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16/04/2021

Aurélien Boutaud, Natacha Gondran, Les limites planétaires, Éditions La Découverte, 2020, 128 pages

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Ainsi que le montre ce livre très pédagogique, la prise de conscience des dimensions finies de la Terre n'est pas nouvelle. Les réflexions commencèrent dans l'Antiquité et se précisèrent au fil des siècles, avec une accentuation au début de la « révolution industrielle » (Malthus) et plus encore à partir des années 1970 (Ehrlich, Georgescu-Roegen, rapport Meadows). Aujourd'hui, le sujet est au cœur des débats sur l'avenir de la nature et des sociétés humaines, qu'ils aient une tonalité optimiste (politiques de développement, découvertes scientifiques, solutions économiques) ou pessimiste (collapsologie, Anthropocène, décroissance, empreinte écologique).

Si conscience des limites il y eut toujours, leurs définitions varièrent selon les époques. Aux XIXe et XXe siècles, c'est l'idée de finitude des ressources naturelles qui domina. Depuis une vingtaine d'années s'y ajoutent des réflexions sur les modalités de régulation du système planétaire et sur ses capacités à supporter les pollutions. Pour préciser et lister ces planetary boundaries, plusieurs dizaines de chercheurs se réunirent en 2008 à l'initiative du Stockholm Resilience Centre. Ils identifièrent neuf processus environnementaux susceptibles d'altérer les grands équilibres biophysiques, et donc à surveiller de près avec une batterie d'indicateurs.

Trois de ces processus présentent des risques de rupture à l'échelle mondiale : changement climatique, acidification des océans, érosion de la couche d'ozone. Quatre autres ont eu jusqu'à présent seulement des impacts locaux ou régionaux, mais qui pourraient en s'agrégeant devenir planétaires : perturbation des cycles de l'azote et du phosphore, perturbation du cycle de l'eau douce, déforestation, réduction de la biodiversité. Enfin, deux dernières pressions anthropiques majeures n'ont pas encore donné lieu à la fixation de limites précises : charge atmosphérique en aérosols, « introduction d'entités nouvelles dans l'environnement » (substances chimiques, nanoparticules, microplastiques, métaux lourds, OGM, etc.).

Précis dans leur rédaction et équilibrés dans leur argumentation, les auteurs n'hésitent pas à dire que ces travaux sur les limites comportent eux-mêmes des... limites. D'ordre scientifique d'abord, avec des difficultés liées au choix des bons indicateurs, à l'identification des points de bascule, au repérage des facteurs explicatifs, etc. Des difficultés politiques ensuite, car si le sujet est parvenu à mobiliser de nombreux chercheurs, observateurs et acteurs sociaux, il est encore loin de constituer un référentiel pour les décisions des États et institutions internationales. La mobilisation fut rapide et victorieuse, dans les années 1990, pour résorber le trou de la couche d'ozone, mais les défis qui s'annoncent maintenant sont autrement plus redoutables.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions La Découverte

16/11/2020

Refonder l'agriculture à l'heure de l'anthropocène, Bertrand Valiorgue

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Les activités humaines modifient profondément le fonctionnement des écosystèmes, au point que l'on utilise parfois le terme « anthropocène » pour désigner l'ère géologique actuelle. L'agriculture participe à ces dérèglements (émission de gaz à effet de serre, érosion de la biodiversité), en même temps qu'elle en subit les conséquences (sécheresses, hausse des températures, déclin des insectes pollinisateurs). Pour Bertrand Valiorgue, cette situation rend nécessaire une refondation de nos systèmes agricoles et alimentaires. Dans cet ouvrage publié aux éditions Le bord de l'eau, il propose des pistes de réflexion pour amorcer cette transition. L'originalité de son raisonnement tient au cadre d'analyse en sciences de gestion que mobilise l'auteur, professeur en stratégie et gouvernance des entreprises.

La première partie de l'essai pose le diagnostic. À la suite d'autres auteurs, B. Valiorgue montre que l'accroissement de la population mondiale depuis 50 ans a été permis, en particulier, par l'essor d'une agriculture productive, fondée sur l'exploitation non durable des ressources naturelles, et qui se révèle être très sensible aux dérèglements associés à l'anthropocène. En réponse, il appelle de ses vœux le développement d'une agriculture « régénératrice » permettant, en plus de la production agricole, de « réparer » la nature. L'essor de cette nouvelle agriculture, dont les formes concrètes ne sont pas précisément exposées, est actuellement empêché par l'organisation des marchés agricoles et des filières, qui crée une dépendance au sentier, c’est-à-dire une difficulté à réorienter les activités à la suite des décisions passées (choix technologiques, décisions d'investissement, compétences acquises, etc.).

La deuxième partie de l'ouvrage est consacrée aux solutions à mettre en œuvre, selon l'auteur, pour sortir de cette ornière. Il incite à considérer l'agriculture comme une activité utilisatrice de biens communs (air, eau, sols) et, en même temps, chargée de leur entretien. Pour ce faire, il estime que les exploitations agricoles devraient adopter le statut récent d'« entreprise à mission », afin de s'engager juridiquement pour la préservation de ces biens communs, et mobiliser des outils de gestion permettant de quantifier leurs impacts sur les écosystèmes (matrices de matérialité et comptabilité environnementale). Pour terminer, il appelle à des transformations institutionnelles à plusieurs niveaux : territoires, filières et échelon européen.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Lien : Le bord de l'eau

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12/11/2020

Quand la nature se rebelle. Le changement climatique au XVIIe siècle et son influence sur les sociétés modernes, Philipp Blom

nature,histoire,climat,transformation

L’actuel réchauffement climatique n’a pas seulement des conséquences sur les rendements agricoles, les zoonoses ou la biodiversité. Il a et aura aussi des effets sur nos conceptions de la nature, notre appréhension des risques, nos représentations de l’humanité et de son avenir. Beaucoup d’éléments d’une société se transforment lorsque son climat change : ce constat déjà fait par Aristote, Montesquieu, Hegel, ou plus près de nous Diamond, est au cœur du livre de P. Blom. Il étudie, lui, les impacts du Petit Âge glaciaire sur les conditions de vie en Europe, en particulier du Nord. Un des grands intérêts de son travail est de se placer constamment dans la perspective des témoins de l’époque.

Entre les milieux du XVIe et du XVIIIe siècles, les températures moyennes baissèrent de 4°C par rapport aux XIVe et XVe siècles, soit -2 degrés par rapport au XXe siècle. Cela entraîna un bouleversement des courants océaniques et une multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes : longues périodes de pluies, inondations, tempêtes, gel, neige, grêle en été. Les causes en sont toujours débattues aujourd’hui, les plus souvent avancées étant un décalage de l’axe de rotation de la Terre et une baisse d’activité du soleil.

Ce refroidissement a eu des effets sur les ressources halieutiques, avec un déplacement des bancs de poissons, notamment de harengs. Il a surtout eu des effets sur l’agriculture, avec la perte d’environ 6 semaines de végétation, des baisses de rendements, des destructions régulières de productions (céréales, vigne, fruits). Il faudra attendre 1750 pour retrouver, toutes choses égales par ailleurs, les niveaux de récolte de 1570. Il en résulta un renchérissement des prix (pain, vin), des carences alimentaires, de nombreuses famines, des vagues de troubles et d’insurrections, et l’exode de nombreux paysans allant se réfugier dans les villes. Plus positivement, la pression du changement climatique suscita une véritable révolution agraire qui, partie des Pays-Bas puis de l’Angleterre, se propagea dans toute l’Europe : pratiques culturales, innovations techniques, introduction de nouveaux légumes (pomme de terre, etc.) et céréales (maïs, etc.), modalités de stockage, descente de la viticulture de cinq cents kilomètres, utilisation plus intensive des engrais organiques, etc.

Au-delà de ces transformations agricoles et agronomiques, P. Blom montre que le Petit Âge glaciaire a joué un rôle décisif dans la mutation des modes de vie, des représentations religieuses et intellectuelles, des manières de penser la nature et les échanges économiques.

Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective

Lien : Éditions de la Maison des sciences de l’homme

 

16:53 Publié dans Climat, Production et marchés | Lien permanent | Tags : nature, histoire, climat, transformation |  Imprimer | | | | |  Facebook

10/11/2020

Patate douce, stress thermique et alimentation mondiale

Un article récent de la revue Nature Climate Change présente les résultats d’une étude sur le rôle de la diversité génétique intraspécifique de la patate douce dans sa résistance au stress thermique. Les auteurs rappellent les atouts de ce tubercule pour répondre aux défis de la sécurité alimentaire des populations les plus vulnérables : sa haute valeur nutritionnelle et des besoins en main-d’œuvre moins conséquents que pour d’autres plantes. L’étude s’est déroulée en trois phases : i) l’évaluation de la résistance au stress thermique de 1 973 variétés ; ii) l’identification de variables permettant de prédire leurs réponses à ce stress ; iii) la simulation de scénarios d’épisodes de sécheresse intense et de leurs impacts sur les rendements.

Les facteurs de variations internes et externes permettant de prédire le rendement de 1973 cultivars

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Source : Nature Climate Change

Lecture : l’importance relative de chaque élément prédicteur est indiquée, dans l’ordre des aiguilles d’une montre, dans deux types d’environnement : sans stress thermique (a) et avec stress thermique (b). La couleur des flèches indique la corrélation positive (bleue) et négative (rouge) pour les variables continues. NDVI : normalized difference vegetation index.

132 cultivars, dont 63 % sont des types locaux traditionnels, ont montré une tolérance à des températures extrêmes. Les auteurs insistent alors sur leur contribution potentielle à la meilleure satisfaction des besoins alimentaires de certaines populations.

Source : Nature Climate Change

 

 

 

16:40 Publié dans Alimentation et consommation, Climat, Production et marchés | Lien permanent | Tags : génétique, sécheresse, rendement |  Imprimer | | | | |  Facebook

12/10/2020

Quelles politiques sectorielles pour atteindre les objectifs de réduction des émissions ?

Dans un rapport récent, le Fonds monétaire international (FMI) analyse l'évolution des politiques publiques d'atténuation du changement climatique dans l'Union européenne, pour les cinq secteurs les plus contributeurs en CO2, parmi lesquels l'agriculture (10 % des émissions totales). Si ces dernières ont diminué de 20 % dans les années 1990, elles sont stables depuis 2005. Après un inventaire des principales mesures, le rapport formule des préconisations pour les niveaux européen (PAC principalement) et national (politiques fiscales).

Source : FMI

 

09:20 Publié dans Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : émissions, changement climatique |  Imprimer | | | | |  Facebook

15/09/2020

Une estimation des conséquences économiques des sécheresses sur le secteur agroalimentaire italien

Sous l'effet du changement climatique, l'Europe connaît des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents, intenses et longs. Dans un article publié dans la revue Land Use Policy, une équipe du Centre commun de recherche (Joint Research Center) propose une modélisation rétrospective visant à estimer les conséquences économiques des sécheresses survenues entre 2001 et 2016 en Italie. Si ce type de travaux fait régulièrement l'objet de publications (voir à ce sujet un précédent billet), l'originalité du travail présenté ici réside dans le fait que l'analyse ne se limite pas au seul secteur agricole, mais inclut également les secteurs de l'aval (transformation, distribution, etc.).

La modélisation combine un modèle statistique estimant la corrélation entre le rendement des principales cultures et l'intensité des sécheresses, et un modèle économétrique d'équilibre général régionalisé appréciant les répercussions économiques de la diminution de production agricole suite au déficit en eau. Il en ressort un impact relativement limité des sécheresses sur l'économie italienne en général : la réduction estimée du PIB varie de 0,03 % en 2011 (sécheresse modérée) à 0,1 % en 2003 (sécheresse extrême). Les impacts sur le secteur agricole sont cependant significatifs puisque, d'après la modélisation, l'épisode de 2003 aurait engendré une diminution de la production de plus de 2 milliards d'euros (- 3,74 %). Le secteur des fruits et légumes aurait été le plus touché (- 8,69 %), et celui des oléagineux, principalement l'olivier, le plus épargné (- 0,43 %). Les pertes subies par le secteur primaire ne représentent toutefois que 60 % des pertes totales de la filière alimentaire, le reste pesant sur les autres secteurs d'activité, en particulier les industries de transformation (20 %). Les auteurs notent que cette répartition des pertes semble être constante et varie peu en fonction de l'intensité de la sécheresse.

Estimation des impacts économiques des sécheresses de 2003 (extrême), 2006 (intermédiaire) et 2001 (modérée)

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Source : Land Use Policy

Sur la base de ces constats, les chercheurs concluent en estimant que la prise en charge, par les politiques publiques, des conséquences économiques des événements climatiques, tels que les sécheresses, ne devrait pas se limiter au seul secteur agricole, mais inclure l'ensemble de la filière agroalimentaire.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : Land Use Policy

18:18 Publié dans Agronomie, Climat, Environnement, IAA, Production et marchés | Lien permanent | Tags : italie, sécheresse |  Imprimer | | | | |  Facebook

07/09/2020

L'UICN publie un standard mondial pour les « Solutions fondées sur la Nature »

Dans un contexte de montée en puissance des « Solutions fondées sur la Nature » (SfN), pour répondre aux crises provoquées par le changement climatique et les pertes de biodiversité, l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) publie, quatre ans après la première proposition de définition internationale, un cadre pour leurs vérification, conception et développement à une plus grande échelle. Il comporte 8 critères (défis sociétaux, gain net de biodiversité, faisabilité économique, gouvernance inclusive, gestion adaptative, etc.), assortis de 28 indicateurs. Ce cadre doit permettre aux utilisateurs (acteurs publics, aménageurs, entreprises, organisations non gouvernementales) de réussir leur transition vers des SfN « bien conçues, exécutables et durables ». Le document présente également une structure de gouvernance destinée à collecter les retours des utilisateurs afin d'améliorer le standard.

Source : UICN

 

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15/06/2020

Un déclin mondial des insectes terrestres mais pas des insectes aquatiques

Des publications récentes ont signalé le déclin des insectes dans certains pays et régions du monde, notamment en Allemagne, mais des questions subsistent quant à l'étendue de ce phénomène. Pour y répondre, des chercheurs allemands et russes ont réalisé une méta-analyse de 166 études conduites entre 1925 et 2018 (avec une durée médiane de 20 ans), couvrant 41 pays et 1 676 sites d'observation. Leurs résultats, publiés en mai dans Science, sont très variables dans l'espace, même pour des sites relativement proches (figure ci-dessous). Toutefois, les auteurs ont dégagé deux tendances globales : un déclin des insectes terrestres (en abondance et en biomasse), estimé à 0,92 % par an, soit - 8,81 % par décennie ; une croissance annuelle de ceux d'eau douce de + 1,08 %, soit + 11,33 % par décennie. Ils précisent que les zones où l'agriculture est la plus intensive sont sous-représentées dans l'échantillon, les tendances négatives observées pouvant donc être sous-estimées. Certaines régions (Amérique du Nord et une partie de l'Europe) sont particulièrement touchées par le déclin des insectes terrestres.

Tendances de long terme pour l'abondance et la biomasse en insectes (166 études)

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Source : Science

Les tendances sur de courtes périodes (10 ans) ont aussi été analysées à partir des années 1960 (figure ci-dessous). En Europe, le déclin des insectes terrestres s'est accentué au fil du temps tandis que les tendances positives observées pour ceux d'eau douce se sont renforcées. Cela pourrait refléter un effet favorable des politiques publiques de protection de la qualité de l'eau.

Évolution des tendances depuis les années 1960

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Source : Science

Les auteurs ont étudié le lien entre abondance en insectes, changement d'usage des terres et changement climatique. Ils remarquent que les tendances observées sont moins marquées dans les aires protégées, et trouvent une relation négative entre urbanisation et évolution de l'abondance des insectes terrestres. Elle pourrait être due à la destruction d'habitats ainsi qu'à la pollution chimique et lumineuse. En ce qui concerne les espèces aquatiques, les tendances sont plus positives lorsque la surface cultivée est plus élevée. Enfin, les auteurs n'ont pas observé de corrélation entre abondance d'insectes et changement climatique.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Science

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Quantification de l'empreinte carbone du soja exporté par le Brésil

Six chercheurs de divers instituts européens ont quantifié les émissions de gaz à effet de serre (GES) du soja produit au Brésil et exporté. Grâce à la base de données Trase, ils retracent environ 90 000 configurations différentes de chaîne logistique, depuis les municipalités ou les États fédérés de production jusqu'aux portes des usines des pays importateurs. Ces données représentent la quasi-totalité du soja brésilien exporté entre 2010 et 2015. En appliquant une méthode d'analyses du cycle de vie à l'ensemble de ces configurations, les auteurs quantifient les émissions de GES liées à la production (changements d'usage des terres et pratiques culturales), à la transformation (en huile et en tourteaux) et au transport (domestique et international) du soja et de ses produits dérivés.

Représentation du système et des données collectées pour l'inventaire de cycles de vie du soja brésilien exporté

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Source : Global Environmental Change

Les émissions proviennent en majorité du changement d'usage des terres (pour un tiers), du transport domestique (environ un quart) et de la transformation industrielle (un peu plus de 20 %). Les auteurs soulignent cependant que l'empreinte carbone du soja varie beaucoup selon le lieu de production et les étapes de transport et de transformation. Cette empreinte est particulièrement élevée (jusqu'à six fois la moyenne brésilienne) dans les régions de Matopiba (comprenant les États fédérés de Maranhão, Tocantins, Piauí et Bahia) et de Pará, principalement en raison de la perte récente du couvert végétal naturel. Bien que les importations chinoises soient responsables des émissions les plus importantes (114,70 MteqCO2), soit près de deux fois les émissions de l'Union européenne (67,6 MteqCO2), cette dernière a la plus forte empreinte carbone lorsque le calcul est rapporté à la tonne de soja équivalente (0,77 teqCO2/teqsoja contre 0,67 teqCO2/teqsoja pour la Chine). En effet, le soja importé par l'Union provient du nord du Brésil, particulièrement concerné par les pertes récentes de couvert végétal naturel. Les auteurs soulignent néanmoins le caractère aléatoire du nombre d'années prises en compte pour les changements d'usage des terres, et ils en appellent à une harmonisation des méthodes pour estimer les émissions de gaz à effet de serre liées.

Émissions totales de GES (en millions de teqCO2) liées au soja importé entre 2010 et 2015

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Source : Global Environmental Change

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Global Environmental Change

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10/06/2020

Vers un renforcement des conflits liés à la pêche du fait du changement climatique ?

Acidification, hausse des températures, élévation du niveau des océans : les conséquences du changement climatique sur les écosystèmes marins sont d'ores et déjà nombreuses. Elles devraient se renforcer à l'avenir, affectant les stocks de poissons et leur répartition à l'échelle mondiale. Dans un article publié dans la revue Marine Policy, une équipe nord-américaine s'interroge sur la possibilité que ces facteurs conduisent à une augmentation des conflits liés à la pêche. Les auteurs mettent notamment en évidence deux zones particulièrement sensibles : la mer de Chine, où la conflictualité pourrait être exacerbée par une ressource qui devrait diminuer avec le changement climatique ; la zone Arctique où, à l'inverse, les stocks de poissons devraient s'accroître et être davantage exploitables, du fait de la fonte des glaces, suscitant ainsi d'intenses convoitises et une forte concurrence.

Évolution probable (%) du potentiel maximal de captures en 2050 et localisation des conflits liés à la pêche entre 1993 et 2010

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Source : Marine Policy

Source : Marine Policy

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12/05/2020

Le microbiome racinaire : une piste pour améliorer la résistance des plantes aux sécheresses ?

Au mois de mars, un numéro spécial de la revue Science s'est intéressé au problème de la sécheresse, dans un contexte où le changement climatique en aggrave la récurrence et l'ampleur. Les articles de cette livraison analysent diverses conséquences, de la menace planant sur les forêts aux mécanismes de réponse des plantes, en passant par le fonctionnement des modèles de prédiction des famines. Ils explorent également les effets passés, présents et futurs de la sécheresse sur le plan social (par exemple au sein de l'ancienne civilisation Wari ou dans l'actuelle Amérique du Nord) et leurs implications pour les politiques publiques (ex. : gestion de l'eau).

Dans l'un des articles, les chercheurs s'appuient sur une large revue de la littérature pour décrire les mécanismes moléculaires existant au niveau de la rhizosphère. Ils se penchent sur les interactions entre le microbiome et les racines pour envisager des pistes de recherche qui permettraient d'améliorer la résistance et la régénération des plantes soumises à des stress hydriques.

Les interactions plante-microbiome pendant et après les épisodes de sécheresse

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Source : Science

À titre d’exemple, les transformations des racines et des substances exsudées peuvent exercer une sélection sur le microbiome du sol, modifiant les cycles du carbone et du nitrate et améliorant les capacités de réponse à long terme. Lors des épisodes de stress hydrique, les plantes sécrètent aussi, dans certains cas comme celui du chêne, des métabolites « signaux » dans la rhizosphère. De leur côté, des champignons mycorhiziens ou des bactéries filamenteuses sont susceptibles de proliférer en période de sécheresse et de stimuler l'activité antioxydante ou la régulation osmotique. Certaines bactéries peuvent également sécréter des molécules qui induisent l'élongation des racines, améliorant ainsi l'accès de la plante à l'eau. Enfin, les effets de l'utilisation de probiotiques et prébiotiques sur le microbiome du corps humain constituent autant de pistes de recherche pour la rhizosphère.

Les auteurs soulignent cependant les limites des conclusions des travaux recensés, insistant sur l'importance de poursuivre l’effort de recherche. La plupart des connaissances résultent d'études expérimentales en milieu contrôlé, sur des espèces de plantes non destinées à être cultivées, tandis que celles qui le sont ont été sélectionnées pour des traits pouvant compromettre les interactions bénéfiques avec le microbiome racinaire.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Science

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Qu'apportent les groupes d'échanges d'agriculteurs sur les questions climatiques ?

L'agriculture est aujourd'hui responsable du quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre et les politiques publiques incitent les agriculteurs à adopter des pratiques favorables au climat. Pour y parvenir, une des solutions est de constituer des groupes d'échanges participatifs, associant chercheurs, conseillers et producteurs. Dans un article du Journal of Rural Studies, une équipe évalue l'efficacité de telles démarches, à travers l'étude du programme écossais Farming for a Better Climate. Grâce à la mise en place de groupes participatifs, il vise à permettre aux agriculteurs d'acquérir des compétences et des connaissances nouvelles sur les relations entre climat et agriculture. Il s'agit de favoriser l'adoption de pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et de renforcer la résistance des exploitations. Les méthodes d'évaluation mobilisées combinent approches quantitatives quasi-expérimentales et qualitatives (entretiens, observations participantes, etc.).

Objectifs du programme (PEP) et indicateurs utilisés pour l'évaluation

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Source : Journal of Rural Studies

Lecture : pour chaque indicateur, le type de méthode utilisé pour l'évaluation est indiqué entre parenthèses (QN pour les méthodes quantitatives et QL pour les méthodes qualitatives). RE signifie « renewable energy ».

L'évaluation met en évidence un effet globalement positif de ce programme. Les entretiens réalisés auprès des participants soulignent toutefois que la dimension participative de ces démarches aurait pu être renforcée, nombre d'entre eux regrettant une approche trop descendante. Les analyses quantitatives montrent un effet significativement positif du programme sur l'acquisition de connaissances et compétences relatives au lien entre agriculture et climat, mais aussi concernant l'adoption de pratiques favorables à celui-ci. Néanmoins, les entretiens conduisent à nuancer ce résultat, le recours à ces pratiques résultant moins de la participation aux échanges que d'impératifs économiques (réduction des dépenses liées aux engrais et carburants notamment). Concernant la capacité de résistance des exploitations, peu d'analyses ont pu être conduites, faute d'indicateurs disponibles, mais les auteurs montrent cependant que les agriculteurs ayant participé à ce programme tendent à avoir des sources de revenu plus diversifiées.

Si cette évaluation montre une certaine utilité des groupes d'échanges pour concilier agriculture et climat, les auteurs appellent, en conclusion, à ne pas négliger les autres outils de politiques publiques (régulation, subventions, etc.).

Mickaël Hugonnet, Centre d’études et de prospective

Source : Journal of Rural Studies

10:14 Publié dans Agriculteurs, Climat | Lien permanent | Tags : ecosse, climat, groupes participatifs, agriculteurs, conseillers, chercheurs |  Imprimer | | | | |  Facebook

06/05/2020

Le changement climatique favorise l'antibiorésistance en aquaculture

Les maladies en aquaculture sont un frein au développement de cette filière, qui contribue à la sécurité alimentaire de nombreux pays. Grâce à une méta-analyse conduite sur 460 articles scientifiques, une publication de Nature d'avril 2020 montre que, pour chaque pays, le niveau d'antibiorésistance en aquaculture est corrélé à celui dans la population humaine et à la vulnérabilité au changement climatique. En outre, les hausses de températures sont associées à une plus forte mortalité en élevage (fruits de mer, crustacés ou poissons).

Les auteurs estiment qu'il est urgent de limiter nationalement et internationalement l'utilisation des antibiotiques, afin de renforcer la sécurité alimentaire face au changement climatique : par exemple, interdire leur usage comme facteur de croissance, promouvoir des méthodes préventives comme l'emploi de probiotiques, etc.

Corrélation de Pearson entre un indicateur d'antibiorésistance (MAR) en aquaculture avec le MAR en médecine humaine (a), avec un indicateur de vulnérabilité au changement climatique (b) et avec les températures (c), selon les pays considérés

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Source : Nature Communications

Lecture : plus le coefficient de corrélation de Pearson est proche de 1, plus les deux variables sont corrélées linéairement. En bleu, pays à hauts revenus ; en vert, pays aux revenus moyens-supérieurs ; en rose, pays aux revenus moyens-inférieurs. Les numéros 1 à 4 désignent, dans l'ordre, le Vietnam, l'Inde, le Pakistan et le Bangladesh, pays les plus exposés aux antibiorésistances et au changement climatique. La taille des points est proportionnelle à la production aquacole en kg/habitant.

Source : Nature Communications

04/05/2020

L'IFPRI a pris en compte le genre dans ses travaux de recherche en 2019

L'International Food Policy Research Institute (IFPRI) a publié, en avril, son rapport annuel 2019. Les résultats clefs de ses 463 publications de recherche sont classés en cinq thèmes principaux : développement de systèmes de production alimentaire durables et résilients face au changement climatique ; promotion d'une nutrition saine ; promotion de systèmes équitables de transformation et de commerce alimentaires, laissant une place aux petits acteurs ; consolidation des institutions et de la gouvernance en vue de garantir une alimentation équitable et une sécurité alimentaire pour tous ; développement rural. De manière transversale, l'IFPRI a également pris en compte le genre dans ses travaux : il met par exemple en avant l'outil WEAI d'identification de territoires à fortes inégalités hommes-femmes et d'aide à la définition de solutions, utilisé dans 54 pays et par 104 organisations.

Source : IFPRI

10/04/2020

Eau et changement climatique : rapport de l'Unesco

L'Unesco a publié, en mars, un rapport rappelant que la gestion de l'eau, abordée généralement sous l'angle de l'insuffisance, est aussi un levier incontournable pour s'adapter au changement climatique et atténuer ses effets. Face à la lenteur de l'atteinte des objectifs mondiaux en matière climatique (ODD, notamment n° 2, 6, 13 et 15, Accord de Paris, Cadre de Sendai), le rapport se veut un guide d'aide à l'action concrète et présente des initiatives venant du monde entier.

En complément des enjeux liés à la gestion des ressources en eau, aux infrastructures, aux écosystèmes, aux catastrophes naturelles, à la santé humaine, à l'énergie et à l'industrie, le rapport se penche sur les questions d'alimentation et d'agriculture. Selon les auteurs, le secteur agricole doit progresser davantage vers « l'agriculture intelligente face au climat » (AIC), qui vise à maintenir la croissance de la production agricole tout en limitant le recours aux intrants et les émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, il convient selon eux d'aborder la question de l'eau à travers deux objectifs : faire évoluer les modes de production actuels pour mieux gérer les pénuries et les excès ; décarboner l'agriculture par des mesures réduisant les émissions de gaz à effet de serre et renforçant la disponibilité en eau. Entre autres, ils encouragent l'irrigation, notamment pour les régions et cultures dépendant fortement des précipitations.

Pourcentage de la superficie équipée pour l'irrigation

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Source : Unesco

Le rapport examine également plusieurs questions transversales, à commencer par la nécessité d'agir en croisant les enjeux sectoriels listés ci-dessus. Par exemple, l'agriculture de conservation permet de stocker davantage d'eau, de nutriments et de carbone dans les sols, aidant ainsi à la diversité et la richesse des écosystèmes. La diminution du gaspillage alimentaire permettrait, quant à elle, de réduire la quantité d'eau utilisée par l'agriculture (69 % des prélèvements mondiaux). Dans ce but général d'interconnexion des enjeux sectoriels, les auteurs appellent à renforcer la coopération entre communautés de l'eau et du changement climatique, à la participation du public aux politiques climatiques, et à accroître l'effort de financement global, aujourd'hui insuffisant pour atteindre les objectifs mondiaux de disponibilité de l'eau.

Réponses locales de l'agriculture intelligente liées à l'eau

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Source : Unesco

Enfin, les auteurs tracent quelques projections régionales. Pour l'Europe, ils mettent l'accent sur les risques liés à l'évolution des précipitations et sur la nécessité de surmonter certaines difficultés politiques pour gérer efficacement les bassins transfrontaliers.

Vincent Hébrail-Muet, Centre d'études et de prospective

Source : Unesco

18:29 Publié dans Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : unesco, eau, changement climatique |  Imprimer | | | | |  Facebook