12/07/2022
Jean Boiffin, Thierry Doré, François Kockmann, François Papy, Philippe Prévost (coord.), La fabrique de l'agronomie. De 1945 à nos jours, Éditions Quæ, 2022, 498 pages
Cet ouvrage éclaire les développements de l'agronomie en France depuis le milieu du XXe siècle. Entre science et technique, entre production de connaissances sur « les relations entre les plantes cultivées, le milieu et les pratiques agricoles » et solutions d'ingénierie pour mieux « raisonner la conduite des cultures », la discipline d'abord ancrée dans la chimie agricole et la physiologie végétale, se renouvelle au contact des sciences humaines, de l'écologie, etc. Elle répond aussi à de nouvelles demandes en matière de durabilité et de formation. Deux parties décrivent les processus, les étapes et les acteurs de cette évolution.
La première porte sur les dynamiques scientifiques contribuant à la « cohérence interne » de l'agronomie. Est ainsi mise en perspective l'apparition de concepts clés comme le « système de culture », l'« itinéraire technique » ou le « modèle d'action » (figure ci-dessous). De même, les approches, méthodes et outils de l'agronome s'enrichissent.
Chronologie de l’émergence des domaines, objets et concepts de l’agronomie, entre 1945 et 2020
Source : Éditions Quæ
Les exemples étudiés, comme le « profil cultural », « l'analyse de rendements » ou la « modélisation d'accompagnement », illustrent la tension entre deux stratégies : « s'affranchir de la variabilité ou en tirer parti ». Le développement du numérique permet, de façon inédite, de formaliser des raisonnements et de modéliser les agroécosystèmes, mais il sert aussi de levier à l'automatisation des agroéquipements. Un chapitre vise plus particulièrement les échelles d'analyse (parcelle, exploitation, région, etc.) et le « couplage entre fonction productive et environnementale de l'agriculture ». Un autre aborde la succession de cinq régimes de conception des « objets » de l'agronomie, et la contribution de la discipline aux processus d'innovation et de transition.
La seconde moitié du livre s'intéresse davantage aux institutions qui mobilisent, orientent et financent l'activité des agronomes : recherches fondamentale et appliquée, établissements de formation (notamment de l'enseignement supérieur), système du développement agricole, etc. À partir des cas de l'azote, de la gestion des sols et du foncier, et de la protection des plantes (plan Écophyto), le chapitre consacré aux politiques publiques souligne les risques d'instrumentalisation, et les « relations difficiles » entre commande d'expertise et autonomie disciplinaire.
Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective
Lien : Éditions Quæ
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