15/10/2015
Le modèle agricole allemand : un succès qui cache des vulnérabilités
Traditionnellement perçue comme spécialisée dans l’industrie, l’Allemagne a surpris ces dernières années par la vigueur de son secteur agricole. Dans un article paru dans Regards sur l’économie allemande, Thierry Pouch constate néanmoins que l’agriculture d’outre-Rhin fait face à d’importants défis.
Si la réunification a provoqué un effondrement des productions agricoles dans les régions situées à l’est, à partir de 2000 la croissance de la production a été constante. Ce revirement de situation a amené l'Allemagne, en quelques années, à occuper le second rang parmi les États membres de l’UE en matière de production agricole. Le succès est particulièrement frappant pour les productions animales, puisqu’en lait et viande porcine, l’Allemagne a distancé ces dernières années la France.
Dans un secteur comme le porc, véritable point fort de l’agriculture allemande, le redressement spectaculaire de la production est dû, selon l’auteur, à quatre facteurs : la profonde restructuration des industries d’abattage associée à une compression du coût du travail, l’assouplissement de la législation environnementale, l’organisation transfrontalière de la filière d’engraissement de porcins, et le développement du biogaz permettant de valoriser les effluents.
Toutefois, pour T. Pouch, le déficit commercial chronique de l’Allemagne en produits agricoles et alimentaires révèle la vulnérabilité de son modèle. Le prix du foncier, qui a été multiplié par deux depuis 2000, la forte dépendance du complexe agro-alimentaire aux exportations et les limites environnementales induites par la forte concentration de l’outil de production, sont autant d’entraves à la dynamique productive et commerciale de l’agriculture allemande.
Cet article met ainsi en relief, de manière solide, les contradictions et les limites d’un modèle parfois cité en exemple de ce côté-ci du Rhin.
Source : Regards sur l’économie allemande
Alexandre Martin, Centre d’études et de prospective
Source : Regards sur l’économie allemande
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Médiateur européen : résultats de l’enquête sur les groupes d’experts de la PAC à la Commission européenne
Alors que la Commission européenne (DG AGRI) mettait en place treize « groupes de dialogue civil » (GDC) devant servir d’organes consultatifs pour la politique agricole commune (PAC), la médiatrice européenne décidait le 12 mai 2014 d’ouvrir une enquête sur la transparence et la composition de ces groupes, afin notamment de garantir une représentation équilibrée de tous les intérêts.
Arrivée au terme de son enquête d’initiative, la médiatrice a publié ses conclusions le 7 septembre 2015. Le premier constat posé est celui d’une tâche complexe et ambitieuse pour la DG AGRI qui a fait des efforts pour améliorer l’équilibre de la représentation dans ses groupes de dialogue civil : procédure claire d’attribution des sièges, remaniement des GDC pour refléter la PAC actuelle, réduction de leur taille, taux de renouvellement des organisations qualifiées de plus de 58 %. En second lieu, est constatée une marge notable d’amélioration en matière de clarté dans la définition d’une « représentation équilibrée des différents intérêts », compte tenu de l’imprécision des textes relatifs à l’objectif à atteindre et au schéma de composition des GDC. Ainsi, le ratio moyen pondéré entre intérêts économiques et non économiques dans les treize GDC est d’environ 80/20, sans pouvoir établir si ce résultat correspond à un objectif voulu.
La médiatrice fait diverses recommandations à la DG AGRI pour améliorer le système des groupes d’experts de la PAC en matière de transparence, de cohérence et de représentativité. Elle l’engage en particulier à élaborer et publier une définition de l'« équilibre des intérêts » (notamment économiques /non économiques) pour chacun de ses groupes, à limiter leur taille et à rendre accessibles au public les modalités de sélection des membres des GDC.
Le médiateur européen enquête sur des cas de mauvaise administration dans l’action des institutions et organes de l’UE et peut être saisi par tout citoyen de l’Union. Cette enquête est le signe d’un intérêt grandissant pour la composition de ces groupes d’experts européens et confirme que la PAC n’est plus seulement l’affaire des agriculteurs (voir à ce sujet l’Analyse du CEP).
Christine Cardinet, Centre d’études et de prospective
Source : Médiateur européen
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Angus Deaton, prix « Nobel » d’économie 2015, également connu pour ses travaux sur le stockage de produits agricoles
Le prix 2015 de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel a été remis à Angus Deaton « pour son analyse de la consommation, de la pauvreté et du bien être ». Il s’était également intéressé à la formation des prix agricoles et aux dispositifs de stockage dans une série de travaux avec Guy Laroque au début des années 1990.
Ces travaux, largement repris en économie agricole, voulaient tester la validité de l’hypothèse des anticipations rationnelles en cherchant à reproduire une dynamique de prix et à la comparer avec les prix observés sur 13 matières premières sur longues périodes. Le modèle utilisé avait la particularité de chercher à représenter un agent économique qui, capable d’anticiper l’ensemble des comportements des autres acteurs, tire profit des fluctuations des prix en stockant en cas de prix bas et en revendant en cas de prix élevé, et ainsi stabilise les marchés. Les résultats de l’analyse économétrique des séries de prix issus du modèle sont jugés satisfaisants quant à la représentation de la volatilité et l’existence de crises expliquées par le fait que les stocks ne peuvent pas “devenir négatifs”. En revanche, l’auto-corrélation des prix observés n’est pas reproduite, ce qui amène les auteurs à rester dubitatifs sur la validité du modèle de stockage concurrentiel.
Les implications de ces travaux n’ont pas été univoques. Pour certains, la validité du modèle du stockage compétitif n’est pas affectée et les travaux de Deaton et Laroque ont été poursuivis pour représenter l’auto-corrélation des prix via une auto-corrélation de l’offre. L’implication politique est immédiate : les pouvoirs publics ne doivent pas intervenir car ils empêchent les agents économiques de stabiliser les marchés en stockant.
Pour d’autres, il est possible d’expliquer la volatilité des prix par les erreurs d’anticipation des agents et non seulement par des chocs exogènes (théorie de la volatilité endogène). Pour eux, les travaux de Deaton et Laroque présentent l’intérêt de mettre en évidence l’importance du stockage pour stabiliser les prix (la variance des prix baisse de 30 à 60 %) mais ils considèrent comme irréaliste le fait que des acteurs privés puissent opérer cette stabilisation : en période de tension sur les prix les agents économiques ont plutôt tendance à conserver leurs stocks pour profiter de la hausse. Là aussi l’implication politique est directe : les marchés ne s'auto-régulent pas et nécessite des régulations intelligentes.
Frédéric Courleux, Centre d’études et de prospective
Sources : The royal Swedish Academy of Sciences, Review of Economic Studies
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14/10/2015
Les « révolutions » nécessaires pour atteindre les nouveaux Objectifs de Développement Durable en 2030
Les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) récemment adoptés par l’Assemblée générale des Nations unies, dont plusieurs concernent l’agriculture et l’alimentation,sont très ambitieux. Ils ont vocation à prolonger le travail entamé avec les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), tout en élargissant ceux-ci à des sujets ignorés jusqu’à présent. Le think tank britannique Overseas development institute (ODI) a mené une première estimation, publiée en septembre, des efforts qui seraient nécessaires pour les atteindre d’ici 2030.
Sur la base des projections disponibles et des tendances connues, les auteurs ont classé les ODD en trois catégories :
- ceux qui demandent de poursuivre les efforts, les objectifs étant déjà partiellement atteints : on y trouve notamment l’éradication de la pauvreté extrême ou l’arrêt de la déforestation ;
- ceux qui nécessitent une « révolution » pour être atteints, les efforts actuels étant très insuffisants pour que la cible puisse être atteinte en 2030 : l’objectif d’éradication de la faim se trouve dans cette catégorie ;
- ceux qui exigeraient une inversion complète de la tendance actuelle, sans quoi la situation sera pire en 2030 qu’en 2015 : le changement climatique ou la réduction des inégalités y figurent.
Source : Overseas Development Institute
Le rapport se veut néanmoins optimiste : non seulement des objectifs sont en voie d’être atteints, mais certains résultats montrent que même les objectifs les plus ambitieux peuvent être approchés si les ODD sont intégrés dans les agendas politiques.
Un récent article de Tancrède Voituriez, chercheur à l’IDDRI, parvient à une conclusion similaire. L’objectif de réduction des inégalités, qu’il considère comme une grande innovation dans ces ODD par rapport aux OMD, est considéré dans le rapport cité plus haut comme l’un des plus difficiles à atteindre. Pourtant l’auteur démontre, sur la base d’une analyse comparative, que cette cible est atteignable si des politiques publiques « opiniâtres et dédiées » sont mises en place.
Alexandre Martin, Centre d’études et de prospective
Sources : Overseas Development Institute, IDDRI
09:48 Publié dans Mondialisation et international, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : odd, omd | Imprimer | |
De l’action individuelle à l’action collective – Étude des analyses de rentabilité des entreprises par rapport à l’enjeu de la sécurité alimentaire
Le Food Ethics Council, une association caritative britannique, a publié récemment un rapport sur les argumentaires et les analyses de rentabilité de grandes entreprises en matière de sécurité alimentaire. Cette étude a été commandée par WWF Grande-Bretagne.
L’étude a consisté en une revue documentaire ainsi qu’en des entretiens et deux ateliers de travail avec des responsables de haut niveau d’importantes firmes alimentaires présentes en Grande-Bretagne. L’analyse s’est attachée, dans un premier temps, à identifier quelles étaient les conceptions de la sécurité alimentaire des grandes entreprises et comment, selon elles, elles étaient engagées sur ce sujet. Le rapport propose ensuite des pistes, issues de cas concrets, pour permettre une meilleure prise en compte des enjeux de sécurité alimentaire par les multinationales, avant de conclure sur des recommandations pour une meilleure implication des entreprises vis-à-vis de la sécurité alimentaire, et ce dans leur propre intérêt.
Une des conclusions du rapport est qu’il est nécessaire de travailler à une meilleure compréhension par les entreprises, qui en ont une définition trop limitée, de la sécurité alimentaire dans toutes ses dimensions (disponibilité, accès, etc.) et que cette perception collective est la base nécessaire à toute implication du secteur. Par ailleurs, les firmes ont plus de difficultés à travailler de manière collective et sur le long terme, ce qui est pourtant indispensable. Les responsables d’entreprises enquêtés appellent ainsi l’État à créer un environnement facilitant ce type d’approche pour ces acteurs.
De manière plus générale, le sujet de cette étude est illustratif de la volonté de grandes ONG, WWF ici, de travailler avec les firmes multinationales dans l’objectif de rendre les actions de ces dernières plus vertueuses vis-à-vis de grands enjeux mondiaux (sécurité alimentaire, préservation de la biodiversité, climat, etc.).
Claire Deram, Centre d’études et de prospective
Sources : Food Ethics Council, WWF UK
09:45 Publié dans Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : food ethics council, wwf, sécurité alimentaire, multinationales | Imprimer | |
Commissariat général à l’égalité de territoires : des leviers pour innover dans les territoires de faible densité
Dans son 5e numéro d’En Bref(septembre 2015), le Commissariat général à l’égalité de territoires (CGET) s’intéresse aux capacités d’innovation des espaces peu denses et aux enjeux des politiques d’innovation dans ces territoires en matière de réduction des inégalités et d’« invention de nouvelles réponses spécifiques pour ces espaces stratégiques ».
S’appuyant sur les résultats de l’étude du cabinet CMI Innovation et territoires de faible densité qu’il a commanditée, le CGET identifie dix leviers d’innovation et présente trois modèles de territoires innovants : les territoires « pépite », « laboratoire » et « coopératif ». Cette typologie a été établie à partir de l’examen de 15 cas emblématiques sélectionnés parmi 60 projets innovants.
L’étude, conduite au premier semestre 2014, visait notamment à caractériser les diverses formes d’innovation ayant un impact sur l’efficience publique ou sur l’activité économique dans les territoires de faible densité au regard de l’innovation(espaces ayant en théorie une faible capacité à innover car peu dotés en « facteurs classiques de l’innovation » définis par l’OCDE) : 90 % des 2 127 intercommunalités françaises (comptant en moyenne 14 000 habitants et une densité de 56 hab/km2) entrent ainsi dans cette catégorie, 675 (soit 35 %) étant définies comme des espaces ruraux.
Capacité théorique d’innovation des territoires
Source : CGET
Parmi les cas exemplaires décrits dans l’étude, citons pour la ruralité le Pôle d’Excellence Rural du Pays d’Auge dans le Calvados (développement de circuits alimentaires de proximité), le projet Biovallée dans la Drôme (pratiques agricoles durables) ou encore le projet LEADER Seine Aval dans les Yvelines (projets agricoles « ville-campagne »).
Au nombre des recommandations formulées dans l’étude, figure la révision des modalités de détection, de sélection et de financement des projets innovants dans les territoires de faible densité, avec notamment la mise en place de partenariats locaux pour une gestion coordonnée des fonds européens, sur la base de stratégies territoriales intégrées plurifonds FEADER/FEDER/FSE et le renforcement des compétences d’ingénierie pour l’accompagnement des projets (voir à ce sujet un autre billet sur ce blog).
Christine Cardinet, Centre d’études et de prospective
Source : CGET
09:43 Publié dans Territoires | Lien permanent | Tags : cget, innovation, territoires | Imprimer | |
Érosion des sols par l’eau en Europe : une nouvelle évaluation
Une récente publication, dans Environmental Science & Policy, décrit les améliorations apportées au modèle RUSLE, utilisé pour estimer l’érosion des sols par l’eau en Europe avec une résolution de 100 m, l’année 2010 étant prise comme référence. Ces travaux, réalisés par des chercheurs du Joint Research Centre (JRC) et des universités de Bâle et de Louvain, concluent sur une perte des sols agricoles, forestiers et semi-naturels de l’ordre de 2,46 t/ha/an en moyenne, soit au total 970 Mt/an.
Le calcul repose sur un ensemble de 5 facteurs : l’érosion liée aux précipitations ; la mesure de la vulnérabilité des particules d’un sol donné (facteur d'érodabilité) ; un facteur topographique (longueur et degré des pentes) ; un facteur croisant le type de couvert végétal et les pratiques associées (réduction du labour et non-labour, couverture du sol, résidus de culture) ou la densité dans le cas de la forêt ; ainsi qu’un facteur lié aux pratiques de culture perpendiculaires au ruissellement, à la présence de terrasses et de bandes enherbées. Si cette approche n’est pas nouvelle, l’apport de la récente version de RUSLE repose sur une amélioration des jeux de données mobilisés, et sur des méthodes de calcul des différents facteurs plus transparentes, selon les auteurs.
Perte de sols en Europe liée à l’érosion par l’eau
Source : Environmental Science & Policy
Le résultat global masque des disparités régionales, comme le montre la carte ci-dessus. Les zones les plus touchées sont les régions méditerranéennes (4,61 t/ha/an) et montagneuses (Alpes, Pyrénées, sud des Carpates, avec 5,27 t/ha/an). Parallèlement, l’approche choisie permet de réaliser un focus sur les sols agricoles et forestiers. Alors que la forêt représente près de 34 % de l’usage des sols, sa contribution à l’érosion est de moins d’1 % par an (taux de 0,07t/ha/an). Les terres agricoles représentent, quant à elles, 46,7 % de la surface et 68,3 % des pertes de sols. Le taux moyen d’érosion (3,24 t/ha/an) varie de 2,02 t/ha/an pour les prairies à 9,47 pour les cultures permanentes, voire 40,16 pour la « végétation clairsemée ».
Enfin, les auteurs ont également cherché à estimer l’impact des pratiques agricoles (conditionnalité de la PAC), du climat (scénario à 2050) et du changement d’usage des sols sur l’érosion, ainsi que de l’érosion sur le carbone des sols.
Elise Delgoulet, Centre d’études et de prospective
Source : Environmental Science & Policy
09:41 Publié dans 2. Evaluation, Environnement | Lien permanent | Tags : érosion, eau, jrc | Imprimer | |
Représenter la nature devant le juge : approches comparatives et prospectives
En mai 2014 se tenait à Strasbourg un colloque international sur les techniques mises au point, dans différents ordres juridiques, pour répondre aux enjeux de protection de l’environnement et des entités naturelles (animaux, écosystèmes, etc.). La revue Vertigo présente aujourd’hui ces travaux, autour d’une question : « Comment est-il possible de porter les intérêts de la nature dans le procès afin de les juger ? ».
Les droits positifs empruntent principalement la voie d’une représentation « indirecte », à travers des actions menées au nom de l’intérêt général par l’État ou les collectivités territoriales, comme dans l’affaire Erika. Mais l’État est-il bien « le représentant naturel de l’intérêt environnemental ? », demande Ph. Billet. L’intérêt général « regroupe tout un ensemble d’intérêts et oblige l’État à des compromis et à des hiérarchisations, très souvent au détriment de la protection de l’environnement ». L’action d’associations de protection de l’environnement pour défendre un « intérêt collectif » devant le juge judiciaire, ou le mécanisme d’action de groupe (M. J. Azar-Baud), peuvent produire des effets plus ciblés.
Une autre voie reste moins frayée : celle de la « représentation directe de la nature ou de certains de ces éléments ». Il ne s’agit pas, ici, d’anthropomorphiser la nature. Le recours à la fiction de la personnalité juridique « n’a pas pour effet d’assimiler la nature à une personne physique, mais de lui permettre d’être titulaire de certains droits qui pourraient être défendus en justice par un représentant légal », explique M.-P. Camproux Duffrenne. Ainsi J-P. Beurier consacre-t-il un article aux prérogatives de l’Autorité internationale des fonds marins en matière de protection de la Zone internationale.
Dans une contribution plus normative, L. Boisseau-Sowinski appelle, pour sa part, à passer « d’une représentation de l’intérêt de l’animal à la représentation de l’animal lui-même ». Dans le même sens, on lira avec intérêt un récent article de J.-P. Marguénaud dans la Revue juridique de l’environnement, qui positionne ce type de proposition par rapport aux enjeux de sécurité juridique et de hiérarchie entre espèces, en se référant à René Demogue et à la grande tradition du solidarisme français.
Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective
Sources : Vertigo, Revue juridique de l’environnement
09:39 Publié dans Environnement, Société | Lien permanent | Tags : nature, juridique, représentation | Imprimer | |
Fondements théoriques de l’économie collaborative
L’IDDRI a récemment publié un Working Paper intitulé Comprendre l’économie collaborative et ses promesses à travers ses fondements théoriques. Au-delà de certaines plateformes connaissant succès et croissance exponentielle, le concept d’économie collaborative recouvre « une réalité immergée et méconnue, mais dont les mouvements impliquent de profondes transformations pour nos économies traditionnelles ». Il est porté par une pluralité d’acteurs et accompagné de diverses promesses économiques, sociales et environnementales. L’objectif de la publication est d’« identifier les champs théoriques centraux mobilisés par cette communauté d’acteurs et mobilisables pour penser les pratiques que ce concept recouvre ».
Reflets de différentes clefs de lecture et influences théoriques, de « nombreuses tentatives de définition » de ce concept ont été faites. Différentes typologies sont également proposées, notamment celle de Botsman et Rogers (2011) qui segmente l’économie collaborative en quatre domaines : consommation collaborative (dont l’alimentation et l’agriculture font partie via l’autoproduction alimentaire, les circuits courts, les coopératives de consommateurs, etc.), réparation et fabrication des objets, financement de projets, éducation et savoir.
Trois principales influences théoriques sont identifiées par les auteurs :
- l’économie du libre et du « peer to peer », avec le passage d’un consommateur passif à un « consomm’acteur » (« accès distribué et universel aux connaissances, aux compétences et aux ressources matérielles ») ;
- l’économie du don, les biens échangés ayant une valeur de lien (« échange symbolique basé sur le donner, recevoir et rendre »), rompant avec l’hégémonie de l’échange marchand ;
- l’économie de la fonctionnalité et circulaire, avec le passage d’une logique de propriété à une logique d’usage.
Pour les auteurs, l’analyse des promesses liées à chacun de ces cadres est nécessaire, en particulier pour les pouvoirs publics, que ce soit pour la conception de mesures d’accompagnement et d’incitation ou pour l’appréhension des revendications émergentes liées à ces pratiques, notamment en matière réglementaire et fiscale.
Julia Gassie, Centre d’études et de prospective
Source : IDDRI
09:38 Publié dans Alimentation et consommation, Société | Lien permanent | Tags : économie collaborative, iddri | Imprimer | |
13/10/2015
Publication du CREDOC sur la restauration collective au travail
Daté d’août 2015, le n°277 de la collection Consommation et modes de vie du CREDOC s’intéresse à la restauration collective d’entreprise et d’administration. Représentant environ 20 % des déjeuners d’actifs et 15 % des repas servis en restauration collective (contre 41 % dans l’enseignement et 40 % dans le domaine du sanitaire et social), cette restauration est considérée comme à un « tournant » : « reconnue comme participant au bon équilibre alimentaire, caractéristique du modèle français », elle est « confrontée à la concurrence de la restauration commerciale » et « peine à maintenir une part de marché relativement faible ».
Cette note de synthèse s’appuie sur un Cahier de recherche du CREDOC de décembre 2014, La restauration collective au travail conforte le modèle alimentaire français. À partir d’éléments de l’enquête Comportements et consommations alimentaires en France de 2010 et d’entretiens auprès d’« usagers/clients », ces travaux avaient pour objectif de tester une hypothèse, déjà confirmée dans le cadre des cantines scolaires : la restauration collective au travail « favoriserait la diversité alimentaire et, plus largement, conforterait le modèle alimentaire ».
Parmi les résultats présentés dans la note de synthèse, il apparaît que la profession, le niveau de diplôme, la région et le lieu d’habitation sont corrélés avec la fréquentation de la cantine :
Proportion d’adultes actifs (18-65 ans) fréquentant au moins une fois par an la restauration collective selon la profession, le niveau de diplôme, la région et le lieu d’habitation (%)
Source : CREDOC (enquête CCAF 2013)
Par ailleurs, cette fréquentation « favorise la prise de repas structurés composés de davantage de plats qu’en d’autres occasions, de menus variés et diversifiés, plus équilibrés, où la gourmandise n’est pas absente ». Convivialité et synchronisation sont également des marqueurs importants. Plusieurs freins à la fréquentation de ce type de restauration sont toutefois identifiés (cadre peu dépaysant, bruit, files d’attente, monotonie des menus, etc.) et amènent le CREDOC à identifier l’élargissement de l’offre et la meilleure gestion des flux comme voies de progrès.
Peut enfin être souligné le rappel historique qui met en exergue un développement relativement récent de la restauration collective au travail, participant « d’une “séquence historique” de longue durée inspirée par la notion d’intérêt général », dans le contexte de Reconstruction d’après-guerre et de développement des relations entre partenaires sociaux.
Julia Gassie, Centre d’études et de prospective
Source : CREDOC
09:36 Publié dans Alimentation et consommation | Lien permanent | Tags : restauration collective, credoc | Imprimer | |
Le digital et l’aliment : productivité et expérience de consommation
Le 6 octobre dernier, Christophe Benavent, professeur à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense, donnait une conférence organisée par le Fonds Français pour l’Alimentation et la Santé (FFAS), sur le thème « Le digital et l’aliment : productivité et expérience de consommation ». Le FFAS a publié à cette occasion sa Lettre scientifique n°21, consacrée à ce sujet. L’auteur s’intéresse ici non pas à l’alimentation comme consommation, mais « au travail nécessaire pour l’accomplir » (idée d’un « consommateur-travailleur »). Il utilise « l’ensemble du cycle de production » (le « parcours client ») pour analyser le rôle des technologies de l’information (web social, big data, internet des objets) dans ce cadre. Il se penche également sur l’« expérience de consommation », pour formuler in fine des recommandations en matière de marketing. Nous ne retiendrons ici qu’une partie des éléments développés, denses en références théoriques et en exemples.
Quatre types de techniques sont distingués : techniques informatives (ex : plateformes de données relatives aux produits) ; techniques facilitant l’interaction sociale, le filtrage de l’information, la coordination des activités et la planification ; les boucles de feed back (objets connectés et plateformes associées) ; techniques productives (impression 3D, balances et tables de cuisson programmatique, etc.). Pour l’auteur, elles « s’articulent moins par des fonctions que par l’enracinement dans des moments particuliers du processus très général de la décision d’achat et de la consommation ».
Rappelant que l’alimentation est une pratique sociale, Ch. Benavent analyse également l’échec de projets de listes de courses électroniques, pourtant « dispositif clé d’une digitalisation des pratiques alimentaires ». Par ailleurs, en lien avec l’« expérience de consommation », le digital joue, pour l’auteur, un double rôle : il est source de consommations intermédiaires et fournit des « ingrédients symboliques » (cf. le riche écosystème des blogs culinaires et de santé) ; il coordonne toutes les activités induites par les pratiques et les usages alimentaires. C’est donc un « capital matériel qui permet des gains de productivité dans l’auto-production de l’expérience ».
In fine, l’auteur recommande d’adopter une approche nouvelle du marketing, les dispositifs numériques permettant d’agir non pas tant sur la décision individuelle que sur le collectif.
Julia Gassie, Centre d’études et de prospective
Source : FFAS
09:35 Publié dans Alimentation et consommation | Lien permanent | Tags : digital, numérique, alimentation, consommation, ffas | Imprimer | |
Les liens entre changements environnementaux et transmission des maladies à vecteur
Publié récemment, l’ouvrage Impact of a decade (2004-2015) of research on vector-borne diseases présente les résultats de travaux conduits par 80 équipes scientifiques, issues de 23 pays européens et africains, sur les facteurs en lien avec les changements environnementaux et pouvant influer sur les maladies à contaminations vectorielles. Ces maladies sont transmises par des vecteurs (arthropodes hématophages) qui inoculent l’agent contaminant (virus, bactérie ou parasite) d’un individu (homme ou animal) à l’autre. Les facteurs étudiés sont d’ordres environnemental, climatique, social ou économique. Les données présentées sont issues de deux réseaux de recherche européens, animés par le Cirad : les réseaux EDEN (axés sur la santé humaine et animale) et EDENext (axé sur la biologie des vecteurs et réservoirs).
Parmi les maladies identifiées dans cet ouvrage figurent les fièvres hémorragiques à hantavirus, pour lesquelles les rongeurs sylvicoles, hôtes intermédiaires asymptomatiques, font office de réservoirs. Le rôle clé des rongeurs dans de nombreux écosystèmes est souligné, notamment en cas d’hivers chauds.
Les maladies transmises par les tiques (par ex. maladie de Lyme) font l’objet d’un développement car il est avéré que le réchauffement climatique a un impact significatif sur la prolifération de ces vecteurs à travers le monde. Certaines de ces maladies sont préoccupantes pour le cheptel bovin, notamment la borreliose ou fièvre Q, qui provoque des baisses de production et des avortements.
Sont également étudiées les maladies transmises par les moustiques de type culicoïdes, les leishmanioses et la fièvre de West Nile, qui atteint les équidés et les humains. Ce document cite par ailleurs les travaux du projet VBORNET, notamment sur les pathologies liées au moustique aèdes albopictus, vecteur du chikungunya et de la dengue.
En conclusion de ce recueil, il est indiqué que ces réseaux sont un bon exemple d’intégration des travaux de recherche pour l’évaluation des risques et pour la mise en place de modèles de prédiction, ce qui est important pour la gestion future des maladies vectorielles.
Madeleine Lesage, Centre d’études et de prospective
Source : Cirad
09:32 Publié dans Climat, Protection des végétaux et des animaux, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : cirad, changements environnementaux, changement climatique, contaminations vectorielles | Imprimer | |
Dictionnaire de la pensée écologique. Dominique Bourg, Alain Papaux (dirs)
1088 pages, près de 2400 références indexées, 357 articles, 260 auteurs, 8 conseillers scientifiques : telles sont les mensurations généreuses de ce dictionnaire qui, au-delà des classiques “écologie scientifique” et “écologie politique”, entend balayer l’ensemble des sujets relatifs à la biosphère et à l’état de la planète. Certaines entrées se rapportent à des auteurs, des concepts, des ouvrages, des réflexions théoriques, alors que d’autres concernent des domaines, des phénomènes, des logiques d’intervention et des modalités d’action publique. Les articles présentent un état des lieux (toujours bien fait pour ceux que nous avons pu lire), mais développent aussi des argumentations critiques, restituent la dynamique de l’histoire des idées et situent les auteurs dans leurs contextes. Dépassant l’analyse rétrospective, ils mettent en lumière les évolutions et les tendances, et sont même assez souvent prospectifs. Quant aux auteurs, ils sont issus d’horizons très divers, certains étant enseignants, chercheurs, administratifs, artistes, d’autres venant d’ONG, du monde de l’entreprise ou du journalisme.
Une série d’articles concerne directement les champs de compétences du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt : “agroécologie”, “permaculture”, “agriculture durable et biologique”, “agriculture urbaine”, “forêt”, ''déforestation", “bien-être animal”, “éthique et animal”, “circuits courts”, ''OGM", “paysans”, “phytosanitaires et fertilisants”, “nano-technologies et systèmes alimentaires”, etc. D’autres ont trait au contexte général dans lequel se développent les activités agricoles, ou bien à leurs prolongements : “bioéconomie”, “chimie verte”, “biodiversité”, “climat”, “développement durable”, “nature”, “paysage”, “services écosystémiques”, “spécisme”, “territoire et durabilité”, “économie circulaire”, etc. Dans le cadre de ce bulletin de veille du CEP, on ne peut pas ne pas signaler certains des articles liés à la prospective, à l’analyse économique ou à l’évaluation des politiques publiques : “prospective”, “étude d’impact”, “rapport Halte à la croissance”, “analyse coûts-bénéfices”, “indicateurs”, “scénario”, “science-fiction”, “utopie”, etc. Au chapitre des regrets (légers), on indiquera qu’il est dommage que ce dictionnaire ne comporte pas d’entrées “agronomie” et “alimentation”.
Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective
Lien : PUF
09:29 Publié dans Environnement | Lien permanent | Tags : bourg, papaus, dictionnaire, écologie, pensée écologiste | Imprimer | |
Voir son steak comme un animal mort. Martin Gibert
Alors que, selon l’auteur, nous serions de plus en plus informés des dures conditions d’élevage et d’abattage des animaux, qu’un nombre croissant de personnes déclareraient être sensibles à leur bien-être et à leurs droits, que les découvertes de la science confirmeraient l’existence d’une certaine conscience animale, pourquoi continuons-nous à manger leur chair ? Pourquoi refuser de voir que ce steak, dans notre assiette, n’est que de l’animal mort ? Comment expliquer ce décalage entre nos convictions et nos actes, entre nos valeurs et notre appétit ? C’est ce “paradoxe de la viande”, phénomène de “dissonance cognitive”, que Gibert (défenseur du véganisme) essaie d’analyser en s’appuyant sur divers travaux de philosophie éthique, de psychologie morale et de psychologie sociale, ainsi que sur des comparaisons historiques, géographiques et culturelles.
L’ouvrage montre les limites de la cognition humaine face à la nourriture et les failles quotidiennes de la rationalité du mangeur. Il souligne les efforts que nous faisons pour mettre à distance et ne pas voir les souffrances infligées aux animaux. Ainsi, en les démentalisant et en les chosifiant, nous nous persuadons qu’ils ne souffrent pas pour continuer à les manger sans trop culpabiliser : on ne cuisine pas un poulet mais du poulet. Gibert décrit les croyances et alibis que nous mobilisons pour justifier nos comportements alimentaires, échapper à nos contradictions et persévérer dans nos habitudes. Il insiste par exemple sur ces '“omnivores consciencieux”' qui, en s’approvisionnent auprès de “petits éleveurs” bio ou locaux, se dédouanent de leur carnisme en prétendant consommer de la “viande heureuse”. Il démonte les ressorts de ce carnisme, normalité alimentaire inculquée dès l’enfance en famille et à l’école, puis renforcée par les messages de la publicité, des médias, des politiques publiques et des industries agro-alimentaires. Enfin, raisonnant sur l’évolution plus globale des sociétés, il rappelle que la domination masculine a pendant longtemps déterminé l’exploitation des animaux, des colonisés, des femmes et de la nature, et qu’il y a des intersections évidentes entre ces diverses formes de discrimination que sont le sexisme, le racisme, le classisme et le spécisme : '‘les vrais mâles préfèrent la viande’' et ''la masculinité continue de se construire du côté des barbecues'' (p 190).
Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective
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09:25 Publié dans Alimentation et consommation | Lien permanent | Tags : gibert, animal, consommation, viande, mangeur, carnisme, veganisme | Imprimer | |
12/10/2015
Impacts de la pollution de l’air à 2050
Une publication dans Nature mi-septembre explore les liens entre pollution de l’air extérieur et mortalité prématurée. S’appuyant sur des études épidémiologiques reliant risque de décès, ozone et microparticules (d’un diamètre inférieur à 2,5 micromètres – PM2,5), les chercheurs ont distingué 7 sources possibles comme les automobiles, les centrales électriques ou l’agriculture. De leurs calculs, ils déduisent un bilan pour l’année 2010 : 3,3 millions de décès (entre 1,61 et 4,81 millions pour un intervalle de confiance de 95 %) à l’échelle mondiale, soit une estimation proche de celle de l’OMS (3,5 millions).
Malgré plusieurs limites, du fait notamment du manque de données ou d’hypothèses sur la toxicité des molécules (ex : identique pour les PM2,5 quelle que soit la source), cette étude conclut que la première source de pollution est l’énergie résidentielle (31 % des décès prématurés en 2010) en lien avec le chauffage et la cuisine, en particulier en Inde et en Chine. La seconde source au niveau mondial est l’agriculture (environ 20 %), liée à l’ammoniac qui peut être converti en particules fines d’après les auteurs. Plus précisément, en Europe, à l’Est des États-Unis, en Russie et en Asie de l’Est, ces émissions agricoles sont la première source identifiée par les chercheurs. Enfin, dans les projections réalisées à l’horizon 2050, selon un scénario tendanciel (autrement dit sans mesures prises relatives à la qualité de l’air), les auteurs estiment que les décès liés à la pollution de l’air extérieur pourraient doubler.
Source : Nature
09:13 Publié dans Enseignement et recherche, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : air, pollution | Imprimer | |