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15/09/2020

Les sentinelles des pandémies, Frédéric Keck

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Paru en juin 2020, à la suite d'une première version en anglais publiée six mois plus tôt, l'ouvrage Les sentinelles des pandémies s’inscrit dans les travaux sur la biosécurité, dont l'objet est la préparation aux pandémies : cette technique de gestion des crises sanitaires, alternative à la prévention (abattage) et à la précaution (vaccination), repose sur la surveillance du vivant et la détection de signaux d’alerte précoces.

Frédéric Keck, directeur du Laboratoire d'anthropologie sociale (Collège de France, CNRS, EHESS), place au cœur de son étude la surveillance des maladies animales et les manières dont elles transforment les pratiques de contrôle, par les autorités vétérinaires, du travail agricole (voir à ce sujet un précédent billet), ainsi que les relations entre oiseaux et humains. Le travail de terrain, conduit à Hong-Kong, Singapour et Taïwan, a une portée générale. Parce qu'elle concentre des facteurs de développement des zoonoses (urbanisation massive, élevage industriel, conséquences du changement climatique), la Chine du Sud est un laboratoire des périls et solutions susceptibles de concerner une large partie du monde.

L'auteur propose une définition de la « préparation aviaire » : celle-ci vise à anticiper une prochaine crise en détectant, en temps réel, les signaux d’alerte émis par les oiseaux et en suivant les mutations du pathogène entre les espèces. Elle se fonde sur des collaborations entre microbiologistes, éleveurs, vétérinaires et ornithologues, observées par F. Keck au sein d’exploitations agricoles, lors d'expériences en laboratoire ou à travers des dispositifs de surveillance des oiseaux sauvages.

Des vétérinaires prélèvent des volailles à la recherche du virus de la grippe aviaire dans la région du Fujian, 2006

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Source : éditions Zones sensibles. Crédit : Vincent Martin

L'auteur décrit les modalités d'introduction de « poulets sentinelles » (shaobingji, littéralement « poulet soldat siffleur ») dans des unités d'élevage vaccinées. Il détaille aussi la surveillance des interactions entre ces animaux, pour vérifier l’immunité des animaux vaccinés et le caractère sain des poulets sentinelles. Du côté des laboratoires, les microbiologistes analysent le comportement des cellules dentritiques aviaires, agents de signalisation des anomalies survenant entre l’organisme et un corps étranger. Enfin, la pose d'un GPS sur les oiseaux permet de documenter le comportement d'espèces sauvages susceptibles de se rapprocher des animaux de rente. Cet ouvrage trouve un écho dans les défis liés au décloisonnement des santés animale et humaine, qui accompagnent la gestion des coronavirus.

Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective

Lien : Éditions Zones sensibles

Prévenir une prochaine pandémie en bloquant les zoonoses

Considérant que la pandémie de Covid-19 est d'origine zoonotique, comme 75 % des maladies émergentes, le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et l'Institut international de recherche sur l'élevage (International Livestock Research Institute, ILRI) ont publié en juillet 2020 un rapport incitant à prévenir un prochain épisode, en brisant la chaîne de transmission (figure ci-dessous) selon une approche One Health (« une seule santé »).

Le rapport liste sept facteurs anthropiques concourant au développement d'une pandémie d'origine zoonotique. Parmi ceux-ci, la demande croissante de protéines d'origine animale, en particulier en Asie, a entraîné en 50 ans une augmentation considérable des productions mondiales de viande (+ 260 %), de lait (+ 90 %) et d’œufs (+ 340 %), avec pour conséquence leurs intensification et industrialisation. Le commerce et le transport de produits ou d'animaux vivants, qui en découlent, accroissent les contacts avec les humains, ainsi que la dissémination de maladies potentiellement non détectées sur des bêtes importées, en raison d'une durée du transport inférieure à la période d'incubation. De plus, l'urbanisation, les changements d'utilisation des terres, les industries d'extraction et certains impacts du changement climatique favorisent aussi les zoonoses. C'est par exemple le cas du développement des zones d'irrigation, propices aux vecteurs de maladies.

Transmission et contrôle d'une zoonose

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Source : UNEP

Lecture : A : la transmission d'une infection et son amplification dans la population humaine (en rouge) arrivent après qu'un agent pathogène provenant de la faune sauvage (en rose) ait contaminé une espèce domestique (en vert clair), qui amplifie la capacité de cet agent à se transmettre à l'homme. B : une détection précoce et le contrôle d'une maladie animale réduisent l'incidence de cette zoonose chez l'humain (en bleu clair) et chez les animaux domestiques (en vert). Les flèches montrent les contaminations interespèces.

Pour enrayer le développement des zoonoses, le PNUE et l'ILRI formulent dix recommandations. Ainsi, les modalités d'apparition et de prévention de ces maladies doivent être mieux étudiées, de manière interdisciplinaire : sciences de la santé, sociologie, économie, etc. Les analyses coût-bénéfice sont aussi à mobiliser, pour démontrer l'intérêt de la prévention par rapport à la réaction après crise. La régulation des zoonoses et les politiques publiques du type « de la fourche à la fourchette », favorables à la biodiversité, doivent être développées. Les mesures de biosécurité devraient également être systématisées, avec une incitation financière en direction des « pays en voie de développement ». Une co-existence des zones agricoles et des zones sauvages est, en outre, à rechercher. Enfin, une approche globale de type One Health et une gouvernance tripartite Organisation mondiale de la santé (OMS), Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) et Organisation mondiale de la santé animale (OIE) permettraient de combiner la dimension environnementale, la santé humaine et la santé animale.

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : UNEP

07/07/2020

Livre blanc sur la télémédecine vétérinaire

Le think tank Vet IN Tech, acteur reconnu de la télémédecine vétérinaire depuis 2017, présente un livre blanc sur le sujet au moment même où un décret vient d'en autoriser l'expérimentation. La première partie du document définit la télémédecine vétérinaire en comparant le contenu du décret et un avis de l'Académie vétérinaire de France de 2017, qui posait des jalons importants en la matière : cette pratique recouvre la téléconsultation, la téléexpertise, la télésurveillance médicale, la téléassistance médicale et la télérégulation.

Les cinq actes de télémédecine vétérinaire

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Source : Vet IN Tech

Un parangonnage est effectué avec la médecine humaine et la télémédecine vétérinaire dans trois pays anglo-saxons (Canada, États-Unis, Royaume-Uni), où la relation avec le client est régie par un contrat de soin et la télémédecine très encadrée. Le Canada, en particulier, l'a très tôt pratiquée du fait des distances à parcourir pour un effectif de vétérinaires insuffisant, les pratiques étant encadrées par un document de l'association des vétérinaires de 2014.

Dans une deuxième partie, véritable guide pour les vétérinaires, divers outils sont comparés au regard de leurs possibilités de connexion, leur interopérabilité (avec les logiciels de gestion de la clinique ou les applications des portables de leurs clients par exemple) et leur capacité de sécurisation des données. Les auteurs insistent sur quelques bonnes pratiques qui favorisent les téléconsultations dans des conditions aussi professionnelles qu'une consultation classique : elles concernent par exemple le temps et le formalisme à y consacrer.

Divers usages de la télémédecine sont aussi présentés. Paradoxalement, alors que la médecine des animaux de compagnie est très proche de la médecine humaine, les auteurs considèrent que la médecine vétérinaire rurale est la plus à même de développer la télémédecine (en particulier dans le cadre de la télésurveillance), en raison de l'usage des objets connectés en élevage. Dans ce cas, la principale difficulté est de faire payer le conseil à son juste prix. Enfin, les auteurs mettent en évidence l'intérêt de développer en parallèle la télémédecine et les actes classiques, plutôt que de substituer la première aux seconds.

Vue d'ensemble des possibilités offertes par la télémédecine pour l'examen clinique et les plans de prévention des maladies en élevage

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Source : Vet IN Tech

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : Vet IN Tech

02/07/2020

ROADMAP, un groupement de chercheurs sur les antimicrobiens

En mai 2020, le projet européen ROADMAP (Rethinking Of Antimicrobial Decision-systems in the Management of Animal Production) a diffusé une première newsletter fournissant des données sur ce sujet et un état d’avancement du projet. De 2019 à mai 2023, ce travail sur l'antibiorésistance associera 17 partenaires (universités, instituts de recherche, industriels) provenant de 9 États membres. Pour la France sont mis à contribution INRAE (coordinateur), le CIRAD, INRAE transfert et l'ACTA. Le réseau promeut un usage prudent et raisonné des antimicrobiens en élevage, sur le fondement d'une analyse des déterminants socio-économiques de leur usage, de stratégies de conduite du changement et de scénarios d'impact portant sur diverses productions animales (filières porc, aviaire, lait et viande bovine) de pays européens ou non (Vietnam, Mozambique).

Source : ROADMAP

12/06/2020

Revue de littérature sur les apports de la sélection variétale conventionnelle pour réduire les risques sanitaires des aliments

Dans un article récemment publié dans Trends in Food Science & Technology, une équipe de chercheurs américains présente les apports de la sélection végétale pour améliorer la sécurité sanitaire en diminuant toxines et allergènes. En effet, seule une minorité d'espèces a fait l'objet de manipulations génétiques en vue de produire des variétés améliorées : maïs, soja, colza, riz, papaye, courge, pomme. Pour la grande majorité des cultures, la sélection variétale reste basée sur des techniques conventionnelles (figure ci-dessous) qui ont, au fil du temps, incorporé des innovations technologiques facilitant l'identification des marqueurs génétiques souhaités ou à minorer. Ces pratiques ont entre autres pour but d’éviter ou de limiter la production de toxines, qu'elle soit naturelle ou en réaction à des maladies.

Schéma général du processus conventionnel de sélection variétale

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Source : Trends in Food Science & Technology

Lecture : les cases blanches et noires présentent les chromosomes de chaque parent au stade 1, et le génome complet de chaque parent ou lignée, à partir du stade 2.

La réduction de la sensibilité aux maladies est un objectif visé dans le cas des céréales et de la production d'aflatoxines par des champignons les contaminant lors de l'exposition à des conditions chaudes et humides. Les auteurs reviennent ainsi sur la sélection du maïs, afin de développer la résistance naturelle des grains.

Certaines plantes produisent naturellement des allergènes et toxines. La sélection variétale a alors consisté à réduire ou faire disparaître ces molécules, au moins dans la partie consommée. L’article prend deux exemples pour l'illustrer : la pomme et la pomme de terre. Dans ce dernier cas, en tant que représentante de la famille des solanacées, la pomme de terre (comme la tomate et le poivron) produit naturellement des alcaloïdes et glycoalcaloïdes qui la protègent des ravageurs. Les auteurs détaillent ensuite le long processus de domestication, puis la sélection moderne visant à adapter les variétés aux différents usages, tout en essayant de conserver l'aptitude naturelle de la plante à se défendre.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Trends in Food Science & Technology

 

09/06/2020

Le réseau ENDURE fait le point sur les usages du glyphosate en Europe

Le réseau ENDURE, en collaboration avec INRAE et l'université catholique de Louvain, a coordonné et publié le 12 mai un rapport sur les usages du glyphosate dans les 28 États membres de l'Union, ainsi qu'en Norvège, Serbie, Suisse et Turquie. L'objectif des auteurs est de fournir un cadre de compréhension et de suivi des utilisations de cet herbicide. À partir de données Eurostat et d'estimations, ils établissent que 49 427 tonnes de substance active ont été vendues dans ces pays en 2017 ; les usages par hectare sont les plus importants au Danemark, en Pologne, aux Pays-Bas, au Portugal et en France, et les moins élevés en Turquie, Lituanie, Lettonie, au Royaume-Uni et en Suisse. Ont été recensées huit finalités agronomiques d'usage de l'herbicide, avec une forte variation selon les pays et les cultures concernés : par exemple, contrôle des adventices pour les cultures annuelles. Enfin, les auteurs rappellent qu'il existe des alternatives au glyphosate : biocontrôle, désherbage mécanique, couvert végétal, paillage, diversification de la rotation, semis tardif.

Estimation des usages de glyphosate, en kg de substance active par hectare, en 2017

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Source : ENDURE

Source : ENDURE

11:15 Publié dans Agronomie, Protection des végétaux et des animaux | Lien permanent | Tags : glyphosate, endure |  Imprimer | | | | |  Facebook

06/05/2020

Le changement climatique favorise l'antibiorésistance en aquaculture

Les maladies en aquaculture sont un frein au développement de cette filière, qui contribue à la sécurité alimentaire de nombreux pays. Grâce à une méta-analyse conduite sur 460 articles scientifiques, une publication de Nature d'avril 2020 montre que, pour chaque pays, le niveau d'antibiorésistance en aquaculture est corrélé à celui dans la population humaine et à la vulnérabilité au changement climatique. En outre, les hausses de températures sont associées à une plus forte mortalité en élevage (fruits de mer, crustacés ou poissons).

Les auteurs estiment qu'il est urgent de limiter nationalement et internationalement l'utilisation des antibiotiques, afin de renforcer la sécurité alimentaire face au changement climatique : par exemple, interdire leur usage comme facteur de croissance, promouvoir des méthodes préventives comme l'emploi de probiotiques, etc.

Corrélation de Pearson entre un indicateur d'antibiorésistance (MAR) en aquaculture avec le MAR en médecine humaine (a), avec un indicateur de vulnérabilité au changement climatique (b) et avec les températures (c), selon les pays considérés

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Source : Nature Communications

Lecture : plus le coefficient de corrélation de Pearson est proche de 1, plus les deux variables sont corrélées linéairement. En bleu, pays à hauts revenus ; en vert, pays aux revenus moyens-supérieurs ; en rose, pays aux revenus moyens-inférieurs. Les numéros 1 à 4 désignent, dans l'ordre, le Vietnam, l'Inde, le Pakistan et le Bangladesh, pays les plus exposés aux antibiorésistances et au changement climatique. La taille des points est proportionnelle à la production aquacole en kg/habitant.

Source : Nature Communications

04/05/2020

Avantages du recours à un coléoptère pour limiter les conséquences de l'ambroisie

Une équipe pluridisciplinaire (biologistes, médecins, agronomes, etc.) a récemment publié une analyse coûts-bénéfices du recours à un coléoptère, au niveau européen, pour réduire l'impact du pollen de l'ambroisie (Ambrosia artemisiifolia), hautement allergène. Cet insecte, Ophraella communa, utilisé dans le cadre de la lutte biologique en Chine, a été introduit accidentellement près de Milan en 2013. Il s'agit donc de mesurer les risques d'une utilisation similaire sur le territoire communautaire.

Les auteurs évaluent le coût annuel des allergies liées à l'ambroisie à plus de 7 milliards d'euros pour l'Union européenne (traitements et arrêts de travail), une estimation très supérieure aux évaluations précédentes. À partir de l'analyse de la baisse des allergies à Milan (82 %), des résultats d'une expérimentation sur le terrain et d'une modélisation de l'extension de cette chrysomèle, ils ont estimé que le coût de l'ambroisie diminuerait d'un milliard d'euros. Ils concluent à l'intérêt d'utiliser cet insecte, notamment dans les Balkans, où l'ambroisie est très présente.

Proportion interpolée de personnes sensibilisées au pollen d'ambroisie en Europe

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Source : Nature communications

Source : Nature communications

13/04/2020

Pertes économiques liées aux mammites en élevage bovin laitier

Publié récemment dans Frontiers in Veterinary Science, un article évalue l'impact économique des mammites pour les élevages de vaches laitières. Premières pathologies en fréquence dans ces élevages, elles sont responsables de coûts et de pertes d'exploitation, du fait des analyses bactériologiques (identification de la ou des bactéries responsables, antibiogramme) et cytologiques (comptage cellulaire dans le lait) à réaliser pour poser le diagnostic, des traitements, du surplus d'activité de l'éleveur, de la destruction du lait pendant la durée de la maladie et après le traitement, de l'abattage éventuel de l'animal, etc.

Les auteurs ont réalisé une méta-analyse d'articles en langue anglaise décrivant les pertes économiques liées à des mammites bovines, publiés jusqu'en juin 2019 dans trois bases (PubMed, ISI Web of Science, Google Scholar). À partir d'un corpus initial de 1 566 articles, plusieurs phases de sélection ont permis d'en sélectionner 9, représentant 82 cas. Les critères d'inclusion de ces publications étaient la présence d'une mammite clinique (exclusion des formes subcliniques), la mention des pertes financières par cas de mammite ou par année et par vache, la limitation à des pays de la zone climatique tempérée, et des données postérieures à 1990.

Les résultats montrent une forte corrélation avec l'étiologie : si l’impact financier moyen est de 224 € par cas, il est de 101 € pour des mammites dues à des bactéries Gram + et de 457 € pour celles provoquées par une bactérie Gram -. Plus précisément, il est en moyenne de 74 € si la bactérie responsable est Staphylococcus aureus, de 79 € pour St. coagulase -, de 121 € pour Streptococcus sp. et de 428 € pour Escherichia coli.

Les auteurs relèvent toutefois plusieurs problèmes liés aux articles retenus, et donc à la méta-analyse qui en est issue. Tout d'abord, l'interaction avec d'autres maladies dans ces pertes est rarement mentionnée. D'autre part, se limiter aux coûts et pertes engendrés à court terme par une maladie pourrait être trompeur : si les mammites dues à des bactéries Gram - ont un coût très supérieur à celles à Gram +, les conséquences à moyen et long termes de ces dernières ne sont pas prises en compte. De même, le coût de l'abattage est sous-valorisé car il ne devrait pas se limiter au seul coût de l'animal. Enfin, des paramètres comme le prix du lait ou le coût du travail sont peu inclus. Pour les auteurs, une méthode normée permettrait de réduire ces limites à l'avenir.

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : Frontiers in Veterinary Science

13/03/2020

Résidus de médicaments vétérinaires dans les eaux bretonnes destinées à la consommation

Peu d'études ont été conduites sur la présence de résidus de médicaments dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) : il s'agit pourtant d'un problème de sécurité sanitaire, en particulier avec les résidus de médicaments vétérinaires (RMV). Dans le cadre de l'étude « EXPO-VETO », menée par différents organismes publics, une investigation a été menée en Bretagne durant trois années. Première zone française d'élevage, 75 % des EDCH de cette région proviennent d'eaux de surface polluées par lixiviation (entraînement de polluants par l’eau qui circule dans les sols) ou ruissellement (pâturage, épandage de lisier, etc.).

De mars 2017 à juin 2018, 199 échantillons ont été prélevés sur 25 captages (23 en eaux de surface, 2 en eaux souterraines), 105 en amont des usines de potabilisation (« eau brute ») et 94 en aval (« eau traitée »). Ces prélèvements ont été réalisés à différents moments de l'année pour tenir compte de variations telles que les hautes eaux et les étiages des cours d'eau, les périodes d'épandage. 40 résidus de médicaments ou de leurs produits de dégradation ont été recherchés à partir d'une liste établie par le Programme régional santé et environnement (PRSE), comportant 23 antibiotiques, 13 antiparasitaires et anticoccidiens, et 4 anti-inflammatoires.

18 RMV sur les 40 recherchés ont été retrouvés dans 32 % des échantillons d'eau brute, 8 à usage exclusivement vétérinaire, 10 à usage mixte (médecine humaine et vétérinaire). Aucun résidu n'a été identifié dans 7 captages sur 25, les autres comportant entre 1 et 9 résidus (figure ci-dessous). Les concentrations en RMV varient de 5 ng/L (limite de détection) à 2 946 ng/L. Par ailleurs, un maximum d'échantillons collectés en période d'épandage étaient pollués.

Répartition des captages en fonction du nombre cumulé de résidus de médicaments vétérinaires (RMV) dans les échantillons d'eaux brutes

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Source : PRSE Bretagne

12 RMV ont été retrouvés dans 20 % des échantillons d'eau traitée, 10 à usage exclusivement vétérinaire et 2 à usage mixte. Seuls les échantillons correspondant à 9 captages n'en comportaient pas. Les concentrations en résidus étaient toutes inférieures à 40 ng/L, sauf pour le florfénicol dans deux cas (159 et 211 ng/L) et ce, même avec les procédés de traitement les plus avancés. Cependant, les auteurs rappellent que les études de l'Anses montrent une innocuité de cet antibiotique à ces concentrations.

Répartition des captages en fonction du nombre cumulé de RMV quantifiés dans les échantillons d'eaux traitées

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Source : PRSE Bretagne

Franck Bourdy, Centre d'études et de prospective

Source : PRSE Bretagne

12/03/2020

Insectes invasifs sur les ligneux en Chine et en Europe : des propagations très différentes

Une équipe de chercheurs du Sino-French joint laboratory for invasive forest pests in Eurasia (INRAE - université de Pékin pour la forêt) a comparé, dans une étude récente, les propagations d'insectes invasifs associés à des plantes ligneuses (peuplements forestiers, plantes ornementales, arbres fruitiers, arbustes), en Europe et en Chine. Les auteurs mettent en évidence une forte asymétrie dans les situations de ces deux zones : i) le nombre de ces espèces invasives en Europe est nettement plus élevé qu'en Chine ; ii) les insectes invasifs en Europe proviennent à près de 23 % de Chine, tandis qu'en Chine ils ne sont qu'à 9 % d'origine européenne (contre 40 % du reste de l'Asie) ; iii) la diversité de plantes-hôtes colonisées par ces insectes invasifs est nettement plus importante en Chine, sans doute parce que s'y trouvent plus de plantes taxonomiquement proches des plantes-hôtes naturelles des insectes invasifs.

Comparaison de l'évolution, depuis le début du XIXe siècle, du nombre cumulé d'espèces invasives en Europe et en Chine

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Source : Frontiers in Forests and global Change

Source : Frontiers in Forests and Global Change

Transposer les nanoporteurs du secteur médical à la production agricole : une revue de littérature

Une équipe de chercheurs américains a récemment publié, dans Frontiers in Bioengineering and Biotechnology, un état des lieux des nanotechnologies transposables de la médecine à l'agriculture. Ils se sont penchés sur la fonction de transport de principes actifs, via les « nanoporteurs », dans le secteur de la production végétale. Ils proposent une analyse avantages-inconvénients de la transposition de différentes solutions employées en médecine. Au-delà des applications émergentes en matière de traitements phytosanitaires ou de fertilisation, les nanoporteurs pourraient être utilisés pour l'amélioration des plantes, comme alternative à l'utilisation de virus pour l'incorporation de séquences génétiques au sein des cellules.

Ces technologies présentent donc de nombreuses opportunités en agriculture. Elles nécessitent cependant de porter une attention particulière au comportement à long terme de ces molécules dans l'environnement.

Représentation schématique du mode d'action potentiel d'un nanoporteur dans le cadre d'un traitement systémique visant à stimuler la réaction immunitaire de la cellule végétale

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Source : Frontiers in Bioengineering and Biotechnology

Source : Frontiers in Bioengineering and Biotechnology

11/03/2020

Obama nungara va-t-il dévorer tous nos vers de terre ?

Publié début février 2020 dans la revue PeerJ, un article s’intéresse au vers plat Obama nungara. S’appuyant sur des données collectées de 2013 à 2018, il montre que, dans de nombreux pays d’Europe, ces vers sont très envahissants. Ils se nourrissent notamment des vers de terre communs et détériorent le fonctionnement naturel des sols agraires.

Pour la France, les auteurs utilisent des déclarations d’observation de citoyens : 72 départements métropolitains sur 96 sont ainsi touchés. Il apparaît que ces vers sont principalement localisés à basse altitude (inférieure à 50 m) et le long des côtes littorales, le moindre gel pouvant en être une explication. Si ces résultats sont à interpréter avec précaution (biais liés à la science participative), l’article confirme que ce vers plat est originaire d’Argentine. Il pourrait provenir du commerce international de plantes en pot.

Carte des signalements d’Obama nungara en France métropolitaine sur la période 2013-2018

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Source : PeerJ

Source : PeerJ

La chlordécone pourrait se dégrader naturellement dans les sols

Utilisée jusqu'en 1993 dans les bananeraies antillaises, la chlordécone est une substance active insecticide persistante, cancérogène probable et perturbateur endocrinien avéré. Des chercheurs du CNRS et du CEA ont mis en évidence un processus de dégradation naturelle de cette molécule dans le sol, probablement sous l'action de bactéries, en différents sous-produits. Leur toxicité et leur potentiel de contamination des aliments restent encore à étudier, afin de juger des conséquences environnementales et sanitaires de cette transformation.

Source : Pour la Science

10/02/2020

Pesticides. Comment ignorer ce que l'on sait, Jean-Noël Jouzel

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J.-N. Jouzel (sociologue, CNRS) examine, dans cet ouvrage, les controverses autour de la « science réglementaire » qui fonde les autorisations de mise sur le marché des pesticides. Il compare deux séquences d'élaboration, de mise en cause et de réajustement des expertises sur les risques associés aux produits phytosanitaires : aux États-Unis dans les années 1950 à 1980 ; en France, des années 1990 à aujourd'hui.

La première partie évoque la naissance, dans l'Amérique du milieu du XXe siècle, d'une « hygiène agricole » issue de la collaboration de toxicologues et d'entomologistes soucieux de concilier modernisation et sécurité sanitaire. Des protocoles expérimentaux, quantifiant les niveaux de contamination, mettent en évidence l'importance de la peau comme voie d'absorption. Le respect de « bonnes pratiques », notamment le port de vêtements « adaptés », est alors censé garantir la sécurité des travailleurs. Cette approche est contestée dans les années 1960 par des chercheurs issus de l'hygiène industrielle, en lien avec des problèmes de rentrée dans les parcelles après traitement pour les saisonniers chargés de la récolte. En réponse, les agences d'évaluation, nouvellement créées, stabilisent durant la décennie suivante des « lignes directrices ». Celles-ci reconduisent les postulats individualistes des politiques de prévention et, privilégiant la modélisation, donnent corps à la « science réglementaire ».

En France, au contraire, malgré une modernisation rapide de l'agriculture, les risques liés aux pesticides restent peu questionnés avant les années 1990. La deuxième partie du livre rappelle le rôle moteur de la construction européenne et de la libéralisation du commerce, dans l'importation des outils d'évaluation américains. Elle chronique les relations houleuses entre toxicologues chargés de l'évaluation des risques et épidémiologistes universitaires. Selon l'auteur, la production de connaissances, dans le cadre de la « science réglementaire », a eu pour contrepartie une tendance à minorer, voire écarter, les « données dérangeantes », indiquant une sur-incidence des maladies chroniques chez les travailleurs agricoles. Une nouvelle phase de normalisation des équipements de protection individuels (EPI), aiguillonnée par des données épidémiologiques qui soulevaient un problème de perméation des produits en mélange, l'amène à questionner « la croyance des institutions dans le possible usage contrôlé des pesticides », tout en montrant les « bonnes raisons » de sa permanence dans le temps.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Lien : Presses de Sciences Po