16/09/2015
PAC : un ouvrage collectif analyse l’économie politique de la dernière réforme
La récente réforme de la PAC n’a pas produit des changements d’une grande ampleur, d’après les auteurs de l’ouvrage collectif The political economy of the 2014-2020 CAP publié récemment par le Center for European Policy Studies (CEPS). La plupart de ces contributeurs se disent déçus par la réforme : il en résulterait une PAC plus juste, mais pas plus simple et pas nécessairement plus verte.
Pour J. Swinnen, le verdissement du 1er pilier a constitué un recul de la capacité de la PAC à répondre aux enjeux environnementaux. A. Matthews considère lui que le verdissement a servi à justifier le budget de la PAC, or, une fois passé l’accord budgétaire, les États membres et le Parlement se sont attachés à en édulcorer les mesures. T. Haniotis déplore quant à lui que le contexte conjoncturel de hausse des prix alimentaires ait donné une forte résonance aux arguments de ceux qui dénonçaient le risque que des mesures environnementales viennent limiter la capacité de production de l’UE.
Ce même contexte a également favorisé, pendant la négociation, la pression de divers acteurs en faveur d’un retour des instruments de régulation de marché. Au final, le résultat est mitigé : si la fin des quotas laitiers et sucriers est entérinée, la libéralisation des droits de plantation en vin a été contrée, les paiements couplés encouragés et les lois de la concurrence assouplies. Pour A. Swinbank, le plus étonnant est que, malgré les difficultés à l’OMC pour entériner le cycle de Doha, l’orientation générale de la PAC n’a pas été remise en cause.
Les auteurs s’accordent sur le niveau inédit de flexibilité accordé aux États membres dans cette réforme pour la mise en œuvre de la PAC. Cela devrait conduire à des divergences significatives dans la manière dont les différents pays appliqueront cette politique. J-C. Bureau et L-P. Mahé reconnaissent les avantages de cette flexibilité, qui permet notamment une adaptation au contexte de chaque pays. En revanche, cela ouvre la voie à une application, dans certains pays, contraire aux objectifs généraux. Une telle fragmentation des politiques interroge sur les risques pour le marché unique.
In fine, cet ouvrage offre une clé de compréhension fort utile à la fois du processus de décision inédit qui a prévalu durant cette réforme, et de ses résultats.
Alexandre Martin, Centre d’études et de prospective
Source : CEPS
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Le Parlement européen plaide pour un renforcement du « paquet lait »
Le Parlement européen a adopté le 12 juin 2015 le rapport présenté par le député britannique J. Nicholson sur l’avenir du secteur laitier européen et le bilan de la mise en œuvre du « paquet lait ». Ce rapport, rédigé avant la crise actuelle, pointe déjà l’exposition excessive des exploitations européennes à la volatilité des prix et déplore une mise en œuvre insuffisante du paquet lait dans les États membres. Il souligne aussi la nécessité, pour l’Union européenne, de mettre en place rapidement des mesures de gestion de marché lors des situations de crise, pour lesquelles il regrette l’absence d’instruments de prévention et met en exergue le caractère destructeur pour la filière.
Au-delà des réponses urgentes à la crise actuelle, le Parlement préconise un renforcement de l’Observatoire des Marchés du Lait, afin d’anticiper les tensions grâce à des analyses plus exhaustives et plus fréquentes. Il demande aussi un relèvement du filet de sécurité, via un ajustement des prix d’interventions inchangés depuis 2007 pour le beurre et 2008 pour la poudre de lait, ceux-ci ne reflétant plus les coûts et prix réels du marché.
Le Parlement préconise par ailleurs un net renforcement du paquet lait, en étendant à tous les États membres la mise en place obligatoire de contrats entre producteurs et premier acheteur, et en accélérant la constitution d’Organisations de Producteurs de taille suffisante pour peser dans les négociations et la gestion des marchés.
À plus long terme, ce rapport relève la nécessité de mettre en place des outils de régulation des volumes, et demande notamment à rouvrir le débat sur les aides aux réductions de production en cas de crise. Il propose aussi d’introduire des outils de gestion des risques dans le premier pilier de la PAC, tels que des programmes basés sur la protection des marges, à l’instar de ce qu’ont mis en place les États-Unis dans le dernier Farm Bill (voir à ce sujet l’Analyse du CEP).
Par ce rapport engagé, le Parlement remet en cause les positions qui ont prévalu jusqu’à présent (notamment au sein du Conseil) en faveur d’une dérégulation des marchés laitiers. Il met en évidence les lacunes dans le dispositif européen actuel, tant dans la prévention des crises que dans les capacités d’intervention, et ouvre la voie à un renforcement du paquet lait et à une réflexion sur de nouveaux outils de régulation et de gestion du risque.
Jean-Noël Depeyrot, Centre d’études et de prospective
Source : Parlement européen
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Pourquoi les agriculteurs adoptent-ils des mesures agro-environnementales ?
Une méta-analyse parue dans Environmental Science & Policy étudie les facteurs pouvant inciter les agriculteurs à souscrire des mesures agro-environnementales (MAE) de la PAC. Les MAE permettent à des agriculteurs de bénéficier d’une compensation financière en échange de leur engagement dans certaines pratiques favorables à l’environnement : entre 2007 et 2013, environ 22 milliards d’euros ont été dépensés par les États membres au titre de ces mesures. Au vu de ces dépenses importantes, de nombreuses études se sont penchées sur l’évaluation et l’amélioration de ce dispositif, et les auteurs de cet article se sont appuyés sur les résultats d’études expérimentales sur les choix des agriculteurs européens, publiés entre 2000 et 2013.
Plus de 160 facteurs ont été identifiés et regroupés en cinq grandes catégories : facteurs économiques, structure de l’exploitation, caractéristiques du chef d’exploitation, perception des MAE par le chef d’exploitation, capital social. Leur influence sur le choix de l’agriculteur à participer ou non à une MAE a été évaluée.
Malgré des résultats assez hétérogènes (certains facteurs pouvant jouer positivement ou négativement sur la participation à une MAE suivant le contexte), des tendances se dégagent. L’expérience de la participation à un programme environnemental, un niveau de paiement élevé, le recours à un conseil spécialisé sont, par exemple, liés positivement aux MAE. A contrario, la dépendance à un revenu exclusivement agricole ou la présence d’un repreneur sur l’exploitation jouent plutôt négativement. Le rôle d’autres facteurs est plus incertain : par exemple, selon les cas, la souscription à des MAE sera favorisée par la présence d’exploitants jeunes et qualifiés, ou par celle d’exploitants plus âgés, conduisant une agriculture « traditionnelle ».
Cette hétérogénéité, directement liée à celle des MAE et des territoires dans lesquels elles s’appliquent, limite la possibilité de tirer des conclusions générales sur les facteurs favorables à une souscription massive. Cette revue de littérature n’en présente pas moins l’intérêt de recenser un grand nombre de ces facteurs et de mettre en lumière leurs liens avec la volonté d’un agriculteur de souscrire une MAE. Cela pourrait permettre d’améliorer la conception de ces mesures et de favoriser leur diffusion.
Clément Villien, Centre d’études et de prospective
Source : Environmental Science & Policy
12:33 Publié dans 4. Politiques publiques, Agriculteurs, Environnement, PAC | Lien permanent | Tags : pac, mae | Imprimer | |
Une étude confirme le faible impact attendu de la mesure « diversité d’assolement » de la nouvelle PAC
Des chercheurs du Joint Research Center, ont publié un rapport dans lequel ils présentent leur nouveau modèle microéconomique conçu pour analyser les impacts économiques et environnementaux de la PAC sur les exploitations européennes. Ce modèle est utilisé pour évaluer les conséquences de la mesure « diversification d’assolement », une de celles mises en place dans le cadre du verdissement de la PAC.
Ce modèle d’analyse microéconomique utilise les données technico-économiques individuelles collectées dans le cadre du Réseau Informatique Comptable Agricole (RICA) dans plus de 60 000 exploitations et prend en compte l’hétérogénéité des exploitations européennes.
Sur les 5 millions d’exploitations représentées dans ce modèle, seuls 38 % seraient soumis à la mesure « diversité d’assolement » (celle-ci ne s’appliquant pas pour les exploitations de moins de 10 hectares, ayant un pourcentage élevé de surfaces en herbe ou moins de 15 hectares de cultures arables) et 15 % d’entre elles ne respecteraient pas les critères de diversité d’assolement. Parmi ces dernières, 80 % décideraient de modifier leur assolement afin de percevoir le paiement vert et de ne pas payer les pénalités, selon les hypothèses retenues dans le modèle. L’introduction de cette mesure entraînerait cependant une réallocation de moins de 0,5 %des surfaces agricoles et le nombre d’exploitations ne respectant pas les critères de diversité d’assolement ne diminuerait que de 5 %. L’impact économique reste lui aussi limité, la baisse de revenu moyen par État membre étant inférieure à 1 %. À l’échelle de l’exploitation, cette baisse de revenu peut atteindre 10 %.
Ces résultats sont comparables à ceux qui figuraient dans l’analyse d’impact de la Commission qui accompagnait la proposition législative d’octobre 2011 : elle concluait que 92 % des exploitations représentées dans le RICA ne seraient pas affectés par cette mesure.
Anne-Sophie Wepierre, Centre d’études et de prospective
Source : Joint Research Center
12:31 Publié dans 4. Politiques publiques, PAC | Lien permanent | Tags : pac, assolement, jrc | Imprimer | |
PAC : Retour sur le rôle des ONG environnementales dans la réforme
Un article paru dans Économie Rurale analyse le rôle joué par les ONG environnementales dans la récente réforme de la PAC. Bien que divisées à l’origine sur les voies à adopter afin d’améliorer la prise en compte de l’environnement, celles-ci ont su s’organiser en réseaux et faire évoluer leurs positions au fur et à mesure de la négociation.
Les auteurs, MG. Zamburlini et T. García Azcárate, mettent en exergue des stratégies soit de différenciation, soit de coordination entre ces ONG, qui évoluent en fonction des sujets et des moments du processus de décision. En cela, ils les comparent à un archipel : « toutes liées entre elles, mais chacune occupant une position différente par rapport aux autres ».
Les ONG étudiées ont toutes un responsable à Bruxelles chargé de suivre les questions agricoles au long de la réforme. Divers réseaux sont identifiés : GREEN10, CAP NGO, FoodSovCap, ARC2020, etc. Certains regroupent des organisations environnementales uniquement, d’autres incluent une gamme plus large d’acteurs. Selon leur niveau de technicité et leur capacité à adapter leurs discours, ces réseaux sont des interlocuteurs plus ou moins importants de la Commission et du Parlement, et ils ont une certaine influence dans la négociation.
Cet article apporte un éclairage intéressant sur le rôle, parfois sous-estimé, des acteurs non institutionnels dans le processus de construction de la politique communautaire, processus qui tend à s’ouvrir et à devenir plus participatif (voir à ce sujet la note d’analyse du CEP).
Alexandre Martin, Centre d’études et de prospective
Source : Économie Rurale
12:30 Publié dans 4. Politiques publiques, Environnement, PAC | Lien permanent | Tags : pac, ong | Imprimer | |
15/09/2015
Afrique : classement des pays les plus compétitifs en matière d’agrobusiness
Publié avant l’été, le rapport Agribusiness Investment Matrix Africa du cabinet Linklaters est destiné aux investisseurs. Il analyse brièvement les opportunités dans le secteur de l’agribusiness dans 21 pays d’Afrique subsaharienne. Le classement, illustré par la carte ci-dessous, est opéré selon quatre critères : attractivité, cadre réglementaire, environnement et infrastructures.
Classement des pays d’Afrique sub-saharienne offrant les meilleures opportunités d’investissement en agribusiness
Source : Linklaters
Reprenant ensuite ces critères, l’étude différencie trois types de pays :
– Les terres fertiles : la possibilité de « sécuriser » des terres cultivables (existence d’un cadre réglementaire sur le foncier)et l’ouverture aux investissements étrangers sont des éléments centraux de ces pays dotés d’un secteur agricole solide et éprouvé.
– Les récoltes fiables : ces pays présentent de faibles risques pour des investisseurs, avec un cadre réglementaire existant et peu contraignant, des perspectives macroéconomiques positives et un système politique relativement stabilisé.
– Les pousses en devenir : ce sont des pays émergents en pleine mutation,où l’agribusiness est actuellement sous-développé mais où la disponibilité de terres et de grands projets d’infrastructuresdotent ce secteur d’un fort potentiel de développement.
Le rapport rappelle que selon la FAO, près de 60 % des terres mondiales arables sous- ou non-cultivées se situent en Afrique où 240 millions d’hectares arables ne sont pas valorisés.
Le constat posé par Linklaters est cependant à nuancer : les terres arables ne sont pas libres d’occupation et il peut y avoir des problèmes d’accès au marché et aux terres par manque d’infrastructures. À ce propos, Land Matrix (voir un précédent billet sur ce blog) nous montre qu’un certain nombre de projets d’investissements à grande échelle ont été abandonnés ces dernières années.
Céline Fabre, Centre d’études et de prospective
Source : Linklaters
12:27 Publié dans Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : agrobusiness, afrique subsaharienne | Imprimer | |
Le Farm Bill à la carte : les farmers américains choisissent les aides sur moyenne de chiffres d’affaires pour le maïs et le soja, mais privilégient davantage les aides sur prix fixe pour le blé, le riz et le colza
Il y a un an, les États-Unis lançaient leur nouvelle politique agricole, l'Agricultural Act de 2014. Cette dernière prévoyait, pour les grandes cultures, de laisser le choix aux agriculteurs entre deux programmes différents : le Price Loss Coverage (PLC), filet de sécurité par des prix de référence fixes (les pouvoirs publics compensant la différence entre le prix de marché et le prix de référence), et l’Agriculture Risk Coverage (ARC), garantie d’une part du chiffre d’affaires de référence, calculé avec les prix de marché moyen des cinq années précédentes. L’USDA a publié récemment une synthèse des choix des agriculteurs, qui se sont engagés au printemps dernier pour les cinq prochaines années.
L’ARC a attiré l’essentiel des producteurs de maïs et de soja (90 et 97 % de la SAU). En ce qui concerne le blé, le choix des agriculteurs est plus équilibré puisque 58 % des surfaces sont en ARC contre 42 % en PLC. Les producteurs de maïs et de soja apparaissent donc plus optimistes quant à l’évolution à venir des cours, n’anticipant pas de baisse durable des prix qui pourrait réduire leur chiffre d’affaires de référence, et donc diminuer leur niveau de soutien en fin de période. Ce programme semble également plus simple que son prédécesseur ACRE (Farm Bill de 2010), qui avait été choisi par moins de 20 % des producteurs. Cet intérêt pour la simplicité se traduit aussi par le faible recours à un ARC individuel, basé sur les données réelles de l’exploitation et non sur des calculs moyens au niveau du comté.
La récente chute des prix, si elle se prolongeait, pourrait faire regretter leur choix à certains, la référence étant calculée chaque année en fonction des prix des années précédentes, et non des prix de référence qui ont pourtant été largement augmentés. Comme pour le blé dont le prix de référence a été rehaussé de 40 %, la revalorisation de celui de l’orge de plus de 90 % a conduit cette culture a être largement soumise au régime du PLC (75 % des surfaces). Les producteurs de riz et de colza ont également préféré le prix garanti du PLC. D’une manière générale, ces choix reflètent assez bien les prévisions qui avaient été faites il y a un an par diverses institutions américaines.
Alexis Grandjean, Centre d’études et de prospective
Source : USDA
12:24 Publié dans 4. Politiques publiques, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : etats-unis, farm bill | Imprimer | |
14/09/2015
Retour sur les « Rencontres internationales Agricultures familiales et Recherche »
Les actes des « Rencontres internationales Agricultures familiales et Recherche », qui se sont tenues en juin 2014, viennent d’être publiés. Cette parution s’attache à rendre compte des échanges formulés durant ces trois jours de travail collectif. Les rapports des sept ateliers thématiques y sont d’abord retranscrits, puis suivent deux notes de synthèse, la première reprenant les comptes rendus présentés en séance plénière, la seconde tirant des conclusions transversales susceptibles d’orienter la recherche sur les agricultures familiales. Cette dernière a également été présentée à l’occasion du Dialogue global sur l’Agriculture familiale, organisé par la FAO en octobre 2014 à Rome. Parmi les recommandations formulées pour la recherche, nous en retiendrons quelques-unes :
- ne pas s’en tenir aux étude académiques, les connaissances et savoir-faire des agricultures familiales devant être connus : il existe de nombreuses informations sur les cultures de rente, les marchés d’exportation mais moins sur les formes de marché et les structures d’échanges et de négoce des petits agriculteurs ;
- axer les efforts sur l’impact de différents modèles commerciaux (partenariats public-privé, agriculture sous contrat, filières courtes, etc.) sur l’agriculture familiale ;
- travailler sur les facteurs d’évolution de l’agriculture familiale, en s’intéressant à la nature des interactions entre facteurs économiques (qui favorisent des politiques axées sur les marchés) et facteurs sociaux et territoriaux. La recherche doit combiner des études et des évaluations sur la prise en compte des politiques agricoles dans un cadre plus vaste (santé, éducation, etc.) ;
- mieux documenter les liens entre l’agriculture familiale et le secteur privé, sachant que divers modèles existent et sont parfois promus (systèmes de producteurs indépendants installés autour de plantations appartenant à des multinationales, initiatives de commerce équitable, etc.). Les participants ont insisté sur l’intérêt de réaliser des études comparatives afin de comprendre les effets de différents modèles commerciaux.
Au-delà de ces orientations, ces rencontres ont été l’occasion de s’interroger sur la tendance des administrations, au niveau mondial, à établir des partenariats public-privé avec des agro-industries, y compris dans le domaine de la recherche. L’analyse du rôle de tous les acteurs et de leurs relations permettra de dire les avantages et les risques de ces partenariats pour la recherche et pour l’agriculture familiale.
Céline Fabre, Centre d’études et de prospective
Source : Agropolis International Edition
12:22 Publié dans Enseignement et recherche, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : agriculture familiale | Imprimer | |
Coûts de transaction et territorialisation du programme Leader : quel apport pour la mise en œuvre des politiques territoriales ?
Dans un Working paper publié en 2015 par des chercheurs du Centre d’Économie et de Sociologie appliquées à l’Agriculture et aux Espaces ruraux (CESAER), sont comparés bénéfices et limites, en termes de coûts de transaction,du processus de territorialisation de l’action publique en matière de développement rural, par rapport à une politique descendante.
L’étude porte sur le programme LEADER 2007-2013 (« Liaison Entre les Actions de Développement de l’Économie Rurale », quatrième axe du second pilier de la Politique Agricole Commune) mis en œuvre dans les régions Auvergne et Bourgogne. Elle vise à estimer le niveau et la variabilité des coûts spécifiques de gestion et d’animation propres à ce programme en appliquant la « théorie des coûts de transaction » (TCT). La transaction se définit ici entre l’Union européenne et le porteur de projet via un groupe d’action locale (GAL) lequel, « en échange de l’attribution de subventions, s’engage à réaliser une action particulière de développement rural qui s’inscrit dans [son] projet global ».
Sur la vingtaine de projets examinés, quatre cas présentant un degré de territorialisation élevé et représentatifs de la diversité des projets LEADER ont été retenus et analysés : deux sur une thématique agricole (communication d’agriculteurs en circuit court, création d’un caveau d’une appellation d’origine contrôlée viticole), deux dans le domaine du tourisme-développement rural (valorisation d’un château par une communauté de communes, appui à l’installation d’une entreprise pour une société anonyme à responsabilité limitée).
Il ressort de cette étude que les coûts de transaction varient fortement d’une part, selon la nature juridique du porteur de projet et l’intensité de l’aide fournie par les animateurs, d’autre part, selon le contexte territorial (niveau d’expérience des animateurs et de coordination entre cofinanceurs) : ils atteignent des valeurs élevées pour les porteurs de projets privés, en raison de la complexité du montage financier. Mais ce sont surtout l’ingénierie territoriale et la formation des acteurs locaux qui génèrent des coûts importants.
Cet article souligne enfin l’importance de la dotation en ingénierie dans l’émergence de projets de développement rural.
Christine Cardinet, Centre d’études et de prospective
Source : Centre d’Économie et de Sociologie appliquées à l’Agriculture et aux Espaces Ruraux
12:20 Publié dans 4. Politiques publiques, Territoires | Lien permanent | Tags : leader, cesaer | Imprimer | |
Qualité de vie, habitants, territoires : l’Observatoire des territoires publie son quatrième rapport
En mai dernier, l’Observatoire des territoires a publié son quatrième rapport, intitulé Qualité de vie, habitants, territoires. La notion de qualité de vie a récemment fait son apparition dans la statistique publique (rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, 2009) et sa mesure « s’inscrit dans un courant qui vise à redéfinir ce qui fait la richesse d’un pays, au-delà de la croissance du PIB » : il s’agit donc d’aller « au-delà des indicateurs classiques de performance des territoires fondés sur la production et les revenus ». Le rapport de l’Observatoire des territoires analyse dans douze fiches les grandes dynamiques et disparités des territoires français (démographie, économie, développement durable et structuration du territoire), consacre un dossier à la diversité des qualités de vie offertes par ces territoires, en fonction des cadres de vie et des attentes de la population. Il propose, notamment à destination des acteurs publics locaux, des indicateurs et grilles de lecture pour réaliser un diagnostic de la qualité de vie sur un territoire donné.
Plusieurs éléments peuvent être tirés de ce document riche. Les disparités territoriales s’inscrivent dans des structures « profondes » (lien à l’urbain, organisation des espaces par le tissu productif), mais des spécificités locales se maintiennent (ex : « aménités intrinsèques » des territoires littoraux ou de montagne). Si les disparités ont tendance à s’atténuer sur le long terme (homogénéisation des modes de vie et des comportements, convergence des niveaux de vie entre individus), avec une homogénéisation sociale, physique et économique des espaces, certains processus (accroissement de la spécialisation des territoires, crise économique) les accentuent, augmentant par là-même les disparités environnementales et sociales. Toutefois, les disparités sont atténuées ou contrebalancées par certaines dynamiques : modèles de développement alternatifs à la métropolisation, interdépendances entre territoires, actions publique et citoyenne contribuant à créer des équilibres entre et dans les territoires (mesures de préservation de l’environnement par exemple). Enfin, les disparités ne sont pas nécessairement des inégalités, et la qualité de vie d’un territoire va dépendre « simultanément du cadre de vie, du profil socio-démographique des résidents et de l’action publique d’aménagement du territoire ».
Des qualités de vie au croisement des caractéristiques de la population et des cadres de vie offerts par les territoires
Source : CGET
Julia Gassie, Centre d’études et de prospective
Source : CGET
12:17 Publié dans 4. Politiques publiques, Société, Territoires | Lien permanent | Tags : cget, territoires, qualité de vie | Imprimer | |
Biomasse et énergie à l’horizon 2050 : évaluation des impacts via la modélisation
Pour leurs travaux publiés en ligne dans Energy Economics en juillet 2015, deux chercheurs du MIT ont mobilisé le modèle d’équilibre général Economic Projection and Policy Analysis afin d’explorer, à l’horizon 2050 et à l’échelle mondiale, l’impact d’une utilisation de la biomasse à des fins énergétiques (transport, électricité et chaleur). Pour ce faire, des modifications ont été apportées au modèle comme :
– une différenciation des matières premières et des débouchés des productions en éthanol et biogazole, des procédés de transformation de première génération et ceux liés à l’utilisation de la lignocellulose ou à la conversion de l’éthanol en biogazole ;
– une intégration de certains coûts, comme ceux des technologies de conversion de la lignocellulose et leurs évolutions dans le temps ou ceux associés à la collecte et au transport de la biomasse ;
– la prise en compte des émissions liées aux changements d’usages des terres, en utilisant les estimations du terrestrial ecosystem model ;
– des évolutions de politiques publiques relatives aux biocarburants, pour l’Union européenne et les États-Unis (ex : 13,5 % d’énergies renouvelables dans les transports à partir de 2030 dans l’UE).
Les auteurs étudient plusieurs alternatives, en les comparant à une référence « business as usual ». En particulier, ils intègrent un prix du carbone (valeurs obtenues par itération pour atteindre un objectif en bioénergie en 2050 proche de la production d’énergie primaire liée au charbon en 2010). Ce dernier varie de 25$ en 2015 à 99$ en 2050. Les émissions diminueraient alors de 42 % par rapport à la référence, voire de 52 % si le prix du carbone est aussi appliqué aux émissions liées aux changements d’usage des sols, et il s’agit de la seule alternative où il n’y a pas de déforestation par rapport à la référence. Les technologies de conversion de la lignocellulose auraient aussi une place prépondérante, à condition que les coûts associés diminuent et que les limites structurelles liées à l’incorporation soient levées (blend wall – voir l’article de la revue NESE à ce sujet) ; dans le cas inverse, l’électricité et la chaleur seront des débouchés plus importants. Enfin, les auteurs estiment que les prix des produits alimentaires augmenteraient de 3,2 à 5,2 % selon les politiques considérées.
Figure reprenant la production globale de biomasse, ses conversions et ses débouchés énergétiques pour la référence « business as usual » (à gauche) et avec un prix du carbone (hors application au changement d’usage des terres, à droite)
Source : Energy Economics
12:14 Publié dans Biomasse/Biocarburants, Energie, Enseignement et recherche | Lien permanent | Tags : biomasse, énergie, biocarburants, 2050 | Imprimer | |
Évaluation des tensions sur les eaux souterraines renouvelables : résultats de la mission GRACE
Courant juillet, le journal Water Resources Research a publié des travaux de recherche mobilisant les observations satellitaires de la mission GRACE (Gravity Recovery and Climate Experiment), en vue d’évaluer les tensions sur les eaux souterraines renouvelables. Le jeu de données s’étend de janvier 2003 à décembre 2013 avec un pas de temps mensuel. Les chercheurs ont en particulier étudié les 37 plus grandes aquifères dans le monde, quantifiant le rapport entre l’utilisation de la ressource en eau et sa disponibilité (recharge moyenne annuelle). Une des originalités de ce papier réside dans l’approche choisie qui permet d’estimer les changements du niveau des nappes phréatiques, via les anomalies gravitaires, et ainsi de prendre en compte les variations dues non seulement aux activités anthropiques mais aussi naturelles (ex : recharge). Selon les auteurs, cette évaluation des tensions sur la ressource souterraine est plus fine que celles recourant aux données statistiques de prélèvement. Soulignons qu’un second article publié dans la même revue discute des incertitudes autour de la taille des aquifères (le premier portant sur les variations).
Les auteurs définissent 4 régimes de tensions sur la ressource : tension forte (pas de recharge de l’aquifère), tension principalement exercée par l’homme (recharge liée aux activités humaines, par exemple l’irrigation), tension dite variable (déclin de la nappe malgré la recharge), absence de tension. Les cartes ci-dessous montrent les différents états des nappes étudiés.
Cartes représentant les différents états de tensions sur les 37 aquifères étudiées : (a) tension importante, (b) tension dite variable, (c) tension principalement exercée par l’homme, (d) absence de tension.
Source : Water Resources Research
À titre d’exemple, les aquifères faisant l’objet des tensions les plus fortes sont celles des bassins Murzuk-Djado et d’Arabie avec les données GRACE, alors qu’il s’agit de celle du bassin de l’Indus avec les données statistiques. Quant à l’aquifère californienne Central Valley, elle fait partie des eaux souterraines caractérisées par une recharge positive et un usage négatif (b), étant classée comme faisant l’objet de fortes tensions quelle que soit la méthode utilisée (données statistiques ou satellitaires). Cette même nappe est aussi concernée par les épisodes de sécheresse qui touchent la Californie depuis plusieurs années (voir un autre billet sur ce blog).
Elise Delgoulet, Centre d’études et de prospective
Sources : Water Resources Research, Water Resources Research
12:10 Publié dans Enseignement et recherche | Lien permanent | Tags : eau, eaux souterraines | Imprimer | |
11/09/2015
Biocarburants et changement d’usage des sols : la notion de « greenhouse gas payback time »
Publié avant l’été dans Nature Climate Change, un article, corédigé entre autres par des chercheurs de Radboud University aux Pays-Bas et de l'IIASA, s’intéresse à l’importance de la localisation géographique des productions de biocarburants. L’idée est d’étudier en particulier l’impact de changements d’usage des sols sur les émissions, en prenant en compte la dimension temporelle. Ainsi, les auteurs introduisent le concept de « greenhouse gas payback time » (GPBT) : il s’agit du temps nécessaire aux cultures destinées à la production de biocarburants pour compenser les gaz à effet de serre émis lors du changement d’usage des sols.
Ce travail de modélisation permet aux chercheurs de conclure que le GPBT varie en fonction du type de culture (5 étudiées ici : maïs, colza, soja, canne à sucre et blé d’hiver), des pratiques culturales (avec ou sans intrants) et de l’usage actuel de la surface convertie. La localisation a été identifiée comme le facteur le plus important (expliquant 90 % des variations). Pour l’ensemble de l’exercice, le GPBT varie entre 1 et 162 années (médiane à 19 années), avec la plus longue durée dans les tropiques. Les auteurs déterminent également un GPBT allant de 20 ans pour le colza à 60 ans pour la canne à sucre (en moyenne) en l’absence d’intrants. Cette valeur diminue avec l’application d’intrants pour toutes les cultures, comme l’illustrent par exemple les cartes ci-dessous sur le maïs. Les céréales (maïs et blé d’hiver) ont alors le GPBT le plus faible (moins de 10 années).
Variation du « Greenhouse gas payback time » pour le maïs destiné à la production d’éthanol, en fonction des intrants (irrigation et fertilisants) : avec (en haut) et sans (en bas)
Source : IIASA
À partir de ces travaux, les auteurs appellent donc à intégrer la dimension spatiale dans les analyses de cycle de vie. Des travaux complémentaires sur le changement d’usage des sols indirects sont actuellement en cours à l'IIASA, pour lesquels une publication est attendue prochainement.
Elise Delgoulet, Centre d’études et de prospective
Sources : IIASA, Nature Climate Change
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Big data et agriculture : révolution, rupture et renaissance en question à l’OPECST
« Une possibilité technique nouvelle fondée sur l’alliance entre des stocks gigantesques de données et des capacités de traitement démultipliées ». Telle est la définition des Big data proposée par J-Y. Le Déaut, président de l’Office Parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), lors de l’audition publique du 2 juillet de l’office consacrée à la place du traitement massif des données (Big data) dans l’agriculture. À cette occasion, un autre intervenant a comparé l’effet des Big data sur l’agriculture à « une révolution, une rupture et une renaissance ».
Cette cession a permis de rappeler que l’agriculture de précision collecte et utilise beaucoup de données électroniques depuis plus de trente ans : ce sont la variété, le volume et la vitesse de ces dernières qui changent la donne depuis quelques années. Ainsi, le prix de stockage de la donnée a chuté de façon très importante en 15 ans (moins de 0,04 $/gigabit aujourd’hui), le nombre de capteurs-émetteurs pouvant collecter et transmettre en simultané des données a fortement augmenté et ces dernières sont très variées (hygrométrie de l’air ou du sol, taux d’azote dans le sol, quantité d’engrais appliquée à un point donné, taux protéique du lait d’une vache, teneur en acide aminé de la ration des truies allaitantes, etc.). À cela s’ajoute la multiplication des accès à Internet à haut débit et sans connexion, permettant la transmission simultanée des informations vers des bases de stockage extérieures à l’exploitation, sans intervention de l’agriculteur. Bien que cette multitude de données n’ait que peu de valeur sans traitement et analyse adaptée (data mining), elle représente une mine d’informations pour les fournisseurs d’intrants et les équipementiers, lesquels peuvent ainsi mieux connaître les pratiques et besoins de leurs clients, existants et potentiels. Face à ces enjeux, l’OPECST met l’accent sur les questions de propriété, de souveraineté et sur les risques de privatisation de la donnée.
Dans les conclusions de cette audition, pour encourager le développement d’une offre française de Big data, l'OPECST apporte son soutien à une démarche de plateforme collective de la profession, pouvant intégrer la création d’un cadre clair pour l’utilisation des données issues des exploitations. Les fournisseurs de logiciels semblent prêts à collaborer à une telle démarche, pouvant apporter un certain savoir-faire en échange d’un accès à encore plus d’informations.
Gaëtane Potard-Hay, Centre d’études et de prospective
Source : Assemblée nationale
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La lutte contre l’obésité entre stigmatisation et émancipation des classes populaires
Dans la lignée des fat studies – un champ d’étude consacré à la critique des stéréotypes associés à la forte corpulence -, Actes de la recherche en sciences sociales consacre un dossier à l’obésité comme problème public. Les implications politiques de la lutte contre le surpoids y apparaissent comme fondamentalement ambivalentes.
Menant une enquête sur la perception de soi et les représentations du corps idéal, D. Vandebroeck met en évidence « un consensus certain sur l’association entre une silhouette et une catégorie sociale donnée ». Il rappelle d’ailleurs l’apport des études épidémiologiques sur « l’existence d’une forte relation inverse entre masse corporelle et position sociale, particulièrement nette chez les femmes ».
Pour lui, les jugements sur la corpulence permettent de donner une forme acceptable, euphémisée par le vocabulaire de la responsabilité individuelle, à des intentions discriminatoires (racisme, misogynie, mépris de classe). « La dévalorisation symbolique de la corpulence – et du style de vie qui la produit » est en partie liée à « une intervention accrue de l’État dans la gestion du poids corporel des individus ». « Même s’il s’agit d’efforts tout à fait sincères de maîtrise des effets négatifs de l’obésité », l’action publique contribuerait « à la stigmatisation morale des plus démunis ».
En contrepoint de cette critique virulente, d’autres travaux montrent que les politiques de santé ne peuvent être réduites à l’imposition d’une norme corporelle propre aux classes dominantes. Dans l’étude de E. Martin-Criado sur le contrôle du poids chez les mères de famille des classes populaires en Andalousie, ces politiques jouent aussi comme un levier d’émancipation. L’argument des régimes anti-cholestérol permet aux femmes de prendre des distances avec le repas traditionnel, sans mettre en péril leur qualité de « bonne mère ».
Le dossier aborde également les troubles alimentaires au travail (voir à ce sujet un précédent billet sur les food studies), la place de l’obésité dans l’information télévisée et enfin la naissance de politiques alimentaires territoriales aux États-Unis dans la première moitié des années 1980.
Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective
Source : Cairn
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