15/12/2021
Lien entre PAC et emploi en Hongrie et Slovénie : difficile de tirer des enseignements généraux
Récemment publié dans Land Use Policy, un article analyse l'impact comparé des différentes aides de la PAC sur le travail salarié et non salarié dans les exploitations agricoles hongroises et slovènes. Ces travaux sont basés sur les données du Farm accountancy data network (en France, Réseau d'information comptable agricole - Rica). Les auteurs ont utilisé les données disponibles sur la période 2007-2015. Outre des informations sur les structures (taille économique, orientation technico-économique), cette source fournit des éléments sur le temps de travail, avec une répartition entre la main-d’œuvre salariée et familiale. Elle donne aussi le détail des aides perçues par l'exploitation, selon leur nature. Les auteurs ont ainsi pu différencier les aides du 1er pilier de celles du 2nd pilier, notamment : les paiements agri-environnementaux, les aides aux zones défavorisées et les subventions aux investissements.
Les informations sur les exploitations ont été croisées avec des données macro-économiques à l'échelle des petites régions agricoles (NUTS 3), pour retracer les liens entre le marché du travail agricole et celui des autres secteurs, comme le différentiel de revenu ou le taux de chômage.
Si la Hongrie et la Slovénie sont récemment entrées dans l'Union européenne, leurs exploitations ont des profils différents. Les exploitations hongroises sont généralement de grande taille et elles emploient une forte proportion de salariés. À l'inverse, les exploitations familiales, de taille plus modeste, sont majoritaires en Slovénie. Sur la période 2007-2015, la baisse de l'emploi agricole y a été importante et elle s'est accompagnée d'une diminution des soutiens de la PAC (figure ci-dessous, gauche). En Hongrie, le recul des aides est plus récent et plus faible, et l'emploi presque stable (figure ci-dessous, droite).
Évolution comparée de l'emploi en agriculture (unité de travail annuel - UTA), selon le type de main-d’œuvre, et du montant des soutiens de la PAC (par exploitation et par an), en Slovénie (gauche) et en Hongrie (droite)
Source : Land Use Policy
Lecture : sur l'échelle de gauche (histogrammes), main-d’œuvre en UTA par exploitation, familiale (bleu) et salariée (orange) ; sur l'échelle de droite (courbes), montants des aides de la PAC perçus par exploitation, en euros.
L'analyse économétrique menée n'a pas permis de dégager une conclusion générale sur l'impact des aides de la PAC sur l'emploi agricole (tableau ci-dessous). Les aides du 1er pilier renforcent l'emploi total en Hongrie, mais seulement l'emploi familial en Slovénie, alors que celles du 2nd pilier n'ont un impact que sur les exploitations familiales slovènes. Les auteurs concluent sur la nécessité de prendre en compte la diversité des structures d'exploitation, le type de main-d’œuvre et les interactions avec le marché du travail, pour mieux élaborer des politiques visant à maintenir l'emploi ou à en créer.
Synthèse des résultats sur les liens entre types d'aides et formes d'emploi agricole en Hongrie et Slovénie
Source : Land Use Policy
Lecture : effet positif significatif à moins de 1 % ; ns : non significatif ; s5 % ou -s5 % : effet significatif à 5 %, positif ou négatif respectivement ; s10 % ou -s10 % : effet significatif à 10 %, positif ou négatif respectivement.
Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective
Source : Land Use Policy
08:31 Publié dans 4. Politiques publiques, Mondialisation et international, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : pac, emploi, politiques publiques, travail, hongrie, slovenie | Imprimer | |
13/09/2019
Les effets contrastés de la gestion des risques sur la productivité agricole
La gestion des risques influence-t-elle positivement la productivité agricole ? Pour répondre à cette question, M. Vigani (université de Gloucestershire) et J. Kathage (JRC, Commission européenne) proposent une analyse économétrique afin d'estimer les effets de différentes stratégies sur la productivité globale des facteurs (PGF).
En théorie, la gestion des risques permet une meilleure allocation des ressources, car elle donne la possibilité aux exploitants agricoles d'effectuer leurs choix de production (assolements, intrants, etc.) comme s'ils étaient neutres au risque. Cela suggère un effet positif sur la productivité. Mais, soulignent les auteurs, la gestion des risques a aussi un coût : primes d'assurance, coût des contrats, efforts de collecte et d'analyse des données, etc. Ce coût, susceptible d'augmenter avec la complexité de la stratégie mise en place, peut donc peser négativement sur la productivité.
L'étude est menée sur un échantillon de 700 exploitations agricoles productrices de blé en France (350, situées en Champagne-Ardenne, Picardie, Centre et Bourgogne) et en Hongrie (350, dans la plupart des régions). 16 stratégies de gestion des risques sont analysées, correspondant aux combinaisons possibles (« portefeuilles ») de quatre instruments : assurance, diversification des cultures, variétés résistantes, contrats. Un modèle de régression multinomial à régimes endogènes est choisi par les auteurs pour traiter des problèmes d'endogénéité, et isoler les effets propres des stratégies de gestion des risques sur la PGF.
Les résultats s'avèrent particulièrement contrastés (cf. figure). Les portefeuilles simples, recourant à un seul instrument, augmentent bien la productivité : c'est le cas des variétés résistantes (+ 9 % par rapport à une absence de gestion des risques) et les contrats (+ 22 %) lorsqu'ils sont choisis isolément. Les portefeuilles complexes, incluant davantage d'instruments, tendent en revanche à avoir un effet négatif (ex : « assurance-diversification-variété résistante », - 41 %), confirmant l'hypothèse des auteurs sur le coût croissant des stratégies complexes. Ces impacts sont en outre très différents entre la France et la Hongrie, et en fonction du niveau de risque auquel font face les exploitations agricoles. Ces résultats, soulignent les auteurs, nourrissent la réflexion sur l'avenir des politiques de gestion des risques, en particulier dans le contexte de réforme de la PAC.
Effets des portefeuilles d'instruments de gestion des risques sur la productivité des exploitations agricoles par rapport à l'absence d'instrument
Source : American Journal of Agricultural Economics
Lecture : I = assurance ; D = diversification ; C : contrat ; V = variété.
Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective
16:51 Publié dans 4. Politiques publiques, Agriculteurs | Lien permanent | Tags : risques, instruments, productivité, gestion des risques, france, hongrie | Imprimer | |