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13/04/2017

Des vies de pauvres. Les classes populaires dans le monde rural, Agnès Roche

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Sous ce titre, Agnès Roche (université Clermont Auvergne) rend compte d’une recherche, menée de 2011 à 2013, sur la pauvreté dans les campagnes du Puy-de-Dôme. Quatre territoires aux profils contrastés (plus ou moins pauvres ou « attractifs », plutôt orientés vers l’élevage ou vers les grandes cultures, etc.) ont été retenus. L'observation d'interactions avec les assistantes sociales du Conseil général et de la MSA a servi de porte d’entrée pour interroger des usagers réguliers des services sociaux, suivant la méthode des récits de vie. 110 personnes ont ainsi été longuement interviewées : 12 « jeunes relégués », 21 « retraités modestes », 33 « travailleurs pauvres en galère et éclopés de la vie » et 44 « paysans ».

La première moitié de l’ouvrage réorganise le matériau ainsi recueilli en une série de portraits, qui « essaient de rendre compte de l’histoire de la personne et de sa situation présente », en recherchant « la variété des individus, des situations et des trajectoires ». Les agriculteurs, eux, sont distribués en trois sous-ensembles. Tout d’abord ceux « en sursis », souvent proches de la retraite, qui « vivotent sur de petites exploitations (…) condamnés à une disparition proche et certaine », sans repreneur dans la famille. Ensuite des agriculteurs en survie, qui ont hérité d’exploitations de taille moyenne, difficiles à moderniser. Et enfin de « nouveaux paysans », souvent issus du monde rural, mais « non-héritiers » et à la recherche d’une nouvelle vie.

La deuxième partie, plus analytique, cherche à dégager les mécanismes de « reproduction sociale » que subissent les catégories populaires en milieu rural, notamment à l’école et dans la famille. L’accumulation d’anecdotes et de difficultés verse parfois dans une ornière assez misérabiliste. Mais elle rend bien compte d’existences à la fois précaires et surdéterminées par leurs conditions sociales, et souvent mal connues des décideurs publics, issus de milieux plus favorisés.

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Lien : Presses universitaires de Rennes

16:07 Publié dans Agriculteurs, Société, Territoires | Lien permanent | Tags : pauvreté, classes populaires, rural |  Imprimer | | | | |  Facebook

11/09/2015

La lutte contre l’obésité entre stigmatisation et émancipation des classes populaires

Dans la lignée des fat studiesun champ d’étude consacré à la critique des stéréotypes associés à la forte corpulence -, Actes de la recherche en sciences sociales consacre un dossier à l’obésité comme problème public. Les implications politiques de la lutte contre le surpoids y apparaissent comme fondamentalement ambivalentes.

Menant une enquête sur la perception de soi et les représentations du corps idéal, D. Vandebroeck met en évidence « un consensus certain sur l’association entre une silhouette et une catégorie sociale donnée ». Il rappelle d’ailleurs l’apport des études épidémiologiques sur « l’existence d’une forte relation inverse entre masse corporelle et position sociale, particulièrement nette chez les femmes ».

Pour lui, les jugements sur la corpulence permettent de donner une forme acceptable, euphémisée par le vocabulaire de la responsabilité individuelle, à des intentions discriminatoires (racisme, misogynie, mépris de classe). « La dévalorisation symbolique de la corpulence – et du style de vie qui la produit » est en partie liée à « une intervention accrue de l’État dans la gestion du poids corporel des individus ». « Même s’il s’agit d’efforts tout à fait sincères de maîtrise des effets négatifs de l’obésité », l’action publique contribuerait « à la stigmatisation morale des plus démunis ».

En contrepoint de cette critique virulente, d’autres travaux montrent que les politiques de santé ne peuvent être réduites à l’imposition d’une norme corporelle propre aux classes dominantes. Dans l’étude de E. Martin-Criado sur le contrôle du poids chez les mères de famille des classes populaires en Andalousie, ces politiques jouent aussi comme un levier d’émancipation. L’argument des régimes anti-cholestérol permet aux femmes de prendre des distances avec le repas traditionnel, sans mettre en péril leur qualité de « bonne mère ».

Le dossier aborde également les troubles alimentaires au travail (voir à ce sujet un précédent billet sur les food studies), la place de l’obésité dans l’information télévisée et enfin la naissance de politiques alimentaires territoriales aux États-Unis dans la première moitié des années 1980.

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Source : Cairn