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15/01/2018

L'agriculture de précision en Europe vue sous un angle juridique, social et éthique

Le think tank du Parlement européen a publié en novembre 2017 une étude portant sur les enjeux sociaux, éthiques et juridiques autour de l'agriculture de précision et des technologies nouvellement exploitées par le secteur agricole, telles que l’imagerie satellitaire (géolocalisation), les drones et l’informatique. Permettant une approche parcellaire de la gestion des systèmes de culture et la prise en compte de la variabilité des milieux, ces outils apparaissent d’abord comme un progrès indéniable pour optimiser la production.

En discutant les réglementations de l'Union européenne en vigueur dans différents champs d'intervention (agriculture, gestion des données, changement climatique, etc.), les auteurs ont identifié divers défis de l'introduction des nouvelles technologies en agriculture, dans le contexte juridique et politique actuel. Sont dans un premier temps exposées les nouvelles formes de pilotage des systèmes, en particulier le calibrage local des apports en intrants, et leurs intérêts environnementaux. La sécurité alimentaire, la sûreté sanitaire et la traçabilité des produits sont également abordées. Enfin, une dernière discussion souligne la nécessité d’établir un cadre juridique autour de ces nouvelles technologies.

Si l'agriculture de précision permet d'augmenter la rentabilité économique et les performances environnementales, les auteurs montrent qu'elle bouleverse le fonctionnement traditionnel des systèmes de production. Alors que la gestion agronomique des exploitations repose de plus en plus sur les sciences numériques et les outils d'intelligence artificielle, et que l'autonomie des machines agricoles progresse grâce aux avancées technologiques, des questions éthiques et sociétales se posent. L'évolution des rapports de travail, la suppression d'emplois, les changements du lien à la nature sont ainsi discutés dans l'étude. En pratique, l'adoption de cette agriculture coûteuse, requérant des moyens financiers importants et un accompagnement pour l'utilisation des outils, apparaît déjà aux auteurs comme une source d’inégalités entre acteurs et entre pays.

Ces discussions aboutissent à des recommandations, en particulier réglementaires, pour développer durablement le secteur agricole en tirant profit des nouveaux atouts technologiques, et ce tout en veillant aux problématiques éthiques et sociales soulevées. Il s'agit par exemple de les adapter aux petites et moyennes exploitations, grâce à des outils dédiés d'aide et d'incitation à l'utilisation, ou encore d'établir un code pour l'exploitation des données. Ces conseils pourraient alimenter les discussions pour la PAC post-2020.

Armelle Huille, Centre d'études et de prospective

Source : Parlement européen

14/10/2015

Représenter la nature devant le juge : approches comparatives et prospectives

En mai 2014 se tenait à Strasbourg un colloque international sur les techniques mises au point, dans différents ordres juridiques, pour répondre aux enjeux de protection de l’environnement et des entités naturelles (animaux, écosystèmes, etc.). La revue Vertigo présente aujourd’hui ces travaux, autour d’une question : « Comment est-il possible de porter les intérêts de la nature dans le procès afin de les juger ? ».

Les droits positifs empruntent principalement la voie d’une représentation « indirecte », à travers des actions menées au nom de l’intérêt général par l’État ou les collectivités territoriales, comme dans l’affaire Erika. Mais l’État est-il bien « le représentant naturel de l’intérêt environnemental ? », demande Ph. Billet. L’intérêt général « regroupe tout un ensemble d’intérêts et oblige l’État à des compromis et à des hiérarchisations, très souvent au détriment de la protection de l’environnement ». L’action d’associations de protection de l’environnement pour défendre un « intérêt collectif » devant le juge judiciaire, ou le mécanisme d’action de groupe (M. J. Azar-Baud), peuvent produire des effets plus ciblés.

Une autre voie reste moins frayée : celle de la « représentation directe de la nature ou de certains de ces éléments ». Il ne s’agit pas, ici, d’anthropomorphiser la nature. Le recours à la fiction de la personnalité juridique « n’a pas pour effet d’assimiler la nature à une personne physique, mais de lui permettre d’être titulaire de certains droits qui pourraient être défendus en justice par un représentant légal », explique M.-P. Camproux Duffrenne. Ainsi J-P. Beurier consacre-t-il un article aux prérogatives de l’Autorité internationale des fonds marins en matière de protection de la Zone internationale.

Dans une contribution plus normative, L. Boisseau-Sowinski appelle, pour sa part, à passer « d’une représentation de l’intérêt de l’animal à la représentation de l’animal lui-même ». Dans le même sens, on lira avec intérêt un récent article de J.-P. Marguénaud dans la Revue juridique de l’environnement, qui positionne ce type de proposition par rapport aux enjeux de sécurité juridique et de hiérarchie entre espèces, en se référant à René Demogue et à la grande tradition du solidarisme français.

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Sources : Vertigo, Revue juridique de l’environnement

09:39 Publié dans Environnement, Société | Lien permanent | Tags : nature, juridique, représentation |  Imprimer | | | | |  Facebook