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11/04/2018

La biodiversité est beaucoup moins médiatique que le changement climatique

Tel est le résultat d'une récente étude portant sur les informations scientifiques relayées par la presse écrite de référence, américaine, canadienne et britannique, en langue anglaise et sur une période de 25 ans (1991-2016). Près de 200 000 articles en provenance de 12 titres (tels que The Washington Post, The Times ou National Post) ont ainsi été recensés à partir de la base Factiva et analysés. Partant du postulat que la prise de conscience du public est essentielle en matière environnementale pour la décision politique et l'adoption de nouveaux comportements, les chercheurs ont identifié la presse comme un relais d'information important. Ils ont donc comparé les fonds publics alloués à la recherche dans les domaines du changement climatique et de la biodiversité, le nombre de publications scientifiques et celui des articles de presse traitant ces sujets.

Le résultat est significatif et l'écart s'amplifie tout au long de la période examinée : avec des fonds engagés deux fois et demi plus importants, des publications scientifiques deux fois plus nombreuses, l'exposition médiatique du changement climatique est, en moyenne sur la période, plus de trois fois supérieure à celle de la biodiversité. L'écart est même de 8 pour 1 sur la dernière année d'analyse, en 2016. Les auteurs identifient une rupture à partir de l'année 2000 : alors que, jusqu'à cette date, le nombre d'articles de presse était corrélé à la fois au financement de la recherche et à l'intensité de l'activité de recherche, ce n'est plus le cas depuis pour la biodiversité. Ainsi, en dépit de fonds publics alloués et d'un nombre de publications scientifiques en hausse sensible sur la période, ce sujet n'a pas été plus évoqué dans la presse.

Exposition médiatique comparée des thématiques "changement climatique" et "biodiversité" dans la presse écrite de langue anglaise aux États-Unis, Canada et Royaume-Uni

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Source : Frontiers in Ecology and Evolution

Au-delà du constat, les auteurs tentent de mettre au jour les causes de ce faible intérêt. Ils avancent plusieurs hypothèses, comme la structuration des communautés internationales de chercheurs, plus récente pour l'IPBES que pour le GIEC, ou la difficulté de trouver un message simple et frappant. Les auteurs identifient également les nombreuses controverses climatiques comme moteur efficace de médiatisation. Enfin, le caractère souvent local des atteintes à la biodiversité rend plus complexe leur relais à un niveau national, voire international.

En matière de communication vers le grand public, les auteurs recommandent par conséquent de s'appuyer sur l'expérience du GIEC, basée sur les résultats de la recherche, mais également de développer les actions de science participative, qui resserrent les liens entre la recherche et la société.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Frontiers in Ecology and Evolution

10:04 Publié dans Environnement, Société | Lien permanent | Tags : biodiversité, changement climatique, médias, presse |  Imprimer | | | | |  Facebook

L'utilisation du glyphosate annule les bénéfices pour la biodiversité permis par le sans-labour

Suite à un récent communiqué de presse du CNRS et du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), l'impact négatif des pratiques agricoles sur la biodiversité a été largement relayé dans la presse généraliste. Contribuant à ce débat, des chercheurs du MNHN et d'Agrosolutions ont publié mi-mars, dans la revue Agriculture, Ecosystems & Environment, une analyse de l'impact sur les populations d'oiseaux de différentes méthodes de travail du sol de parcelles de blé et de colza d'hiver.

Constatant que les itinéraires sans labour, souvent considérés comme favorables à la biodiversité, présentent diverses techniques de gestion des adventices estivales, ils ont comparé les populations d'oiseaux de parcelles d'Île-de-France où sont pratiqués : a) le labour, b) le sans-labour avec gestion des adventices par traitement au glyphosate, et c) le sans-labour avec implantation d'une interculture pour la gestion des adventices et sans traitement phytosanitaire. À partir de 163 points d'observation sur 73 parcelles, le nombre et les espèces d'oiseaux vus ou entendus ont d'abord été répertoriés. Ces données ont par la suite fait l'objet d'un traitement statistique afin d'isoler l'effet spécifique des itinéraires suivis.

Localisation des parcelles franciliennes étudiées selon la technique de lutte utilisée contre les mauvaises herbes

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Source : Agriculture, Ecosystems & Environment

Lecture :

- carré : sans labour avec culture intermédiaire - reprises de colza et/ou légumineuses implantées

- étoile : sans labour avec traitement herbicide total 

- triangle : labour

Les résultats montrent qu'il existe, pour les oiseaux, un important bénéfice du sans-labour sans herbicide par rapport au labour. A contrario, il y a plus de deux fois moins d'oiseaux, dans les parcelles sans-labour où du glyphosate a été utilisé, que dans les champs labourés. L'impact négatif de l'herbicide est bien plus important que la nature du travail du sol. Moins de labour et plus d'herbicides ne seraient donc pas une solution pour enrayer l'érosion de la biodiversité.

Ces travaux rejoignent les conclusions d'études récentes concluant que la biodiversité est largement tributaire de la quantité et de la nature des produits phytosanitaires utilisés par les agriculteurs. Un nombre croissant de recherches montrent également qu'une importante réduction de leur utilisation est possible sans impact économique pour une grande majorité d'exploitants, d'autant plus quand elle est couplée à des changements de techniques culturales.

Alexis Grandjean, Centre d'études et de prospective

Source : Agriculture, Ecosystems & Environment

10:01 Publié dans Agronomie, Environnement | Lien permanent | Tags : biodiversité, glyphosate, sans labour, oiseaux |  Imprimer | | | | |  Facebook

Un rapport de l'IPBES consacré à la dégradation des écosystèmes terrestres

Après un premier rapport publié en 2016, portant sur les pollinisateurs, la plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) consacre son second rapport thématique au phénomène de dégradation des terres. Rassemblant les contributions d'une centaine d'experts internationaux, ce document, dont la synthèse destinée aux décideurs politiques vient d'être publiée, s'appuie sur plus de 3 000 sources académiques, gouvernementales ou issues de la société civile.

Les experts désignent par « dégradation des terres » les processus causés par les activités humaines conduisant au déclin de la biodiversité des écosystèmes terrestres et des services qu'ils fournissent. Cette dégradation peut résulter a) de l'altération d'écosystèmes naturels liée à l'extension des surfaces cultivées et des pâturages ; b) de la dégradation d'écosystèmes agraires du fait de pratiques agricoles et pastorales intensives à l'origine de phénomènes d'acidification, de salinisation, d'érosion accélérée, de perte de matière organique et de fertilité des sols ; c) de la dégradation poussée et quasi-irréversible des écosystèmes et des services qu'ils assurent dans le cas, par exemple, de l'extension urbaine.

Pertes de carbone organique des sols dans le monde

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Source : IPBES

Pour les experts, la principale cause de la dégradation des terres réside dans la surconsommation des pays développés et dans la consommation croissante des pays émergents, de tous types de produits (alimentaires, biocarburants, métaux rares, etc.). Ils estiment qu'elle aura des conséquences importantes : accélération du changement climatique, accentuation des inégalités, déplacements contraints de population (50 à 700 millions de personnes d'ici à 2050), et même perte de diversité culturelle, l'identité de nombreuses populations locales et indigènes étant étroitement liée aux écosystèmes dans desquels elles vivent. Sur le plan agricole, les experts pensent que la dégradation des écosystèmes terrestres pourrait, combinée aux effets du changement climatique, entraîner une diminution des rendements mondiaux de l'ordre de 10 %, et jusqu'à 50 % dans certaines régions (Afrique subsaharienne, Amérique centrale et du Sud).

Pour terminer, s'ils formulent des recommandations à même d'inverser la tendance, ils considèrent que la mise en œuvre effective des accords internationaux existant sur le sujet serait suffisante et engendrerait un bénéfice plus de dix fois supérieur aux coûts. Toutefois, ces derniers seront d'autant plus élevés que l'on tardera à agir.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : IPBES

09:59 Publié dans Environnement | Lien permanent | Tags : ipbes, écosystèmes, terres, dégradation |  Imprimer | | | | |  Facebook

10/04/2018

Relations entre performance économique des filières et indications géographiques : évidences à partir de neuf études de cas

L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) ont publié, en mars 2018, une analyse de l'impact des indications géographiques (IG) sur la durabilité des filières agricoles, à partir de neuf études de cas : le café colombien, le thé Darjeeling en Inde, le chou Futog en Serbie, le café Kona aux États-Unis, le fromage Manchego en Espagne, le poivre Penja au Cameroun, le safran Taliouine au Maroc, la Tête de Moine en Suisse (voir graphique), et le vin Vale dos Vinhedos au Brésil. Cette étude revêt un intérêt particulier car peu de résultats empiriques permettent aujourd'hui de conclure sur l'efficacité économique des IG.

Ce travail met en évidence un certain nombre de relations entre les performances économiques d'une filière et le choix d'adopter une indication géographique. En premier lieu, le prix de vente final au consommateur est de 20 % à 40 % supérieur pour les produits disposant d'une IG, du fait de la meilleure information dont disposent les consommateurs sur l'origine du produit et du renforcement de la structuration des filières. À long terme, les quantités produites et exportées sont également plus importantes au sein des filières sous IG, malgré de possibles réductions de la production à court terme, du fait de la délimitation des zones de culture et d'exigences plus restrictives. Enfin, des effets indirects sur le reste de l'économie ont pu être observés : augmentation des prix des biens substituables aux produits sous IG, transfert d'innovations auprès de producteurs sans IG, développement d'autres IG, etc.

Les auteurs soulignent que le succès des indications géographiques dépend de certaines conditions de mise en œuvre : le rattachement du terroir à un processus de production et une qualité spécifique du produit final ; une stratégie marketing clairement définie ; la coordination des acteurs au sein des filières ; un cadre légal et institutionnel permettant d'assurer la certification et la promotion des IG. D'autres mesures permettent d'atténuer certains effets indésirables des IG : le risque d'exclusion des petits producteurs peut être réduit par l'intégration de pratiques traditionnelles dans la certification du produit ; la dépendance de la filière vis-à-vis de la puissance publique pourrait être atténuée par une réduction progressive des appuis accordés par les États ; l'insuffisante prise en compte des enjeux environnementaux nécessiterait, quant à elle, l'intégration de critères dépassant les seuls enjeux économiques dans le choix de développer des IG.

Histoire du développement de l'Indication Géographique du fromage suisse « Tête de Moine »

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Source : FAO

Raphaël Beaujeu, Centre d'études et de prospective

Source : FAO

Des pistes pour permettre aux élevages bovins viande de mieux s'adapter à la demande

FranceAgriMer vient de publier la synthèse d'une étude réalisée par l'Institut de l'élevage, consacrée à l'adaptation des élevages bovins allaitants à la demande des marchés. Alors que la consommation française de viande bovine décroît régulièrement, que l'efficience économique des élevages allaitants se dégrade, cette étude cherche à préciser les demandes de l'aval en termes de catégories et de niveau d'engraissement des animaux, et à identifier des pistes d'adaptation des modes de production pour améliorer l'adéquation entre offre et demande. Ces pistes techniques sont étudiées sur des exploitations types, afin de comparer leurs incidences en matière de charge de travail, de résultats économiques et d'impact environnemental.

En effet, selon les débouchés, le poids demandé pour les carcasses varie nettement, de 300 à 320 kg pour des animaux destinés à la restauration hors domicile, jusqu'à plus de 440 kg pour la boucherie traditionnelle. L'évolution des circuits de commercialisation a donc une influence majeure. De plus, la baisse de la consommation se traduit par une diminution des portions, faisant évoluer la demande vers des pièces à griller plus petites et mieux calibrées.

Distribution du poids carcasse des vaches en 2014 et 2015 et demande des industriels

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Source : Institut de l'élevage

Plusieurs pistes d'action permettraient cette meilleure adaptation de l'offre, telles l'augmentation du nombre de génisses produites (en réduisant le taux de renouvellement), la production de génisses légères (de 18 mois au lieu de 34), des vêlages plus précoces, l'utilisation de la race Angus en croisement terminal ou, à plus long terme, la sélection de gabarits plus petits. Chacune présente des intérêts et des limites, détaillés dans l'étude.

Dans tous les cas, les auteurs notent que ces évolutions ne peuvent intervenir que si les signaux-prix à l'achat sont cohérents et sécurisés dans le temps. En effet, alors que l'aval demande des carcasses légères, le prix reste pour l'instant favorable aux animaux les plus lourds. La contractualisation s'affirme comme un levier indispensable pour fournir aux éleveurs signaux, outils et visibilité, et donc pour impulser et soutenir ces adaptations des itinéraires techniques.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : FranceAgriMer

09:53 Publié dans Alimentation et consommation, Production et marchés | Lien permanent | Tags : élevage, bovin viande, adaptation, demande |  Imprimer | | | | |  Facebook

Intensification durable de l'agriculture par les associations de cultures : vers une nouvelle « révolution verte » ?

Dans un article paru en février dans Science of the Total Environment, des chercheurs du département des sciences biologiques de l'université du Québec ont réalisé une méta-analyse des bénéfices des associations de cultures (introduction de cultures intercalaires dans les rotations), en termes de potentiels énergétique (calories), économique et d'économie d'espace.

En travaillant sur les données de 126 études extraites de la littérature scientifique, publiées entre 1975 et 2014 et prenant en compte 939 observations de cultures intercalaires, ils concluent que, par rapport à la même superficie cultivée en monoculture, les cultures intercalaires produisent 38 % en plus d'énergie brute et 33 % supplémentaires de revenus bruts en moyenne, tout en utilisant 23 % moins de terres. Ces cultures resteraient ainsi profitables, y compris dans des contextes hydriques stressants pour les plantes. Par ailleurs, la fertilisation et les modes d'association de cultures (semis en rangées et bandes vs semis mixtes) n'auraient aucune d'incidence sur le ratio d'équivalence des terres.

Effet des couples d'associations de cultures sur le « Land equivalent ratio » (LER - surface relative nécessaire en monocultures pour avoir la même production que l'association)

Cult-interm.jpg

Source : Science of the Total Environment

Lecture : A = associations légumineuses/non légumineuses ; B = autres compositions intercalaires ; N = nombre d'observations pour chaque association. Les valeurs positives traduisent une meilleure performance de l'association que de la culture pure.

Ces modes de conduite en association pourraient repousser les plafonds de rendement futurs et aider ainsi à résoudre les crises de sécurité alimentaire. Ils s'inscriraient en outre dans une logique d'agriculture intensive durable, c'est-à-dire sans compromis néfastes entre la productivité et d'autres services écosystémiques. Bien que ces techniques permettent une intensification durable de la production sur les terres agricoles existantes, les auteurs soulignent que de nombreux défis doivent être relevés par des experts de diverses disciplines afin d'en assurer la mise en œuvre : mécanisation, développement de variétés spécialisées pour les cultures intercalaires, formation des agriculteurs à ces nouvelles pratiques, incitations économiques pour la transition, ou encore adaptation de la chaîne de transformation des productions végétales.

José Ramanantsoa, Centre d'études et de prospective

Source : Science of the Total Environment

09:50 Publié dans Agronomie | Lien permanent | Tags : intensification durable, associations culturales, cultures intercalaires |  Imprimer | | | | |  Facebook

Mesurer les effets propres des services de conseil sur le revenu agricole en Irlande : une approche économétrique par les variables instrumentales

Une étude parue dans la revue Applied Economic Perspectives and Policy fournit une estimation des effets propres des services de conseil sur le revenu des exploitations agricoles en Irlande. L'analyse économétrique porte sur des données de panel de la National Farm Survey, comportant environ 1 100 exploitations agricoles par an, représentatives d'une population de 110 000 structures à l'échelle de l'Irlande. L'étude se concentre sur les effets du conseil public fourni par le Teagasc, organisme public spécialisé dans la R&D, l'enseignement et le conseil agricole et agroalimentaire (voir un portrait sur ce blog). Bien qu'il existe aussi du conseil privé, celui-ci n'est pas inclus dans l'analyse.

Les auteurs mobilisent l'approche par variables instrumentales (VI) qui, selon eux, permet de réduire les problèmes d'endogénéité, sources de biais susceptibles d'entâcher les estimations : omission de variables pertinentes (par exemple le niveau initial de formation des agriculteurs) ; phénomène d'autosélection (par exemple si les agriculteurs les plus compétents sont aussi ceux qui font le plus souvent appel au conseil) ; et erreurs de mesure. Cette approche a l'avantage de les combattre tous à la fois, sous réserve d'un choix d'instruments appropriés. Selon les auteurs, l'approche par VI a été assez peu utilisée jusqu'ici en économie agricole, contrairement à d'autres domaines, notamment l'économétrie de la santé.

Les variables instrumentales utilisées dans l'étude comprennent la distance de l'exploitation agricole au bureau local de conseil, le changement de politique agricole de 2005 en faveur du découplage des aides, ainsi que le terme d'interaction entre ces deux variables. L'étude confirme la robustesse accrue de cette approche par rapport à une estimation par les moindres carrés ordinaires (MCO), et réestime à la hausse des effets propres du conseil sur le revenu agricole : toutes choses égales par ailleurs, l'usage de service agricole augmenterait le revenu agricole par hectare d'environ 35 % avec l'approche par VI, contre 19 % avec l'estimation classique par les MCO. Les auteurs soulignent l'intérêt, pour l'aide à la décision publique, d'estimations fiables dans ce domaine, et proposent des pistes d'amélioration et d'approfondissement pour de futures études du même type.

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Applied Economic Perspectives and Policy

09:48 Publié dans Agriculteurs, Enseignement et recherche | Lien permanent | Tags : irlande, conseil, revenu agricole, économétrie |  Imprimer | | | | |  Facebook

09/04/2018

Ouvriers à l'abattoir. L'image d'un groupe professionnel dans les films documentaires

Dans le dernier numéro de la revue Images du travail - Travail des images, J-P. Géhin (sociologue à l'université de Poitiers) s'intéresse aux documentaires montrant le travail en abattoir. Les ouvrier-ère-s d'abattoir, peu nombreux et « quasi invisibles socialement », sont pourtant « un groupe professionnel souvent montré dans les documentaires de création ».

L'auteur analyse un corpus de 18 films en combinant deux grilles de lecture. La première entrée est attentive au travail : gestes effectués, position dans les relations de production, sens donné au travail, et notamment relation avec le hors-travail. La seconde est centrée sur les représentations du groupe professionnel : comment le documentaire présente-t-il le métier ? Quelle voix est donnée aux membres du groupe dans le film, pour en donner quelle image ? Quels emblèmes sont associés à celui-ci ?

Parmi ces films, deux sont restés célèbres, Le Sang des bêtes de Franju (1949), sur les abattoirs de La Villette, et Meat de Wiseman (1973), sur la chaîne de la viande aux États-Unis. Ces deux « œuvres fondatrices » organisent une polarisation du regard, la première sur la violence de la mise à mort des animaux, la seconde sur la mécanisation et l'automatisation d'une « industrie de flux ». Dans la plupart des films, le travail lui-même semble invisible, ce qui renvoie certes aux efforts de communication d'entreprises désireuses de contrôler leur image, mais aussi à « des difficultés plus générales concernant la possibilité de montrer et d'analyser le travail humain ».

Quelques tentatives récentes s'efforcent de déplacer le point de vue « en puisant dans la boîte à outils des sciences sociales ». L'auteur mentionne ainsi la « visée ergonomique » de films tels que Le cinquième quartier (Alazard, 2008) et Saigneurs (Gaullier et Girardot, 2015). Entrée du personnel (Frésil, 2011) contourne l'impossibilité de filmer en toute indépendance, en combinant scènes jouées par les ouvriers et « vraies » images du travail. Géhin éclaire également l'actualité récente et commente les vidéos diffusées par l'association L214. Pour lui, « l'abattoir n'est pas une exception honteuse mais seulement une loupe grossissante de nombreux espaces professionnels où robotisation et numérisation imposent des cadences toujours plus soutenues, renforçant la pénibilité physique comme mentale ».

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Source : Images du travail - Travail des images

09:45 Publié dans Société, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : abattoirs, documentaires, travail |  Imprimer | | | | |  Facebook

Une analyse de l'ONG Sustainable Food Trust sur la relocalisation de l'abattage

Un rapport de l'ONG Sustainable Food Trust s'intéresse à la question de la relocalisation de l'abattage des animaux d'élevage au Royaume-Uni. Les auteurs ont mobilisé différentes sources d'information : analyses scientifiques, textes réglementaires, politiques et économiques, publications d'ONG diverses (Greenpeace notamment), etc. Depuis les années 1970, la tendance est à la baisse du nombre d'abattoirs, ceux-ci étant passés de 1 890 en 1971 à 249 en 2018. Selon les auteurs, plusieurs facteurs expliquent ce phénomène de concentration, ayant conduit à la fermeture des structures les moins rentables : crises sanitaires (encéphalopathie spongiforme bovine en 1996, fièvre aphteuse en 2001), baisse de la consommation de viande, et renforcement des contraintes réglementaires.

Évolution du nombre d'abattoirs en viande rouge, en fonction de leur taille, entre 2007 et 2017

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Source : Sustainable Food Trust

Face à cette tendance lourde, le rapport note un regain d'intérêt récent pour l'abattage local, de la part de certains éleveurs et d'associations, pour des raisons à la fois économiques, éthiques et environnementales. Selon ses promoteurs, cette pratique éviterait le surcoût et la souffrance animale induits par de longs déplacements, et permettrait à l'éleveur de commercialiser de la « viande locale ». L'association Pasture for life a ainsi souligné le rôle des petits abattoirs dans l'économie rurale, au-delà des emplois directs. Quand l'existence d'abattoirs locaux n'est pas envisageable, le développement d'abattoirs mobiles représente une alternative, et même une tendance émergente au niveau mondial. Le rapport en dresse un état des lieux dans plusieurs pays. Au Royaume-Uni, après une première tentative en 1990 par l'ONG Humane Slaughter Association, d'autres projets ont été lancés depuis. En Suède, la société Halsingestintan exerce depuis 2015 et a conclu un partenariat avec la société française Bœuf éthique. Ce type de structures existe aussi en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Canada et aux États-Unis. Le rapport souligne les potentiels atouts pour le bien-être animal et le développement local, mais aussi les facteurs limitants d'une telle pratique, notamment la faible capacité d'abattage (de l'ordre de quelques dizaines d'animaux par jour) et le nécessaire respect de la réglementation sanitaire. Il propose enfin plusieurs recommandations, notamment une reconnaissance par les pouvoirs publics de l'importance, du point de vue de l'économie et du bien-être animal) de la viande locale, avec mise en place d’une task force réunissant les acteurs concernés. Il suggère aussi l'adoption d'une réglementation plus favorable aux abattoirs mobiles et aux petits abattoirs locaux, afin d'en enrayer la baisse.

Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective

Source : Sustainable Food Trust

09:42 Publié dans Protection des végétaux et des animaux, Territoires | Lien permanent | Tags : abattoirs, royaume-uni |  Imprimer | | | | |  Facebook

Les Européens, l'agriculture et la PAC : résultats de l'Eurobaromètre 2017

La Commission européenne conduit fréquemment, depuis 1974, des enquêtes d'opinion publique auprès des citoyens européens, appelées Eurobaromètres. Huit ont ainsi été menées sur « les Européens, l'agriculture et la Politique agricole commune (PAC) » depuis 1988, dont la dernière édition a été publiée en février 2018. Réalisée par la société TNS political & social à la demande de la Direction générale de l'agriculture et du développement rural, elle repose sur des entretiens réalisés en face-à-face en décembre 2017 auprès de 28 000 citoyens des 28 États membres (dont 1 015 en France). L'échantillonnage réalisé assure une répartition géographique et socio-démographique des interviewés représentative de leur importance dans chaque pays. Comme dans tous les Eurobaromètres, les données détaillées sont mises à disposition du public. Dans le rapport, une partie des résultats est mise en perspective avec ceux des précédentes éditions.

Les sujets abordés au fil des 22 questions posées sont larges, les personnes interrogées donnant par exemple leur opinion sur : le rôle et les responsabilités des agriculteurs dans la société (voir la première figure ci-dessous) ; le niveau approprié pour gérer le secteur (communautaire, national ou régional) ; les objectifs que devraient avoir les politiques agricoles et de développement rural ; la connaissance de la PAC et la perception de sa performance et de ses priorités (voir la deuxième figure) ; les bénéficiaires de la PAC ; le soutien financier actuel et futur aux agriculteurs ; les facteurs qui influencent les achats alimentaires ; l'agriculture biologique ; le commerce international de produits agricoles (incluant les accords commerciaux).

Opinion des citoyens européens sur les principales responsabilités qu'ont les agriculteurs dans notre société (résultats agrégés)

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Source : Commission européenne

Des résultats très riches de cette enquête, les auteurs concluent notamment que plus de 9 citoyens européens interrogés sur 10 considèrent que les zones agricoles et rurales sont importantes, voire très importantes (53 %) pour l'avenir. Fournir une alimentation de qualité, saine et sûre doit pour eux, et ce depuis les années 1990, demeurer la priorité des agriculteurs et des politiques publiques. Plus des deux tiers déclarent connaître la PAC et soutiennent ses objectifs, tandis qu'une petite moitié pense que cette politique ne bénéficie pas uniquement aux agriculteurs (figure ci-dessous). La majorité considère que le budget de la PAC est adéquat (45 %) ou trop faible (26 %), 11 % le considérant trop élevé.

Réaction des citoyens européens interrogés face à l'affirmation : « la PAC bénéficie à tous les citoyens européens et pas qu'aux agriculteurs » (résultats par pays)

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Source : Commission européenne

Vanina Forget, Centre d'études et de prospective

Source : Commission européenne

09:38 Publié dans 4. Politiques publiques, PAC, Société | Lien permanent | Tags : eurobaromètre, opinion, ue, agriculture, pac |  Imprimer | | | | |  Facebook

L'initiative 4 pour 1000 permettra-t-elle de stopper l'augmentation annuelle de CO2 dans l'atmosphère ?

Lancée par le ministère de l'Agriculture en 2015, l'initiative « 4 pour 1000 » promeut des pratiques agricoles permettant d'accroître le stock de carbone dans les sols, dans le but de stopper l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère liée aux activités humaines, et d'améliorer la sécurité alimentaire. Dans cette perspective, un article, écrit par des chercheurs britanniques et publié dans la revue Global Change Biology en février 2018, rapporte les résultats de 16 expériences agronomiques, sur trois types de sols du sud-est de l'Angleterre entre 1843 et 2013.

Pouvant contribuer à l'amélioration de ce stockage, cinq types de changements de pratiques ou d'usage des sols sont étudiés : l'utilisation de fumier de ferme, d'amendements organiques (type composts) ou d'engrais de synthèse, l'introduction de prairies dans les rotations et le reboisement. Presque deux tiers des résultats analysés montrent une augmentation du taux de carbone dans les sols supérieure à 4 ‰ par an (voir un exemple dans le tableau ci-dessous). Toutefois, une part importante de ces expériences ayant commencé avant l'introduction des designs expérimentaux modernes, il n'est pas toujours possible d'évaluer la significativité des changements observés.

Estimation de l'augmentation annuelle de la quantité de carbone organique dans la couche superficielle du sol (0-23 cm) sur les sites de Hoosfield et Broadbalk due à l'application de fumier de ferme (8 tonnes de matière sèche par hectare et par an)

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Source : Global Change Biology

Malgré ces résultats plutôt positifs, les auteurs discutent les limites qui, selon eux, rendent peu probable l'atteinte du seuil théorique des 4 ‰ permettant de compenser les émissions de CO2 d'origine anthropique. Elles varient selon les régions du monde et incluent 1) la difficulté d'accès aux ressources (comme par exemple au fumier) du fait de la très forte spécialisation régionale des exploitations, 2) le taux d'adoption déjà élevé de certaines pratiques, 3) la faible profitabilité économique de certaines de ces pratiques, qui pourrait cependant être compensée par des subventions, 4) la faible désirabilité de pratiques qui peuvent menacer la sécurité alimentaire (conversion des cultures arables) ou l'environnement (impact des intrants azotés sur la qualité de l'eau), 5) une faible additionnalité environnementale car il s'agit plus souvent d'un transfert de carbone terrestre que d'une capture de CO2 atmosphérique, et 6) des effets contre-productifs, comme l'augmentation simultanée des émissions d'autres gaz à effet de serre comme le N2O. Les auteurs concluent cependant que promouvoir le stockage de carbone dans les sols est important pour améliorer leur fonctionnement, indépendamment de l'impact sur le changement climatique.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : Global Change Biology

09:35 Publié dans 4. Politiques publiques, Agronomie, Climat | Lien permanent | Tags : 4pour1000, carbone, sols, stockage |  Imprimer | | | | |  Facebook

06/04/2018

Publication du 7e rapport de l'IFPRI sur les politiques alimentaires

L'International Food Policy Research Institute (IFPRI) a récemment publié son septième rapport annuel sur les politiques alimentaires. Associant des chercheurs, décideurs politiques et praticiens de premier plan, cette analyse revient sur les principaux développements survenus au cours de l'année 2017. Elle traite plus particulièrement de la mondialisation et de l'amplification des mouvements anti-mondialisation, illustrés notamment, pour le directeur général de l'Institut, par le protectionnisme croissant des États-Unis et la poursuite du processus du Brexit. Succédant à un état des lieux des politiques alimentaires (chapitre 1), les chapitres 2 à 7 sont pris en charge par divers auteurs pour aborder les thématiques de la sécurité alimentaire, du commerce, des investissements, des migrations, des connaissances et données, des politiques des pays en développement et des institutions mondiales.

À titre d'illustration, le sixième chapitre met en exergue le rôle important de l'open data pour améliorer les performances des systèmes alimentaires et contribuer à la sécurité alimentaire mondiale. Si l'open data représente un atout pour l'ensemble des acteurs (des agriculteurs aux distributeurs, en passant par les décideurs publics et les chercheurs), la qualité, la facilité d'utilisation, la complexité des bases, les inégalités d'accès aux données sont autant de défis. Les auteurs du chapitre recommandent ainsi de travailler sur les outils à destination des agriculteurs (ex : applications pour smartphones), d'améliorer l'efficience des transferts de connaissances pour éviter les pertes d'informations ou encore de mettre en place des initiatives autour de l'open data, traitant notamment des questions de qualité, d'usage, de stockage et de dissémination.

Le rapport comporte également six sections régionales : Afrique ; Afrique du Nord et Moyen-Orient ; Asie centrale ; Asie du Sud ; Asie de l'Est et du Sud-Est ; Amérique latine et Caraïbes. Il se conclut par la présentation d'indicateurs clés, sur les sciences et technologies agricoles (ASTI), l'index de la faim mondiale (global hunger index - GHI), la productivité totale des facteurs agricoles, ou encore des projections de la production alimentaire, de la consommation et de la faim. Parmi diverses ressources disponibles en ligne, une carte interactive permet de visualiser ces indicateurs.

Amplitude des scores mondiaux et régionaux du GHI

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Source : IFPRI

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : IFPRI

Agriculture à petite échelle et organisation autonome urbaine à Mexico

Un récent article de la Revista Española de Estudios Agrosociales y Pesqueros aborde la question de la place de l'agriculture urbaine dans la sécurité alimentaire à Mexico, à partir d'un exemple impliquant des populations urbaines depuis peu de temps et porteuses d'une tradition agricole de subsistance. D'après les auteurs, cette problématique n'est pas abordée de la même façon par les instances internationales et par les organisations de la société civile. Les premières parlent de « sécurité alimentaire » sans questionner les modes de production intensifs, les secondes de « souveraineté alimentaire » en tant que droit des populations à décider des formes de production, de distribution et de consommation alimentaires.

L'article détaille une étude de cas réalisée à partir d'une observation participante (2014) et d'entretiens (2015-2016) dans la ville de Mexico, où des organisations sociales revendiquant le droit au logement ont vu le jour dans les années 1980. En 2008, une initiative gouvernementale de promotion de l'agriculture urbaine a permis aux habitants du complexe d'habitations CANANEA (1 020 logements) de mettre en place, sur un terrain abandonné, un projet ASPE (Agricultura sustentable a pequeña escala). Il s'appuie sur les connaissances en agriculture traditionnelle des participants, lesquels ont en outre reçu une formation de six mois en agro-écologie.

Dans ce cadre, le travail s'organise de façon communautaire, sur la base d'un organigramme fonctionnel. 25 personnes y participent dont 18 femmes et, dans un but pédagogique, les enfants sont également associés à l'expérience autour de la production de légumes. En termes de débouchés, 75 % de la production sont auto-consommés et en partie échangés afin de contribuer à un régime alimentaire varié, 25 % sont commercialisés, permettant ainsi de concourir à l'achat d'intrants et au financement de la formation. L'épargne est encouragée pour faire face aux imprévus et alimenter un fonds pour financer des microcrédits destinés aux membres de la communauté, pour des populations souvent exclues du système bancaire traditionnel. Pour les auteurs, qui défendent l'idée qu'une souveraineté alimentaire à petite échelle peut être atteinte, la volonté de promotion de l'agriculture urbaine ainsi que les expériences comme celles de l'ASPE ont influencé en retour les politiques publiques : ainsi, en 2017, la ville de Mexico s'est dotée d'une loi sur les jardins potagers urbains.

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : Revista Española de Estudios Agrosociales y Pesqueros

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15e édition du Baromètre de la consommation et de la perception des produits biologiques

L'Agence Bio a publié en février dernier l'édition 2017 de son Baromètre de consommation et de perception des produits biologiques en France, réalisé avec l'appui de CSA. Dispositif en place depuis 2003, cette enquête s'est déroulée par voie de questionnaire auto-administré en ligne, auprès d'un échantillon représentatif de 1 000 Français. Le questionnaire se composait d'une première partie commune à tous les enquêtés, puis d'une seconde partie réservée aux « consommateurs de produits biologiques », appellation regroupant les individus ayant déclaré consommer ces produits au moins une fois par mois.

Les résultats du Baromètre 2017 montrent tout d'abord une évolution significative de la part des « consommateurs de produits biologiques », passant de 69 % en 2016 à 73 % en 2017, alors qu'ils n'étaient que 37 % en 2003 (cf. graphique ci-dessous). Les données socio-démographiques affinent ce résultat et mettent en évidence que les répondants issus de catégories socioprofessionnelles supérieures font davantage partie de ces consommateurs. Le niveau de confiance envers les produits biologiques reste globalement stable, à 82 %, ce que semblent confirmer les représentations que les enquêtés ont de ces produits : meilleurs pour la santé (89 %), plus naturels car cultivés sans produits chimiques de synthèse (88 %). Ces considérations constituent le premier critère de consommation chez les acheteurs de bio (69 %), devant les préoccupations environnementales (61 %).

Évolution de la part de consommateurs de produits biologiques

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Source : Agence Bio

La consommation de produits biologiques est néanmoins loin d'être uniforme. Aussi bien l'ensemble des enquêtés que le groupe des consommateurs de bio montrent des préférences pour certains produits : les fruits et les légumes bio sont majoritairement consommés (respectivement à 52 % et 81 %), alors que la viande bio ne l'est que par 32 % des premiers et 43 % des seconds. Il est également intéressant de noter une tendance vers le « 100 % bio » pour la consommation d’œufs, mais aussi de lait pour près de la moitié des consommateurs de bio. Par ailleurs, l'engouement pour les produits bio s'étend en dehors du domicile, les Français interrogés étant intéressés par une offre bio en restaurations scolaire, hospitalière ou encore sur le lieu de travail.

L'accès à l'alimentation biologique pose, en filigrane, la question de son prix. Près de 52 % des enquêtés, et en particulier les Français issus de catégories socioprofessionnelles basses (56 %), estiment qu'il n'est pas « normal » qu'un produit biologique coûte plus cher.

À noter également que l'Agence Bio a organisé le 29 mars 2018 un séminaire international au cours duquel divers thématiques ont été abordées (vidéo en ligne) : « souveraineté alimentaire » et des territoires, santé, restauration scolaire, etc.

Arnaud Lamy, Centre d'études et de prospective

Source : Agence Bio

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Le partage de l'eau. Une réflexion géopolitique, Frédéric Lasserre, Alexandre Brun

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L'eau est une ressource non rare que de mauvais choix politiques et économiques tendent à raréfier. Sa répartition et ses usages dépendent souvent moins des dotations naturelles que de rivalités étatiques et stratégiques. Telle est la thèse défendue par les géographes F. Lasserre (université Laval, Québec) et A. Brun (université de Montpellier), dans ce livre alerte, fourmillant d'exemples concrets, très informé mais néanmoins accessible. Les questions agricoles y occupent une place de choix, qu'il s'agisse de diagnostics présents ou de réflexions prospectives.

Les grands enjeux liés à l'eau sont rappelés dès le départ : surexploitation, pollution, gaspillage, alimentation humaine, biodiversité, inondations ou stress hydrique, fragilisation des productions agricoles alors même qu'elles représentent 70 % des prélèvements d'eau douce. Pour résoudre ces problèmes, la gestion par « bassin versant », apparue en France dès le XVIIe siècle, est aujourd'hui généralisée, mais les parties prenantes ont souvent du mal à s'entendre sur les objectifs et les moyens, comme le montrent les exemples de la Dordogne et du Mékong. Quant au droit international de l'eau, il reste faible, assez flou, peu utilisé, empreint de tensions entre logique de souveraineté territoriale et logique d'intégrité de la ressource. Pour autant, l'eau n'a pas été jusqu'à maintenant une cause directe de guerres ; elle n'est qu'un facteur de tensions supplémentaires, dans le cadre de relations internationales ou inter-régionales déjà dégradées. C'est ce que montre le chapitre consacré aux vives disputes entre les dix pays riverains du Nil, tous ayant le plus grand mal à réorienter leurs politiques d'agriculture intensive irriguée. Le chapitre sur le désastre de la mer d'Aral pointe la même responsabilité, primordiale, des choix de développement agricole : d'abord encouragée par la doctrine des grands travaux chère au pouvoir soviétique, l'irrigation massive, aujourd'hui devenue irréversible, illustre les conséquences de l'imposition d'un modèle économique inadapté aux ressources disponibles. En contexte capitaliste, les mêmes erreurs produisent les mêmes catastrophes, puisque l'épuisement du Colorado est surtout imputable aux prélèvements agricoles (80 % de la consommation totale dans l'Ouest américain), loin devant les fontaines de Las Vegas ou les golfs de l'Arizona stigmatisés par les médias ! Au-delà de ce sombre tableau, des raisons d'espérer viennent des efforts réalisés, partout dans le monde, pour mieux utiliser et partager l'eau. Elles viennent aussi des villes moyennes et métropoles où les fleuves ne sont plus seulement des axes de transport ou des exutoires d'égouts, mais des espaces publics réinvestis, renaturés, apaisés et touristiques, en train d'inventer les nouvelles sensibilités et représentations, plus respectueuses de l'eau, qui s'imposeront demain.

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Odile Jacob