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10/02/2021

Modélisation de l'impact de mesures de soutien à l'agriculture réunionnaise

La modélisation est une méthode couramment utilisée pour l'évaluation ex ante des résultats et impacts d'interventions publiques. Dans un article publié dans la revue Land Use Policy, une équipe de chercheurs a mobilisé un modèle bio-économique afin d'anticiper les conséquences de différents scénarios de politiques publiques sur l'agriculture réunionnaise.

Le modèle utilisé ici (ENTICIP) formule des hypothèses quant à l'évolution i) du revenu des agriculteurs selon le système de production mis en œuvre, ii) de la distribution des différents systèmes de production, iii) du niveau d'approvisionnement des marchés locaux. Il comprend deux modules (figure ci-dessous). Le premier calcule, pour chaque système de production modélisé, l'assolement permettant de maximiser la marge brute. Les résultats issus de cette première modélisation sont ensuite utilisés comme variables d'entrée du second module, lequel détermine la distribution optimale des différents systèmes de production, c'est-à-dire celle permettant de maximiser le surplus global.

Les deux modules du modèle ENTICIP

agriculture réunion .jpg

Source : Land Use Policy

Deux scénarios de politiques publiques ont été modélisés. L'un visait à inciter au remplacement des plantations de citrons par des plantations d'ananas, dans les zones où les citrons sont menacés par la maladie du Huanglongbing. Pour cela, ce scénario prévoyait une aide à la plantation d'ananas de 7 500 ou 9 000 €/ha suivant le mode de production (conventionnel ou biologique). L'autre scénario cherchait à développer la production biologique d'ananas comme de citrons, par le biais d'aides au maintien de cette forme de production, de montants variables.

Le premier scénario se traduirait, à l'échelle de la Réunion, par une augmentation de 14 % de la surface plantée en ananas. Le second scénario montre, quant à lui, que le développement à grande échelle de la production biologique, sur l'île, nécessiterait des soutiens très importants. Ainsi, pour atteindre l'objectif de 15 % de la SAU en agriculture biologique, fixé par le plan Ambition bio 2022, le modèle indique qu'une aide annuelle de 3 600 €/ha serait nécessaire (contre 900 €/ha aujourd'hui). Soulignons enfin que cette estimation est à mettre en regard de la capacité réelle de soutien public, et qu'elle invite à explorer d'autres pistes que les seuls soutiens directs pour favoriser le développement de la production biologique à la Réunion (meilleure valorisation, recherche, etc.).

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : Land Use Policy

17/09/2019

Fonctionnement de la concurrence en Outre-mer

Début juillet 2019, l'Autorité de la concurrence a publié un avis sur le fonctionnement de la concurrence dans les Départements et régions d'Outre-mer (DROM), actualisant une première livraison de 2009. Plusieurs constats généraux sont posés pour les cinq territoires étudiés (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte). D'après des travaux de l'Insee repris dans l'avis, les écarts de prix à la consommation par rapport à la métropole persistent, ils sont significatifs et en grande partie imputables aux produits alimentaires (tableau ci-dessous). De plus, les spécificités fiscales (régime de TVA, octroi de mer), géographiques et économiques (marchés étroits, fort déséquilibre commercial, échanges commerciaux en grande majorité avec la métropole), peuvent affecter ces prix.

Écarts de prix, en 2015, entre DROM et métropole selon trois indicateurs (indice de Fisher, panier local acheté en métropole, panier métropolitain acheté localement)

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Source : Autorité de la concurrence, d'après données Insee, calculs et tableau Autorité de la concurrence

Note de lecture : un ménage métropolitain augmenterait ses dépenses alimentaires de 47,9 % en Martinique s'il consommait les mêmes produits et services qu'en France métropolitaine. À l'inverse, un ménage martiniquais réduirait de 22,6 % ses dépenses alimentaires s'il consommait en France métropolitaine à l'identique de sa consommation martiniquaise. Au final, les prix alimentaires sont 38,2 % plus élevés en Martinique qu'en France métropolitaine.

L'Autorité analyse ensuite finement le fonctionnement des différents marchés ultramarins, de l'amont à l'aval, les coûts et chiffres d'affaire de la distribution de produits de grande consommation, ainsi que les enjeux associés au commerce en ligne. On peut notamment retenir que la vente au détail est dominée par les grandes enseignes nationales, les enseignes de hard discount étant peu présentes. De même, produits à marques de distributeur et premiers prix jouent un rôle limité, à l'inverse des promotions sur des produits à marque nationale. Créé en 2012, le « Bouclier qualité-prix » (BQP) est largement salué mais rencontre des difficultés de mise en œuvre. L'import direct (produits achetés directement par les distributeurs auprès des fournisseurs métropolitains ou étrangers) augmente depuis 2009, représentant 45 % de la part moyenne (en valeur) des importations dans les achats de marchandise. Toutefois, spécialisés et localisés dans les DROM, les grossistes-importateurs conservent un rôle important. Par ailleurs, la production locale est limitée et peu compétitive, bien que prédominante dans certains cas : produits frais et ultra-frais, spécificités culinaires et culturelles, marques locales notoires. Les possibilités d'exportation sont très réduites (hors bananes et produits de la filière sucrière), et les subventions et l'octroi de mer jouent un rôle déterminant, pour ce segment en cours de structuration. Enfin, l'Autorité considère que les « produits de dégagement » (issus principalement de l'élevage, viande fraîche de volaille en particulier), ne peuvent être considérés comme concurrents de l'offre locale car non substituables.

Enfin, l'Autorité énonce dix-neuf recommandations visant à i) améliorer les études de prix et encourager l'action des observatoires des prix, marges et revenus, ii) évaluer les conditions d'application de l'octroi de mer, iii) réformer le BQP, iv) améliorer la régulation du fonctionnement des marchés, v) encourager une organisation plus efficace des filières locales (structuration, différenciation par des signes de qualité), vi) favoriser le développement du commerce en ligne.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : Autorité de la concurrence

12/04/2019

Travail agricole et pesticides dans les exploitations de canne à sucre de l'île de La Réunion

Santé Publique France propose une estimation de l'exposition aux pesticides des travailleurs agricoles dans les exploitations de canne à sucre de La Réunion. Ce travail, conduit dans le cadre du projet Matphyto, a pour but d’élaborer des matrices cultures-expositions décrivant le suivi et les évolutions de l’utilisation des produits phytosanitaires sur les principales cultures en France. Il est présenté dans un rapport mis en ligne fin février 2019.

Pour évaluer ces expositions, les auteurs utilisent trois sources de données : i) une matrice culture-exposition recensant l'ensemble des pesticides utilisés sur la canne à sucre à La Réunion depuis le début des années 1960, leur fréquence d'utilisation et le nombre de traitements réalisés annuellement ; ii) une base de données toxicologiques qui consigne, pour chaque substance active, les principaux effets nocifs (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques et perturbateurs endocriniens) pour la santé humaine, pouvant résulter de l'exposition chronique aux produits ; iii) les recensements agricoles spécifiques à l'île réalisés par le ministère chargé de l'agriculture.

À La Réunion, les pesticides les plus utilisés sont les herbicides, suivis dans une moindre mesure par les insecticides et les rodonticides. Les résultats montrent que, depuis 10 ans, le nombre de substances appliquées sur les exploitations a diminué (19 en 2000 contre 13 en 2010), mais la proportion de celles ayant un effet toxique reste inchangée (autour de 54 %). En 2018, 88 % des travailleurs de la canne à sucre sur l'île ont été exposés à au moins un pesticide considéré comme ayant des effets toxiques (figure ci-dessous) : cela représente environ 6 300 personnes (4 600 hommes et 1 700 femmes). Pour les deux substances identifiées comme les plus dangereuses, le 2,4-D et le glyphosate, respectivement 6 300 et 5 000 personnes auraient été exposées. Enfin, les auteurs montrent que la prévalence d'exposition a doublé entre 1981 et 2010, sauf pour les substances mutagènes. Toutefois, le nombre de travailleurs ayant baissé de 57,1 %, le nombre de personnes exposées à des substances toxiques a diminué de 13,7 %.

Nombre de substances actives, prévalences d'exposition et nombre de personnes (main-d’œuvre permanente) exposées selon l'effet sanitaire et l'année (1981, 1989, 2000 et 2010) dans les exploitations de canne à sucre de La Réunion

Matphyto.jpg

Source : Santé Publique France

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Santé Publique France