forestière européenne, et 90 % d’entre elles seraient localisées dans les pays scandinaves ou d'Europe centrale et orientale. Si ces forêts sont donc marginales en Europe, elles attirent l'attention depuis les années 1990. On cherche à mieux comprendre le fonctionnement de leurs écosystèmes et elles sont désormais explicitement mentionnées dans la stratégie européenne pour la biodiversité. En France également, l'identification et la préservation des forêts « à forte naturalité » deviennent des objectifs à part entière de la stratégie nationale en faveur de la biodiversité. Dans cet esprit, pour 2020-2030, au titre des aires protégées, est fixé un objectif de 70 000 ha de forêt bénéficiant d'un régime de protection forte (sans sylviculture ni exploitation), renforçant le besoin de recensement des forêts à fort niveau de naturalité. Celles-ci regroupent les forêts anciennes et matures (qualifiées de « vieilles forêts ») et les forêts férales récentes (en voie d'ensauvagement), principalement issues des reboisements spontanés d'anciens terrains agricoles (figure ci-dessous).
Comparaison des trajectoires écosystémiques et des niveaux théoriques de complexité écologique de forêts spontanées et de forêts d’origines artificielles ou contraintes
Source : Revue forestière française
L'intérêt récent pour la libre évolution (« laisser faire la nature ») est porté par des enjeux scientifiques relatifs au stockage de carbone, à l'adaptation au changement climatique par sélection naturelle, à la résilience des écosystèmes, etc. L'évolution des représentations et des attentes de la société en faveur d'une nature « authentique » y contribue également. L'expression de cette envie croissante de nature pourrait se traduire par une surfréquentation préjudiciable des zones sous protection. Il s'agit donc d'accroître la naturalité de l'ensemble des forêts, en systématisant des pratiques déjà existantes comme, par exemple, le maintien des gros bois et des bois morts sur les parcelles. Des débats persistent toutefois sur le degré souhaitable de non-intervention humaine, notamment dans le contexte du changement climatique. Enfin, les forêts même ouvertes au public restent des propriétés privées, qu'elles relèvent de propriétaires privés ou de la propriété de l’État ou des collectivités territoriales. Les responsabilités et les devoirs des propriétaires vis-à-vis des promeneurs et de la lutte contre les incendies doivent donc être clarifiés pour faciliter ce mouvement vers plus de naturalité.
Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective
Source : Revue forestière française
12:18 Publié dans Climat, Environnement, Forêts Bois, Territoires | Lien permanent | Tags : forêt-bois, stockage carbone, climat | Imprimer | |
11/04/2022
Atlas climatique : quel climat pour demain en France ?
Pour alimenter Aclimel, l’espace de ressources sur l’anticipation et la gestion des aléas climatiques en élevage, l’Institut de l’élevage (Idele) a publié, en février 2022, un atlas permettant de connaître les évolutions possibles de différents paramètres météorologiques au fil du temps : température moyenne au printemps, nombre de jours de gel par an, etc. Pour chacun des éléments retenus, une situation de référence (1976-2005) est présentée. Elle est suivie de prévisions à moyen (2021–2050), long (2041-2070) et très long termes (2070-2100). Les prévisions présentées s’appuient sur les hypothèses émises dans le scénario n’incluant pas de politique climatique spécifique, issu du 5e rapport du GIEC (2014). Les informations mobilisées sont produites par Météo-France, le Centre national de recherches météorologiques (CNRM), l’Institut Pierre-Simon Laplace et le Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique (Cerfacs), dans le cadre du projet Drias Les futurs du climat.
Température moyenne en hiver (en °C)
Source : Idele, d'après Drias Les futurs du climat (Météo-France, CNRM, IPSL, CERFACS)
Source : Idele
09:41 Publié dans Climat, Production et marchés | Lien permanent | Tags : élevage, changement climatique, météo | Imprimer | |
11/03/2022
Une modélisation des futures aires de répartition des essences forestières
Le changement climatique aura des répercussions sur les aires de répartition des essences forestières. Les anticiper est un enjeu majeur, afin d'adapter les pratiques de gestion, notamment le choix des espèces plantées. Dans un article publié en février 2022 dans Nature, des chercheurs de l'université d'Helsinki et du Joint Research Center (JRC) présentent un modèle permettant de projeter les aires de répartition potentielles de 67 espèces, à différents horizons temporels (2035, 2065, 2095) et selon des scénarios d'émissions de gaz à effet de serre contrastés (scénarios RCP 4.5 et RCP 8.5 du GIEC, soit un réchauffement global de l'ordre de +2 °C et +4 °C). L'originalité de ces travaux tient au fait qu'ils portent sur un grand nombre d'essences et sont conduits à une résolution élevée. De façon générale, ils montrent une remontée vers le nord des aires de répartition potentielles, dans des proportions variables selon les espèces (figure ci-dessous).
Aires de répartition potentielles de différentes espèces (érable champêtre, épicéa commun, chêne sessile) selon le scénario RCP 4.5
Source : Nature
Lecture : « stable presence » désigne des zones qui resteront adaptées à l'espèce considérée en 2095 ; « decolonized » des zones qui deviendront inadaptées d'un point de vue climatique ; « suitable but not occupied » des zones qui deviendront adaptées mais qui ne seront pas occupées selon les modèles de dispersion utilisés ; « always absent » des zones qui ne sont pas aujourd'hui occupées par l'espèce concernée et ne le seront pas davantage à l'avenir.
Source : Nature
10:33 Publié dans Climat, Forêts Bois | Lien permanent | Tags : forêt-bois, modélisation, essences forestières | Imprimer | |
Sinistralité à l'horizon 2050 : des assureurs publient un livre blanc
Le groupe d’assureurs Covéa (MAAF, MMA et GMF) a publié un livre blanc, en janvier 2022, sur les conséquences du changement climatique sur la sinistralité à l'horizon 2050, en France. Retenant le scénario le plus pessimiste proposé par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (hausse de la température globale de l’ordre de 2,4 °C en 2050 et de 4,8 °C en 2100), Covéa et la société RiskWeatherTech ont quantifié les évolutions attendues des dommages assurés pour les périls « inondation », « sécheresse », « grêle » et « tempête ». Pour le péril grêle – souvent peu étudié car complexe à modéliser –, les résultats des modélisations montrent un accroissement significatif des orages de grêle sur l’ensemble du territoire (+40 % par rapport à la période de référence 1970-2005). La moitié nord de la France devrait connaître l'augmentation la plus importante, mais les zones les plus fortement exposées actuellement resteront toujours les plus à risque. La sinistralité grêle devrait, elle, augmenter de 20 %, toutes activités confondues.
Source : Covéa
10:31 Publié dans Agriculteurs, Climat, Exploitations agricoles | Lien permanent | Tags : modélisation, changement climatique, assurances, sinistres, météo | Imprimer | |
07/02/2022
L’inaction climatique, première menace planétaire ?
Le risque climatique est la première préoccupation des dirigeants d’entreprise, à court, moyen et long termes, selon le Rapport sur les risques globaux 2022 publié par le World Economic Forum en janvier. Fruit d’un questionnaire sur la perception des risques adressé à près d’un millier d’experts, les résultats montrent que les trois risques identifiés comme les plus importants, à un horizon de dix ans, sont liés à l'environnement global : inaction climatique, événements météorologiques extrêmes et perte de biodiversité. Ils auront des conséquences sur les activités agricoles, forestières et piscicoles. Selon les sondés, les fractures sociales, économiques, géopolitiques et de santé publique, en augmentation à la suite de la pandémie, feront l'objet de réponses publiques divergentes et entraînant des retards dans la prise en charge de défis cruciaux : transition verte, gestion des inégalités et des vulnérabilités numériques, prise en charge des migrations, gestion de l'espace comme bien commun. Ils craignent ainsi que ces transitions (technologique, climatique ou autre), conduites avec des ressources limitées et dans un climat de tensions, n'aggravent les problèmes sociaux.
Source : World Economic Forum
11:51 Publié dans 4. Politiques publiques, Climat, Environnement, Territoires | Lien permanent | Tags : cadres dirigeants, risque climatique | Imprimer | |
17/01/2022
Alexis Metzger (coord.), Le climat au prisme des sciences humaines et sociales, Éditions Quæ, 2022, 246 pages
Coordonné par Alexis Metzger (université de Lausanne), cet ouvrage questionne les cadres et méthodes d’analyse que les sciences humaines et sociales utilisent pour étudier le climat. La première partie s’intéresse à ceux-ci en histoire, géographie, théorie littéraire, etc. (figure ci-dessous) ; la seconde documente l’émergence et l’analyse du « changement climatique ».
Frise sur l’apparition de l’objet « climat » au sein de chaque discipline
Source : Éditions Quæ
S’appuyant sur des restes naturels et anthropiques, l’archéologie a montré qu’à la différence des sociétés nomades du paléolithique, celles du néolithique, sédentaires, ont cherché à anticiper les variations climatiques, développant le stockage et la transformation des denrées. L’histoire du climat, discipline très dynamique depuis le début du XXIe siècle, sur tous les continents, donne lieu à des reconstitutions des variations climatiques à une échelle globale (paléoclimatologie) ou plus resserrée. Dans ce dernier cas, les indices Pfister permettent d’attribuer à certains mois un niveau d’intensité de la température et des précipitations qui les distingue de la « normale ». Dès ses origines, la géographie a cherché à caractériser les climats à partir de leurs conséquences sur la faune et la flore locales, démarche à laquelle J. Hann opposera, bien plus tard (XIXe siècle), l’analyse des caractéristiques et causes atmosphériques.
Après 1950, la demande des acteurs agricoles participe aux progrès de la géoclimatologie : la discipline doit soutenir le développement des cultures au-delà de leur aire de croissance spontanée et inventer de nouvelles méthodes. Des séries longues sont alors extraites des « calendriers de probabilité exprimant, pour une date donnée, la fréquence d’apparition d’un événement climatique exceptionnel » défavorable à la production.
Au début du XXIe siècle, la géoclimatologie est concurrencée par la modélisation économique, qui soutient l’émergence du paradigme du « réchauffement climatique ». Après que la perspective d’un marché mondial des émissions, avec un prix unique du carbone, ait fait long feu, les trajectoires de décarbonation des sociétés nationales dominent désormais les programmes publics. Les changements systémiques (en matière d’alimentation, d’agriculture et de forêts) que requiert l’atteinte de la neutralité carbone mettent aussi en lumière la nécessaire articulation entre économie de l’environnement et sociologie de la transition. Dans cette perspective, le chapitre de P. Boudes offre plusieurs réponses : introduction de la rationalité écologique dans les organisations économiques, sociologie des pertes liées au changement climatique.
Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective
Lien : Éditions Quæ
08:55 Publié dans Climat, Environnement, Société | Lien permanent | Tags : météo, climat, changement climatique, shs, neutralité carbone | Imprimer | |
14/01/2022
Quel avenir pour les marchés forestiers à l'horizon 2040 ?
La commission économique des Nations unies pour l'Europe (UNECE) et l'organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) ont publié récemment leurs projections à 2040, pour les marchés forestiers, en explorant différents scénarios. Ces deux organisations travaillent de concert sur les forêts tempérées et boréales de la région couverte par l'UNECE : Europe, Amérique du Nord, Caucase et Asie centrale (carte ci-dessous). Cet ensemble représente 42 % des forêts mondiales, 60 % de la production de bois rond commercialisée et 85 % des forêts certifiées.
Régions et pays couverts par la commission économique des Nations unies pour l'Europe
Les projections sont établies à l'horizon 2040 grâce au modèle GFPM (Global Forest Products Model), qui décrit le fonctionnement du marché forestier mondial (forêts, produits bois, commerce, prix). Les conséquences de différents changements structurels de la demande ou de l'offre sont évaluées, par contraste avec un scénario de référence conservateur (y compris sur le climat). Parmi les scénarios alternatifs, certains consistent en une accélération des tendances déjà présentes : par exemple l'accroissement de la part du bois dans la construction en Europe. D'autres étudient les conséquences de ruptures comme la mise en œuvre de politiques favorables à la construction bois en Chine ou le remplacement de 30 % des fibres textiles par des fibres issues du bois.
Le rapport reprend également les principales conclusions d'un focus spécifique, à paraître, sur l'impact du changement climatique sur les forêts des régions étudiées, et sur les conséquences des différents scénarios sur les stocks et les flux de carbone. Ainsi, un bond de l'incorporation du bois dans la construction en Chine (passant de 0,1 à 10 % environ) se traduirait par une réduction des émissions par effet de substitution et un stockage accru. Néanmoins, l'accroissement des prélèvements en forêt induits conduirait à une baisse de l'effet « puits de carbone » forestier, de nature à largement inverser l'impact favorable.
Pour conclure, plusieurs défis pour les politiques forestières sont identifiés : réduire l'utilisation de produits issus de la pétrochimie sans surexploitation de la ressource ; identifier des sylvicultures renforçant la résilience des forêts face aux risques naturels croissants, tout en maximisant le volume de bois produit ; évaluer l'espace disponible pour une augmentation des surfaces forestières, tout en préservant les autres usages des terres ; etc.
Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective
Source : UNECE/FAO
08:50 Publié dans 1. Prospective, 4. Politiques publiques, Climat, Environnement, Forêts Bois, Production et marchés | Lien permanent | Tags : prospective, marchés, bois, forêt, changement climatique | Imprimer | |
13/12/2021
Progression des « solutions basées sur la nature » dans les contributions nationales à la Convention cadre sur les changements climatiques
Dans un rapport récent, le WWF a analysé les nouvelles contributions nationales (CDNs) présentées au cours des deux dernières années par les États parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Il en résulte une augmentation notable des mentions concernant les « solutions basées sur la nature » (SBNs) : 105 CDNs sur 114 incluent aujourd'hui ces solutions pour l'atténuation ou l'adaptation (contre 94 pour les précédentes contributions). Cet accroissement est notamment porté par l'Union européenne, qui n'y faisait pas référence dans sa première contribution en 2016, tout comme le Royaume-Uni et les États-Unis, qui ont également fait évoluer leurs positions en la matière. Si la plupart des écosystèmes mentionnés sont des forêts, les terres agricoles sont aussi largement présentes (figure ci-dessous). Pour ces dernières, les SBNs peuvent être la séquestration du carbone dans les sols, la diversification des assolements, le développement de l'agroforesterie, etc.
Pourcentage de CDNs faisant référence aux différents écosystèmes
Source : WWF
Source : WWF
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17/11/2021
Changement climatique, agriculture et santé publique dans les pays les plus pauvres
Le 6e rapport du Lancet Countdown a été publié en octobre 2021. The Lancet Countdown est le fruit d'une initiative internationale qui, depuis 6 ans, tente d'évaluer l'impact du changement climatique sur la santé publique au niveau mondial, avec un focus particulier sur les pays les plus pauvres. Une quarantaine d'institutions et de centres de recherche y sont impliqués, couvrant un vaste champ pluridisciplinaire au-delà des experts en santé humaine : agriculture, énergie, géographie, science politique, etc. Les rapports annuels comportent un jeu d'indicateurs qui s'enrichit régulièrement et dont la méthode s'affine au fil du temps et des évaluations par les pairs. Cinq champs thématiques sont couverts par ce suivi sur longue période : l'impact direct du climat sur la santé, les politiques d'adaptation et de lutte contre les événements climatiques extrêmes, la lutte contre le changement climatique et ses co-bénéfices pour la santé, les conséquences économiques, la mobilisation des gouvernements et de la société civile. Pour la 3e année consécutive, toutes les données sont accessibles sur un portail dédié.
Les auteurs traitent notamment des impacts sur l'agriculture et les travailleurs agricoles. Dans les pays à l'Index de développement humain (IDH) le plus faible, ces derniers ont été particulièrement pénalisés, en 2020 : 70 % des heures de travail perdues l'ont été dans ce secteur (graphique ci-dessous), causant une baisse de 4 à 8 % du Produit intérieur brut.
Heures de travail potentiel perdues en raison de la chaleur par secteur (1990-2020), les pays étant répartis par quartile d'Index de développement humain (IDH) A : IDH faible ; B : IDH moyen ; C : IDH élevé ; D : IDH très élevé
Source : The Lancet
Au-delà des actifs touchés par la chaleur et l'ensoleillement (qui limitent l'activité), l'agriculture est prise en compte pour plusieurs de ses effets sur la santé publique : alimentation (sécurité et régimes alimentaires) et pollution de l'air. Plusieurs indicateurs sont examinés. Par exemple, le potentiel de gains de productivité pour les principales cultures est en baisse en 2019, de 1,8 à 6 % selon les cas, par rapport à la moyenne 1981-2010. 70 % des pays ont enregistré une hausse, en 2018-2020 par rapport à 2003-2005, de la température de surface des eaux marines. Parmi les indicateurs suivis, figurent également : émissions de gaz à effet de serre liées à la production et la consommation alimentaire et non alimentaire de produits agricoles ; surmortalité associée à l'alimentation (9,6 millions de morts en 2018) et particulièrement à la surconsommation de viande rouge (0,8 million de morts en 2018) ; mortalité du fait de l'exposition aux particules fines (figure ci-dessous) ; coûts associés.
Nombre de décès attribuables aux particules fines en fonction des sources d'émission, en 2015, 2018 et 2019 (de haut en bas), pour chaque groupe de pays
Source : The Lancet
S'appuyant sur les données les plus récentes, l'édition 2021 intègre pour partie seulement les conséquences de la pandémie de Covid-19. Les auteurs alertent, en conclusion, sur les risques encourus du fait d'une reprise économique forte qui n’intégrerait pas les adaptations nécessaires pour lutter contre le changement climatique, et qui se traduirait par une accélération des impacts négatifs sur la santé des habitants des pays les plus pauvres.
Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective
Source : The Lancet
07:24 Publié dans Agriculteurs, Climat, Développement, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : santé publique, changement climatique, agriculteurs | Imprimer | |
16/11/2021
L'impact des vagues de chaleur sur la productivité sectorielle du travail en Europe
Des chercheurs ont modélisé les impacts passés et futurs des vagues de chaleur sur la productivité du travail en Europe, en utilisant des fonctions d'exposition à la température. Leurs résultats ont été publiés en octobre 2021 dans Nature Communications.
Pour des épisodes de chaleur significatifs (température excédant le 90e percentile pendant au moins trois jours consécutifs), en 2003, 2010, 2015 et 2018, les estimations montrent des pertes de PIB comprises entre 0,3 et 0,5 %. Les impacts sont supérieurs à 1 %, voire dépassent 2 % dans les régions les plus vulnérables, situées au sud, avec des températures plus élevées et une proportion d'activités économiques en plein air plus importante. Les pertes de PIB dans le secteur agricole avoisinent par exemple 0,5 %, de manière répétée, dans les régions d'Alentejo (Portugal), d'Estrémadure (Espagne) et de Voreia (Grèce).
Les chercheurs montrent que si les secteurs les plus affectés sont ceux dont les activités se déroulent en plein air, comme l'agriculture, les effets se propagent au reste de l'économie via les biens intermédiaires. Ainsi, les secteurs ayant recours aux productions agricoles, comme l'industrie de la transformation alimentaire ou le tourisme, ont été largement impactés par les effets indirects de ces vagues de chaleur (figure ci-dessous). Si le commerce permet d'atténuer les pertes économiques par la substitution des produits, il ne semble pas suffisant pour contrebalancer l'effet de propagation par les biens intermédiaires.
Impacts économiques des vagues de chaleur de 2003, 2010, 2015 et 2018 sur les différents secteurs, au sein des régions européennes les plus affectées
Source : Nature Communications
Les projections futures, réalisées grâce à des modélisations se basant sur les estimations du scénario RCP 8.5 du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), montrent que les impacts en 2060 pourraient être multipliés par près de 5 à l'échelle de l'Europe, si aucune action d'atténuation ou d'adaptation n'est conduite. Les effets pourraient être encore plus importants dans certains pays particulièrement touchés comme Chypre, le Portugal, l'Espagne et la Croatie. Les auteurs conviennent cependant de la difficulté à mettre en place des actions d'adaptation dans les secteurs dont les activités se déroulent en plein air, comme l'agriculture. Dans ce cas, les effets sur la productivité du travail, étudiés ici, s'ajouteront à ceux de l'évolution des conditions climatiques sur la productivité agricole.
Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective
Source : Nature Communications
07:23 Publié dans Climat, IAA, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : changement climatique, chaleur, productivité, travail | Imprimer | |
10/11/2021
Un rapport FAO-NEPAD évalue les progrès de la restauration des forêts et des paysages en Afrique
Cinq mois après le lancement de la décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes (2021-2030), l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) ont publié un rapport évaluant l'effet des programmes de restauration des forêts et des paysages, conduits en Afrique au cours des deux dernières décennies. Les auteurs estiment qu'en dépit de ces projets et des engagements (African Forest Landscape Restoration Initiative, Grande Muraille verte, etc.), 4,4 millions d'hectares de forêts (sur 637 millions) ont été perdus chaque année, entre 2015 et 2020. L'agriculture industrielle et de subsistance, l'exploitation du bois et le changement climatique figurent parmi les causes principales des pertes et dégradations. Entre 2010 et 2020, seuls 11 pays sur 58 ont vu leur couverture forestière augmenter (figure ci-dessous). Le rapport, qui détaille une riche sélection d'études de cas, s'appuie sur une série d'entretiens avec des acteurs engagés dans des projets de restauration pour fournir des recommandations sur les facteurs clés de succès, comme l'appropriation locale.
11 pays et régions qui ont vu leur couverture forestière s'étendre entre 2010 et 2020
Source : FAO
Source : FAO
07:08 Publié dans Climat, Forêts Bois, Mondialisation et international, Territoires | Lien permanent | Tags : restauration, déforestataion, climat, afrique, forêt | Imprimer | |
20/10/2021
La Banque mondiale analyse les relations entre eau, migrations et développement
Le changement climatique impactera le cycle de l'eau et augmentera les risques de sécheresse et d'inondation à l'avenir. Dans ce contexte, la Banque mondiale a publié récemment un rapport, en deux volumes, qui étudie les liens complexes qu'entretiennent les risques liés à l'eau, les migrations, les conflits et le développement.
Le premier tome est le fruit de l'analyse statistique inédite d'un riche ensemble de données traitées, pour la première fois, dans un cadre unifié, et regroupant les flux migratoires, la pluviométrie, l'approvisionnement en eau des villes, l'activité économique, etc. Elles couvrent 442 millions de personnes, dont une partie en situation de migration, dans 64 pays, entre 1960 et 2015. Les auteurs ont pris en compte les déficits en eau mais aussi les excès, à l'origine d'inondations. Ils ont par ailleurs intégré l'influence des cumuls d’événements climatiques sur plusieurs années, pour ne pas se limiter aux chocs isolés qui conduiraient à une vision réductrice des phénomènes. Les données ont été analysées par des techniques de machine learning (random forest).
Il en ressort que les déficits en eau constituent bien un facteur augmentant les migrations : les auteurs les estiment globalement responsables de 10 % de l'augmentation des migrations observées dans les trois dernières décennies du XXe siècle. Le constat est toutefois variable selon les pays (figure ci-dessous) et le rapport critique la notion de « migrant de l'eau ». Elle est selon eux trop générale et, au fond, inopérante pour l'action publique. Autre résultat marquant : les excès d'eau, en revanche, n'ont pas d'influence significative sur les migrations, ce qui ne signifie pas qu'ils n'en auront pas à l'avenir.
L'importance des différents facteurs explicatifs des migrations
Source : Banque mondiale
Lecture : la figure présente les résultats de 189 estimations effectuées à l'aide de techniques de random forest pour expliquer l'influence de diverses caractéristiques sur les migrations. Chaque point correspond aux résultats d'un couple « pays-année ». Les valeurs sont normalisées par rapport au niveau d'éducation (valeur 100).
S'intéressant plus spécifiquement aux liens entre eau et conflits, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le tome 2 souligne que ce sont surtout les conflits qui provoquent des risques liés à l'eau : ciblage d'infrastructures, réseaux détériorés, etc. L'inverse est bien moins souvent constaté. Ce deuxième tome fournit également des raisons d'espérer : depuis 1948, les situations de rareté de l'eau ont assez souvent conduit à des solutions coopératives entre États transfrontaliers, et très rarement à des actes hostiles ou à la guerre (figure ci-dessous).
Nombre d’événements internationaux liés à l'eau au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, répartis selon une échelle allant du conflit à la coopération (1948-2008)
Source : Banque mondiale
Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective
Source : Banque mondiale, Banque mondiale
17:05 Publié dans Climat, Développement, Environnement, Mondialisation et international, Territoires | Lien permanent | Tags : eau, migrations, climat, géopolitique | Imprimer | |
Repenser les soutiens agricoles pour atteindre les Objectifs de développement durable et ceux de l'Accord de Paris
Trois agences onusiennes, l'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) ont publié, en septembre 2021, un rapport mettant en avant les effets néfastes des aides aux agriculteurs sur l'environnement, le climat et la santé humaine. Leur travail est fondé sur le modèle d'équilibre général MIRAGRODEP, initialement développé pour analyser les impacts des politiques agricoles sur les émissions de gaz à effet de serre. Ils ont étendu ce modèle à l'analyse des effets sur la nature, le climat, la consommation de produits alimentaires et la nutrition.
Les auteurs estiment à 540 milliards $ le total annuel des soutiens financiers aux agriculteurs dans le monde, et ils le projettent à 1 759 Md$ à l'horizon 2030. Cette projection prend en compte la reprise économique post-crise liée au covid. Ils obtiennent comme résultat que ces soutiens financiers, notamment les soutiens par les prix ainsi que les aides directes, poussent à la recherche d'un rendement maximal, à l'usage intensif d'intrants, à la monoculture, et maintiennent des productions proportionnellement inadéquates avec les recommandations d'un régime alimentaire sain. Ils soulignent notamment que les soutiens à l'élevage et au sucre sont trop élevés par rapport à ceux alloués aux fruits et légumes. Ces aides vont, en l'état, à l'encontre des Objectifs de développement durable et de ceux de l'Accord de Paris. Selon les auteurs, les populations qui souffrent le plus des effets distorsifs de ces soutiens sont les petits paysans, dont beaucoup sont des femmes, alors qu'ils constituent des maillons clefs de la transition vers des systèmes alimentaires durables.
Niveau de soutien agricole, en moyenne annuelle sur 2013-2018, en milliards de dollars américains
Source : ONU (calculs des auteurs d'après des données de Ag-Incentives)
Lecture : soutiens par les prix (price incentives), subventions à la production (output subsidies), subventions aux intrants (input subsidies), subventions fondées sur les facteurs de production (subsidies based on factors of production), aides aux services généraux non couplées à la production (general sector services).
Plutôt que supprimer ces soutiens, les auteurs appellent à les remplacer par des mesures plus efficaces, durables et équitables. Ils suggèrent par exemple de privilégier des soutiens découplés de la production, de mieux rémunérer la fourniture de biens publics et de services écosystémiques, de financer la R&D et les infrastructures (routes, irrigation, stockage, etc.), tout en accompagnant financièrement les agriculteurs dans cette transition. Selon eux, en complément de la coopération à l'échelle mondiale sur le sujet, une approche nationale restera indispensable pour adapter les politiques de soutien agricole. Ils fournissent ainsi une stratégie en six étapes pour aider les pays à réformer judicieusement leurs politiques en la matière.
Vincent Hébrail-Muet, Centre d'études et de prospective
Source : Organisation des Nations unies
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11/10/2021
Des ressources pédagogiques du CGIAR pour se former à la prospective dans le contexte du changement climatique
Dans le cadre de son programme de recherche sur le changement climatique, l'agriculture et la sécurité alimentaire, le Consultative Group on International Agricultural Research (CGIAR, voir à ce sujet un précédent portrait) a mis en ligne sur son site, en septembre 2021, un kit pédagogique destiné à la formation à la prospective, centrée sur la problématique du changement climatique. Il se compose de quatre documents proposant définitions, données illustratives, infographies riches et diversifiées, exercices pratiques, jeux de questions-réponses, etc. Les deux premiers documents introduisent la méthode prospective, à travers des présentations de l'analyse de tendances, de l'approche systémique et de la façon de bâtir l'état des lieux d'une situation. Le troisième document développe les méthodes permettant d'explorer, à travers la construction de scénarios, les futurs possibles. Enfin, le quatrième fournit des outils pour imaginer les chemins qui pourraient y conduire.
Source : CGIAR
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