11/05/2021
Gains de productivité des cultures vivrières et malnutrition dans les pays en développement à l'horizon 2030
Un article, récemment publié dans la revue Plos One, montre que l'augmentation des gains de productivité des cultures vivrières ne suffirait pas à réduire la malnutrition dans les « pays en développement » en 2030. Ces résultats ont été obtenus par le service économique de l'USDA (ministère de l'agriculture américain) et l'IFPRI (International Food Policy Research Institute) en testant plusieurs scénarios à l'aide de deux modèles mondiaux combinés. Ces simulations ont été réalisées à la demande du Consultative group on international agricultural research (CGIAR), dans le cadre de l'initiative Crops to end hunger.
Une hausse annuelle plus rapide (+ 25 % par rapport au taux de croissance de référence) des rendements permettrait de diminuer le nombre de personnes souffrant de malnutrition : de 11 millions dans le cas de la production de riz, de 6 millions dans celui du blé et 2 millions pour la banane plantain ou le manioc. Les besoins glucidiques seraient certes mieux couverts, mais ce ne serait pas le cas pour toutes les vitamines ou sels minéraux (figure ci-dessous). Cependant, les résultats varient sensiblement selon les pays et les productions. Les auteurs recommandent de tenir compte de cette hétérogénéité pour cibler les politiques de soutien à l'innovation et au développement.
Taux de couverture pour différents nutriments en 2030
Source : Plos One
Lecture : le taux de couverture est égal à 1 lorsque les disponibilités journalières moyennes sont égales aux apports nutritionnels recommandés.
Source : Plos One
16:30 Publié dans Alimentation et consommation, Développement, Mondialisation et international, Production et marchés | Lien permanent | Tags : nutriments, malnutrition, productivité agricole, rendements | Imprimer | |
07/04/2020
Réchauffement climatique, composition en nutriments des végétaux et populations d'insectes
Dans le dernier numéro de la revue PNAS, des chercheurs ont analysé l'évolution des comptages de sauterelles dans une réserve naturelle des grandes plaines du Kansas, prairie d'herbes hautes qui n'est affectée ni par l'urbanisation ni par les pratiques agricoles. Sur deux décennies, les effectifs de sauterelles baissent de plus de 2 % par an. Cette tendance est corrélée avec la diminution de la concentration des nutriments dans les plantes. L'accroissement du taux de CO2 dans l'air, s'il favorise un volume important de biomasse végétale, entraîne en retour une dilution des éléments minéraux préjudiciable aux insectes herbivores. Cette étude met ainsi en évidence un effet important du dérèglement climatique sur la biodiversité. Plus généralement, il s'ajoute à ceux de l'intensification agricole et du changement d'usage des sols, et permet de mieux comprendre les évolutions et cycles de populations des insectes, les stress végétaux pouvant être favorables à leur multiplication.
Source : PNAS
17:48 Publié dans Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : végétaux, nutriments, insectes, kansas, etats-unis | Imprimer | |
08/07/2019
Analyse de 100 innovations de rupture et enjeux pour l'Union européenne
La Commission européenne a publié, en mai 2019, un rapport passant en revue 100 innovations technologiques et sociales de rupture, qui pourraient dans le futur créer de la valeur et répondre aux besoins sociétaux. Après des vagues de sélection successives, les auteurs ont soumis les innovations identifiées à différentes procédures d'évaluation, notamment par la consultation d'experts et l'analyse des publications et brevets associés. Pour chaque item, le degré actuel de maturité, le positionnement de l'Europe et la probabilité d'un usage significatif dans une vingtaine d'années (2038) ont été travaillés.
Ce rapport apporte des éléments intéressants, tant par le panorama riche qu'il donne des innovations clés actuelles, que par l'état des lieux des avancées récentes et des perspectives à plus long terme. Les domaines agricoles et alimentaires sont concernés à plusieurs titres : production agricole automatisée et confinée (indoor), capteurs biodégradables (potentiellement utilisables en traçabilité alimentaire), communication végétale (travaux actuels sur les relations avec les parasites, l'utilisation des plantes comme capteurs ou l'élaboration de robots hybrides), édition et contrôle de l'expression de gènes, ou encore recherches sur le microbiome. Les auteurs ont également identifié l'impression 3D d'aliments, les bioplastiques, la capture et le stockage de carbone, la récupération et le recyclage de nutriments (phosphore par exemple) dans les eaux usées, ou encore la photosynthèse artificielle. Au chapitre des innovations sociales, sont notamment retenus la « quantification personnelle » (quantified self) et les réseaux alimentaires de proximité (systèmes locaux, permaculture, etc.). Par ailleurs, les auteurs détaillent 22 enjeux autour desquels des réseaux mondiaux d'acteurs se structureraient à l'horizon 2038 : solutions énergétiques durables, stockage du carbone, alimentation durable, etc.
Évaluation des innovations selon le degré de maturité actuel, la position européenne et l'utilisation potentielle d'ici 2038
Source : Commission européenne (extrait CEP)
Ce document revêt un intérêt particulier pour le pilotage des politiques de recherche et d'innovation, comme pour les politiques industrielles et de développement local. Il est ainsi accompagné de recommandations résultant de l'analyse des forces et faiblesses de l'Union européenne pour chaque innovation. 45 sont essentielles, du fait de leur potentiel de développement rapide et un usage projeté comme important d'ici 20 ans : à titre d'exemple, citons les fermes urbaines sur lesquelles le positionnement européen est actuellement jugé faible.
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Source : Commission européenne
16:57 Publié dans 4. Politiques publiques, 5. Fait porteur d'avenir | Lien permanent | Tags : innovation, innovation de rupture, fermes urbaines, capteurs, microbiome, impression 3d, nutriments, recyclage, photosynthèse | Imprimer | |
08/06/2018
Deux scénarios prospectifs contrastés pour le système agroalimentaire français à l'horizon 2040
Dans une étude prospective à horizon 2040, parue dans la revue Science of the Total Environment en mai 2018, trois chercheurs (UMR Metis – Sorbonne Université-CNRS-EPHE) présentent deux visions contrastées des évolutions du système agroalimentaire français, en prenant en compte 33 régions agricoles.
La première vision insiste sur l'ouverture aux marchés internationaux, avec une spécialisation accrue des systèmes agricoles. La rentabilité du secteur animal nécessiterait alors un fort agrandissement des exploitations et une dépendance croissante à l'alimentation importée. La part des produits animaux dans la consommation humaine dépendrait classiquement des revenus individuels.
La seconde vision met en évidence les nouveaux liens entre les acteurs régionaux, pour un meilleur bouclage des cycles de nutriments : plus d'autonomie à l'échelle de l'exploitation et de la région, reconnexion de l'agriculture et de l'élevage et généralisation de l'agriculture biologique. La consommation de protéines animales se réduirait progressivement de moitié.
Ces scénarios ont été quantifiés avec la méthode GRAFS (Generalized Representation of Agro-Food Systems), qui bâtit une image complète des flux d'azote, de phosphore et de carbone, sur la base des données des 33 régions étudiées, et permet d'approcher les grandes caractéristiques des productions agricoles.
Résumé graphique : flux de l'azote (1000 tonnes/an)
Source : Science of the Total Environment
Dans le premier cas, la production végétale augmenterait de 15 %, doublant les exportations de céréales. La part des prairies dans l'alimentation du bétail serait réduite d'un tiers, l'importation de celle-ci devenant dominante. La France deviendrait importatrice net de produits agricoles et les transports de ces derniers augmenteraient de 35 %.
Dans le second scénario, la production végétale diminuerait de 20 % suite au passage au tout biologique, mais la réduction du cheptel français permettrait au pays de rester excédentaire, avec des exportations nettes de céréales à plus des deux tiers du niveau actuel. Aucune importation d'aliments pour animaux ne serait nécessaire. La production animale extensive répondrait aux besoins des 75 millions de Français dont le régime alimentaire aurait évolué. Les transports des produits agricoles seraient réduits de 93 %. Ce scénario contribue aux réflexions sur les systèmes agroalimentaires performants environnementalement, basé sur l'autonomie (engrais, aliments pour animaux), la reconnexion des cultures et de l'élevage, et une alimentation à protéines animales réduites.
José Ramanantsoa, Centre d'études et de prospective
Source : Science of the Total Environment
10:24 Publié dans 1. Prospective | Lien permanent | Tags : système agroalimentaire, régions agricoles, nutriments, cycles, modélisation | Imprimer | |