15/02/2017
Rendements agricoles et indépendance alimentaire : un exercice prospectif à l'horizon 2050 pour l'Afrique subsaharienne
Publié dans la revue PNAS, cet article présente un exercice prospectif à 2050, portant sur les évolutions de la capacité de production agricole (céréales) des pays sud-sahéliens, en lien avec leurs démographies. Entre 2010 et 2050, la population d'Afrique subsaharienne devrait être multipliée par 2,5 et la demande en céréales par 3 (également portée par l'évolution des régimes alimentaires). Les dix pays analysés présentent en moyenne un ratio d'indépendance alimentaire (production domestique sur consommation totale) pour les céréales de 0,8. Ceci peut être source d'insécurité alimentaire car de nombreux États n'ont pas suffisamment de ressources en devises étrangères pour importer massivement des denrées. Les chercheurs ont utilisé le modèle d'équilibre partiel IMPACT, pour tester trois scénarios d'évolution de la production de céréales en fonction de l'accroissement du rendement, prenant en compte des changements de politiques stratégiques (augmentation des surfaces agricoles, des surfaces irriguées, promotion de l'agriculture intensive). Deux hypothèses importantes sont faites : le commerce intra-régional se développe sans entrave et le rendement des surfaces nouvellement agricoles est identique à celui des anciennes.
Parmi les résultats obtenus, les auteurs soulignent que le maïs dispose du plus grand potentiel dans la région et pourrait donc constituer une culture intéressante pour les producteurs comme pour la sécurité alimentaire. Dans le scénario qui s'appuie sur une augmentation des rendements à 2050 identique à celle entre 1991 et 2014, le besoin de surfaces céréalières serait de 97 millions d'ha (+185 %). Avec le scénario qui permet aux cultures non irriguées d'atteindre 50 % de leur optimum, les pays analysés amélioreraient leur indépendance alimentaire à 0,6. Cette cible paraît toutefois difficilement atteignable aux auteurs, au vu du besoin d'intensification, du difficile accès aux intrants et des faibles infrastructures de la région. Dans ce cas, 44 millions d'ha (+ 84 %) supplémentaires de surface céréalière seraient nécessaires pour atteindre l'auto-suffisance. Enfin, dans le cas où les surfaces agricoles atteignent 80 % de leur rendement optimal, la région resterait très dépendante des importations extra-régionales, avec une forte disparité entre les pays.
Les auteurs précisent que leur étude se limite aux déterminants agronomiques du défi alimentaire. Or, promouvoir la production agricole et atteindre une balance commerciale positive relèvent également de politiques ciblées (droit foncier, accès au crédit) et d'investissements (R&D).
Barthélemy Lanos, Centre d'études et de prospective
Source : PNAS
11:21 Publié dans 1. Prospective, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : rendements, afrique subsaharienne, céréales | Imprimer | |
L'expansion urbaine et ses conséquences sur les terres cultivées et la production agricole
La revue PNAS a publié récemment les résultats d'une étude prospective analysant les conséquences de l'expansion urbaine sur les terres cultivées et la production agricole, au niveau mondial et pour différents pays. Pour évaluer les pertes de surfaces et de production, les auteurs ont croisé des données spatiales d'utilisation des terres cultivées et de productivité agricole (année 2000) et des projections à 2030 de l'occupation urbaine selon trois scenarii (urbanisation faible, moyenne et importante). Des focus sont faits pour quatre denrées de base (maïs, riz, soja et blé) et trois cultures de rente (cacao, huile de palme et canne à sucre). L'étude détaille également les cas particuliers de grandes conurbations.
Il en ressort une perte globale de terres agricoles de 1,8 à 2,4 % d'ici 2030, avec une répartition mondiale très inégale. 80 % de ces pertes se situent en Asie (un quart pour la Chine seule) et en Afrique, soit 24 millions d'hectares (scénario médian). L'étude confirme que les terres gagnées par l'urbanisation sont en moyenne plus productives, induisant ainsi une diminution de production agricole de 3,4 à 4,2 %. Mais selon les différentes dynamiques de développement urbain, les conséquences de ces tendances sont géographiquement inégales. La baisse de production induite par 3 % de pertes de terres agricoles est ainsi de 6 % en Asie, mais de 9 % en Afrique. L'expansion urbaine constitue une menace importante pour la production agricole chinoise, alors que son impact productif sera plus limité, malgré des disparitions de surfaces importantes, aux États-Unis, en Inde ou au Brésil.
Différentes stratégies de compensation des pertes de production sont évoquées en fin d'article. Les auteurs ébauchent également une réflexion sur les conséquences de l'extension urbaine : notamment l’impact du développement des supermarchés (dans les grands centres) sur la structuration de la production agricole, et le devenir des petits producteurs perdant leurs terres en lien avec la sécurité alimentaire. L'étude conclut sur le rôle central de la gouvernance des zones urbaines vis-à-vis de la préservation des zones agricoles et sur la responsabilité des villes par rapport à la durabilité des ressources.
L’extension urbaine selon les différents scenarii
Source : PNAS
Claire Deram, Centre d’études et de prospective
Source : PNAS
11:19 Publié dans 1. Prospective, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : expansion urbaine, production agricole | Imprimer | |
Les réformes agraires dans le monde
La Revue d’histoire moderne et contemporaine consacre son dernier numéro aux réformes agraires. Le sujet, trop souvent circonscrit à la deuxième moitié du XXe siècle en Occident, est ici élargi à d'autres périodes et à différentes zones géographiques (Europe, Chine, Maghreb, Mexique).
Ce dossier thématique ne se limite pas à la question de la propriété du sol et à sa répartition : la réforme agraire y est comprise dans une acceptation large, les historiens s’intéressant aussi aux conditions de mise en valeur de la terre et aux multiples processus menant à ces réformes. À titre d'exemple, ils interrogent la Révolution française en tant que révolution agraire. Indéniablement, l'abolition des servitudes personnelles et des droits seigneuriaux, l'égalité des droits, la mise en vente de 10 % des superficies agricoles sous forme de biens nationaux et l'accès élargi à la propriété constituent des émancipations agraires. Cependant, les auteurs démontrent que les structures agricoles et la société paysanne ne sont pas sorties radicalement transformées de la Révolution. Ces changements ne se mettront en place qu'au fil des décennies suivantes.
Ce numéro présente une synthèse réussie des réformes agraires en Europe, en analysant les interactions, les convergences et divergences entre les différents processus dans chacun des pays. Dans un second temps, des études de cas approfondies abordent successivement : la réforme agraire au Mexique puis celle sous la Seconde République espagnole ; les réformes postcoloniales au Maghreb ; les politiques agraires de la Révolution chinoise.
Le dossier se conclut par un article sur la question de « l’accaparement des terres » (land grabbing), analysé comme une « contre-réforme » agraire. Une approche comparative historique de ce phénomène, avec des processus antérieurs, est ici développée. Ce dernier article montre la nécessité d’une véritable approche historique de l'accaparement et son auteur appelle à une plus grande participation des historiens à l’analyse de ce mouvement.
Céline Fabre, Centre d'études et de prospective
11:17 Publié dans Société, Territoires | Lien permanent | Tags : foncier, histoire, réformes agraires | Imprimer | |
14/02/2017
Le rôle des contacts indirects dans la propagation de maladies infectieuses en élevage
Dans la propagation de maladies infectieuses au sein des élevages, il est possible de distinguer les contacts directs (diffusion de la maladie consécutive aux échanges d’animaux porteurs entre exploitations agricoles), des contacts indirects (ceux associés aux déplacements des opérateurs, équipements et véhicules contaminés entre exploitations). Étudier le rôle des seconds reste une tâche peu aisée, mais cruciale pour la surveillance et la gestion des maladies infectieuses. La majorité des travaux de recherche est ainsi consacrée au rôle des contacts directs (ou encore à la propagation vectorielle). Tel est le constat dressé par une publication parue dans PLoS Computational Biology.
La difficulté, d’après les auteurs, est double. D’une part, les contacts indirects sont divers et de nature complexe. D’autre part, collecter la donnée en qualité et quantité suffisantes s’avère difficile : la méthode des questionnaires, employée dans de précédents travaux, ne donne pas suffisamment d’informations pour établir la structure du réseau associé à ces contacts (faible taux de réponse). Pour lever cet obstacle, les auteurs ont mobilisé plusieurs sources de données dans la région italienne d'Émilie-Romagne, et plus particulièrement dans la province de Parme :
- la base de données nationale d’identification pour les échanges d’animaux entre fermes, entre 2010 et 2013 (contacts directs) ;
- les dates de visite par le service public vétérinaire, la liste des prescriptions médicales réalisées (correspondant à une visite par un praticien), les échantillons envoyés au laboratoire local d’analyse et la liste des inspections d’exploitations faites par des vétérinaires du secteur privé (sous-traitance), pour l’année 2013.
Au final, le travail porte sur 1 349 exploitations laitières, et sur les déplacements de 50 agents du service public vétérinaire régional et de 203 praticiens privés.
S’appuyant sur le cas de la paratuberculose, les auteurs montrent que les voies de transmission directes et indirectes ne se recouvrent que partiellement (ie la structure des deux réseaux diffère), et donc que les risques d’infection associés seraient largement indépendants. Par ailleurs, l’étude conclut sur la contribution des contacts indirects, à l’échelle locale, à la propagation de maladies infectieuses.
Élise Delgoulet, Centre d'études et de prospective
Source : PLoS Computational Biology
11:15 Publié dans Protection des végétaux et des animaux, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : maladies infectieuses, élevage, contacts indirects | Imprimer | |
L'épidémiologie participative : quel impact sur la surveillance de la santé animale mondiale ?
Un article, paru dans la revue PLoS One, présente un inventaire des principales applications de l'épidémiologie participative à la santé animale, entre janvier 1980 et juin 2015. L'épidémiologie participative (EP), branche relativement récente de la science épidémiologique, s'appuie sur une participation active des populations locales, un contact régulier avec les éleveurs et une prise en compte accentuée du contexte socio-économique et environnemental. Différant de l'épidémiologie classique par des données plus qualitatives que quantitatives, elle se réfère à deux principes fondamentaux : la flexibilité (les sources d'information sont diverses, allant de l'entretien informel aux différentes formes de visualisation) et la triangulation (procédé de recoupement des données, pour en assurer la qualité et la fiabilité).
Dans cette étude, 237 publications (articles scientifiques, rapports techniques, actes de conférences, etc.), traitant principalement de la surveillance et du contrôle des maladies, ont été répertoriées, la plupart publiées depuis 2012. Elle s'appuie également sur les contributions, via un forum Internet, de 79 praticiens, issus de groupes de recherche, d'ONG ou d'universités, et travaillant en majorité en Asie et en Afrique. Les maladies couvertes dans les registres d'EP ont été classées dans différentes catégories générales, telles que les maladies transmises par la nourriture ou les maladies vectorielles. La carte ci-dessous présente les activités d'EP recensées en Europe, Afrique, Asie et Océanie.
Nombre d'activités en épidémiologie participative en Europe, Afrique, Asie et Océanie
Source : PLoS One
Les auteurs mettent en avant que l'EP a contribué, depuis une trentaine d'années, au contrôle de certaines maladies animales, telles que la fièvre aphteuse, la peste des petits ruminants et l’influenza aviaire. On peut également citer la peste bovine, éradiquée en 2011. La méthode est particulièrement utile dans les zones où il y a peu de services vétérinaires organisés et de données de surveillance.
Enfin, pour permettre un recours plus large à l'EP, les auteurs soulignent la nécessité d'une mise en place de normes et d'une définition standardisée conjointement par l'OIE et la FAO. Ils suggèrent également d'augmenter le nombre de praticiens formés aux spécificités de l'épidémiologie prédictive.
Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective
Source : PLoS One
11:13 Publié dans Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : épidémiologie participative | Imprimer | |
Revue des travaux scientifiques sur les choix alimentaires publiés depuis 1954
Publié dans le numéro de mars 2017 d'Appetite, cet article présente les résultats de la première revue des publications scientifiques quantitatives consacrées aux déterminants des choix alimentaires des adultes, issues de disciplines variées et couvrant la période 1954-2015. Les auteurs se sont appuyés sur le cadre interdisciplinaire DONE (Determinants Of Nutrition and Eating behavior framework), élaboré à l'occasion du projet européen Determinants of Diet and Physical Practices (DEDIPAC). 1 820 publications ont été retenues : 1 737 articles publiés dans 485 journaux académiques (Appetite, Food Quality and Preference, Journal of the American Dietetic Association étant les trois principaux), 57 thèses et 26 chapitres d'ouvrages, actes de conférences ou encore documents de travail.
Représentation simplifiée du cadre DONE
Source : Appetite
Cette revue s'est appuyée sur un codage, pour chaque publication, des indicateurs étudiés influant sur les décisions alimentaires, et des approches (nutrition, médecine, technologies alimentaires, étude des comportements, biologie, psychologie, marketing et consommation, économie, sociologie, etc.). Cela permet notamment de mettre en évidence que, si des domaines scientifiques variés sont mobilisés, la majorité des travaux repose sur la médecine et les sciences de la santé, et sur la nutrition. Plus de 60 % des publications sont consacrés à l'étude de l'individu, un tiers inclut le niveau environnemental (caractéristiques des produits par exemple) et peu traitent du niveau « politique » (stratégies industrielles et actions publiques). Il apparaît également que la plupart des travaux est concentrée sur un petit nombre d'indicateurs (facteurs psychologiques et biologiques, caractéristiques des produits). Par ailleurs, la dynamique des publications dans le temps révèle une croissance forte au cours des trente dernières années : la moyenne annuelle de neuf publications sur la période 1954-1989 est passée à 200 ensuite.
Enfin, les auteurs identifient plusieurs limites à leur démarche, qui ouvrent autant de perspectives de travaux : les études qualitatives et celles portant sur les enfants ont été exclues de la sélection ; la discipline de chaque étude a été codée à partir de la revue dans laquelle celle-ci a été publiée.
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Source : Appetite
11:06 Publié dans Alimentation et consommation, Enseignement et recherche | Lien permanent | Tags : recherche, alimentation | Imprimer | |
13/02/2017
Commerces de proximité alimentaires : les cas des crémiers-fromagers et des marchés de plein vent
La revue Ethnologie française publie, dans son premier numéro de 2017, un ensemble d'articles consacrés au commerce de détail, abordé dans ses dimensions historiques, sociales et spatiales. Si le commerce de détail fait l'objet, depuis quelques années, de travaux croissants, notamment en lien avec la ville, les « gens de commerce » sont peu abordés par la recherche. Ce numéro a donc pour objectif de « mettre la focale sur les membres d'un groupe professionnel méconnu », d'« aborder leur travail sous l'angle de leur professionnalisme » et d'« appréhender la manière dont ils subissent et utilisent la ville ». Les commerces alimentaires y sont abordés à deux reprises.
Le premier article s'intéresse aux crémiers-fromagers. S'appuyant sur une centaine d'enquêtes menées entre 2011 et 2014, l'auteure met en lumière le renouveau de ce commerce spécialisé, qui participe « de l'évolution des pratiques alimentaires urbaines et des nouvelles représentations du lien des aliments à l'espace ». Ce renouvellement a été marqué par le retour de la boutique (années 2000) et par une « gastronomisation de la profession ». Répondant aux attentes nouvelles des consommateurs urbains, ces évolutions s'appuient sur la valorisation du savoir-faire des commerçants, sur une plus grande proximité et une « réassurance » (informations sur le produit, sa provenance, ses conditions de production agricole et de fabrication, etc.), sur une réponse personnalisée, adaptée aux modes de vie (ex : snacking), etc. Les crémiers-fromagers s'insèrent également dans les politiques urbaines (aménagement, promotion touristique). Toutefois, ils sont confrontés à une uniformisation de l'offre, liée aux évolutions des secteurs de production et du commerce de gros, et cherchent à se différencier avec des produits étrangers rares ou l'exclusivité de la vente de produits locaux. Enfin, notons que cette forme d'artisanat est rare voire absente des communes rurales, banlieues, communes périurbaines non gentrifiées, petites villes et villes moyennes en difficulté.
Le second article présente les résultats d'enquêtes, conduites dans le cadre d'une thèse en géographie, auprès de commerçants alimentaires de marchés de plein vent de Rhône-Alpes. Il apporte des éclairages intéressants sur « leurs mobilités, sociales et géographiques, ainsi que les critères personnels qui dessinent leurs choix d'ancrage », et plus largement sur « les dynamiques en cours dans la fabrique de la ville ».
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Source : Ethnologie française
11:03 Publié dans Alimentation et consommation, Société | Lien permanent | Tags : commerce de détail, marchés, fromagerie | Imprimer | |
« Classes sociales au foyer », de la cuisine ouverte en HLM aux maisons d’agriculteurs
La dernière livraison des Actes de la recherche en sciences sociales est consacrée à l’espace domestique et à sa place dans les rapports de classes et de genres.
Étant donné le rôle des repas dans l’organisation du travail ménager, la question alimentaire affleure dans plusieurs articles. Ainsi, dans l’étude de Pierre Gilbert (université Paris 8) sur l’introduction de la cuisine ouverte dans les appartements des cités HLM, un intérieur « à l’américaine » paraît peu compatible avec la préparation de plats élaborés, salissants et très aromatiques. Cette nouvelle architecture, qui permet de gagner des mètres carrés habitables, accompagne « un processus plus large de transformation des habitudes culinaires en milieu populaire », vers la consommation de plats préparés et/ou surgelés. Ses effets sur le monde privé des classes populaires ne sont cependant pas mécaniques : loin de les aligner sur le mode de vie des classes moyennes, la cuisine ouverte fait l’objet de différentes résistances ou « réappropriations hétérodoxes », que l’article analyse finement.
Gilles Laferté (Inra) s’intéresse lui aux résidences des agriculteurs céréaliers du Germanois (nord-est de la France), en voie « d’embourgeoisement ». L’auteur, qui a visité une cinquantaine de maisons, décrit différents intérieurs dans le détail. Le grand pavillon, souvent auto-construit ou revalorisant des bâtiments de ferme plus anciens, constitue « la forme dominante de l’habitat agricole ». Ces bâtisses démesurées renvoient à « un art classique du recevoir », « faisant de son propriétaire le continuateur historique de la souche familiale », alors même que les occasions de se réunir sont devenues rares. Si habiter dans un château demeure inenvisageable – plus par modestie que par manque de moyens –, les agriculteurs s’emploient à « ennoblir leur pavillon » en usant de divers artifices : pignons, décoration intérieure, mise en valeur d’objets du patrimoine paysan, etc. L’auteur montre que leurs goûts évoluent au contact de ménages néo-ruraux « gentrifieurs », vers des formes proches de la maison de vacances (baies vitrées, terrasses en teck, etc.).
Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective
11:00 Publié dans Société | Lien permanent | Tags : classes sociales, cuisine, résidences | Imprimer | |
Le verdissement de l'économie, source d'emplois depuis 2007
S'appuyant sur la comparaison de deux recensements à cinq ans d'intervalle (2007 et 2012), la Dares (ministère du Travail) et l'Observatoire national des emplois et métiers de l'économie verte (Onemev) ont pour la première fois pu analyser les évolutions à l’œuvre dans les secteurs concernés. Deux publications récentes présentent ces éléments.
Le périmètre des professions de l'économie verte englobe deux ensembles de professions : les « vertes » (dont la finalité est la restauration ou la préservation de l'environnement) et les « verdissantes » (dont la finalité n'est pas environnementale mais qui évoluent pour intégrer cette dimension). Ainsi, en prenant l'exemple du secteur agricole et forestier, les agents techniques forestiers et la police environnementale (gardes de l'ONCFS, brigades vertes, etc.) exercent des métiers verts, alors que les agriculteurs installés en bio ainsi que d'autres techniciens forestiers, les bûcherons ou les jardiniers sont comptabilisés comme métiers verdissants.
Au total, en 2012, 4 millions d'emplois étaient dénombrés dans ces deux catégories, dont 144 000 pour les métiers verts. Par ailleurs, plus d'un emploi sur sept en France est impacté par une évolution des pratiques et des compétences liées aux préoccupations environnementales. L'analyse met en évidence une dynamique différenciée, au sein des secteurs d'activité, entre les emplois de l'économie verte et les emplois traditionnels. Ainsi, alors que les emplois agricoles et forestiers reculent sensiblement sur la période, les emplois verdissants du secteur progressent de plus de 11 % en cinq ans : conversion à l'agriculture biologique notamment, mais également développement des emplois en entretien des espaces verts (+ 15 %).
Enfin, les métiers de l'économie verte, très masculins, se sont un peu féminisés au cours de la période, passant de 14 à 16 % d'emplois occupés par des femmes (à comparer avec la moyenne nationale de 48 %). C'est, pour l'essentiel, dans les professions faisant appel aux plus diplômés que cette évolution est la plus sensible, notamment les secteurs de la recherche et de la protection de la nature.
Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective
10:58 Publié dans Travail et emploi | Lien permanent | Tags : économie verte, métiers | Imprimer | |
10/02/2017
Être convaincu de la réalité du changement climatique n'est pas suffisant pour adapter sa gestion forestière
Tel est le principal enseignement d'une enquête menée en Belgique auprès des propriétaires et gestionnaires de forêts, dont les résultats ont été publiés en fin d'année dernière dans Forest Ecosystems. Alors qu'il semble que le climato-scepticisme progresse, et compte tenu du temps de latence des décisions de gestion en matière forestière, les auteurs ont souhaité analyser le lien entre la conscience du changement climatique et de ses impacts, et l'adaptation de la gestion forestière aux enjeux.
L'enquête, menée par Internet via les réseaux sociaux, les réseaux professionnels ou encore les organismes publics, a recueilli près de 400 réponses, émanant principalement de gestionnaires forestiers (propriétaires en propre ou non). La quasi-totalité des répondants s'est déclarée convaincue de la réalité du changement climatique, la moitié en ayant déjà expérimenté les impacts sur la forêt (chablis importants suite à des vents violents, attaques sanitaires de grande ampleur, dépérissements en lien avec des périodes de sécheresse et de canicule, etc.). Toutefois, seuls 30 % des répondants sensibilisés à la menace climatique ont déclaré avoir adapté leur gestion forestière, principalement en privilégiant la mixité des peuplements, en accroissant la part de régénération naturelle et, plus rarement, en introduisant des essences mieux adaptées à des contextes climatiques plus chauds et secs.
Les auteurs ont identifié plusieurs freins à la mise en œuvre d'une conduite sylvicole adaptée : les gestionnaires sont pour la plupart démunis face au changement climatique, que ce soit par manque d'information sur les inflexions à apporter à leur gestion, par absence de mutualisation des expérimentations menées dans des contextes pédoclimatiques similaires, ou par résignation (aucune solution ne leur paraît répondre à l'enjeu).
Si les résultats de travaux scientifiques sur les conduites optimales sont disponibles, ils ne font que rarement l'objet de vulgarisations. Ainsi, les auteurs préconisent que les politiques publiques d'adaptation au changement climatique se centrent sur les transferts de connaissances et les partages d'expérience, visant à fournir aux forestiers les outils pour identifier les différentes options possibles et les modalités de mise en œuvre.
Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective
Source : Forest Ecosystems, Forest Ecosystems
10:57 Publié dans Climat, Forêts Bois | Lien permanent | Imprimer | |
Rapport intermédiaire de l’Évaluation Française des Écosystèmes et des Services Écosystémiques (EFESE) : de l'évaluation à l'action
Publié début janvier, le rapport intermédiaire de l'EFESE présente un état des lieux au 31 décembre 2016 des réflexions en cours sur les écosystèmes français et leurs enjeux. Programme engagé en 2012 par le ministère de l'Environnement, cette évaluation cherche à dresser un état des écosystèmes terrestres et marins et de leurs évolutions, en France hexagonale et ultra-marine, et à estimer la valeur des services qu’ils produisent en termes de bien-être individuel et collectif. Elle vise aussi à identifier des pistes d’action pour réduire les pressions exercées sur les écosystèmes.
Ont ainsi été étudiés six grands types d’écosystèmes : forestiers, agricoles, urbains, zones humides, milieux marins, et roches d’altitude et haute montagne. Une partie importante des écosystèmes serait dégradée puisque seuls 22 % des habitats et 28 % des espèces d'intérêt européen apparaissent en bon état de conservation (voir figure ci-dessous).
État de conservation des espèces et habitats remarquables sélectionnés par grands types d'écosystème
Source : CGDD
En termes de valeur, pour les agro-écosystèmes (intersection d’un système écologique et d’un système socio-économique, à l’échelle de l'exploitation), le rapport mentionne la forte valeur marchande de la production agricole française (74,3 milliards d'euros en 2015, pour une valeur ajoutée estimée à 29,5 milliards d'euros), avec trois productions majeures : vin, céréales et lait. Au-delà des biens emblématiques (bois, produits issus de la mer et de l'agriculture), est soulignée la grande variété de biens aux valeurs méconnues : denrées alimentaires (gibier, champignons), objets décoratifs ou utilitaires (vannerie), plantes à parfum, ou encore ressources biologiques et génétiques, particulièrement concentrées dans les territoires d'outre-mer. Ainsi en est-il des récifs coralliens, abritant certaines éponges à propriété médicinale (La Réunion) ou délimitant des lagons propices à la perliculture (Polynésie française).
Le bilan dressé à ce stade fait ressortir l'hétérogénéité des données disponibles pour l'évaluation des biens et services écosystémiques, des dimensions patrimoniales des écosystèmes et de leurs contraintes. Progresser dans les évaluations des différents services, notamment ceux de grande valeur encore peu caractérisés, afin d'aider les décideurs publics à une reconquête efficace de la biodiversité, est un des messages clefs de ce rapport (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog).
Christine Cardinet, Centre d'études et de prospective
Source : CGDD
10:54 Publié dans Environnement | Lien permanent | Tags : efese | Imprimer | |
Les sols. Intégrer leur multifonctionnalité pour une gestion durable, Antoine Bispo, Camille Guellier, Édith Martin, Jurgis Sapijanskas, Hélène Soubelet, Claire Chenu (coord.)
La fragilité et la préservation nécessaire des sols ont été mises en lumière par plusieurs initiatives internationales, comme le volet « 4 pour 1000 » du Plan d'Action Lima-Paris. C'est dans ce contexte que cet ouvrage collectif restitue et articule les principaux résultats de 22 projets lancés en 2008 et 2009, dans le cadre du programme de recherche finalisée et interdisciplinaire GESSOL. Ces projets contribuent à une meilleure compréhension des usages et des perceptions des sols (partie 1), ainsi qu'à celle de leur capacité à répondre aux enjeux de sécurité alimentaire, de climat, de biodiversité, de filtration et de régulation des contaminants (partie 2). Ils analysent également divers outils et démarches à l'appui des politiques publiques (partie 3).
L'usage agricole des sols figure en bonne place dans l'ouvrage, avec des approches variées. Par exemple, il documente l'intérêt croissant des agriculteurs pour les techniques alternatives d'entretien des sols, comme l'agriculture de conservation, en interrogeant les voies d'accompagnement des changements de pratiques. Il compare les modes de gestion de la vigne afin d'identifier ceux favorables à la biodiversité dans les sols, ainsi que les leviers pour limiter, à l'échelle du bassin versant, la contamination des eaux de ruissellement par les pesticides. Il étudie également le devenir de protéines insecticides dans les sols, afin de prévoir leurs effets à long terme et des stratégies de surveillance. À une autre échelle, il croise les littératures sur les besoins à venir en alimentation, biomasse énergétique et produits biosourcés, avec les modalités d'action permettant d'y répondre. Cette analyse permet ainsi d'asseoir le rôle essentiel des sols pour réussir les transformations nécessaires de nos systèmes productifs.
Plusieurs pistes méthodologiques sont ouvertes. Ainsi, l'un des projets présentés dans la dernière partie explore le potentiel de l'intégration, dans les analyses de cycle de vie, des impacts des activités agricoles sur la qualité des sols. Une méthode est proposée et testée sur la production en Bretagne d'un aliment pour porcs. Elle estime ainsi que, pour en produire une tonne, 102 kg de sol sont érodés, dont 47 % à l'étranger (incertitude estimée à environ 50 %).
Vanina Forget, Centre d'études et de prospective
Lien : Éditions Quæ
10:52 Publié dans Agronomie, Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : sols | Imprimer | |
09/02/2017
Les migrations d'insectes
Un collectif de chercheurs a publié dans le journal Science une estimation des flux migratoires d’insectes volants dans le sud de l’Angleterre. Cette étude repose sur un dispositif de radars mis en place de façon à couvrir une aire de 70 000 km². Il a permis d’établir une série de 10 années d’observation, avec des informations sur la masse et les caractéristiques de vol des insectes (vitesse, direction et hauteur). Le dispositif de mesures est complété par des filets de captures pour les insectes de moins de 10 mg.
Les auteurs concluent à un mouvement migratoire vers le sud en automne, et inversement au printemps. Ils estiment que ce flux concerne environ 3,5 billions d'insectes, ce qui représenterait une masse de 3 200 tonnes. Ce mouvement est aussi caractérisé par des variations inter-annuelles, parfois de l’ordre de 200 tonnes, qui seraient associées aux températures estivales : un été plus chaud est synonyme d’un plus grand nombre de naissances d’insectes. Un résultat que les chercheurs rapprochent des changements du climat à venir.
Source : ScienceDaily
10:50 Publié dans Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : insectes, migration | Imprimer | |
Agricultures et villes : des articulations renouvelées
Les Annales de géographie livrent un dossier qui met en lumière plusieurs aspects des agricultures péri-urbaines. Y. Le Caro (université Rennes 2) rend compte d’une enquête par entretiens avec des agriculteurs de l’Ouest de la France, dans le cadre d’une approche topologique. Le plus souvent, « les agriculteurs interrogés font preuve d’ingéniosité pour adapter leur exploitation et plus précisément leurs parcelles aux évolutions et demandes exogènes qui concernent directement leur espace de travail ». Par exemple, un agriculteur déclarera en jachère une petite parcelle pour ménager le passage des chevaux ou louer des terres pour le jardin de nouveaux voisins. « Par contraste », le chercheur se dit « frappé par la rareté et la confidentialité des réflexions et des moyens consacrés », au sein des territoires ruraux et des organisations agricoles, « à l’intégration territoriale des interactions agri-urbaines ».
Par ailleurs, C. Clément et C. Soulard (Inra) s’intéressent à la « publicisation » des espaces agricoles dans le Languedoc, c’est-à-dire à la concurrence des usages sur ces espaces « pratiqués par de multiples acteurs » (habitants, touristes, etc.). Signalons également un article qui évalue les initiatives sarthoises de fourniture de produits locaux et de qualité à la restauration collective depuis la fin des années 2000, avec un bilan mitigé.
Source : Annales de géographie
10:48 Publié dans Territoires | Lien permanent | Tags : péri-urbain, ville, agriculture | Imprimer | |
08/02/2017
Modélisation de l'impact sur la santé au Royaume-Uni de la taxe sur les sodas
En janvier, The Lancet a publié un article présentant les résultats d'une évaluation de l'impact potentiel, sur la santé, de la taxe sur les boissons sucrées, proposée en mars 2016 au Royaume-Uni et comportant plusieurs niveaux selon la teneur en sucre. Trois types de réponses des industriels ont été modélisées : la reformulation des produits ; l'augmentation du prix ; l'évolution des parts de marché entre les catégories de boissons (high-sugar, mid-sugar, low-sugar). Les effets de chacun de ces scénarios sur l'obésité, le diabète et les caries dentaires de la population ont été évalués, à partir d'un modèle combinant notamment des données de ventes et de consommation, les prévalences des maladies, des estimations de l'élasticité des prix, etc.
Il apparaît que la reformulation des produits est le scénario le plus favorable pour la santé, permettant une baisse du nombre de personnes obèses (environ 14 400 en moins sur un total de 15 millions), et une réduction des cas de diabète de type 2 (moins 19 000 par an). Les moins de 18 ans bénéficient le plus de la baisse de l'obésité et de l'amélioration de la santé bucco-dentaire, alors que ce sont les plus de 65 ans qui sont concernés par la réduction du diabète.
Source : The Lancet
10:47 Publié dans 4. Politiques publiques, Alimentation et consommation, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : nutrition, taxe, sodas, royaume-uni | Imprimer | |