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07/07/2021

La « pauvreté démultipliée » : rapport du CNLE sur un an de crise du Covid-19

En mai 2021, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE) a remis au Premier ministre un rapport analysant qualitativement l'évolution de la pauvreté sur l'année écoulée, dans le contexte de la crise sanitaire du Covid-19. Complémentaire des travaux de la statistique publique, il mobilise des sources universitaires et associatives et s'intéresse au renforcement cumulatif des différents aspects de la pauvreté (la « pauvreté démultipliée »), à l'aggravation des situations et à l'exposition de nouveaux publics.

Il en ressort des problèmes et points de vigilance (difficultés à se nourrir, inégalités sociales et territoriales de santé, etc.) et des solidarités d'ores et déjà à l’œuvre (publiques et associatives). Les éléments réunis mettent notamment en évidence le basculement dans la pauvreté de publics préalablement fragilisés, sans ressources importantes et vivant « sur le fil ». Intervenant dans un contexte déjà dégradé, la crise a servi de « miroir grossissant », révélant les processus à l’œuvre et leur aggravation : ruptures d'activité professionnelle, de droits, d'accès à des accompagnements divers (dont alimentaires), etc. La pauvreté n'est pas seulement une question économique, de conditions de vie, de logement, d'alimentation ; elle comporte aussi une forte dimension relationnelle et sociale.

L'une des contributions s'appuie sur des éléments transmis par les associations. Elle montre que lors du premier confinement, plusieurs facteurs ont joué : pertes de revenus (travailleurs précaires, nouveaux chômeurs), non-éligibilité au chômage partiel (saisonniers, personnes vivant de l'économie informelle), tarissement de certaines ressources (glanage sur les marchés, nourriture ramenée de services de restauration), etc. Certaines dépenses ont augmenté, du fait de la fermeture des cantines scolaires ou de la fréquentation obligée de commerces de proximité, plus onéreux que les grandes surfaces. Sur l'année écoulée, l'aide alimentaire représente un « thermomètre » enregistrant de fortes hausses de fréquentation. Les profils des publics accueillis restent toutefois sensiblement les mêmes, les nouveaux correspondant à des personnes autonomes avant la crise (étudiants, travailleurs migrants, précaires ou invisibles).

Les travaux du CNLE doivent se poursuivre avec la mise en place d'un suivi régulier (« baromètre qualitatif ») des situations de précarité et d'exclusion sociale.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale

11/11/2020

L'accès à une alimentation saine pour tous en Europe requiert une approche transversale

L'insécurité alimentaire dans les pays riches est liée à un accès limité à un régime alimentaire sain, particulièrement dans les foyers les plus pauvres. Des chercheurs des universités d'Anvers et d'Oxford ont comparé le coût minimal d'un régime équilibré (recommandations nationales de santé publique) au revenu disponible des foyers dans les zones urbaines de 24 pays européens. Leurs résultats, publiés en octobre dans la revue Food Policy, montrent que dans 10 des pays étudiés, au moins 10 % de la population auraient des revenus trop faibles pour accéder à un tel régime. Les auteurs comparent également ces coûts alimentaires aux montants des aides sociales perçues par ceux qui n'ont pas d'autres revenus (figure ci-dessous). Ils observent que, dans au moins 13 pays, celles-ci ne sont pas suffisantes pour garantir l'accès des familles les plus pauvres à un régime alimentaire sain. Selon les auteurs, ces résultats soulignent la nécessité d'intégrer les politiques publiques alimentaires à l’ensemble des politiques sociales ciblant les inégalités structurelles (revenu, coût du logement et des autres biens et services essentiels).

Comparaison des coûts alimentaires et de logement, et des revenus minimum pour un foyer de deux adultes et deux enfants âgés de 10 et 14 ans

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Source : Food policy

Lecture : la ligne représente le revenu issu des aides sociales pour un foyer au sein duquel aucun adulte ne travaille. Les losanges représentent le salaire minimum pour un foyer au sein duquel un des deux adultes travaille.

Source : Food Policy

 

 

10/06/2020

Agriculture et pauvreté rurale au Mexique

Le Centro de Estudios para el Desarrollo Rural Sustentable y la Soberanía Alimentaria (CEDRSSA) est un organisme d'appui technique rattaché à la Chambre des députés du Mexique, à l'origine de travaux sur le développement rural et la souveraineté alimentaire. Publié en mars 2020, un document est consacré au rapport entre pauvreté rurale et agriculture, secteur dans lequel 65 % de la population (soit un quart du total du pays) sont considérés comme pauvres, et 23 % en état d’extrême pauvreté. En 2018, les trois quarts de la population rurale parlant une langue indigène sont en situation de pauvreté, les femmes étant les plus touchées. Ces données ont été obtenues grâce à une méthode de mesure « multidimensionnelle » forgée par le Conseil national d'évaluation de la politique de développement social (Coneval) en 2008, mobilisant diverses variables : taille du lieu d'habitation, accès à l'alimentation, aux services, à l'éducation, à la santé et à la sécurité sociale, etc.

Évolution du nombre de Mexicains en situation de pauvreté, entre 2008 et 2018

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Source : CEDRSSA

Lecture : axe des ordonnées en « millions de personnes ». Population totale du Mexique : 126 millions.

Selon les auteurs, sur la période récente, la politique agricole productiviste et visant la satisfaction du marché intérieur mexicain, a stimulé les exportations qui sont devenues un moteur de la croissance du secteur, en lien avec le Traité entre le Mexique, les États-Unis et le Canada (TLCAN/T-MEC). Cependant, dans ce contexte de libéralisation des échanges commerciaux, les produits agricoles de ces deux pays sont souvent plus compétitifs que ceux de la production locale. Ces évolutions n'ont donc pas amélioré les conditions de vie des ouvriers agricoles et de leurs familles, dont on estime le nombre à presque six millions. Plus de 90 % d'entre eux sont précaires, sans contrat de travail ni protection sociale, et doivent prendre en charge leur subsistance pendant les périodes d’inactivité inter-récoltes. Par ailleurs, les petits et moyens agriculteurs (86 % du total) sont relativement âgés et ont une scolarité limitée. Ils ont peu d'accès à l'assistance technique et aux financements, disposent de faibles revenus et subissent les effets de la dégradation des ressources naturelles et de l’augmentation des risques climatiques. Les auteurs soulignent également que les politiques publiques visant à surmonter ces difficultés ont été dispersées et insuffisamment financées. Ils estiment enfin qu'il faudrait désormais privilégier une stratégie visant l'appui institutionnel et technique aux agriculteurs les plus pauvres, avec des financements conséquents et une coordination cohérente.

Hugo Berman, Centre d'études et de prospective

Source : CEDRSSA

11:35 Publié dans Agriculteurs, Mondialisation et international, Société | Lien permanent | Tags : mexique, pauvreté, rural |  Imprimer | | | | |  Facebook

17/12/2018

Un rapport de la Banque mondiale sur le rôle de l'agriculture et de la PAC dans la réduction de la pauvreté dans l'Union européenne

La Banque mondiale a publié en novembre une analyse macro-économique du rôle de l'agriculture dans la lutte contre la pauvreté dans l'Union européenne (UE). Pour mener cette étude, les auteurs se sont basés sur des données de la Commission européenne, dont le RICA européen (FADN - Farm Accountancy Data Network). En préalable, ils notent que si l'UE s'est globalement remise, sur le plan économique, de la crise financière de 2008, les inégalités entre les territoires et la pauvreté (mesurée par rapport au revenu médian) restent plus élevées qu'avant cette période (figure ci-dessous). Toutefois, les revenus agricoles ont convergé plus vite que les autres types de revenus, entre États membres, indiquant, dans ce secteur, une plus grande réduction des inégalités entre territoires européens.

Évolution d'indicateurs de pauvreté dans quatre zones européennes de 2003 à 2014 : taux de pauvreté relatif calculé par le revenu médian (à gauche) et PIB par habitant (à droite)

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Source : Banque mondiale

Lecture : les pointillés rouges marquent la crise de 2008.

Ils montrent ensuite que les fonds de la politique agricole commune (PAC) (2007-2011) ont bénéficié aux zones monétairement les plus pauvres de l'UE, mais de façon variable selon les pays. Si l'Espagne, la Roumanie ou le Portugal ont orienté toutes les aides vers leurs régions à haut niveau de pauvreté, la France, la Pologne, l'Allemagne ou encore l'Irlande ont plutôt fait l'inverse. Une analyse économétrique indique que la PAC a eu un effet globalement positif sur la réduction de la pauvreté, en particulier son second pilier. Les résultats montrent aussi que la pauvreté est plus élevée dans les foyers agricoles comptant le plus d'individus, et que les ménages ayant des activités diversifiées (en agriculture et dans d'autres secteurs), se portent économiquement le mieux. Quant à ceux dépendant uniquement d'un revenu agricole, ils s'en sortent mieux si leur activité est spécialisée sur certaines productions, en particulier les céréales.

In fine, les auteurs croisent l'ensemble de leurs résultats (figure ci-dessous). Ils concluent qu'en France, aux Pays-Bas ou en Allemagne, l'agriculture et les paiements de la PAC ne sont plus liés aux personnes et aux zones pauvres, témoignant de l'aboutissement de la transformation structurelle : l'agriculture a rempli son rôle de réduction des inégalités territoriales. En revanche, en Espagne, au Portugal, en Grèce et en Italie, la pauvreté demeure en dépit de l'attribution des fonds aux zones les plus pauvres, ce qui témoigne pour la Banque mondiale d'une certaine inefficacité dans leur allocation. Enfin, des pays comme la Lettonie pourraient réduire la pauvreté en orientant plus leurs fonds vers les zones les plus démunies.

Répartition des pays selon leurs liens entre pauvreté, PAC et agriculture

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Source : Banque mondiale

Lecture : l'axe des abscisses figure l'association entre pauvreté et agriculture, l'axe des ordonnées celle entre pauvreté et paiements de la PAC. Les pays dans le cadran en bas à gauche ont une association faible entre tous les indicateurs : l'agriculture et les paiements de la PAC ne sont pas liés à la pauvreté. À l'inverse, dans les pays du cadran en haut à droite, l'agriculture se fait dans des régions pauvres, lesquelles sont les plus soutenues par la PAC.

Vanina Forget, Centre d'études et de prospective

Source : Banque mondiale

18/01/2018

Pour la Banque mondiale, la PAC agit positivement sur l'emploi et réduit la pauvreté à l'échelle européenne

Dans son rapport Thinking CAP : supporting agricultural jobs and incomes in the EU, la Banque mondiale conclut à des effets différenciés, mais globalement vertueux, de la PAC sur l'emploi et la pauvreté dans l'Union européenne. Les auteurs ont développé une approche empirique en mobilisant des données, à différentes échelles, sur les aides de cette politique et sur les variables économiques du secteur agricole. Contrairement aux travaux existants, les résultats ne sont pas issus de projections, de modèles ou de comparaisons ex post : il s'agit de la première analyse empirique mesurant des corrélations entre la PAC et la pauvreté européenne sur longue durée.

L'étude conclut tout d'abord à un rôle positif de la PAC sur l'emploi agricole. Cet effet est néanmoins limité : une hausse de 10 % des subventions réduit de 1,5 % les pertes d'emplois du secteur. Mais l'étude montre aussi un rôle positif de cette politique sur la productivité agricole qui s'expliquerait, selon les auteurs, par le fait que, moins exposés aux risques, les agriculteurs seraient plus incités à investir. Contrairement à une idée répandue, il n'y aurait pas, d'après ces résultats, de contradiction entre amélioration de la productivité et maintien des emplois.

La PAC aurait également contribué à réduire la pauvreté dans l'UE, ainsi que les inégalités entre les régions européennes, cela étant dû notamment à l'amélioration de la qualité des emplois agricoles, et à un ciblage relativement efficace des fonds vers les régions européennes où le secteur agricole est corrélé à un taux de pauvreté important des populations. Ces résultats sont différenciés en fonction des États et des instruments. Les effets de la PAC varient ainsi selon l'étape atteinte par le pays dans le « processus de transformation structurelle », lequel permet de diminuer la pauvreté dans les zones agricoles. De plus, si le rapport salue les vertus des paiements découplés du premier pilier et les dispositifs du deuxième, il identifie en revanche des résultats négatifs des paiements couplés sur l'emploi.

Il résulte de cette analyse des recommandations ciblées. Pour les pays en transition (Roumanie, Bulgarie mais aussi Grèce ou Espagne), les auteurs recommandent de poursuivre le découplage des aides et le ciblage de celles-ci sur les zones et les producteurs les plus pauvres, et d'améliorer les conditions de vie dans les zones rurales. Pour ceux où la transition est plus avancée, il s'agirait de centrer la PAC sur les soutiens du deuxième pilier, destinés à poursuivre la modernisation de l'agriculture.

Alexandre Martin, Centre d'études et de prospective

Source : Banque mondiale

11:20 Publié dans 4. Politiques publiques, PAC, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : pac, banque mondiale, pauvreté, emploi |  Imprimer | | | | |  Facebook

13/04/2017

Des vies de pauvres. Les classes populaires dans le monde rural, Agnès Roche

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Sous ce titre, Agnès Roche (université Clermont Auvergne) rend compte d’une recherche, menée de 2011 à 2013, sur la pauvreté dans les campagnes du Puy-de-Dôme. Quatre territoires aux profils contrastés (plus ou moins pauvres ou « attractifs », plutôt orientés vers l’élevage ou vers les grandes cultures, etc.) ont été retenus. L'observation d'interactions avec les assistantes sociales du Conseil général et de la MSA a servi de porte d’entrée pour interroger des usagers réguliers des services sociaux, suivant la méthode des récits de vie. 110 personnes ont ainsi été longuement interviewées : 12 « jeunes relégués », 21 « retraités modestes », 33 « travailleurs pauvres en galère et éclopés de la vie » et 44 « paysans ».

La première moitié de l’ouvrage réorganise le matériau ainsi recueilli en une série de portraits, qui « essaient de rendre compte de l’histoire de la personne et de sa situation présente », en recherchant « la variété des individus, des situations et des trajectoires ». Les agriculteurs, eux, sont distribués en trois sous-ensembles. Tout d’abord ceux « en sursis », souvent proches de la retraite, qui « vivotent sur de petites exploitations (…) condamnés à une disparition proche et certaine », sans repreneur dans la famille. Ensuite des agriculteurs en survie, qui ont hérité d’exploitations de taille moyenne, difficiles à moderniser. Et enfin de « nouveaux paysans », souvent issus du monde rural, mais « non-héritiers » et à la recherche d’une nouvelle vie.

La deuxième partie, plus analytique, cherche à dégager les mécanismes de « reproduction sociale » que subissent les catégories populaires en milieu rural, notamment à l’école et dans la famille. L’accumulation d’anecdotes et de difficultés verse parfois dans une ornière assez misérabiliste. Mais elle rend bien compte d’existences à la fois précaires et surdéterminées par leurs conditions sociales, et souvent mal connues des décideurs publics, issus de milieux plus favorisés.

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Lien : Presses universitaires de Rennes

16:07 Publié dans Agriculteurs, Société, Territoires | Lien permanent | Tags : pauvreté, classes populaires, rural |  Imprimer | | | | |  Facebook