16/03/2016
Innovation en agriculture : le rapport AKIS recommande plus de régulation face à la privatisation du conseil
Les systèmes de connaissance et d'innovation agricoles (AKIS) sont mal adaptés aux défis du futur. C'est le constat fait par un groupe d'experts européens à l'issue d'un travail prospectif mandaté par le Comité permanent pour la recherche agricole (SCAR), et qui a donné lieu au rapport Agriculture knowledge and innovation systems towards the future.
Le SCAR avait déjà posé en 2009 un diagnostic sévère : « le système de connaissances et d’innovations agricoles européen, financé par des fonds publics, semble verrouillé dans d’anciens paradigmes fondés sur des approches linéaires et des présupposés conventionnels ». Dans un rapport de 2012, il incitait à renforcer les partenariats entre la recherche, le transfert et les agriculteurs (voir sur ce sujet une note du CEP). Dans ce troisième rapport, le groupe fait l'état des lieux des connaissances sur les AKIS en Europe, analyse les impacts potentiels de la révolution numérique sur ceux-ci, élabore trois scénarios prospectifs et dresse enfin plusieurs recommandations à destination des pouvoirs publics.
Ces recommandations portent en particulier sur le conseil aux agriculteurs. Si les dispositifs institutionnels sont hétérogènes entre pays, une tendance générale se dégage depuis plusieurs années : la privatisation du conseil. Ce phénomène a plusieurs conséquences potentielles : un moindre partage de l'information entre organisations et entre agriculteurs, l'exclusion de l'accès au conseil pour les producteurs les moins solvables, le biais commercial dans l'information technique apportée, etc.
Face à la montée des acteurs privés du conseil, plusieurs stratégies et rôles des pouvoirs publics sont possibles : l'appui aux agriculteurs exclus du conseil privé, la coordination des multiples acteurs du conseil, le rôle d'arbitre sur l'objectivité de l'information, la garantie de qualité du service de conseil public comme privé, la régulation du secteur. Le rapport recommande en particulier de rendre plus transparente la qualité du conseil, notamment via un système de certification à l'échelle européenne. D'autres recommandations concernent le ciblage du financement public du conseil sur les biens publics, les mécanismes garantissant un flux d'informations et de connaissances entre les divers acteurs, et le renforcement du suivi et de l'évaluation des systèmes de conseil.
Alexandre Martin, Centre d’études et de prospective
10:34 Publié dans 4. Politiques publiques, Agriculteurs, Enseignement et recherche | Lien permanent | Tags : scar, akis, conseil | Imprimer | |
La chute durable des cours des matières premières agricoles risque d'engendrer une explosion des dépenses du gouvernement américain
En 2014, la politique agricole américaine supprimait les aides directes, introduisait des filets de sécurité renforcés (Agriculture Risk Coverage - ARC et Price Loss Coverage - PLC), développait les systèmes d'assurance et introduisait une garantie sur la marge pour les producteurs laitiers. Ce nouveau Farm Bill, longuement négocié, devait favoriser une diminution des dépenses publiques : avec des prévisions optimistes sur les prix des matières premières et la fin des aides directes, il devait en effet être moins coûteux que le précédent. Aujourd'hui, on s'attend au contraire à un accroissement des dépenses (voir également à ce sujet un précédent billet sur ce blog).
D'après une récente analyse du Bureau du Budget du Congrès américain (Congressional Budget Office), les dépenses liées aux filets de sécurité pour les producteurs de grandes cultures seront bien plus importantes que ce qui avait été prévu il y a deux ans. Étant liées aux prix mondiaux des grains et du lait, durablement bas depuis 2015, le Bureau du Budget annonce des dépenses en hausse de plusieurs milliards par an. Elles risquent de dépasser le plafond fixé par les accords de l'Organisation Mondiale du Commerce pour ce genre d'aides publiques, et de rendre les négociations du prochain programme (2018-2022) plus longues encore que pour la version 2014. Le gouvernement, dans son projet de budget pour 2017, propose d'ailleurs des réductions, de plusieurs milliards de dollars par an, des subventions aux assurances agricoles, pour compenser cette explosion.
Les réactions sont nombreuses aux États-Unis, notamment parmi les élus qui avaient demandé initialement à ce que les dépenses publiques liées à l'agriculture soient réduites, ou parmi les agriculteurs, inquiets de voir l'un de leurs outils de gestion du risque de prix en péril (voir par exemple les éléments publiés par l'American Enterprise Institute et par AgWeb).
Alexis Grandjean, Centre d’études et de prospective
Sources : Gouvernement américain, Congressional Budget Office
10:32 Publié dans 4. Politiques publiques, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : politique agricole, etats-unis, farm bill | Imprimer | |
Les formes d’organisation entrepreneuriale de la production agricole en Amérique latine
Le dernier volume de la revue Géographie Économie Société, paru fin 2015, regroupe quatre articles sur les formes d’organisation entrepreneuriale de la production agricole en Amérique latine. Il s'attache à approfondir la caractérisation de ces formes d'agriculture dans trois pays (Argentine, Brésil et Uruguay) notamment au regard de leurs liens avec les acteurs en amont et en aval des chaînes de valeur, des modalités d'utilisation des ressources (en particulier foncières et financières) et d'optimisation de la gestion des actifs et de l'organisation du travail. Les articles analysent les leviers de leur développement : économiques, techniques et politiques, en particulier les aspects d’innovation, de relations avec les milieux financiers et les politiques publiques. Ils s’interrogent enfin sur les liens entre l'essor de ces agricultures et les processus de développement des espaces ruraux. Sont-elles sources de développement local ? Quelles relations se dessinent avec les centres urbains, nationaux ou extérieurs ?
L'un des articles s'intéresse à l'influence de ce type d'agriculture sur la globalisation des espaces ruraux. Les auteurs y proposent tout d'abord une typologie des formes d'organisation entrepreneuriale agricole : devenues moins patrimoniales, mais plus financières et industrielles, alliant gestion des risques et optimisation des ressources, de plus en plus soumises à des influences externes (cf. extrait de la typologie ci-dessous). Le foncier est au cœur de la stratégie de localisation de ces entreprises : en ce sens, il constitue le moteur de l'insertion des espaces ruraux dans la globalisation. Par ailleurs, les transactions se font à des échelles locales, nationales et internationales. L'organisation du travail au sein de ces entreprises, pour certaines multi-localisées, implique à la fois les zones rurales (production), les pôles urbains de proximité (services, gestion opérationnelle) et les métropoles nationales voire lointaines (gestion financière, décisions), organisant ainsi ces espaces en réseaux et intensifiant les relations entre eux. Ces mécanismes, amenés à s'accentuer, participent à l'expansion des grandes cultures (soja en premier lieu) et bouleversent les agricultures argentines, brésiliennes et uruguayennes.
Extrait de la typologie proposée des formes d'agriculture entrepreneuriale
Source : revue Géographie Économie Société, adaptation CEP
Claire Deram, Centre d’études et de prospective
Source : Géographie Économie Société
10:29 Publié dans Agriculteurs, Exploitations agricoles, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : amérique latine | Imprimer | |
15/03/2016
Agriculture irriguée du Maghreb : stratégies innovantes de jeunes ruraux
Alors que la littérature sur l'exode rural dans les pays du sud est abondante, le dernier numéro des Cahiers Agricultures (novembre-décembre 2015) se focalise sur les parcours de jeunes agriculteurs installés, ou en passe de le faire, en agriculture irriguée dans les pays du Maghreb. De fait, c'est dans ce type de productions que ces jeunes en quête de nouvelles formes d'agricultures porteuses d'innovations techniques, sociales et institutionnelles, sont aujourd'hui les plus présents.
À contre-courant des flux migratoires, ces jeunes ruraux font le choix de l'agriculture en dépit de l'absence de système d'accompagnement à l'installation. Confrontés aux blocages fonciers, financiers, voire culturels, ils développent des stratégies de contournement et d'innovation. Au travers de trajectoires individuelles, dans plusieurs régions du Maghreb, mettant en œuvre différentes méthodes d'analyse et des angles d'observation variés, ce numéro présente des réflexions approfondies sur les moteurs de l'installation agricole dans des pays en voie d'urbanisation et confrontés au chômage des jeunes.
L'une des études propose une approche originale afin d'identifier les dynamiques portées par les jeunes agriculteurs : modéliser le monde réel à travers un jeu de rôles, puis utiliser ce monde virtuel pour simuler le futur avec les acteurs concernés. Enfin, les simulations sont analysées collectivement pour en tirer des enseignements, notamment sur les enjeux à relever, dans un contexte de raréfaction de la ressource en eau.
Schéma de la démarche participative retenue dans le cadre de l'étude sur le rôle des jeunes agriculteurs dans une agriculture en transition dans le Saïss (Maroc)
Source : Cahiers Agricultures
Cette méthode participative a permis une appropriation par les parties prenantes des situations singulières, mais aussi une appréhension du système dans sa globalité. L'étude éclaire les différences intergénérationnelles dans la conduite des exploitations, les jeunes s'avérant tout à la fois les plus innovants, montrant un esprit entrepreneurial développé, investis dans leur territoire et enclins à une démarche collective face aux problèmes rencontrés.
Au-delà des spécificités liées au contexte et aux freins propres à ces pays, les analyses présentées dans ce numéro questionnent les critères conduisant des jeunes à s'installer en agriculture, en dépit des discours peu engageants des entourages et du contexte économique difficile.
Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective
Source : Cahiers Agricultures
10:25 Publié dans Agriculteurs, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : maghreb, installation, jeunes | Imprimer | |
Trois scénarios contrastés pour l'agriculture et l'alimentation dans le monde
L’OCDE a publié récemment un document présentant les principaux enjeux associés à trois scénarios d’évolution du système alimentaire mondial à 2050, construits par des groupes de travail associant experts et officiels, et recourant à plusieurs modèles économiques :
- « Individual, Fossil Fuel-Driven Growth » : focalisation des États sur l’économie, privilégiant la coopération régionale ; déploiement de solutions techniques essentiellement basées sur les énergies fossiles, sauf pour les régions faiblement dotées (bioéconomie régionale). Le commerce international compense uniquement les déséquilibres structurels entre grandes régions.
- « Citizen-Driven, Sustainable Growth » : adoption massive de comportements plus « durables » par les individus, mais une coopération internationale limitée par des divergences sur la traduction concrète de ce terme ; innovations techniques valorisant les ressources naturelles et la préservation de l’environnement ; valorisation des produits bio-sourcés plus efficace permettant de développer les usages non alimentaires.
- « Fast, Globally-Driven Growth » : globalisation accélérée, centrée sur les enjeux de croissance et tirée par les émergents ; renforcement de la coopération internationale ; diffusion rapide de l’innovation technologique. Si la demande en produits agricoles est ici la plus importante, la production suit par le recours intensif à la technologie et aux intrants de synthèse ; une dualisation de l’agriculture s’opère.
Ces scénarios ont été comparés à l’aune de 7 enjeux jugés cruciaux (cf. première figure ci-dessous). Le recours aux modèles a permis, pour certains de ces enjeux, de quantifier l’ampleur du défi (cf. seconde figure).
Importance relative des sept enjeux selon les scénarios
Source : OCDE
Evolution, entre 2010 et 2050, de la valeur ajoutée agricole, par région et selon chaque scénario
Source : OCDE
Quelques conclusions transversales sont également dégagées : tendance haussière de la demande, des prix et des revenus agricoles ; poursuite de la progression de la sécurité alimentaire mondiale, mais à des rythmes très différents ; les risques sanitaires gagnent en importance ; même pour le scénario « sustainable », on peut craindre une dégradation de l'environnement et une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Le document se termine par un chapitre de recommandations visant à promouvoir des stratégies associant acteurs publics et privés, autour de 5 axes.
Pierre Claquin, Centre d'études et de prospective
Source : OCDE
10:19 Publié dans 1. Prospective, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : ocde, système alimentaire | Imprimer | |
14/03/2016
Évaluation des politiques publiques
On sait combien l'évaluation est un enjeu important pour les politiques du ministère de l'Agriculture, mais les publications sur ce sujet sont peu fréquentes. C'est dire l'intérêt de ce numéro 204-205 de la revue Économie et Prévision de la direction générale du Trésor, publié fin décembre 2015 et consacré en totalité aux méthodes d'évaluation.
Une première série d'articles présente différentes méthodes de mesures micro-économétriques de l'impact de politiques mises en œuvre, sans a priori sur le comportement des personnes touchées. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ces méthodes sont qualifiées « d'athéoriques ». Leur développement a été grandement facilité par la disponibilité accrue de jeux de plus en plus riches de données individuelles, sur l'analyse desquels elles reposent.
Si les méthodes structurelles (qui s'appuient sur une représentation explicite de l'économie) peuvent être utilisées à la fois avant (ex ante) et après (ex post) la mise en œuvre de la politique évaluée, les méthodes athéoriques sont de fait réservées à l'évaluation ex post. Par analogie avec les essais cliniques dans le domaine médical, la question se pose de mesurer l'impact de la mesure évaluée sur une population donnée, par comparaison avec une population n'en bénéficiant pas. Différentes méthodes sont alors discutées.
La deuxième partie de la revue pose la question de l'émergence d'une culture de l'évaluation en France. L'exercice d'évaluation est en lui-même paradoxal : il doit concilier rigueur scientifique et réponse à une commande précise (dans un délai souvent restreint), s'appuyer sur une expertise pointue mais couvrant plusieurs champs disciplinaires, faire appel à des méthodes quantitatives tout en utilisant des analyses qualitatives, etc. La pluridisciplinarité des équipes peut alors améliorer la qualité des réflexions.
Si elle est profondément ancrée dans les pays anglo-saxons, la pratique de l'évaluation des politiques publiques peine à s'installer en France, ainsi qu'en témoigne l'évolution des nombreuses structures plus ou moins pérennes au cours des 30 dernières années. Dans un contexte de contrainte budgétaire, la demande sociale pour une évaluation indépendante des politiques s'accroît, plaidant pour son institutionnalisation.
Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective
Source : Direction générale du Trésor
10:14 Publié dans 2. Evaluation, 4. Politiques publiques | Lien permanent | Tags : évaluation, dg tresor | Imprimer | |
Service de pollinisation : la contribution des pollinisateurs autres que les abeilles
Si le rôle de l'abeille (Apis mellifera L.) a fait l'objet de nombreux travaux, la contribution globale d'autres pollinisateurs a été peu étudiée jusqu'à présent selon une étude publiée dans PNAS en janvier 2016. Ces derniers regroupent par exemple mouches, coléoptères, papillons, guêpes, fourmis, oiseaux et chauves-souris. Les résultats obtenus s'appuient sur l'analyse de 480 travaux de terrain et 17 cultures à travers les 5 continents. Sur les 58 études initiales, 33 % ont été écartés du fait de l'absence de prise en compte des pollinisateurs autres que les abeilles ou la non distinction de leur contribution.
La contribution au service de pollinisation a été évaluée en multipliant la fréquence des visites de fleurs par l'efficacité observée par visite (dépôt de pollen, et participation à l'étape de nouaison qui est la phase initiale de la formation du fruit). Les auteurs concluent qu'il n'y a pas de différence significative entre les différents pollinisateurs. Les pollinisateurs autres que les abeilles réalisent entre 25 et 50 % des visites, des passages plus fréquents mais moins efficaces. Leur analyse met aussi en évidence que des visites plus fréquentes des pollinisateurs autres qu'A. mellifera sont associées à une augmentation du nombre de fruits et de graines formées. Les auteurs concluent que ces pollinisateurs répondent différemment à un changement de la structure des paysages par rapport aux abeilles (hors A. mellifera) – test sur l'isolation vis-à-vis d'espaces naturels et semi-naturels –, et seraient ainsi plus résistants à des changements d'usage des sols.
Une autre publication, datant aussi de janvier, s'est également penchée sur le service de pollinisation à travers plusieurs continents : 344 terrains d'études avec un protocole commun en Afrique, Asie et Amérique centrale. Ce travail relie diversité des pollinisateurs et productivité des cultures. Enfin, s'est tenue fin février la 4ème session de l'Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES), consacrée en particulier à la pollinisation et à la menace portant sur les pollinisateurs. Les experts estiment par exemple que la valeur annuelle de la production dédiée à l'alimentation et dépendante directement de la pollinisation représente entre 235 et 577 milliards de dollars. 75 % des cultures alimentaires seraient dépendants au moins en partie de la pollinisation.
Élise Delgoulet, Centre d'études et de prospective
10:11 Publié dans Environnement | Lien permanent | Tags : pollinisateurs, pollinisation | Imprimer | |
Tendances et défis de la pratique vétérinaire rurale
Dans un récent article, La semaine vétérinaire présente les enjeux associés à la pratique et aux installations vétérinaires en zones rurales. Il s'appuie sur les travaux du programme de recherche VeTerrA « Vétérinaires et territoires ruraux attractifs » piloté par VetAgroSup entre 2013 et 2015, réalisé dans différentes zones rurales du Massif Central et basé sur des enquêtes auprès de professionnels de terrain (vétérinaires, éleveurs).
L'article rappelle ainsi la tendance de fond à une certaine désaffection des vétérinaires pour la pratique rurale (15 % des structures vétérinaires rurales ont disparu en région Rhône-Alpes entre 1999 et 2010), qui fragilise le maillage sanitaire. Pour autant, la motivation pour « la rurale » existe toujours, pour de multiples raisons : vie à la campagne, relationnel avec les éleveurs, sentiment d'utilité sociale, etc. L'aspect intellectuellement stimulant du diagnostic est également cité, même si les contraintes économiques des propriétaires peuvent empêcher d'aller au bout des investigations. Autre tendance, l'exercice individuel tend à diminuer au profit d'associations permettant de partager les frais d'installation, de mutualiser le matériel coûteux et de se répartir les gardes. Les contraintes horaires sont un problème d'autant plus prégnant que les vétérinaires sont davantage soucieux de préserver leur vie de famille.
Certaines évolutions, comme la diminution des prophylaxies et la crainte d'érosion de la vente des médicaments, sont perçues comme des facteurs de risque pour la viabilité économique des cabinets ruraux. La concurrence de structures et services en lien avec l'élevage (centres d'insémination par exemple) est également citée. Au total, les constats formulés laissent craindre une poursuite de la déprise vétérinaire en zones rurales, une préoccupation croissante pour les pouvoirs publics (cf. trois rapports récents rendus en 2008, 2009 et 2010).
Le rapport final du programme VeTerrA présente également les démarches adoptées dans certains pays comme la Finlande où a été promu un partenariat entre secteurs public et privé : certains vétérinaires sont salariés par les « municipalités » (structures régionales regroupant des communes) et peuvent, en parallèle, exercer une activité libérale . Grâce à ce principe, la Finlande a un maillage territorial vétérinaire satisfaisant y compris dans les zones extrêmes comme la Laponie.
Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective
Sources : Programme VeTerrA, Le Point Vétérinaire
10:09 Publié dans Santé et risques sanitaires, Territoires | Lien permanent | Tags : veterinaires | Imprimer | |
11/03/2016
Activités agricoles et risques de cancers chez les affiliés du régime agricole : résultats intermédiaires de l’étude AGRICAN
Un article de la revue Innovations Agronomiques mis en ligne récemment présente les premiers résultats de l’étude AGRICAN (AGRIculture et CANcers), conduite notamment par l’Inserm et l’université de Caen-Normandie. Enquête de cohorte épidémiologique débutée en 2005 et destinée à se poursuivre jusqu'en 2020 au moins, AGRICAN scrute la population agricole résidant dans onze départements français : plus de 180 000 affiliés du régime agricole, en activité ou à la retraite, sont suivis au cours du temps à la fois sur leurs expositions agricoles et leur état de santé (cf. figure ci-dessous). Le croisement des données issues des questionnaires renseignés par les membres de la cohorte, d'une part, et de la matrice cultures-exposition PESTIMAT d'autre part, permet ainsi d’obtenir des informations sur l’utilisation des pesticides.
Source : Innovations Agronomiques
Plus grande cohorte au monde sur la santé en milieu agricole, AGRICAN permet de collecter des informations scientifiques sur les risques liés à l'activité des agriculteurs. C’est ainsi la première fois que le risque de cancer dans la population agricole française a pu être quantifié par rapport à la population générale : dans la cohorte, le taux de mortalité par cancer est inférieur de 30 % chez les hommes et de 24 % chez les femmes. Le rôle spécifique de certaines activités agricoles sur la survenue des cancers de la prostate ou des poumons (les plus fréquents chez l'homme dans la population générale) a également pu être étudié.
Si les premiers résultats de cette étude confirment la tendance observée au niveau international (risques plus élevés chez les agriculteurs pour des cancers de la prostate ou pour les mélanomes cutanés et plus faibles pour les cancers liés au tabagisme), ils montrent aussi que les risques de cancers de la prostate sont augmentés chez les éleveurs de bovins et de porcins ou lors de l’exposition aux pesticides sur différentes cultures (céréales, vergers, tabac, etc.). À l’inverse, concernant le cancer du poumon, les risques seraient moins élevés chez les éleveurs de bovins et de chevaux.
Notons que les résultats d’AGRICAN contribuent à enrichir les connaissances dans le cadre du consortium international de cohortes agricoles (AGRICOH).
Christine Cardinet, Centre d'études et de prospective
Source : Inra
10:06 Publié dans Agriculteurs, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : pesticides, agrican | Imprimer | |
Enjeux autour des micronutriments au Royaume-Uni
Dans l'édition de mars du Nutrition Bulletin, trois auteurs de la British Nutrition Foundation ont publié un article intitulé « Micronutrient status and intake in the UK – where might we be in 10 years' time? ». Les micronutriments (vitamines, minéraux, éléments traces) remplissent divers rôles physiologiques, et des déficiences liées aux régimes alimentaires peuvent avoir des conséquences importantes sur la santé.
Après avoir rappelé les incertitudes et limites liées à l'évaluation des statuts et consommations de micronutriments, les auteurs identifient les groupes de la population britannique les plus concernés par des déficiences, en particulier en folates, vitamine D, calcium, fer et iode : les adolescents, les minorités ethniques (originaires d'Afrique, des Caraïbes et d'Asie du Sud) et les personnes à bas revenus. Les adolescentes et les femmes en âge de procréer sont particulièrement concernées.
Par ailleurs, les auteurs listent et détaillent les connaissances sur une série de moteurs, tendances et événements qui pourraient influencer, à l'avenir, les consommations britanniques de micronutriments : évolution des connaissances scientifiques (biomarqueurs, influences génétiques et épigénétiques, etc.) ; changements dans la chaîne alimentaire, aux niveaux agricole (ex : sélection variétale privilégiant le rendement plutôt que le contenu en micronutriments), industriel et de la distribution ; évolutions démographiques ; initiatives gouvernementales ; changements dans les attitudes et comportements des consommateurs (diversification des régimes alimentaires, demande croissante de produits alimentaires spécialisés, etc.).
In fine, ils rappellent que les enjeux globaux (changement climatique, croissance de la population) ont plus orienté les préoccupations sur l'aspect quantitatif de la sécurité alimentaire et sur les implications environnementales, que sur leurs conséquences nutritionnelles. Ils invitent donc les pouvoirs publics à mener des actions adaptées à ces enjeux (campagnes de sensibilisation, politiques d'enrichissement des denrées). Ils concluent en indiquant que ces aspects sont reliés aux enjeux de l'identification de régimes alimentaires apportant les quantités de vitamines et minéraux nécessaires à la santé, et qui soient également « équitables, abordables et durables ».
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Source : Nutrition Bulletin
10:04 Publié dans Alimentation et consommation, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : nutrition, micronutriments, royaume-uni | Imprimer | |
10/03/2016
La difficile mise en mouvement des agriculteurs victimes des pesticides
Dans un billet précédent, nous avions signalé plusieurs travaux de science politique portant sur la « cause » des agriculteurs victimes des pesticides. Coline Salaris vient de mettre en ligne sa thèse, intitulée Mobilisations en souffrance. Analyse comparative de deux problèmes de santé publique : familles victimes du Distilbène et agriculteurs victimes des pesticides.
L’auteur déroule une comparaison entre les deux cas. L'idée de mettre en parallèle une affaire déjà bien connue et un problème qualifié d'émergent, est intéressante. La première partie de la thèse met en avant les « entraves à la victimisation » (déni, incompréhension, etc.) et décrit le chemin cahoteux qui part de l’identification mal assurée d’un problème personnel, passe par la rencontre d’autres malades (les « pairs » du « groupe latent »), et aboutit à la consolidation d’un « groupe nécessaire » autour du « ciment de la blessure commune ». La seconde partie aborde des enjeux organisationnels – division du travail entre associations, « bureaucratisation » des associations autour du « noyau originel » –, mais aussi la quête de relais dans les médias, dans le secteur académique et devant les tribunaux, pour se terminer sur les convergences entre action des victimes et politiques de santé publique.
« Se présenter comme victime et se mobiliser en tant que telle dans l’espace public ne va pas de soi », explique l’auteur. Étudier le « processus de victimisation » constitue « un préalable important à la compréhension des mécanismes de mise en œuvre des actions collectives victimaires ». À partir des cas traités, C. Salaris dégage ainsi des enjeux généraux aux niveaux individuel et collectif : « Individuellement, ce processus implique une intériorisation et une formulation identitaires consistant à donner du sens » à une épreuve existentielle. « Collectivement, il s’agit de construire un groupe » suffisamment solide et visible pour faire reconnaître par les autorités comme véritable problème de santé publique ce qui, au départ, apparaissait comme une infortune personnelle.
En fin de volume, de larges extraits d’entretiens sont opportunément reproduits.
Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective
10:02 Publié dans Agriculteurs, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : pesticides, santé publique, mobilisation, salaris | Imprimer | |
Partenariats pour le développement territorial, André Torre, Dominique Vollet (coord.)
Cet ouvrage récent dresse un panorama des démarches partenariales entre la recherche et les acteurs locaux, pour promouvoir l’émergence de nouveaux modèles de développement territorial dans un esprit ascendant de type bottom up. Les recherches présentées ont été réalisées dans le cadre du Programme « Pour et sur le développement régional » (PSDR). Porté par l’Inra et l’Irstea, en collaboration avec des régions françaises, ce programme a pour but de contribuer au développement régional via des opérations de recherche-développement.
La première partie de l’ouvrage est consacrée à la présentation de démarches de recherche au service du développement territorial. Ce volet comporte cinq contributions plutôt axées sur les méthodes.
La deuxième partie se veut plus pragmatique, avec huit présentations d’outils faisant chacun l’objet d’un chapitre comme, à titre d’exemple, « le système stratégique de signaux précoces » appliqué au secteur laitier. C’est un outil susceptible d’aider à anticiper les opportunités et prévenir les risques. Cette méthode a été testée dans le cadre d’une expérimentation associant la chambre régionale d’agriculture de Normandie et plusieurs structures de recherche, dans le but d’accompagner les producteurs laitiers dans leurs choix stratégiques et d'anticiper certains événements. Autre exemple, celui de Co-click’eau : cette démarche de co-construction de scénarios à l’échelle d’aires d’alimentation de captages a pour objectif de contribuer à l’élaboration de plans d’actions agricoles en vue d’améliorer la qualité de l’eau. Cet exemple montre comment les différents acteurs s’emparent des scénarios pour trouver une solution commune à la gestion de la qualité de l’eau.
La lecture de cet ouvrage est riche de nouveaux modèles de développement territorial. Les auteurs interrogent l’évolution de ces modèles au regard de la décentralisation et des nouvelles compétences attribuées aux régions : reproduiront-elles des modèles de développement territorial « descendant » ou sauront-elles se saisir de ces nouveaux espaces en co-construction ?
Céline Fabre, Centre d'études et de prospective
Lien : Quae
10:00 Publié dans Territoires | Lien permanent | Tags : développement, territoires, partenariat | Imprimer | |
Les plates-formes virtuelles créent de la valeur, à certaines conditions
Le 2 février 2016, le think tank saf agr'iDées a organisé une réunion publique sur le rôle des plates-formes numériques dans le domaine de l'agriculture et de l'agro-alimentaire. Parmi les intervenants, P-E. Leibovici (ESCP Europe) a d’abord dégagé des points communs entre les plates-formes les plus connues telles Amazon, Uber, Airbnb, Facebook, et d'autres plus discrètes, mais révolutionnant la manière dont travaillent les entreprises entre elles. Une « plate-forme » est définie comme une interface numérique d'intermédiation entre des fournisseurs et des utilisateurs, l'offre pouvant porter sur des échanges économiques (Amazon) ou des interactions sociales (Twitter). D'après P-E. Leibovici, le fait que la valeur ajoutée ne provienne pas des actifs mais des interactions (à savoir la quantité de données personnalisées permettant d’affiner l'offre), est souvent peu compris. Par exemple, Airbnb ne fidélisa ses utilisateurs qu'à partir du moment où elle put offrir une solution d'hébergement dans chacune des destinations potentielles. Par ailleurs, en permettant aux usagers de laisser des commentaires et des notations, la plate-forme autorise une meilleure adéquation entre offre et demande.
K. Camphuis (ABCDE consulting) est revenu sur ce point en soulignant qu'avant de devenir une entité financièrement viable, une plate-forme doit réunir une masse critique de fournisseurs et d'usagers, ce qui nécessite souvent beaucoup de temps ou d'investissement en marketing. A titre d'exemple, Amazon n'est devenu rentable qu'en 2015, vingt ans après sa création, et est maintenant en bonne position pour supplanter les plus grands distributeurs mondiaux.
Ces deux experts s'accordent sur le fait que les secteurs de l'alimentaire et de la distribution de produits voient les changements les plus marqués avec une multiplication des plates-formes mettant les consommateurs en lien direct avec, par exemple, des restaurants ou des services de livraison de courses semi-automatisés. Certaines plates-formes proposent en effet des mises à jour de listes de courses en lien avec les objets connectés du foyer (balance ou appareils connectés, applications de gestion des listes). Dans le domaine agricole, malgré le nombre croissant de start-up, beaucoup reste à faire avant qu'une plate-forme ne vienne perturber l'organisation de la production.
Gaétane Potard-Hay, Centre d’études et de prospective
Source : saf agr'iDées
09:58 Publié dans 5. Fait porteur d'avenir | Lien permanent | Tags : plate-forme, virtuel, start-up | Imprimer | |
09/03/2016
L'International Institute for Applied Systems Analysis
L’Institut international pour l'analyse des systèmes (IIASA) est basé à Laxenburg, près de Vienne, en Autriche. Fondé en 1972, en pleine guerre froide, l’Institut marque le couronnement de six années d’effort du précédent président américain Lyndon Johnson et du président du Conseil des ministres de l’URSS de l’époque Alexey Kossyguine, pour utiliser la coopération scientifique afin de créer des ponts entre les deux blocs. A la fin de la guerre froide, l’Institut a élargi son périmètre en menant des recherches axées sur les politiques liées aux problèmes de nature globale, trop vastes ou trop complexes pour être résolus par un seul pays ou une seule discipline académique. Aujourd'hui, l'IIASA rassemble un large éventail de compétences académiques capable de fournir des indications scientifiques et critiques sur les débats nationaux et internationaux, ciblées sur trois domaines : l’énergie et le changement climatique, l’alimentation et l’eau, la pauvreté et l’équité.
Le travail de l'IIASA est possible grâce au soutien d'un éventail d'organisations et d'individus qui partagent ses objectifs. Le financement de base provient ainsi d’institutions scientifiques nationales de 23 pays répartis sur les cinq continents. La diversification des financements est un gage d’indépendance de l’Institut.
L’IIASA produit en propre un certain nombre de modèles, outils de recherche et bases de données utilisés comme supports d’analyses de politiques. Le tableau suivant présente un échantillon de ces modèles :
BeWhere : modèle optimisant la répartition des systèmes d'énergie renouvelable au niveaux local, régional, national ou européen |
The GAINS Model : outil scientifique sur la lutte simultanée contre la pollution atmosphérique et le changement climatique |
LSM2 : outil logiciel pour estimer les paramètres de croissance technologique et les processus de substitution |
MESSAGE : cadre de modélisation pour les moyens et la planification à long terme du système énergétique, l'analyse de la politique énergétique et le développement de scénarios |
The Environmental Policy Integrated Model (EPIC) : modèle d'évaluation de la façon dont la gestion des terres affecte l'environnement |
GLOBIOM : modèle global pour évaluer la concurrence dans l'utilisation des terres entre agriculture, bioénergie et foresterie |
LANDFLOW : modèle retraçant l'« équivalent terre » intégré dans le commerce et la consommation |
CATSIM : approche de modélisation pour améliorer la gestion des risques de catastrophe financière |
Energy Access Interactive Tool : outil interactif d'analyse de scénarios basé sur le Web qui permet l'évaluation des politiques d'accès à différentes énergies |
Présentation CEP d'après IIASA
Enfin, l’IIASA documente les résultats de ses recherches, dans ses propres publications ou dans d’autres revues. Toutes les publications de l'Institut sont disponibles gratuitement en ligne. On peut par exemple signaler ici une publication récente sur l’effet de la culture à grande échelle de micro-algues sur la hausse de la température du globe (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog).
José Ramanantsoa, Centre d'études et de prospective
Lien : IIASA
09:50 Publié dans 1. Prospective, 2. Evaluation, 3. Prévision, Enseignement et recherche, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : portrait, iiasa | Imprimer | |
08/03/2016
Agriculture urbaine : deux publications sur les plant factories en Asie
Annoncée d’assez longue date, la mise en service d’« usines à légumes » (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog) en Asie donne corps à une forme d’agriculture urbaine « verticale », intensive en technologie (milieu confiné, hydroponie, éclairages spéciaux). Deux publications récentes font le point sur ces plant factories. La première, intitulée The rise of Asia’s indoor agriculture industry, est destinée au grand public et aux investisseurs. La deuxième, destinée aux scientifiques, entre dans le détail de la conception et de la gestion des PFAL (plant factories with artificial light).
Si l'on peut se poser la question de savoir dans quelle mesure ces nouveaux concepts marquent une vraie rupture avec l’horticulture de serre, ces deux documents rendent visibles une constellation d’acteurs que l’on n’imaginait peut-être pas si avancés dans leurs projets.
Sources : AgFunderNews, Elsevier
09:47 Publié dans Exploitations agricoles | Lien permanent | Tags : plant factories, agriculture urbaine, asie | Imprimer | |