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17/11/2016

PAC 2020 : trois rapports pour lancer les discussions au Parlement européen sur une future réforme

À l'occasion d'une table ronde sur la prochaine PAC, organisée le 8 novembre 2016 par la Commission agriculture et développement rural du Parlement européen, les travaux de trois équipes de chercheurs ont été publiés dans un rapport. Nous développerons ici plus spécifiquement la première étude, traitant des paiements directs et de la structure de la PAC, avant d'évoquer plus rapidement les deux suivantes, davantage ciblées sur la gestion des risques de marché et les problématiques liées au développement des zones rurales.

Dans le premier document, l'économiste Alan Matthews dresse un état des lieux des paiements directs (qui représentent 72 % du budget de la PAC), sous la forme d'une synthèse de travaux académiques et institutionnels et de débats récents.

L'auteur rappelle les choix européens et nationaux opérés dans le cadre de la dernière réforme. Il analyse ensuite les impacts de cette réforme en termes de dépendance aux aides, d'effet redistributif entre exploitations, de stabilisation des revenus, de productivité, de renouvellement des générations et d'effets environnementaux. Pour chacun de ces volets, il conclut que les paiements directs actuels sont au mieux insuffisamment ciblés pour être réellement efficaces, au pire contre-productifs. Pour A. Matthews, la conclusion est claire : les paiements actuels ne sont pas des outils adaptés aux objectifs qu'ils entendent servir. Une réforme en profondeur paraît alors nécessaire.

L'auteur explore ensuite trois pistes d'évolution :

- un modèle de « stabilité », pour lequel on suppose une continuité entre les mesures de 2013 et celles de 2020, avec des ajustements afin de rendre plus efficace et plus simple l'application des politiques ;

- un scénario de « retour vers le futur », à l'américaine, avec deux variantes en substitution aux paiements découplés : i) un retour vers des aides sous forme de paiements contra-cycliques ou ii) le déploiement d'outils assurantiels (par exemple de stabilisation des revenus) ;

- une réforme « verte » qui décrit quatre modalités d'évolution du verdissement.

Sur la base de ces scénarios contrastés, l'auteur présente ce que serait selon lui une PAC optimale (en termes de paiements directs), supportée par un pilier unique et déployée en cinq registres (''tiers'' en anglais), composés de mesures aux objectifs mieux ciblés (soutien environnemental, gestion de la variabilité des revenus, etc.) :

Grandes lignes du système de paiements directs proposé

PAC1.jpg

Source : Parlement européen

Sans détailler chacun de ces volets, notons leurs traits caractéristiques :

- une architecture simplifiée assez proche de celle de l'actuel second pilier (cofinancement pour tous les tiers, logique pluriannuelle, etc.) ;

- une sortie des paiements découplés remplacés progressivement par des outils mieux ciblés sur la gestion du risque, le soutien à la compétitivité ou à la production de biens publics ;

- une logique contractuelle (plus qu'une logique de guichet), en particulier pour les paiements environnementaux (tiers 2 et 4) ;

- le passage d'une obligation de moyens à une obligation de résultats, y compris dans les relations entre l'Europe et les autorités de gestion.

La mise en œuvre de mesures agro-environnementales « de masse » définies nationalement serait une condition pour bénéficier de l'ensemble des autres aides (y compris les aides non surfaciques).

Une première simulation de budget pour la prochaine PAC (en milliards d'euros)

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Source : Parlement européen (A. Matthews), mise en forme CEP

Le second document mis à la disposition des parties prenantes de la table ronde a été rédigé par J.-C. Bureau (AgroParisTech) et L.-P. Mahé (AgroCampus Rennes). Cette étude traite de la gestion des risques. Les auteurs s’appuient notamment sur un examen de la dernière crise laitière et des mesures prises ces derniers mois, après avoir dressé une analyse critique de la PAC actuelle et des dispositifs de gestion des risques en place aux États-Unis et en Europe. Sur cette base, ils développent 27 propositions pour une PAC à trois piliers. Parmi celles-ci, un renforcement de la réserve de crise, la mise en place d'une autorité indépendante d'application des politiques, la conditionnalité des aides à la souscription d'outils ou programmes de gestion des risques ou de stabilisation des revenus, ces derniers devant être conçus comme préventifs.

Réalisée par T. Dax (Federal Institute for Less-Favoured and Mountainous Areas) et A. Copus (The James Hutton Institute et Nordic Center for Spatial Developement), la troisième étude publiée traite plus spécifiquement du développement rural. En se basant sur des évaluations de politiques publiques, des études et des avis d'experts, les auteurs soulignent les manques de la PAC actuelle, en insistant notamment sur la ré-allocation décevante des ressources entre régions. Les principales recommandations formulées incluent une prise en compte poussée des opportunités et contextes locaux dans des programmes de développement co-conçus avec les parties prenantes des territoires.

Alexis Grandjean, Pierre Claquin, Centre d'études et de prospective

Source : Parlement européen

 

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Obligations vertes : les États entrent dans la danse

Alors que le marché des obligations vertes est en pleine expansion (multiplié par 4 depuis 2013), la France innove en annonçant le lancement d'un emprunt obligataire d'Etat de 9 milliards, sur les trois prochaines années, destiné à financer les investissements liés à la transition écologique. L'arrivée des dettes souveraines sur ce créneau devrait donner un coup d'accélérateur à un outil de financement innovant, à la fois par son ciblage et par ses modalités de fonctionnement, ainsi que le relève un article récent de ParisTech Review.

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Source : ministère de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer

Les green bonds ne sont pas nouvelles mais la COP 21 les a replacées au centre du dispositif de financement des investissements en faveur d'une économie bas-carbone. Apparues dans les années 2000 aux États-Unis, elles ont été depuis largement soutenues par la Banque mondiale, puis par la Banque européenne d'investissement, avant de susciter l'intérêt de grandes entreprises et des banques commerciales. Chine et Inde figurent parmi les principaux pays émetteurs, aux côtés des nations occidentales.

L'intérêt de cet outil réside dans le lien clair existant entre la recherche de fonds et le projet d'investissement « vert », permettant d'élargir la base des investisseurs susceptibles de financer des projets ayant une forte dimension environnementale, notamment dans les domaines agricoles et forestiers. L'un des défis des obligations vertes est de garantir un impact environnemental positif, non seulement lors du lancement du projet mais également à terme. Ce sont donc naturellement les questions de certification et de transparence qui focalisent l'attention, tant des États et des milieux financiers que des organisations non gouvernementales (lire à ce propos le rapport du WWF France de juin 2016).

De fait, les obligations vertes soutiennent une allocation plus efficace du capital sur des projets bas-carbone et résilients au changement climatique (cf. le rapport de l'Institute for Climate Economics, publié en juin). À plus long terme, au-delà de la caution apportée par les États au travers des obligations souveraines, qui permettent aux investisseurs de pondérer leur risque, la mutualisation des besoins de financement pour les investisseurs plus modestes, en particulier via la titrisation, devrait faciliter l'accès aux fonds « responsables ».

Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective

Sources : ParisTech Review, Commissariat général au développement durable

10:30 Publié dans 4. Politiques publiques | Lien permanent | Tags : obligations vertes |  Imprimer | | | | |  Facebook

Une revue du potentiel des techniques d'ingénierie génétique CRISPR-Cas9

Dans le numéro de septembre 2016 de Nature Biotechnology, J. Doudna et R. Barrangou passent en revue les perspectives offertes par la technologie CRISPR-Cas9 (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog), en termes de recherche fondamentale mais aussi d'applications pratiques. Quatre ans seulement après la publication dans Science de l'article fondateur, cette technologie issue d'un mécanisme bactérien de lutte contre les virus a connu un développement scientifique particulièrement intense dans de nombreux domaines de la biologie. Les auteurs reviennent ainsi sur les principales voies de recherche développées aujourd'hui dans plus de cinquante pays sur le système CRISPR-Cas9 : de l'étude au perfectionnement des outils d'ingénierie génétique, jusqu'à leur application concrète. En effet, ce système, par sa plasticité, sa sélectivité et un coût de mise en œuvre déjà faible, ouvre de nombreuses et prometteuses possibilités concrètes, qui ne sont pas sans poser des questions écologiques et éthiques.

Par exemple, les recherches progressent rapidement dans l'intervention sur le génome des micro-organismes, ouvrant la voie à des moyens de lutte inédits contre les bactéries et virus, capables de cibler des pathogènes au sein d'une population bactérienne, et constituant alors un nouveau type d'antibiotiques à action spécifique. Dans le secteur agricole, de nombreux développements montrent que les outils CRISPR pourraient accélérer la sélection génétique de caractères ciblés. Leur combinaison avec la génomique statistique a déjà permis le développement de porcs protégés contre des virus ou de vaches laitières dépourvues de cornes. Par ailleurs, de nombreux travaux sont déjà menés sur les plantes cultivées (maïs, soja, tomate), et des champignons blancs génétiquement édités pour résister au brunissement ont été autorisés à la production et la commercialisation aux États-Unis, où ils ne sont pas considérés comme « génétiquement modifiés » car ils ne contiennent aucun ADN étranger (à l'inverse des premières générations d'OGM).

C'est probablement dans l'industrie agroalimentaire que les utilisations du système CRISPR-Cas9 sont les plus avancées. C'est d'ailleurs à partir de travaux sur les souches bactériennes lactiques destinées à la fabrication de yaourts que les mécanismes immunitaires des bactéries ont été mis en évidence, conduisant rapidement à la découverte du complexe CRISPR-Cas9. Différentes souches de bactéries lactiques ont ainsi pu être vaccinées contre des virus néfastes. Si les opportunités semblent évidentes en termes de recherche, les techniques d'édition génétique (voire de propagation rapide par gene-drive) soulèvent toutefois de nouvelles questions réglementaires et sociétales.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : Nature Biotechnology

Les impacts de l'agriculture de précision en débat

Plusieurs publications récentes s’interrogent sur les apports de l’agriculture de précision. En amont d’une prospective sur « le futur de l’agriculture », à paraître fin 2016, le Service de recherche du Parlement européen livre une série de synthèses sur les développements technologiques récents, leurs impacts environnementaux, les questions de formation et la gouvernance de l’agriculture numérique.

Selon les auteurs, « les exploitations agricoles vont mettre en œuvre les technologies de l’agriculture de précision pour produire ''plus avec moins'', accroissant ainsi leur compétitivité et celles des filières agro-alimentaires. Les grandes en profiteront le plus ». En découlera une augmentation de la taille des exploitations « en raison des investissements et des savoir-faire nécessaires », et « le nombre de fermes va encore diminuer ».

Sous réserve de ses implications sociales, l’agriculture de précision apparaît de plus en plus comme une solution pour concilier les enjeux économiques et environnementaux, y compris au sein du système intégré de gestion et de contrôle (SIGC) de la PAC, où elle pourrait permettre de vérifier le respect des bonnes pratiques. Les performances environnementales semblent validées par une série d’études ponctuelles. Mais, selon le rapport, on manque encore de références économiques indépendantes pour apprécier ses impacts. C’est d’ailleurs un constat partagé avec le Focus Group PEI-AGRI sur l'agriculture de précision, dont les derniers travaux viennent également d’être publiés.

On lira donc avec intérêt l’étude rendue publique par l’USDA sur l’adoption, par les agriculteurs américains, notamment les maïsiculteurs, de trois technologies : les cartes de sols et de rendement, les systèmes d’auto-guidage et la modulation intra-parcellaire. Il en ressort en particulier que « les exploitations les plus grandes sont les plus susceptibles d’adopter les technologies de l’agriculture de précision », ces investissements restant lourds. Ces technologies peuvent générer des coûts salariaux supplémentaires (main-d’œuvre qualifiée). Au total, suivant les données analysées (déjà anciennes, car datant de 2010), « l’impact de ces technologies sur les profits des maïsiculteurs américains est positif, mais limité », ce qui constitue un frein important à leur plus large diffusion.

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Sources : European Parliament Research Service, USDA

10:25 Publié dans 1. Prospective, Exploitations agricoles | Lien permanent | Tags : agriculture de précision |  Imprimer | | | | |  Facebook

Une analyse des facteurs de résistance des exploitations laitières en zone de montagne

Dans le numéro d'octobre 2016 de la revue Agricultural Economics, Marie Dervillé et des chercheurs de l'Observatoire du développement rural (ODR) ont analysé la restructuration des exploitations laitières françaises en zone de montagne et des facteurs de résistance de ces exploitations.

À l'aide d'un appariement des données administratives issues de la gestion des quotas laitiers, des données de l'ODR concernant notamment les aides européennes du second pilier, et des informations issues de la Mutualité sociale agricole pour l'année 2004, les auteurs ont développé une riche base de données permettant un suivi quasi exhaustif (86 %) des exploitations laitières françaises entre 2004 et 2009. À partir de cette base, les auteurs ont analysé les facteurs endogènes et exogènes aux exploitations déterminant le maintien, la progression ou l'arrêt de la production laitière. Le contexte externe a notamment été caractérisé, pour 500 micro-zones de montagne, du point de vue de la densité laitière, de la part locale des aides du second pilier, du développement d'Appellations d'origine protégée (AOP) et d'une typologie de la transformation laitière locale.

Sur la base de ces facteurs, les auteurs ont élaboré trois modèles économétriques pour caractériser et analyser le devenir de l'activité laitière. Cette approche leur a permis d'isoler les facteurs influençant le plus la poursuite de l'activité laitière des exploitations, montrant notamment les rôles conjoints des économies d'échelle et des économies de gamme : dynamique de croissance passée, implication dans les mesures agro-environnementales et diversification par la transformation fermière renforcent nettement la pérennité de l'activité. Parmi les facteurs contextuels, le développement des AOP, la densité laitière, l'organisation collective et la structure de la transformation locale renforcent l'attractivité pour la production. Enfin, les mesures du second pilier se révèlent moins efficaces que la gestion des quotas laitiers dans l'incitation au maintien de la production.

Ce travail innovant, de valorisation de données administratives dans une analyse économétrique et géographique, apporte des éléments essentiels dans la compréhension de la restructuration laitière, et ouvre de nombreuses pistes de travail.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : Agriculturals Economics

10:23 Publié dans Exploitations agricoles | Lien permanent | Tags : exploitations laitières, facteurs de résistance, montagne |  Imprimer | | | | |  Facebook

16/11/2016

Quand pertes de biodiversité et de productivité forestière vont de pair

Montrer les effets de la biodiversité sur la productivité des systèmes forestiers, tel est l'enjeu d'une publication dans la revue Science, qui a mobilisé une équipe internationale de chercheurs appartenant à 90 institutions. Sachant qu'une espèce arboricole sur trois est considérée comme menacée, ils ont exploré les conséquences d'une diminution de cette diversité des essences sur l'augmentation annuelle du volume de bois, c'est-à-dire l'accroissement biologique.

Ce travail repose sur 45 inventaires forestiers dans 44 pays, soit près de 780 000 parcelles, incluant plus de 30 millions d'arbres appartenant à 8 727 espèces. Avec cette importante base de données, les chercheurs visent à changer d'échelle par rapport aux études précédentes. Ils souhaitent ainsi obtenir une appréciation plus globale de la relation entre biodiversité et productivité, tout en soulignant ses variations spatiales.

Côté résultats, sur la majorité des sites, une perte de la biodiversité spécifique entraîne une diminution de la production forestière : globalement, un déclin de 10 % (de 99 % dans un second cas) entraîne une baisse de 2 % à 3 % de la productivité (entre 62 et 78 % dans ce second cas). Les cartes ci-dessous montrent les conséquences régionales de ces pertes de biodiversité. À noter que les régions les plus touchées en termes relatifs (c'est-à-dire en pourcentage) ne sont pas forcément celles les plus concernées en termes absolus (en m3 de production perdus par hectare et par an). Les auteurs soulignent également les impacts possibles sur l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre : une baisse de diversité de 25 % entraîne une diminution de 7,2 % de la capacité de stockage de carbone.

Estimation en % (carte A) et dans l'absolu (carte B) de la baisse de productivité forestière avec un déclin de 10 % de la richesse des espèces forestières (entre parenthèses, les résultats pour un déclin de 99 %)

biodiversite.jpg

Source : Science

Les auteurs proposent également une estimation de la valeur économique de cette biodiversité, estimation partielle car reposant uniquement sur la valeur économique de la production de bois. Pour ce faire, ils mobilisent deux études donnant une valeur de la production forestière annuelle de l'ordre de 649 milliards de US$ (2007) et 606 milliards de US$ (2011). Ils appliquent les taux de perte de productivité calculés précédemment (26 à 66 % pour une diminution de la biodiversité actuelle à une seule espèce), et en concluent ainsi à une valeur comprise entre 166 et 490 milliards de US$ (2015) par an.

Élise Delgoulet, Centre d'études et de prospective

Sources : Science, Cirad

10:20 Publié dans Environnement, Forêts Bois | Lien permanent | Tags : biodiversité, forêt, productivité |  Imprimer | | | | |  Facebook

Insectes introduits envahissants : des dégâts sous-évalués

Moustique tigre, capricorne asiatique, longicorne de l'épinette, frelon asiatique, etc. : la liste est longue des insectes introduits qui s'acclimatent et provoquent des dégâts importants sur les productions, la santé humaine ou les écosystèmes. Selon des travaux récemment publiés dans Nature Communication, les coûts annuels mondiaux peuvent être estimés au minimum à près de 80 milliards de dollars.

Les coûts marchands et non-marchands générés par les insectes introduits envahissants

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Source : Nature Communication

Ce travail original s'appuie sur les évaluations menées régionalement, espèce par espèce. Ces études ne sont pas légion, au regard des dégâts immenses qui peuvent en résulter : les auteurs ont ainsi recensé 86 évaluations pour les dégâts causés aux biens et services (agricoles, forestiers, infrastructures), et 117 pour les atteintes à la santé humaine (maladies transmises par ces vecteurs). Parmi ces évaluations, seule une fraction a été qualifiée de « reproductible » (respectivement 55 % et 85 %), c'est-à-dire offrant des données traçables du point de vue méthodologique. Et ces travaux ne portent que sur une petite dizaine d'espèces d'insectes envahissants parmi les 86 répertoriées par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

En dépit de l'aspect ponctuel de ces évaluations, les auteurs ont été en mesure d'extrapoler et consolider les coûts ressortissant de l'analyse bibliographique. Ainsi, les espèces d'insectes envahissantes généreraient directement 70 milliards de dollars de dégâts aux biens et aux marchandises, dont un tiers sur les seuls produits agricoles, et près de 7 milliards de dollars par an de dommages aux personnes.

En raison du champ couvert, ces montants restent sous-évalués : les chiffrages collectés se limitent en général au secteur marchand. Les conséquences sur le secteur non-marchand ne sont quasiment pas étudiées, particulièrement dans le cas des ravageurs forestiers. Enfin, ces coûts pourraient augmenter sensiblement avec le changement climatique, lequel accentue l'importation d'espèces invasives via le commerce international et les migrations.

Cette analyse met également en évidence l'intérêt d'une prévention accrue et d'une politique renforcée de bio-sécurité, dont le coût pour la société serait dix fois moindre que les dégâts potentiels.

Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective

Source : Nature Communications

10:15 Publié dans Production et marchés, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : insectes, espèces invasives, dégâts |  Imprimer | | | | |  Facebook

Le WWF publie l'édition 2016 de son Rapport Planète Vivante et alerte sur la disparition d'espèces animales

Dans le récent rapport Planète Vivante 2016, le WWF dresse un bilan de la biodiversité mondiale. Ce document, préparé en collaboration avec différents organismes dont la Société zoologique de Londres et le Global Footprint Network, détaille notamment la situation actuelle des populations mondiales de vertébrés à l'ère géologique de l'« Anthropocène », une nouvelle période reconnue par certains scientifiques dont le prix Nobel Paul Crutzen, et caractérisée par des évolutions plus rapides, attribuables en grande partie aux activités humaines.

Le bilan des effectifs animaux montre que les populations de vertébrés ont décliné de 58 % entre 1970 et 2012. Ces populations animales sont évaluées via différents indicateurs, dont l'Indice Planète Vivante (IPV) et la liste rouge des espèces menacées de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). L’IPV mesure la biodiversité en collectant des données, principalement en Europe et Amérique du Nord, sur plus de 14 000 espèces de vertébrés, et en calculant la variation moyenne de chacune d'elles. Le rapport analyse également les différents facteurs contribuant à cette diminution.

Extinctions cumulées des vertébrés

WWF.jpg

Source : WWF

Parmi ces facteurs, on peut citer :

- la perte d'habitat naturel des animaux, souvent liée au développement des activités humaines, notamment agricoles (déforestation) ;

- la pollution qui agit soit directement (épisode de pollution massive de type marée noire), soit indirectement en réduisant la disponibilité alimentaire des animaux ;

- la présence d'espèces animales invasives, qui peut conduire à l'extinction d'une espèce par prédation, concurrence pour le territoire ou transmission de maladies ;

- le changement climatique, qui peut rendre l'écosystème des espèces inadapté, qu'il s'agisse de modifications climatiques au long cours ou d'événements météorologiques extrêmes. Le rapport rappelle que plus les espèces animales ont une aire de répartition restreinte, plus elles sont vulnérables à ces modifications.

Le document conclut sur la nécessité d'un nouveau système économique, plus respectueux du capital naturel et promouvant entre autres des régimes alimentaires plus responsables.

Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective

Source : WWF

10:06 Publié dans Environnement | Lien permanent | Tags : wwf, biodiversité, vertébrés |  Imprimer | | | | |  Facebook

15/11/2016

Les nouvelles formes d’action publique régulant les usages des terres agricoles

economie-ruirale.jpg

Publié dans le courant de l'été, ce numéro spécial d'Économie Rurale traite des nouvelles formes d'action publique régulant les usages des terres agricoles. Il valorise un colloque organisé par la Société française d’économie rurale en 2014. Les recherches en sociologie, économie, anthropologie et géographie présentées ici, dans une démarche croisée Nord-Sud, proposent des réflexions sur les dynamiques foncières à l’œuvre aux niveaux local et régional, national et international. Les auteurs abordent la gestion des terres agricoles en l'inscrivant dans le champ de l'intervention publique, au sens large. Les exemples donnés des nouvelles formes de régulation représentent un riche éventail : arrangements locaux, formes de mobilisation d’acteurs privés, qui contribuent à l’échelle locale à des régulations collectives des espaces et des activités.

L'un des articles analyse l'insertion de l’échelon intercommunal dans la gouvernance foncière des espaces agricoles. Les auteurs s’appuient sur deux études de cas : la communauté d’agglomération du Pays Voironnais en Isère et le projet franco-suisse transfrontalier du Grand Genève. La montée en puissance des intercommunalités a amené des évolutions majeures dans la gouvernance des espaces agricoles périurbains : renouvellement du rôle et de la place des acteurs intervenant sur la question des espaces agricoles, nouveau référentiel d’actions (exemple des chartes agricoles). Cette évolution peut amener les collectivités à privilégier un certain type d'agriculture, promouvant les filières courtes et bio, dont l'objectif est d’approvisionner en premier lieu le territoire urbain, et à délaisser les filières agricoles dites « longues », fortement soutenues par la profession agricole. La difficulté, comme le démontrent les deux chercheuses avec l'exemple du Voironnais, est d'articuler ces deux types de filières et de parvenir à dégager un consensus dans le dialogue entre collectivités et profession agricole.

Céline Fabre, Centre d'études et de prospective

Source : Économie Rurale

10:04 Publié dans 4. Politiques publiques, Territoires | Lien permanent | Tags : foncier, terres agricoles, action publique |  Imprimer | | | | |  Facebook

Enjeux fonciers en milieu rural, conflits civils et développement

Le comité technique « Foncier et développement » vient de publier une Note de synthèse reprenant les échanges d'une journée de réflexion consacrée, en décembre 2015, aux articulations entre foncier rural et conflits civils. Les auteurs rappellent en introduction qu'un conflit est une « composante normale des interactions humaines, du changement social et in fine du développement », et précisent que les conflits ne sont pas nécessairement des événements violents.

La première partie de la note commence par un rappel du cadre conceptuel, historique et méthodologique. Il n’y a pas de relation de cause à effet entre conflits et foncier rural, ce dernier en étant une cause parmi d’autres (politiques, économiques, sociales, démographiques, etc.). Les différentes sources s’alimentent entre elles. Dans une deuxième partie, les auteurs analysent les dynamiques à l’œuvre dans les situations de post-conflit et les différentes manières dont les acteurs cherchent à en capter les ressources. La troisième partie présente certaines approches à promouvoir pour l'instauration ou le maintien de la paix, comme les dispositifs de médiation.

Cette note est agrémentée d'encadrés qui reprennent les interventions (vidéos en ligne) des cinq chercheurs et opérateurs, apportant des éclairages complémentaires, comme par exemple l’expérience de la cellule « crise » de l’AFD sur les conflits liés aux problématiques pastorales en Afrique, ou bien la présentation des conflits liés à la terre et aux déplacements de population dans la région des Grands Lacs (Rwanda, Burundi, République démocratique du Congo). Soulignons ici la dernière intervention filmée, dans laquelle J-L. François (AFD) tire des enseignements de cette journée : les États comme les bailleurs de fonds doivent se fixer un devoir de réserve et de précaution dans ces situations de conflits ou de post-conflits. Il introduit la nécessaire flexibilité des programmes et table d’abord sur les dynamiques endogènes « informelles » en cours. L’expérience montre que le règlement des conflits par les autorités judiciaires n’est souvent pas opératoire, alors que des mécanismes dits « alternatifs » basés sur la médiation s’avèrent plus efficaces.

Enfin, cette note évoque la montée de nouveaux facteurs d’insécurité : le green capitalism (« marchandisation de la nature ») et le green grabbing (« appropriation des ressources et de la terre à des fins environnementales »). L’émergence d’un marché pour l’établissement de standards environnementaux pourrait aussi créer de nouveaux conflits.

Céline Fabre, Centre d'études et de prospective

Source : Comité technique « Foncier et développement »

10:02 Publié dans Développement, Territoires | Lien permanent | Tags : foncier, conflits, développement |  Imprimer | | | | |  Facebook

Réalité et perspectives de l'emploi rural en Amérique latine et dans les Caraïbes

Le Bureau international du travail a publié en octobre un rapport sur l'emploi rural en Amérique latine et dans les Caraïbes. Le document dresse un panorama de l'emploi agricole et non-agricole et de ses principales évolutions (à noter des statistiques par pays en annexe), avant de proposer des orientations politiques pour un meilleur développement.

Les dernières décennies ont vu des améliorations notables : une diminution de la pauvreté, une progression du nombre de personnes travaillant par foyer, une proportion accrue de l'emploi rural non-agricole plus rémunérateur (de 34 à 42 % entre 2005 et 2014), une meilleure insertion des femmes (notamment dans le salariat non-agricole, induisant une amélioration de leurs revenus), une amélioration de la formation. Ces progrès sont toutefois insuffisants pour combler les retards par rapport aux zones urbaines. La pauvreté affectait 46,2 % des personnes en zones rurales contre 23,8 % en zones urbaines en 2014. L'emploi rural, agricole et non agricole présente un niveau de précarité bien plus élevé : main-d’œuvre familiale auxiliaire non rémunérée, revenus moins importants, faible couverture sociale (38,4 % des actifs ruraux avec une assurance santé en 2014, contre 62,7 % en zones urbaines), fréquente non-application du salaire minimal, absence de contrats de travail écrits, peu d'organisations syndicales, faiblesse de la formation, manque d'infrastructures et d'accès aux différents services publics. La faiblesse du salariat, l’importance des très petites entreprises et de l'auto-entrepreneuriat, le travail saisonnier et à temps partiel, la forte proportion du secteur informel apparaissent comme des limites majeures au développement des protections sociales (santé, retraite). Les groupes les plus vulnérables sont les travailleurs migrants (avec travail des enfants) et les populations indigènes et d’origine africaine.

Des propositions d'orientations politiques sont faites en réponse à ces différents déficits. Elles s'orientent autour de deux axes : politiques de développement productif et de renforcement des capacités ; politiques d'emploi et de protection sociale. Elles insistent sur la nécessaire adaptation aux spécificités rurales : saisonnalité, auto-entrepreneuriat, éloignement des centres urbains et importance des distances à parcourir, etc. Ces recommandations s'appuient sur de nombreux exemples récents d'initiatives développées dans différents pays.

Claire Deram, Centre d’études et de prospective

Source : Bureau international du travail

09:54 Publié dans Mondialisation et international, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : bit, emploi rural, amérique latine, caraïbes |  Imprimer | | | | |  Facebook

Jeunesses rurales, jeunesses ordinaires

Sous ce titre, la revue Savoir/Agir livre un éclairage intéressant sur une jeunesse rurale qui ne se distingue « ni par son excellence, ni par ses troubles », et fait « pas ou peu l’objet de politiques publiques spécifiques », « contrairement aux jeunes des quartiers ». Étonnamment, au regard de cette affirmation, aucun des articles n’est consacré à l’enseignement agricole, mais le dossier donne à voir une diversité de situations.

Juliette Mengneau s’intéresse aux mobilisations de parents d’élèves dans les communes rurales de l’Ouest. Face au monopole de l’enseignement privé, de nouveaux habitants réclament la réouverture d’écoles publiques : « contre l’image d’un rural forcément conservateur (…), les territoires ruraux sont des lieux de conflictualité sociale et politique ».

Deux articles sont consacrés à la scolarité en lycée professionnel, parfois vue comme filière de relégation. Dans le cas étudié par Sabine Depoilly, en Champagne-Ardenne, les lycéens s’approprient leur scolarité de façon « positive », tout en gardant une certaine distance, « ludique » plus qu’« oppositionnelle ». Au contraire, le cas d’un jeune « issu de l’immigration », habitant un quartier populaire d’une ville ouvrière de Bourgogne, permet à Thibault Cizeau de faire sentir comment les « relations de domination entre ville et campagnes » nourrissent une scolarité malheureuse et un certain sentiment de désaffiliation.

L’attachement à la campagne des jeunes ruraux n’est pas non plus une donnée générale. En Loire-Atlantique, cas étudié par Caroline Mazaud, la structure du marché du travail et la proximité des grands centres urbains permettent de concilier poursuite des études et maintien dans le territoire. A contrario, les articles de Fanny Renard sur une jeune apprentie en CAP coiffure et de Claire Lemaître et Sophie Orange, sur les choix d’orientation post-bac de lycéens en Vendée, suggèrent que dans d’autres configurations, « le rôle de l’école est loin d’être anodin dans l’assignation à l’inertie territoriale, notamment chez les jeunes femmes ».

Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective

Source: Savoir/Agir

09:50 Publié dans Société | Lien permanent | Tags : jeunesse, rural |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/11/2016

Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire publie les premiers articles à partir de la cohorte Constances

Daté du 25 octobre 2016, le n°35-36 du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) comporte neuf articles consacrés à la cohorte Constances. Projet multi-partite, l'objectif de cette infrastructure est « l'établissement et l'utilisation d'une cohorte épidémiologique de très grande taille en population générale ». Composée d'un échantillon visant à être représentatif de la population française de 18 à 69 ans, elle compte à ce jour plus de 115 000 participants (pour un objectif total fixé à 200 000), consultants dans les Centres d'examens de santé de la Sécurité sociale. 85 % de la population française sont ainsi couverts, à l'exclusion des affiliés au régime agricole et des indépendants. Pour chaque personne sont recueillies, auprès de diverses sources, des données concernant la santé, les caractéristiques socio-professionnelles, le recours aux soins, des paramètres biologiques, physiologiques, physiques et cognitifs. Le dispositif est actuellement déployé dans 17 départements.

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Parmi les analyses publiées dans le BEH, deux articles portent sur des problématiques en lien avec l'alimentation. L'un est consacré à la prévalence du surpoids, de l'obésité et des facteurs de risques cardio-métaboliques dans la cohorte. Menée sur un échantillon de près de 29 000 personnes de 30 à 69 ans, à partir de données mesurées (et non déclaratives), cette étude avait en particulier pour objectif « de fournir des estimations de la prévalence du surpoids et de l'obésité en France ». Les prévalences obtenues sont de 41 % chez les hommes et 25,3 % chez les femmes pour le surpoids ; de 15,8 % et 15,6 % respectivement pour l'obésité. Ces derniers pourcentages sont proches d'études précédentes (ObEpi en 2012, ENNS en 2006) ; il en est de même pour la « relation inverse entre obésité et revenu » et la variation géographique.

Un autre article s'intéresse aux habitudes alimentaires, l'étude menée ayant pour objectif « d'analyser les liens entre l'équilibre alimentaire perçu et le respect des recommandations nutritionnelles » (PNNS), à partir d'un échantillon de près de 40 000 personnes. Un score d'adéquation au PNNS a ainsi été construit. Parmi les résultats, il ressort une association significative entre équilibre perçu et adéquation aux recommandations nutritionnelles, ainsi qu'avec d'autres dimensions comme le fait de limiter la consommation de produits de grignotage et de plats préparés.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : Bulletin épidémiologique hebdomadaire

Gouverner les conduites, Sophie Dubuisson-Quellier (dir.)

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Les modalités d'intervention de l'État sur les marchés et la société sont nombreuses : lois, réglementations, incitations, contrats, coercitions, informations, etc. Il recourt aussi, de plus en plus, à des dispositifs visant à orienter les comportements individuels, à influencer les choix quotidiens des personnes et des familles. L'objectif de cet ouvrage, qui mobilise une quinzaine de contributeurs, est d'explorer ce "gouvernement des conduites", en répondant successivement à trois questions : quelles sont ses modalités de mise en œuvre ? Quelles sont ses finalités ? Qu'en est-il de ses effets sur les individus et sur les entreprises ?

Les domaines considérés sont très divers (fiscalité et impôt, éducation financière, lutte contre le réchauffement climatique, auto-entrepreneurs et bénévolat, jeux d'argent, médicaments génériques, économie sociale, etc.), et l'ensemble dresse un large portrait des modes de vie et des problèmes publics contemporains. Plusieurs chapitres concernent des sujets en lien direct avec les champs de compétence du ministère de l'Agriculture : lutte contre l'obésité (chap. 4 et 9), consommation et développement durables (5), greenwashing publicitaire (8), précarité alimentaire et accompagnement budgétaire des ménages (10), comportements des mangeurs (11).

Les auteurs racontent l'histoire de cette forme relativement nouvelle d'intervention politique, qui a pour cible principale la population et ses aspirations : "Mangez 5 fruits et légumes par jour", "Manger c'est bien, jeter ça craint !", etc. Ils expliquent que pour être efficaces, ces dispositifs d'encadrement des pratiques doivent influencer les individus tout en leur laissant croire qu'ils agissent volontairement. Au lieu d'assister à un désengagement de l’État, comme l'affirment certains, on observerait donc plutôt un raffinement croissant de son emprise sociale.

Très intéressant est le chapitre 11, qui montre que l'exposition des mangeurs au gouvernement public des conduites varie selon leur trajectoire de vie et leur espace social, certaines bifurcations biographiques constituant des moments particulièrement propices à l'inflexion des consommations alimentaires : mise en couple, arrivée ou départ des enfants, déménagement, séparation, rencontres professionnelles, veuvage, retraite, etc. Très utile aussi est la conclusion, qui classe les instruments d'influence en trois catégories, selon leur mode opératoire : certains visent à susciter la réflexion des individus en les mettant en face des externalités négatives de leurs comportements (outils d'autocontrôle, campagnes d'information et d'éducation) ; d'autres cherchent à modifier l'architecture du choix des consommateurs (systèmes experts et automates, nudges) ; d'autres enfin essaient de rendre leurs conduites plus rationnelles (taxes, prix, étiquettes, labels).

Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective

Lien : Presses de Sciences Po

Pizza. Cultures et mondialisation, Sylvie Sanchez

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Réédité dix ans après sa première parution et s'appuyant initialement sur son travail de thèse en anthropologie, l'ouvrage de Sylvie Sanchez s'intéresse à la pizza. Riche en détails et analyses (historiques, verbatim d'entretiens, etc.), allant au plus près des acteurs (mangeurs, pizzaïolos, etc.) et de leurs pratiques, vécus, ressentis, etc., cette étude d'un mets « étalon de référence de l'économie mondialisée » reste d'actualité au regard des questions prégnantes liées à la globalisation. « Objet simple et modeste », la pizza permet ainsi l'analyse de phénomènes complexes pour répondre à la question centrale du livre : « pourquoi certains mets ont-ils la capacité, plus que d'autres, de se prêter à l'emprunt, et dans le même temps de signer le renouvellement et le maintien de la diversité culturelle ? ».

Conçu comme un voyage dans le temps et l'espace, cet ouvrage aborde dans une première partie l'origine italienne (Naples) de la pizza, pour suivre ensuite ses évolutions au cours des XIXe et XXe siècles aux États-Unis et en France, et identifier des formes « nationalisées », issues de processus de réappropriation multiples. La seconde partie s'intéresse à l'introduction de la pizza américaine en France et à la confrontation entre deux modèles, mettant en particulier en évidence une ligne de partition Nantes-Besançon. La troisième partie revient à l'Italie et cherche notamment à identifier, sous ses « habits d'arlequin », les caractéristiques d'une « vraie pizza ».

Dans l'épilogue, S. Sanchez souligne que les données empiriques recueillies ne permettent pas de vérifier l'idée d'une homogénéisation ou de la « destruction des cultures et identités locales volontiers associée à l'influence américaine », même si des éléments de convergence, des tendances communes, une attraction pour le modèle américain sont bien présents. Elle souligne ainsi quatre caractéristiques habituelles des processus d'hybridation alimentaire : i) une homogénéisation qui n'est souvent « que de surface » ; ii) un « effet boomerang » ; iii) une spécificité (dans les modes de production et de consommation, les recettes, le sens investi) des réponses apportées par les sociétés face à des tendances communes, du fait de la pérennité du fonds culturel ; iv) le caractère inévitable du changement culturel (adaptations, adoptions, réactualisations), qui est non pas « perte de spécificités identitaires » mais plutôt « renouvellement de la diversité ».

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Lien : CNRS Éditions

09:42 Publié dans Alimentation et consommation, Société | Lien permanent | Tags : sanchez, pizza |  Imprimer | | | | |  Facebook