13/06/2018
Investissements dans la R&D agricole dans les pays à hauts revenus
Un récent rapport de l'Economic Research Service de l'USDA propose une analyse détaillée et approfondie des tendances en matière d'investissements dans la R&D agricole, dans 31 pays à hauts revenus membres de l'OCDE. Les auteurs s'appuient pour cela sur les données « Research and Development Statistics » de l'OCDE, couvrant une période allant des années 1960 à nos jours.
Après une hausse ininterrompue depuis un demi-siècle, les dépenses publiques en R&D agricole ont connu pour la première fois, à partir de 2009, une baisse significative en termes réels dans les 31 pays considérés, de l'ordre de -1,5 % par an (cf. figure ci-dessous). Ce renversement de tendance, suite à la crise financière mondiale, amène les auteurs à s'interroger sur la capacité à long terme de l'agriculture à répondre à l'augmentation de la demande alimentaire. Ils rappellent en effet qu'une grande partie de la hausse de la production agricole observée depuis les années 1990 s'explique par la croissance de la productivité globale des facteurs, elle-même majoritairement le fruit des dépenses en R&D antérieurement consenties.
Investissements publics dans la R&D agricole, 1960-2013
Source : USDA
Malgré ces tendances, l'intensité de la recherche, mesurée par le ratio entre dépenses publiques en R&D et PIB agricoles, reste élevée par rapport à d'autres secteurs de l'économie. Cependant, le champ de la R&D agricole s'est élargi à de nouvelles préoccupations (environnement, santé publique, nutrition). Face à ces évolutions, plusieurs pays ont accompli des réformes significatives de leurs systèmes de recherche et d'innovation agricoles, analysées dans le dernier chapitre du rapport (Australie, États-Unis, Pays-Bas et Royaume-Uni).
Si la tendance à la hausse des dépenses privées dans la R&D agricole a pu compenser en partie la baisse des dépenses publiques, les auteurs soulignent que les deux formes d'investissement ne sont pas parfaitement substituables, et qu'une meilleure compréhension de leurs interactions serait utile pour la conduite des politiques en matière de propriété intellectuelle, de transfert de technologie et d'allocation des budgets à la recherche.
Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective
Source : USDA
10:46 Publié dans Enseignement et recherche, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : usda, r&d, investissements, dépenses publiques | Imprimer | |
PAC post-2020 : propositions de l'IFOAM et du FiBL pour rémunérer les agriculteurs pour leur contribution aux biens publics européens
Inclure la durabilité au cœur des mécanismes de la prochaine Politique agricole commune, tel est l'enjeu du rapport présenté le 10 avril dernier par la Fédération internationale des mouvements d'agriculture biologique (IFOAM EU) et des chercheurs de l'Institut de recherche de l'agriculture biologique (FiBL). Dans sa philosophie générale, le rapport recommande de passer d'une politique de compensation à une politique de rétribution de l'agriculteur, sur la base d’objectifs de résultats clairement définis, pour consolider les trois dimensions de la durabilité, environnementale, sociale et économique.
La proposition prévoit un cœur programmatique défini à l'échelle européenne, dans lequel les domaines d'action d'une PAC durable et modernisée, formulés par la Commission européenne (climat, ruralité, sécurité alimentaire, environnement-biodiversité, innovation, etc.), seraient déclinés en objectifs mesurables, fixés en lien avec les engagements internationaux, assortis de règles de répartition de base et d'un cadre commun d'évaluation. Les plans stratégiques, définis à l'échelle des États membres ou des Régions, moduleraient ces objectifs et leur associeraient des indicateurs de suivi. Dans la pratique, une telle ambition repose sur une refonte des paiements directs (1er pilier) et du programme de développement rural (2nd pilier), dans une architecture progressive de paiements conditionnés au niveau de performance démontré par l'agriculteur dans les différents domaines de priorité (cf. figure ci-dessous).
Concept pour un nouveau système de paiement pour la PAC
Source : IFOAM
Cet exercice de remise à plat du système actuel n'est pas sans difficultés. Les annexes du rapport font état d'un travail important de recensement et de comparaison des indicateurs et méthodes d'évaluation existants. Pour mettre en place une réelle démarche intégrée d'évaluation de la durabilité, les auteurs soulignent qu'il faudra arbitrer entre des approches quantitatives (précises mais coûteuses en temps et en données) et des évaluations multicritères (plus flexibles mais possiblement moins exigeantes). On peut aussi se demander si les mécanismes volontaires seront suffisamment incitatifs pour transformer les agriculteurs en « entrepreneurs de la durabilité », et quel sera le devenir des territoires dans une mécanique d'incitations essentiellement pensée à l'échelle de l'exploitation agricole.
Claire Bernard-Mongin, Centre d'études et de prospective
Source : IFOAM
10:43 Publié dans 4. Politiques publiques, PAC | Lien permanent | Tags : ifoam, fibl, biens publics, pac post 2020 | Imprimer | |
12/06/2018
Cartographie du potentiel de lutte biologique des paysages agricoles européens
En Europe, la protection des plantes repose largement sur l'usage de produits chimiques, qui impactent négativement la biodiversité et la fourniture de services écosystémiques. Le développement de la lutte biologique (ou bio-contrôle) permettrait donc d'améliorer la durabilité de l'agriculture, tout en garantissant la sécurité alimentaire. Dans cet objectif, des chercheurs ont modélisé et cartographié le potentiel de lutte biologique (basée ici sur des auxiliaires, ennemis naturels des ravageurs) des paysages agricoles européens actuels. Leurs résultats sont publiés dans un article de la revue Ecological Indicators.
Pour ce travail, le territoire européen a été divisé en cellules d'un hectare. Leur potentiel de bio-contrôle a ensuite été estimé en considérant : 1) la présence et le nombre d'habitats semi-naturels (ex. haies), 2) leur répartition dans l'espace, 3) leur distance par rapport à la cellule considérée et 4) leur type, boisé ou herbagé et linéaire ou surfacique. Afin de paramétrer le modèle, la densité d’auxiliaires a été mesurée dans 217 habitats semi-naturels différents répartis entre quatre pays (Italie, Allemagne, Suisse, Royaume-Uni). Puis, plusieurs sources de données satellitaires sur l'usage des terres (dont Copernicus) ont été utilisées.
Potentiel de lutte biologique des paysages européens
Source : Ecological Indicators
La carte produite (voir ci-dessus) représente l'index de bio-contrôle ainsi estimé, normalisé de 0 à 100 (maximum). Elle permet d'identifier des zones à fort potentiel, comme la Franche-Comté ou le Massif Central, ou à faible potentiel, comme le Centre-Val de Loire. De manière générale, les cultures arables et pérennes ont le plus faible potentiel, et les systèmes pastoraux et hétérogènes le plus élevé (voir figure ci-dessous). Enfin, ce potentiel diffère d'une région à l'autre. Les paysages suisses ont par exemple un potentiel plus élevé, car ils reposent sur des champs de petite taille parsemés d'habitats naturels ou semi-naturels.
Potentiel de contrôle biologique dans les grands systèmes agricoles et lien entre l'abondance d'habitats semi-naturels et le potentiel dans les départements européens
Source : Ecological Indicators
Les auteurs suggèrent donc d'encourager la présence d'habitats semi-naturels, en particulier de haies boisées, dans les zones à faible potentiel de bio-contrôle. Ils soulignent également l'importance d'étudier les arbitrages et les synergies entre les différents services écosystémiques. Cela fait notamment écho à un autre article récent montrant que la survie des pollinisateurs en Europe de l'Ouest dépend de la configuration des paysages agricoles et pas de la diversité des cultures.
Estelle Midler, Centre d'études et de prospective
Source : Ecological Indicators
10:39 Publié dans Agronomie, Protection des végétaux et des animaux, Territoires | Lien permanent | Tags : paysages agricoles, cartographie, lutte biologique, bio-contrôle | Imprimer | |
Technologies numériques d'auto-mesure : inégalités sociales d'utilisation, perceptions et appropriations dans les milieux modestes
Alors que se développent les applications de self-quantification (mesure, enregistrement, quantification, participation à des réseaux sociaux), en matière d'alimentation et d'activité physique, peu de travaux en ont documenté les usages quotidiens et les perceptions, et leurs liens avec les statuts sociaux. Deux articles récents apportent des éléments intéressants en la matière.
Le premier, publié par F. Régnier et L. Chauvel dans le Journal of Medical Internet Research, présente les résultats d'une enquête qualitative conduite auprès de 79 personnes (dont 60 femmes) utilisant une telle application (Weight Watchers, MyFitnessPal, application sportive). Des analyses de contenu, textuelle et quantitative, permettent d'identifier trois types de personnes, se différenciant par leur milieu social et l'objectif d'utilisation de l'outil (curatif et contraint vs préventif et choisi), l'intensité de leurs efforts d'auto-mesure et leur participation à des réseaux sociaux. Les auteurs documentent une diversité d'usages et de motivations, reviennent notamment sur le « pouvoir des nombres » et sur ce qu'apporte l'implication dans une communauté en ligne. Ils mettent en évidence une segmentation sociale importante dans l'utilisation de ces outils, entre milieux aisés et intermédiaires et milieux plus modestes. Ainsi, ce n'est pas tant l'outil qui est important dans l'évolution des modes de vie (régime alimentaire, activité physique), que l'utilisation qui en est faite et la dynamique dans laquelle s'inscrivent les individus.
Trois types d'utilisateurs : « Resistant », « For self-improvement », « For sharing »
Source : Journal of Medical Internet Research
Le second article, publié par F. Régnier dans Réseaux, s'intéresse aux perceptions et appropriations des outils de self-tracking (alimentation et activité physique) dans les milieux modestes. Des 50 entretiens utilisés, il ressort une familiarité diverse avec ces outils, décroissant au fur et à mesure que baisse le niveau de vie et le degré d'intégration sociale, et reflétant la forte hétérogénéité de cette catégorie de population. Peu familière à ces personnes, la démarche d'auto-mesure « ne correspond ni aux habitudes de consommation ni aux pratiques d'entretien du corps » et s'oppose « à un goût de liberté en matière d'alimentation, et à une culture spécifique du temps libre ». En revanche, ces outils constituent « un vecteur de savoir et d'autonomisation » pour la fraction la mieux intégrée (économiquement, socio-culturellement, en termes de réseaux). Pour l'auteure, se pose ainsi la question d'une « fracture numérique », en termes d'équipement mais surtout d'usages, et « du risque d'une marginalisation des catégories modestes en matière de numérique ''alimentation'' ».
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Sources : Journal of Medical Internet Research, Réseaux
10:35 Publié dans Alimentation et consommation, Société | Lien permanent | Tags : numérique, auto-mesure, self-quantification, milieux modestes, application, self-tracking | Imprimer | |
11/06/2018
Lutte contre le gaspillage et aide alimentaire : la deuxième vie des produits de grande distribution
Dans un numéro de Politix consacré aux formes contemporaines de la philanthropie, S. Bordiec (sociologue, université de Bordeaux) s'intéresse aux relations établies entre magasins de grande distribution et associations de solidarité dans le cadre de l'aide alimentaire. L'auteur a enquêté dans le Médoc, à la pointe du « couloir de la pauvreté » mis en évidence par l'Insee, qui s’étend jusqu’à Agen. Il a mené une observation ethnographique des activités de deux associations caritatives : une antenne du Secours Populaire et une épicerie sociale. Des entretiens ont complété cette démarche
Cela lui a permis d'assister aux premiers pas de la mise en œuvre de la Loi Garot de février 2016 sur la lutte contre le gaspillage alimentaire. Celle-ci encadre la destruction, par les grandes surfaces de plus de 400 m², d'invendus propres à la consommation, et prévoit la mise en place de conventions (« contrats de don ») entre le distributeur et une association caritative. Les dons sont liés à un mécanisme de déduction fiscale : « les responsables des grandes surfaces doivent maximiser les dons afin de minimiser les pertes d'argent liées aux marchandises invendues ».
Ainsi s'établit « une dépendance mutuelle fondée sur un intérêt bien compris », mais souvent, également, sur la méconnaissance des motivations et des logiques d'action des partenaires. Accompagnant la directrice d'un supermarché Carrefour et ses employés, Bordiec décrit pas à pas le processus de la « ramasse » : identification en rayon, par les employés du magasin, des produits à « casser/donner », manutention à l'arrière du magasin, enregistrement des produits par le personnel de l'association. L'étape du tri des denrées donne à voir les arbitrages entre le don et le maintien en rayon (y compris avec des promotions), variables notamment en fonction de la valeur et de la qualité des produits. « Tout en étant incontournable », conclut l'auteur, la conformation « aux obligations légales et morales » « peut prendre des formes hétérogènes », en fonction de la compréhension des enjeux et de la place de l'opérateur dans la division du travail.
Soulignons que ce numéro de Politix comporte aussi un article sur l'essor de la certification forestière.
Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective
Source : Politix
10:33 Publié dans Alimentation et consommation, Société | Lien permanent | Tags : gaspillage, aide alimentaire, grande distribution, loi garot, médoc | Imprimer | |
Étude qualitative sur la perception des « Chicken shops » par des habitants de l'Est londonien
Une équipe de la London School of Hygiene and Tropical Medecine a publié récemment, dans Appetite, une étude qualitative sur l'environnement alimentaire de Newham (district du Grand Londres). En s'intéressant aux Chicken shops (petits établissements de restauration rapide, indépendants et spécialisés dans le poulet frit), il s'agissait de décrire comment les habitants perçoivent leur environnement alimentaire, et de quelle manière ils relient leur consommation de fast-food à leur santé. Les auteurs ont utilisé des données collectées en 2012 et 2013, lors d'une étude plus conséquente sur les perceptions de l'environnement local en marge des Jeux Olympiques de Londres. Deux échantillons ont été isolés et utilisés, venant d'entretiens auprès de 40 adultes et adolescents, et de focus groups vidéo-enregistrés avec 26 adolescents entre 12 et 15 ans. Le sujet des Chicken shops, non identifié initialement, est apparu spontanément et régulièrement dans les récits pour caractériser l'environnement alimentaire des participants.
Il en ressort tout d'abord que ceux-ci identifient les conséquences négatives pour la santé de ce type d'alimentation, et que les Chicken shops ont souvent une mauvaise réputation en la matière. Cependant, leur omniprésence, les odeurs et l'appétence des produits, bon marché et appropriés aux diètes confessionnelles, renforcent leur attractivité. De plus, présents dans la vie quotidienne, ces établissements ont tissé des liens étroits avec la communauté locale : ils sont souvent gérés par des familles et entrepreneurs locaux, et les élèves les valorisent particulièrement, notamment au détriment de la restauration scolaire. Finalement, les répondants mobilisent différents dispositifs cognitifs pour minimiser les impacts sur la santé de ce type d'alimentation et justifier leurs choix : puissance du déterminisme génétique, faculté de choix individuel, détournement du terme « healthy » du nutritionnel vers le sanitaire.
En conclusion, les auteurs insistent sur les difficultés d'intervention en santé publique dans ce type de contexte. Les actions passant par la réglementation de ces établissements sont relativement efficaces mais fortement contestées. Les approches individuelles auprès des mangeurs sont davantage acceptées, mais nettement moins efficaces. La compréhension et la prise en compte des contextes locaux doivent donc être considérées dans ces dispositifs.
Arnaud Lamy, Centre d'études et de prospective
Source : Appetite
10:30 Publié dans Alimentation et consommation | Lien permanent | Tags : chicken shops, londres, environnement alimentaire, préférences | Imprimer | |
08/06/2018
Économie alimentaire et emploi en Afrique de l'Ouest
La Note ouest-africaine de l'OCDE d'avril 2018 aborde les activités agricoles et non agricoles contribuant à l'économie alimentaire en Afrique de l'Ouest, dans leurs dimensions spatiale, rurale, urbaine et démographique. Elle s’intéresse particulièrement aux jeunes et aux femmes.
Les données microéconomiques et sur l'emploi utilisées dans l'étude proviennent des enquêtes de la Banque mondiale (LSMS-ISA). Elles couvrent le Burkina Faso, le Ghana, le Mali, le Niger, le Nigeria, la Côte d'Ivoire et le Sénégal, qui représentent à eux seuls 82 % de la population de la région. Pour les pays restants, des modélisations ont été effectuées à partir des données de l'Organisation internationale du travail. La diversité, le niveau d'agrégation et la fiabilité des données limitent néanmoins la portée de l'analyse.
Pourcentage et nombre de personnes exerçant un emploi dans l'économie alimentaire
Source : OCDE
Selon les auteurs, les pays de la région qui disposent du PIB par habitant le plus élevé ont un niveau d'urbanisation plus important et une part d'emplois agricoles et alimentaires plus faible, ce qui révèle un processus de transformation structurelle. L'économie alimentaire, qui représente 66 % de l'emploi total de la région, reste en moyenne dominée par l'agriculture (78 % des emplois), suivie de loin par la commercialisation (15 %), la transformation (5 %) et la restauration hors domicile (2 %). La distribution spatiale montre que la première est essentiellement rurale, les autres étant urbaines, ou rurales et urbaines. Derrière ces données agrégées, les pays se caractérisent toutefois par des situations variées : par exemple, au Mali, l'agriculture représente 98 % de l'emploi, alors que ce taux est de 78 % au Ghana.
Le profil d'activité des jeunes (15-24 ans) employés dans le secteur alimentaire varie selon les pays, le milieu (rural ou urbain) et le genre. L'absence d'opportunités dans d'autres secteurs de l'économie explique qu'ils soient majoritairement employés en milieu rural. Par ailleurs, 51 % des emplois alimentaires sont occupés par des femmes, en grande partie dans les activités non agricoles : 83 % dans la transformation, 71 % dans la commercialisation et 88 % en restauration hors domicile. Selon les auteurs, le poids des jeunes et des femmes dans l'économie alimentaire de cette région justifierait des mesures pour faciliter leur insertion dans des activités non agricoles, sources d'opportunités et de diversification des revenus.
Hugo Berman, Centre d'études et de prospective
Source : OCDE
10:27 Publié dans Agriculteurs, IAA, Mondialisation et international, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : afrique de l'ouest, emplois, agriculture, commercialisation, transformatio, restauration, rural, urbain | Imprimer | |
Deux scénarios prospectifs contrastés pour le système agroalimentaire français à l'horizon 2040
Dans une étude prospective à horizon 2040, parue dans la revue Science of the Total Environment en mai 2018, trois chercheurs (UMR Metis – Sorbonne Université-CNRS-EPHE) présentent deux visions contrastées des évolutions du système agroalimentaire français, en prenant en compte 33 régions agricoles.
La première vision insiste sur l'ouverture aux marchés internationaux, avec une spécialisation accrue des systèmes agricoles. La rentabilité du secteur animal nécessiterait alors un fort agrandissement des exploitations et une dépendance croissante à l'alimentation importée. La part des produits animaux dans la consommation humaine dépendrait classiquement des revenus individuels.
La seconde vision met en évidence les nouveaux liens entre les acteurs régionaux, pour un meilleur bouclage des cycles de nutriments : plus d'autonomie à l'échelle de l'exploitation et de la région, reconnexion de l'agriculture et de l'élevage et généralisation de l'agriculture biologique. La consommation de protéines animales se réduirait progressivement de moitié.
Ces scénarios ont été quantifiés avec la méthode GRAFS (Generalized Representation of Agro-Food Systems), qui bâtit une image complète des flux d'azote, de phosphore et de carbone, sur la base des données des 33 régions étudiées, et permet d'approcher les grandes caractéristiques des productions agricoles.
Résumé graphique : flux de l'azote (1000 tonnes/an)
Source : Science of the Total Environment
Dans le premier cas, la production végétale augmenterait de 15 %, doublant les exportations de céréales. La part des prairies dans l'alimentation du bétail serait réduite d'un tiers, l'importation de celle-ci devenant dominante. La France deviendrait importatrice net de produits agricoles et les transports de ces derniers augmenteraient de 35 %.
Dans le second scénario, la production végétale diminuerait de 20 % suite au passage au tout biologique, mais la réduction du cheptel français permettrait au pays de rester excédentaire, avec des exportations nettes de céréales à plus des deux tiers du niveau actuel. Aucune importation d'aliments pour animaux ne serait nécessaire. La production animale extensive répondrait aux besoins des 75 millions de Français dont le régime alimentaire aurait évolué. Les transports des produits agricoles seraient réduits de 93 %. Ce scénario contribue aux réflexions sur les systèmes agroalimentaires performants environnementalement, basé sur l'autonomie (engrais, aliments pour animaux), la reconnexion des cultures et de l'élevage, et une alimentation à protéines animales réduites.
José Ramanantsoa, Centre d'études et de prospective
Source : Science of the Total Environment
10:24 Publié dans 1. Prospective | Lien permanent | Tags : système agroalimentaire, régions agricoles, nutriments, cycles, modélisation | Imprimer | |
Action des villes intermédiaires sur le foncier en vue d'une relocalisation de leur approvisionnement alimentaire : un état des lieux
Pour certaines villes, les terres agricoles situées à leur périphérie pourraient constituer le levier d'une possible relocalisation d'une partie de leur système alimentaire. Dans un article publié dans la revue Géocarrefour, une équipe de géographes s'est penchée sur ce phénomène, dont ils mettent en évidence les finalités, modalités et limites. Ils se focalisent sur les villes intermédiaires, moins étudiées jusqu'ici que les grandes métropoles, en s'appuyant sur l'étude de trois intercommunalités engagées dans ce type de démarches (Amiens, Millau, Saint-Affrique) et choisies selon la méthode des cas contrastés. Le travail d'enquête a reposé sur 25 entretiens semi-directifs conduits auprès d'acteurs locaux.
Localisation des terrains d'étude
Source : Géocarrefour
Les études de cas illustrent la diversité des objectifs poursuivis par les intercommunalités. À Amiens, l'action de la collectivité est guidée par la volonté de préserver les hortillonnages, un patrimoine qui participe à l'attractivité touristique de la ville. À Millau, il s'agit d'approvisionner la cantine municipale en produits biologiques, afin de favoriser l'accès du grand public à ce mode d'alimentation jugé plus sain. À Saint-Affrique, la démarche s'inscrit d'abord dans une optique de réinsertion sociale.
Les auteurs soulignent plusieurs caractéristiques communes à ces projets, tel l'accent mis sur le maraîchage ou l'importance du portage par les élus. Ils constatent que le foncier est mobilisé de différentes manières : tantôt la collectivité met à disposition du foncier qu'elle possède déjà, tantôt elle l'achète au préalable. Par ailleurs, l'exploitation des terres se fait selon trois modalités (bail, bail à clauses environnementales et régie publique), qui reflètent des niveaux d'implication variables des collectivités. Enfin, plusieurs freins à ces démarches sont identifiés : obstacles juridiques et financiers, difficultés à légitimer une approche territoriale de l'alimentation par rapport à l'approche sectorielle qui prévaut au sein des organisations agricoles majoritaires, etc.
Pour conclure, les auteurs indiquent que si les actions étudiées sont le reflet d'une dynamique « locavore » impulsée par certaines villes intermédiaires, elles ne sont qu'un premier pas au regard de l'ambition globale de relocalisation alimentaire. La question se pose alors de savoir s'il est possible d'aller au-delà de la production maraîchère aujourd'hui centrale dans ces démarches.
Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective
Source : Géocarrefour
10:20 Publié dans Alimentation et consommation, Territoires | Lien permanent | Tags : villes intermédiaires, systèmes alimentaires, foncier, relocalisation | Imprimer | |
07/06/2018
Nouvelles protéines et allergénicité
La revue Trends in Food Science & Technology a publié, en mars 2018, un bilan des connaissances et des enjeux en matière d'évaluation des allergies liées aux novel foods. Pour diverses raisons – augmentation de la population mondiale et de la consommation des pays émergents, recherche d'alternatives à la viande, etc. –, de nouvelles sources protéiques apparaissent sur le marché. Une partie relève du règlement novel food et peut présenter un risque allergène. Cela a été mis en évidence notamment pour des protéines fongiques et des insectes comestibles (sauterelles, criquets, larves de papillons ou de coléoptères), dont certains peuvent, de surcroît, induire des réactions croisées (ex. allergie au ténébrion entraînant une allergie aux crevettes). Les aliments novel foods étant soumis à autorisation de mise sur le marché, l'EFSA a publié en 2016 un guide, destiné aux professionnels, sur l'évaluation de l'allergénicité de ces produits.
L'article souligne que l'évaluation passe d'abord par une caractérisation du composé protéique allergisant, et dresse un panorama des approches disponibles : les méthodes classiques (Kjeldahl, Dumas, acide bicinchoninique ou CBQCA), puis des techniques plus récentes faisant appel à la spectrométrie de masse. Il peut s'agir de la méthode ciblée, qui donne une quantification absolue d'allergènes protéiques spécifiques, ou de la méthode non ciblée, qui permet d'obtenir un criblage de protéines complexes dans les aliments. Cette technologie est par exemple utilisée pour détecter les allergènes dans les arachides, les céréales et leurs composés dérivés tels que le gluten.
D'après les auteurs, compte tenu de l'augmentation du nombre d'allergies alimentaires, la mise au point de méthodes de routine, d'un coût abordable pour caractériser les allergènes potentiels dans les nouveaux aliments, est essentielle pour l'analyse de risques. Des organismes internationaux de standardisation tels que l'AOAC (association des chimistes analytiques officiels, basée aux États-Unis), s'attachent à l'harmonisation et la validation de méthodes de routine pour la détection d'allergènes multiples. De son côté, le réseau européen ImpARAS (Improving Allergy Risk Assessment Strategy for new food proteins), qui dépend de l'action COST (European Cooperation in Science and Technology), prépare un inventaire de ces méthodes.
Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective
Source : Trends in Food Science & Technology
10:14 Publié dans Alimentation et consommation, Santé et risques sanitaires, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : allergies, novel foods | Imprimer | |
Les risques professionnels des travailleurs de l'agriculture, de la pêche et de la forêt augmenteront avec le changement climatique
L'Anses a publié en avril 2018 les résultats d'une expertise collective sur les risques induits par le changement climatique, à l'horizon 2050, sur la santé des travailleurs. À partir de la littérature scientifique, les auteurs identifient les évolutions climatiques et environnementales les plus probables, et les relient aux risques professionnels via les « circonstances d'exposition » de chacun. L'agriculture, la foresterie, la pêche et l'aquaculture apparaissent fortement exposées.
Risques liés au changement climatique par secteur d’activité
Source : Anses
La hausse des températures augmentera l'exposition à la chaleur et la pénibilité du travail, avec des impacts directs et indirects sur les risques professionnels, particulièrement forts pour les métiers d'extérieur. Chez les travailleurs agricoles, la chaleur pourrait conduire au développement de maladies chroniques, notamment respiratoires. Les sécheresses agricoles, plus longues et plus intenses, généreront des hausses de concentrations atmosphériques de poussières, contribuant à ces pathologies et aux expositions aux substances pesticides et biocides. Par ailleurs, la chaleur aggravera les feux de forêts et les risques professionnels directs en foresterie.
Le changement global modifiera les zones de répartition de vecteurs de maladies infectieuses (moustiques, tiques, etc.), faisant ainsi évoluer les risques (en particulier infectieux et allergiques) liés aux agents biologiques, notamment pour les personnes travaillant en milieu naturel ou en contact avec des animaux. Dans le milieu agricole, l’utilisation potentiellement plus importante de produits phytosanitaires, en réaction à d’éventuelles augmentations des pathologies des cultures et des animaux d’élevage, pourrait accroître le risque chimique.
Enfin, les modifications de la fréquence et de l’intensité de certains aléas climatiques (inondations, submersions, sécheresses, feux de forêts, etc.) pourront conduire à une augmentation des risques, en particulier accidentels, de fatigue physique et psychique, dans le monde agricole et forestier. L'augmentation de la fréquence des tempêtes sera un risque direct pour les travailleurs en extérieur et notamment de la pêche.
L'Anses conclut le rapport par plusieurs recommandations à destination du monde du travail et de la recherche afin de mieux anticiper et prévenir ces risques.
Vanina Forget, Centre d'études et de prospective
Source : Anses
10:11 Publié dans Climat, Forêts Bois, Pêche et aquaculture, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : changement climatique, anses, risques professionnels, agriculture, pêche, forêt | Imprimer | |
Ouvrières agricoles saisonnières embauchées en CDI : la fin de la précarité ?
Un récent document de travail présente une analyse sociologique de trajectoires professionnelles d'ouvrières agricoles, élargissant la question de la soutenabilité du travail aux différentes formes d'emploi, discontinu ou pérenne. L'auteur met ainsi en évidence les situations dans lesquelles certaines salariées peu qualifiées, embauchées en CDI à temps plein, peuvent devenir prisonnières de conditions de travail qu'elles jugent insupportables.
Poursuivant ses recherches sur le salariat agricole, en particulier dans sa composante saisonnière (voir sa thèse de doctorat sur le travail intermittent, comparant les saisonniers agricoles et les intermittents du spectacle), l'auteur s'appuie sur des enquêtes longitudinales menées auprès de salariés dans les Pyrénées Orientales. Retournant à deux ans d'intervalle interroger les mêmes personnes, il étudie leurs trajectoires au regard de leur situation de travail, de leur capital humain et de leur rapport au travail.
L'analyse est centrée sur des ouvrières travaillant pour un groupement d'employeurs, en CDI à temps plein. Dans un premier temps, l'auteur revient sur le contexte local auquel elles sont confrontées : un territoire peu industrialisé, où les emplois saisonniers en agriculture et dans le tourisme sont majoritaires ; un secteur, la production de fruits et légumes, soumis à une vive concurrence, en particulier du Maghreb et de l'Espagne ; un modèle d'organisation du travail et un statut juridique hybride (groupement d'employeurs) qui individualise la relation de travail ; une division genrée du travail, accentuant les inégalités de traitement au sein des ouvriers agricoles.
Dans ce contexte de pression intense sur les cadences de travail, des femmes, avec un bagage scolaire faible et peu valorisable sur le territoire, sont amenées à accepter des conditions de travail difficiles (pénibilité, discrimination salariale, harcèlement moral), pour s'assurer des revenus réguliers. Sortir de cette situation leur imposerait de démissionner, en perdant tout droit au chômage. C'est donc le fait même de disposer d'un emploi à temps plein qui les empêche de mettre à distance l'insoutenabilité de leur travail, au contraire des saisonniers qui avaient été enquêtés précédemment par l'auteur.
Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective
Source : Centre d'études de l'emploi
10:09 Publié dans Travail et emploi | Lien permanent | Tags : trajectoire professionnelle, ouvrières agricoles | Imprimer | |
06/06/2018
Écarts de salaires et barrières à la mobilité dans le secteur agricole
L'American Economic Journal a publié en avril 2018 un article visant à expliquer les différences de salaires entre l'agriculture et d'autres secteurs économiques. L'analyse microéconomique utilise la base de données américaine sur les ménages IPUMS, sur un échantillon de treize pays (riches et pauvres) pour la période 1970-2010. Cet article revêt un intérêt particulier dans la mesure où les freins à la mobilité des travailleurs agricoles vers des emplois non agricoles font l'objet de peu d'études.
Les auteurs montrent tout d'abord que les salaires dans l'agriculture sont inférieurs et les travailleurs moins éduqués que dans les autres secteurs. Par exemple, par rapport au cas spécifique des services qui utilisent une part importante de travailleurs qualifiés, le rapport est de un à trois pour les salaires, et de un à cinq pour le niveau d'éducation. Les auteurs estiment également, par secteur, le retour sur investissement scolaire en matière de salaire (« Returns to schooling », à savoir la valorisation du nombre d'années d'études en termes de salaire), alors que les travaux précédents le calculaient de façon agrégée. Ils montrent que ce retour sur investissement est plus faible dans le secteur agricole (voir figure).
Selon cet article, l'écart proviendrait davantage de la différence de « capacité intrinsèque » des travailleurs que de la manière dont le capital humain est valorisé dans chaque secteur. Pour le montrer, deux modèles multi-sectoriels ont été réalisés pour chacun de ces deux facteurs explicatifs. En comparant les gains de la mobilité du travail du secteur agricole vers un autre secteur de l'économie avec ceux constatés pour des travailleurs au Brésil, aux États-Unis et en Indonésie, les auteurs déduisent que le modèle basé sur les capacités intrinsèques aboutit à des résultats plus proches de la réalité.
Enfin, en estimant un niveau de capital humain par secteur (produit du retour sur investissement et du nombre d'années de scolarité), ils montrent que ce dernier explique une part plus importante de l'écart de salaire entre secteurs que ce que les travaux antérieurs avaient estimé. Est ensuite calculée la partie de cet écart non expliquée par la différence de capital humain et composée des barrières à la mobilité du travail de l'agriculture vers les autres secteurs : localisation géographique, facteurs sociétaux, etc. Les auteurs concluent que ces barrières sont faibles et bien inférieures à celles révélées par les travaux précédents.
Retour sur investissement scolaire en termes de salaire par secteur (agriculture, industrie, services) et par pays (selon le niveau de PIB/individu)
Source : American Economic Journal: Macroeconomics
Raphaël Beaujeu, Centre d'études et de prospective
10:05 Publié dans Mondialisation et international, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : salaires, agriculture, mobilité, capital humain | Imprimer | |
Alimentation, Brexit et Irlande du Nord : enjeux essentiels
Un policy brief de la Food Research Collaboration fait le point sur les enjeux alimentaires du Brexit par rapport à l'Irlande du Nord. Le document rappelle, chiffres à l'appui, l'importance économique des échanges de produits agroalimentaires entre la République d'Irlande, l'Union européenne et le Royaume-Uni, ainsi que les risques de disruption des chaînes de valeur. Les enjeux logistiques sont également mis en exergue : selon les auteurs, une frontière « sans frictions » grâce aux nouvelles technologies (passeport électronique, drones, applications téléphoniques, GPS, etc.) est en réalité impossible. Outre le nombre élevé de points de passages entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande, d'autres défis sont à considérer : besoins en infrastructures de contrôle et en systèmes d'inspection adéquats, technologies non encore disponibles, cadre légal, etc. Le rapport propose une série de recommandations et exhorte les décideurs politiques à prendre davantage en considération les enjeux alimentaires du Brexit relatifs à l'Irlande du Nord.
Source : Food Research Collaboration
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L'Anses propose une nouvelle définition du bien-être animal
Dans un récent avis, l'Anses propose une définition élargie du bien-être des animaux vivant sous la dépendance de l'homme : « état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal ». Le rapport préconise une approche basée sur les connaissances scientifiques et tenant compte des caractéristiques psychobiologiques (scientifiques, sociétales et philosophiques) des animaux. L'Anses souligne qu'outre la bientraitance, le bien-être requiert aussi des critères spécifiques aux différentes espèces animales, à leurs stades de développement et à leurs conditions d'environnement de vie. Cet avis constitue ainsi une base pour des réflexions futures, notamment sur les outils d'évaluation et les indicateurs.
Source : Anses
10:00 Publié dans Protection des végétaux et des animaux | Lien permanent | Tags : anses, bien-être animal | Imprimer | |