11/12/2019
Agriculture et qualité de l'air. Comprendre, évaluer, agir, C. Bedos, S. Génermont, J.-F. Castell, P. Cellier, (coord.)
Dans cet ouvrage collectif publié en octobre 2019, les auteurs analysent les liens entre agriculture et qualité de l'air, en France et en Europe de l'Ouest. Leur but est de mettre à disposition de tout acteur concerné par ce sujet une synthèse des connaissances actuelles. Ils décrivent le contexte et l'histoire de cette problématique, et présentent les différents polluants atmosphériques produits par ou impactant l'agriculture, ainsi que les méthodes permettant de les mesurer ou de modéliser leur émission. La dernière partie propose une réflexion sur le passage du diagnostic à la mise en œuvre d'actions de réduction de ces pollutions.
L'agriculture est source de nombreux polluants atmosphériques : par exemple, 94 % des émissions d'ammoniac en sont issus, de même que 54 % des particules totales en suspension (essentiellement des PM10). Pourtant, les auteurs soulignent que la prise de conscience par la société de l'impact de l'agriculture sur la qualité de l'air s'est seulement faite dans les années 2000, et qu'il a fallu attendre 2010 pour que le secteur reconnaisse sa propre vulnérabilité face à ces polluants. Par exemple, l'ammoniac favorise l'acidification des sols, ce qui diminue leur fertilité et joue sur les rendements. Selon eux, il est probable qu'à l'avenir la pression de l'opinion publique, pour réduire les émissions d'origine agricole, s'accentue parallèlement à l'augmentation des aires d'influence des villes et donc des interfaces avec l'agriculture.
L'ouvrage dresse par ailleurs un panorama du corpus réglementaire relatif aux émissions dues à l'agriculture (voir figure), et alerte sur le risque d'incohérences et d'inefficacité dû à l'empilement des textes et au manque de coordination entre ceux-ci. Ainsi, leur mise en œuvre s'avère difficile et la France est par exemple attaquée, devant la Cour de justice européenne, pour non-respect des valeurs limites dans l'air pour le NO2.
Afin d'améliorer la qualité de l'air, les auteurs envisagent des actions à l'échelle de l'exploitation (changement de pratiques, etc.), mais aussi à des échelles plus larges. On peut citer entre autres les leviers suivants : modifier la mosaïque paysagère pour maximiser la recapture locale de polluants ; positionner les sources émettrices importantes loin des zones sensibles (zones protégées par exemple) ; répartir les émissions dans le temps et dans l’espace pour éviter des pics de concentration, et donc maintenir une diversité des productions dans chaque bassin. Ils soulignent enfin que la mise en œuvre de ces leviers devra être adaptée au contexte local.
Niveaux d'action du cadre législatif appliqué en France pour lutter contre les émissions de polluants atmosphériques d'origine agricole
Source : Éditions Quae
Aurore Payen, Centre d'études et de prospective
Lien : Éditions Quae
13:58 Publié dans 4. Politiques publiques, Agronomie, Environnement, Exploitations agricoles | Lien permanent | Tags : air, pollution, ammoniac, pm10, no2 | Imprimer | |
14/09/2016
Pollution de l'air, santé et agriculture : quels impacts économiques ?
Dans une publication de juin 2016, l'OCDE explore les conséquences économiques de la pollution de l'air à l'horizon 2060, au niveau mondial et dans un certain nombre de régions (ex : Afrique sub-saharienne, Asie du Sud et du Sud-Est). Ce rapport se concentre sur la santé humaine. L'agriculture y est abordée, à double titre : principal émetteur d'ammoniac, ce secteur est également touché par la pollution de l'air, l'ozone influençant les rendements.
La méthode retenue repose sur plusieurs modèles. Elle part de projections des activités sectorielles et des polluants de l'air émis qui en découlent. Ensuite sont estimées les concentrations atmosphériques à partir desquelles sont déduits les impacts biophysiques sur la santé humaine (ex : mortalité, morbidité). S'agissant de l'agriculture, ce sont les pertes en riz, blé, maïs et soja qui sont calculées. Pour les autres cultures, les auteurs recourent à leur sensibilité relative à celle du riz pour estimer ces baisses de rendement (exemple du sucre 1,5 fois plus sensible que le riz d'après la littérature retenue). Pour finir, les coûts associés sont évalués (ex : dépenses en soins médicaux, changements de la productivité du travail), ainsi que les effets sur le PIB et sur le bien-être. Le scénario proposé prolonge les tendances actuelles, et intègre les politiques publiques en place à la fin de l'année 2010.
D'après ce rapport, la pollution de l'air (extérieur) serait à l'origine du décès prématuré de 3 millions de personnes en 2010, un résultat proche de précédents travaux (voir à ce sujet un autre billet sur ce blog). En 2060, ce nombre passerait à 6-9 millions par an, avec le plus de décès en Chine et en Inde. Cette augmentation sur cinquante ans n'est pas seulement liée aux plus grandes concentrations de polluants (PM2,5 et ozone), mais aussi à l'urbanisation (niveau d'exposition plus important) et au vieillissement de la population (Chine, Europe de l'Est). Les frais médicaux passeraient de 21 milliards US$ (2010) en 2015 à 176 en 2060. Les rendements agricoles, quant à eux, pâtiraient de cette pollution, principalement le blé et les oléagineux. Certains pays comme la Nouvelle-Zélande, l'Australie ou le Chili connaîtraient des effets moindres comparés au Japon, à la Chine ou aux États-Unis. À noter enfin que les impacts macroéconomiques de ces pertes agricoles restent limités selon ces travaux (-0,1 % de PIB en 2060 au niveau global).
Impact de la qualité de l'air sur les rendements en 2060 (variation par rapport à une projection n'incluant pas les boucles de rétroactions, en %)
Source : OCDE
Élise Delgoulet, Centre d'études et de prospective
Source : OCDE
15:07 Publié dans Environnement, Production et marchés, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : air, ocde, santé, pollution | Imprimer | |
12/10/2015
Impacts de la pollution de l’air à 2050
Une publication dans Nature mi-septembre explore les liens entre pollution de l’air extérieur et mortalité prématurée. S’appuyant sur des études épidémiologiques reliant risque de décès, ozone et microparticules (d’un diamètre inférieur à 2,5 micromètres – PM2,5), les chercheurs ont distingué 7 sources possibles comme les automobiles, les centrales électriques ou l’agriculture. De leurs calculs, ils déduisent un bilan pour l’année 2010 : 3,3 millions de décès (entre 1,61 et 4,81 millions pour un intervalle de confiance de 95 %) à l’échelle mondiale, soit une estimation proche de celle de l’OMS (3,5 millions).
Malgré plusieurs limites, du fait notamment du manque de données ou d’hypothèses sur la toxicité des molécules (ex : identique pour les PM2,5 quelle que soit la source), cette étude conclut que la première source de pollution est l’énergie résidentielle (31 % des décès prématurés en 2010) en lien avec le chauffage et la cuisine, en particulier en Inde et en Chine. La seconde source au niveau mondial est l’agriculture (environ 20 %), liée à l’ammoniac qui peut être converti en particules fines d’après les auteurs. Plus précisément, en Europe, à l’Est des États-Unis, en Russie et en Asie de l’Est, ces émissions agricoles sont la première source identifiée par les chercheurs. Enfin, dans les projections réalisées à l’horizon 2050, selon un scénario tendanciel (autrement dit sans mesures prises relatives à la qualité de l’air), les auteurs estiment que les décès liés à la pollution de l’air extérieur pourraient doubler.
Source : Nature
09:13 Publié dans Enseignement et recherche, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : air, pollution | Imprimer | |