16/06/2016
L’agriculture et l’agroalimentaire seraient le premier secteur bénéficiant de l'application du Partenariat Transpacifique (TPP) aux États-Unis
La Commission du Commerce International (United States International Trade Commission-USITC), qui siège à Washington, a publié en mai les résultats d'une étude économique cherchant à quantifier, à moyen terme, les gains et pertes qui pourraient résulter, pour le secteur agricole, de l'accord de libre échange transpacifique. Son titre en décrit fidèlement le contenu : L'accord de partenariat transpacifique. Effets probables sur l'économie des États-Unis et divers secteurs spécifiques.
Cette analyse, qui bénéficie de l'autorité conférée par l'USITC, fait suite à plusieurs travaux académiques récents, dont les résultats sont similaires, et ce alors que le Sénat américain et les autorités japonaises doivent encore ratifier le texte pour mettre en route un dispositif négocié pendant plusieurs années. Onze autres nations du pourtour de l'océan Pacifique ont également signé l'accord, la Chine n'étant pas concernée.
Cette étude se base sur un travail de modélisation d'équilibre général calculable. Pour les dispositions du TPP considérées comme non quantifiables, une approche qualitative est proposée.
D'une manière générale, le rapport de l'USITC souligne que les impacts de l'accord seraient bénéfiques pour l'économie nationale américaine, tout en étant très limités. À l'inverse, il est précisé que certains pays en tireraient un bénéfice plus important, tels le Vietnam ou le Japon. En ce qui concerne l'agroalimentaire (cf. tableau ci-dessous), les gains seraient globalement plus importants que pour d'autres secteurs, notamment pour les volailles, produits laitiers, fruits, légumes et produits transformés, du fait de la suppression de droits de douanes en Asie. La balance commerciale resterait inchangée pour l'essentiel des autres filières, malgré une intensification des échanges. Enfin, le maintien de certaines barrières sanitaires et phytosanitaires est à prendre en compte également.
Estimation des effets du TPP sur la production, l'emploi et le commerce pour les filières agricoles et alimentaires américaines
Alexis Grandjean, Centre d'études et de prospective
15:42 Publié dans 4. Politiques publiques, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : tpp, etats-unis | Imprimer | |
Comprendre ce qui favorise l'adoption de l'agriculture de précision sur les cultures de maïs aux États-Unis
Le département de recherche économique du ministère de l'Agriculture des États-Unis (ERS-USDA) a publié les résultats d'une étude sur les processus d'adoption et les économies liés à la mise en œuvre de technologies d'agriculture de précision dans la culture du maïs.
Les technologies étudiées sont la cartographie en temps réels des rendements, la cartographie en temps réel des sols, les systèmes de guidage automatisé GPS, et la technologie d'application à taux variable des intrants (VRT) en association avec les trois premières citées. Les données utilisées pour cette étude sont issues de l'enquête annuelle 2010 sur la gestion des ressources agricoles (ARMS survey).
Comme illustré par le graphique ci-dessous, deux conclusions principales se dégagent :
- la plus forte économie de 25$/acre (soit 55 €/hectare) est réalisée en utilisant seulement la cartographie automatisée des rendements ;
- les technologies d'application des intrants à taux variable permettent essentiellement d'augmenter les économies réalisées en utilisant la cartographie automatisée des sols.
Pour bien comprendre ces résultats, il faut rappeler que ces travaux n'explorent que les économies en termes de diminution des coûts directs (intrants), mais ne prennent pas en compte les augmentations potentielles de revenus liées à une augmentation de la production. Rappelons aussi que les technologies d'application des intrants à taux variable nécessitent un investissement plus conséquent que les autres technologies.
Gaétane Potard-Hay, Centre d’études et de prospective
Source : ERS-USDA
15:40 Publié dans Agriculteurs | Lien permanent | Tags : etats-unis, agriculture de précision, maïs | Imprimer | |
15/06/2016
Agriculture des métropoles en Amérique latine : voie d'avenir ou cache-misère ?
Le dernier volume de la revue Problèmes d'Amérique latine, mis en ligne récemment, propose un dossier intitulé : « Agriculture des métropoles : voie d'avenir ou cache-misère ». Il regroupe cinq articles, dont quatre traitent d'exemples de métropoles (Buenos Aires, Lima, Mexico, Santiago du Chili). Le dossier apporte ainsi une présentation synthétique de l'agriculture urbaine et péri-urbaine, pour chacune de ces grandes villes (principaux chiffres, historique et caractérisation des différentes catégories d'agriculture existantes), et, pour certains articles, une analyse des politiques d'appui à ces agricultures.
Il ressort de ce regard croisé la nécessité de bien définir et dissocier, dans l'analyse et dans les éventuelles politiques d'appui, les types d'agricultures très différents existants : agriculture urbaine à proprement parler, agriculture périurbaine essentiellement commerciale (soit insérée dans des circuits classiques, soit positionnée sur des « niches », comme par exemple le bio), et agriculture située dans des zones rurales de municipalités urbaines. Cette distinction est semble-t-il rarement faite. De manière générale, l'agriculture réellement urbaine semble limitée à quelques initiatives, individuelles ou collectives (pour certaines connues à l'international), appuyées ou non par les autorités, dont il est difficile de dire si elles sont plutôt anecdotiques ou indicatrices d'évolutions sociales dans les capitales latino-américaines. L'agriculture périurbaine semble en revanche plus dynamique, même si elle fait face à certaines difficultés et en particulier à la pression foncière due à l'extension urbaine.
L'article sur Buenos Aires propose un angle différent : il analyse la relation entre migration et activité économique agricole, en montrant en quoi les migrants boliviens, désormais majoritaires dans les productions maraîchères périurbaines et la commercialisation, sont acteurs des transformations récentes de cette agriculture (introduction de nouvelles techniques de production et de commercialisation, de nouvelles variétés). L'auteur montre que ces migrants n'ont pas été initiateurs des innovations, mais ont joué un rôle clé dans leurs diffusion et amélioration en se les réappropriant. L'analyse des origines boliviennes de ces producteurs (région de départ, statut d'agriculteurs familiaux, etc.) et de leurs pratiques agricoles, avant la migration, permet de mieux comprendre ces évolutions.
Claire Deram, Centre d’études et de prospective
Source : Géographie Économie Société
15:39 Publié dans Agriculteurs, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : amérique latine, agriculture urbaine | Imprimer | |
Développement des productions agricoles et alimentaires biologiques
Sous ce titre, la revue Innovations agronomiques aborde trois questions, également traitées lors d'une conférence. La première est simple : quels sont les déterminants et les dynamiques de la conversion en bio ? Selon A. Dufour, F. Alavoine-Mornas, J. Godet et S. Madelrieux, « les agriculteurs qui se convertissent à l’AB doivent relever de nombreux défis, parmi lesquels la redéfinition du sens de leur métier ». Cette redéfinition se fait autour de trois dimensions importantes : le rapport au vivant, le gain d’autonomie et l’inscription des activités dans le marché. Parmi les déterminants du développement du bio sont évoquées la concentration de la production en agriculture biologique sur certains territoires ou encore l’inscription du bio dans les enjeux de gestion de l’eau.
Deuxième question : quels sont les enjeux de structuration pour ces filières ? Une étude sur la gestion des éléments minéraux fertilisants souligne, par exemple, que « les exploitations biologiques ont recours indirectement à la fertilité héritée des engrais de synthèse », ce qui pose question au regard du « principe d’écologie » (interdiction du recours aux intrants chimiques). Sont également évoqués des enjeux de régulation : regroupement de l’offre, maîtrise des prix, exigences du label, etc.
Enfin, une troisième série d’articles porte sur la diffusion du bio : quel peut être son rôle dans l’animation des territoires, qu’est-ce qui circule entre agriculteurs bio et conventionnels dans les groupes d’éleveurs, ou entre agriculteurs expérimentés et novices dans les dispositifs d’installation ? Le dossier est encadré par deux synthèses : l’introduction de G. Allaire propose notamment une périodisation du développement de l’AB, tandis que la conclusion de S. Bellon la met en regard avec l’institutionnalisation de l’agro-écologie.
Par ailleurs, un article sur la gouvernance du « bio », publié par la revue Agriculture & Human Values, revient sur la mise en place à l’échelle mondiale d’un « régime tripartite de gouvernance par les standards », articulant définition des qualités, certification et accréditation. De façon convergente avec le dossier d’Innovations agronomiques, le développement de l’agriculture bio apparaît donc à la fois comme une réussite et comme un facteur de déstabilisation de ses acteurs historiques, liée à la « conventionnalisation » de ce mode de production.
Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective
Sources : Inra, Agriculture and Human Values
15:35 Publié dans Agriculteurs, Filières agricoles, Production et marchés | Lien permanent | Tags : bio | Imprimer | |
Nouveaux installés en agriculture : enseignements pour favoriser l'innovation et l'esprit d'entreprise
Cette récente publication sur les nouveaux installés en agriculture présente les conclusions du groupe de réflexion mobilisé dans le cadre du Partenariat européen pour l'innovation agricole et la durabilité (EIP-AGRI). Réunissant une vingtaine d’experts (chercheurs, agriculteurs, membres d’associations) originaires de plusieurs États membres, les objectifs étaient de faire un état des lieux en compilant des informations de différentes natures (articles de recherche, données statistiques, etc.), de recenser les freins à leur installation et de proposer des leviers d’action.
La première phase du travail visait à définir le terme de nouveaux « entrants » en agriculture. Le groupe d’experts a conclu qu’il ne peut pas y avoir une définition unique des nouveaux installés en Europe, et que tout dépend de l’objectif recherché. S'il s'agit de soutenir l’installation de jeunes agriculteurs, alors le critère d’âge est à prendre en compte dans la définition. Néanmoins, le rapport rappelle que les nouveaux installés possèdent des caractéristiques communes. Ils sont plutôt jeunes, avec un niveau de formation élevé, pas ou peu issus du milieu agricole. Ils exploitent de petites surfaces et recherchent la valeur ajoutée, par exemple avec un label agriculture biologique, des ventes en circuits courts, etc., ce qui reflète à la fois des considérations militantes et les difficultés d’accès au marché pour ces petites exploitations.
Pour ce qui est des politiques de soutien, les auteurs notent que les autorités locales sont particulièrement utiles pour ces néo-agriculteurs, en leur facilitant l’accès au foncier, principal obstacle à leur installation, en les mettant en réseaux et en les insérant dans des systèmes alimentaires locaux. Avec ces producteurs, de nouveaux modèles d’agriculture se développent (agriculture contractuelle, financement participatif des projets agricoles), ainsi que de nouvelles formes d’accompagnement (pépinières d’entreprises, espaces tests, coopératives d’activité et d’emploi en agriculture, etc.).
Enfin, le groupe d’experts a constaté le manque de représentation à l’échelle européenne de ce type de public et d’agriculture, qui correspond souvent à des initiatives locales. L’une des pistes proposées serait d’améliorer les liens entre ces différentes initiatives, par une mise en réseau via une plate-forme européenne ; cela permettrait aussi une meilleure visibilité en vue d’un soutien plus fort des politiques publiques.
Céline Fabre, Centre d'études et de prospective
Source : Commission européenne
15:31 Publié dans Agriculteurs, Exploitations agricoles | Lien permanent | Tags : installation, pei | Imprimer | |
14/06/2016
Propositions pour une économie circulaire autour du phosphore
Prolongeant la 4e conférence Sustainable Phosphorus Summit, le journal Nutrient Cycling in Agroecosystems a publié un numéro spécial sur les approches intégrées et la gestion du phosphore. L'ensemble des articles offre un tour d'horizon des enjeux autour de ce nutriment indispensable pour les êtres vivants. L'éditorial met en perspective l'hétérogénéité des problèmes selon les régions et les stratégies adaptées pour tendre vers une économie circulaire. Alors que les nations les plus riches doivent gérer l'excès de phosphore dans les sols, les sédiments et les déchets, les pays les plus pauvres (ex : Afrique sub-saharienne) font face à un déficit dans les systèmes alimentaires. Quant aux pays émergents, l'évolution rapide de l'agriculture ne s'est pas accompagnée de réglementations adaptées à la protection de l'environnement, engendrant une accumulation de phosphore dans les sols et des pertes dans les eaux (illustration en Chine).
Économie circulaire et phosphore, les différentes composantes
Source : Nutrient Cycling in Agroecosystems
Parmi les articles, Rosemarin et Ekane discutent de la gouvernance du phosphore, indispensable pour assurer la disponibilité et l'accès à long terme à cet élément. Ils concluent sur la nécessité d'inclure l'ensemble des acteurs « de la mine à la fourchette », et proposent un plan d'action sous l'égide des Nations unies. Ce dernier reposerait sur la création d'un Global Phosphorus Facility, dont l'objectif serait de communiquer sur les risques encourus et les solutions disponibles, ainsi que d'établir des normes et des lignes directrices pour une gestion durable du phosphore.
Cette gestion durable passera notamment par une meilleure connaissance des principales ressources : les roches phosphatées. Les auteurs insistent en particulier sur la nécessité de disposer de données fiables, qui seraient établies par un organisme indépendant. Leur propos est illustré par la variation des estimations, par l'United States Geological Survey, des réserves allant de 16 à 60 milliards de tonnes pour les années 2010 et 2011.
Élise Delgoulet, Centre d'études et de prospective
Source : Nutrient Cycling in Agroecosystems
15:28 Publié dans Enseignement et recherche, Environnement | Lien permanent | Tags : phosphore, économie circulaire | Imprimer | |
Intégration des enjeux environnementaux dans la gestion du foncier agricole
Le dernier numéro de Sciences Eaux et Territoires dresse un panorama de l'intégration des enjeux environnementaux dans la problématique du foncier agricole, à partir d’articles scientifiques de différentes disciplines et de témoignages d’acteurs de terrain. Ces contributions s’organisent en trois axes. Le premier concerne la construction sociale de l’enjeu environnemental et des réponses territoriales qui y sont apportées. Sur cet axe, l’entretien avec la Direction générale de l’agriculture, en Suisse, est très intéressant car il nous propose une relecture du lien ville-agriculture, à travers l’exemple d’un projet de ferme urbaine. L’objectif est de dédommager l’activité agricole de la perte de foncier au profit de l’urbanisation. Malgré l’avance de la Suisse sur les questions environnementales, l'installation de cette ferme est complexe, tant au plan de la viabilité économique que de celui de la mobilisation du foncier.
Le second axe examine les espaces métropolitains en tant que nouvelles échelles de gouvernance foncière agricole. À partir de deux exemples (création d’une zone horticole et maraîchère dans la métropole lilloise, traitement des friches agricoles dans la métropole nantaise), l'article montre la réappropriation du foncier agricole et du modèle de développement agricole par les collectivités territoriales. Ici, c’est la question de l’agriculture de proximité et des systèmes alimentaires territorialisés qui est posée.
Le dernier axe présente des outils innovants en matière de gouvernance foncière. Nous retiendrons l’exemple de Terre de Liens, un nouvel acteur défendant l’accès au foncier agricole aux côtés de la SAFER. Terre de Liens regroupe une entreprise qui collecte de l’épargne solidaire et une fondation, habilitée à recevoir des legs et donations de fermes. Ces fermes sont ensuite louées à de jeunes agriculteurs via des baux ruraux environnementaux imposant le respect du cahier des charges de l’agriculture biologique.
Céline Fabre, Centre d'études et de prospective
Source : Sciences Eaux & Territoires
15:25 Publié dans Environnement, Territoires | Lien permanent | Tags : foncier | Imprimer | |
13/06/2016
Comment des prospectives concurrentes influencent les débats sur la sécurité alimentaire
Face à la permanence des crises alimentaires mondiales, divers travaux de prospective destinés à susciter des débats sur la sécurité alimentaire, dans les arènes internationales, ont vu le jour dans la dernière décennie. Alors que ceux centrés sur la modélisation économique semblent avoir fortement influencé les débats et les politiques, d'autres méthodes ont émergé pour faire contrepoids à de telles approches. Dans le cadre du projet de recherche SAGE, une journée d'études a été consacrée, début juin, à l'analyse de ces différentes méthodes.
En 2006, un rapport de la FAO sur l'avenir de l'agriculture mondiale concluait que, pour nourrir la population, un doublement de la production agricole serait nécessaire à l'horizon 2050. Si cette affirmation a eu un grand impact sur les débats internationaux, elle est fort contestable d'après I. Tomlinsen (université de Londres), qui a montré comment ces estimations, basées à l'époque sur un modèle d'équilibre général, présentaient de nombreuses faiblesses.
Les modèles économiques sont des points de passage incontournables de l'expertise sur la sécurité alimentaire globale, comme le montre L. Cornilleau (université Paris-Est). Sa thèse analyse la manière dont le modèle de l'International Food Policy Research Institute (IFPRI) privilégie le libre-échange et la technologisation de l'agriculture. Dans les pays africains, ce modèle serait à l'origine de la diffusion d'une nouvelle « révolution verte » risquant d'enfermer les producteurs dans des verrouillages technologiques.
D'autres prospectives se sont attachées à changer le cadre du débat politique sur l'agriculture mondiale. C'est le cas de l'exercice français Agrimonde, qui envisage un scenario de rupture, en refusant de considérer que les prix sont partout la seule modalité par laquelle l'offre et la demande s'ajustent. Pour G. Tétart (université de Tours), si Agrimonde a fait l'objet de fortes controverses entre chercheurs français, il a montré que la donnée chiffrée n'est pas la seule pertinente pour décrire les problèmes complexes. S. Treyer (IDDRI) considère, pour sa part, qu'un des apports essentiels d'Agrimonde réside dans la mise en place d'un forum international pluraliste et critique des praticiens de la prospective sur l'agriculture mondiale.
Alexandre Martin, Centre d’études et de prospective
Source : Inra
15:23 Publié dans 1. Prospective, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Tags : sécurité alimentaire, prospectives | Imprimer | |
Les méthodes d'évaluation de la recherche publique agronomique sous le regard du comité d'éthique Inra-Cirad
Le comité d'éthique consultatif commun au Cirad et à l'Inra a publié récemment son avis sur les enjeux éthiques liés à l'évaluation des impacts de la recherche agronomique. Comme souvent en évaluation, il existe plus d'une méthode pour estimer les impacts d'une action. En l'occurence, les deux organismes n'ont pas fait les mêmes choix. Le Cirad, dont les travaux concernent plus directement des pays tiers, a choisi une méthode relativement participative : le programme ImpresS (Impact of research in the south) associe des partenaires du Sud, tant pour l'élaboration de la méthode que pour les étapes de collecte, mesure et validation des résultats de l’évaluation. L’Inra, de son côté, utilise deux méthodes, l'« analyse des impacts de la recherche publique agronomique » (Asirpa) et les calculs de rentabilité interne de la recherche.
Le comité ne remet pas en question ces choix, mais propose des pistes d'amélioration pour que ces méthodes permettent réellement de favoriser la production de connaissances répondant à des défis économiques et sociaux. L'un des principes forts de cet avis est qu'il ne faut pas séparer la recherche comme production de connaissances de ses effets sur le monde, les hommes et la société. Deux exemples illustrent ce propos : les impacts de la spécialisation en grandes cultures dans le bassin de la Seine, et les algues vertes et le ''modèle agricole breton''. Dans les deux cas, les innovations technologiques déjà anciennes ayant présidé à ces évolutions ne devraient être évaluées qu'à l'aune des résultats socio-économiques des exploitations agricoles concernées.
Pour le comité d'éthique, évaluer la recherche publique implique l'expression d'un jugement ou d'une vision de ce qu'est la responsabilité sociale et environnementale. De ce fait, il « prône la mise en œuvre de l’exercice dans un cadre pluridisciplinaire, dans une démarche d’expertise participative et dans une logique d’enrichissement pour l’ensemble des parties ». Il recommande ainsi une plus grande explication des principes déontologiques et éthiques aux équipes de recherche, ainsi que la création d'ateliers de travail sur les méthodes d'évaluation au sein des alliances nationales de recherche (AllEnvi, Athéna, Aviesan, Ancre, Allistène).
Gaétane Potard-Hay, Centre d’études et de prospective
Source : Inra
15:22 Publié dans 2. Evaluation, Enseignement et recherche | Lien permanent | Tags : inra, cirad, comité d'éthique | Imprimer | |
Mesurer la contribution des espaces verts au bien-être
Que la nature contribue au bien-être des populations est une évidence. Mais quelle valeur accordons nous à cette contribution ? Et quelle place occupe-t-elle dans les priorités que nous nous fixons ? S'agissant de biens communs dont l'usage est parfois indirect ou qui prennent toute leur valeur à ne pas être « consommés » (en vue d'en assurer la pérennité), la mesure de l'impact des forêts ou des parcs arborés en ville sur le bien-être des personnes, qu'elles fréquentent ou non ces espaces, est un sujet de recherche en soi.
Plusieurs travaux ont été récemment publiés, proposant des méthodes diverses pour évaluer cette contribution. Le Commissariat général au développement durable publie ainsi une étude réalisée sur les forêts publiques de métropole, s'appuyant sur une enquête auprès d'un échantillon représentatif de la population, auquel il était proposé divers choix de gestion forestière ayant un impact fort sur la biodiversité d'une part, et sur le paysage d'autre part. Il s'agit alors d'évaluer les préférences des Français en matière de gestion des forêts publiques. L'étude évalue également l'impact de l'information dont disposent les personnes interrogées dans la formation de leur jugement : les publics les plus avertis privilégient les choix de gestion favorisant la préservation de la biodiversité.
A l'inverse, l'U.S. Forest Service a tenté de quantifier la contribution des parcs publics en zone urbaine, en recherchant les corrélations pouvant exister entre la densité, l'accessibilité et la qualité des parcs publics et différents indicateurs du bien-être. Il ressort de cette analyse que c'est principalement la densité des espaces verts qui est importante pour le bien-être général des habitants, et pour leur santé en particulier.
A mi-chemin entre ces deux approches, un projet mené par l'université de Cambridge vise à recueillir directement auprès de volontaires, par le biais d'une application sur smartphone qui les interroge trois fois par jour, les conditions dans lesquelles ils se trouvent et leur état psychique, en les géolocalisant. En croisant les masses d'informations recueillies, les chercheurs espèrent mesurer l'impact des différents types d'espaces verts sur le bien-être et contribuer à l'évaluation des politiques publiques en matière de gestion de la biodiversité.
Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective
Sources : CGDD, Université de Cambridge, U.S. Forest Service (USDA)
15:19 Publié dans Environnement, Forêts Bois, Société | Lien permanent | Tags : bien-être, espaces verts | Imprimer | |
10/06/2016
Au-delà de la gestion durable, la gestion écosystémique des forêts
8 ans après son premier opus, l'Agence européenne de l'environnement publie un nouveau bilan de la santé des forêts d'Europe de l'ouest. Elle fait le point, à cette occasion, sur les services rendus par les forêts aux populations. Rappelant les apports considérables des forêts lorsqu'elles sont en bon état, en termes de production de bois ou de produits non ligneux, de qualité de l'air et de l'eau, de biodiversité et de paysage, elle met en avant le nécessaire équilibre qui doit être recherché entre les différentes fonctions de la forêt, en prenant en compte temporalité et spatialité.
La forêt couvre plus de 40 % de l'Union européenne, une superficie en progression de 10 % au cours des 25 dernières années. Cette évolution, positive à première vue, masque des sources d'inquiétudes quant au devenir des écosystèmes forestiers : la surface s'est stabilisée durant la dernière décennie et l'état de conservation des écosystèmes n'a guère progressé depuis 2006, dernier état des lieux au titre de la directive habitat.
95 % des forêts européennes sont gérés selon des principes de gestion durable, dont la finalité est de maximiser la production de biomasse actuelle et future, en intégrant de manière plus marginale les autres fonctions, ces dernières n'étant rémunérées qu'exceptionnellement. Le rapport propose un bilan économique des autres productions forestières, identifie les synergies ou les contradictions introduites par la gestion forestière entre les différentes fonctions, ouvre des pistes de réflexion sur les moyens de rémunérer la multiplicité des services forestiers et, ainsi, de favoriser une gestion multifonctionnelle.
Cadre conceptuel pour les écosystèmes forestiers
Source : Agence européenne de l'environnement
Face aux problématiques émergentes (climatique et sanitaire notamment), mais également aux attentes évolutives des sociétés, la gestion forestière doit se montrer plus prospective. L'Agence propose de faire évoluer le cadre conceptuel de la gestion durable forestière pour une approche véritablement multifonctionnelle, de long terme, intégrant l'ensemble des services écosystémiques forestiers à l'échelle de la forêt ou de territoires. Enfin, compte tenu de l'émiettement de la propriété forestière européenne et du vieillissement des propriétaires, la diffusion des connaissances, voire d'une certaine culture forestière, est un enjeu d'autant plus important que la biomasse forestière occupe une place importante dans la bio-économie.
Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective
15:16 Publié dans Forêts Bois | Lien permanent | Tags : aee, gestion ecosystémique, forêt | Imprimer | |
09/06/2016
Pertes et gaspillages : état des lieux et gestion par étapes de la chaîne alimentaire
Réalisée pour le compte de l'ADEME et rendue publique récemment, cette étude avait pour objectifs, pour la France, i) de qualifier et quantifier les pertes et gaspillages alimentaires dans les principales filières et sur l'ensemble des étapes, de la production à la consommation, ii) d'identifier des initiatives et pistes de réduction, et iii) d'améliorer la connaissance et la compréhension des mécanismes générateurs. La figure ci-dessous présente le périmètre retenu :
Source : ADEME
Les auteurs ont associé plusieurs méthodes de collecte de données : plus de 500 entretiens auprès d'acteurs, mesures des pertes en restauration (collective et commerciale) et chez des artisans de bouche, recueil des pertes et gaspillages par un échantillon de 50 foyers représentatifs de la population française. Ces données ont été croisées, consolidées, et des analyses multicritères conduites, par filière, pour les produits détournés de l'alimentation humaine : pertes en masse, impact carbone, valeur économique théorique. Ce travail a porté sur des produits végétaux (céréales, autres grandes cultures, légumes, fruits) et animaux, ainsi que sur différents secteurs d'activité (production primaire, industries agroalimentaires, distribution, consommation, restauration).
In fine, à partir des nombreux résultats fournis par cette étude, il apparaît que les pertes et gaspillages sont très variables d'un produit à l'autre (de 9 % pour les œufs à 57 % pour les salades), et diffèrent par grandes familles de produits :
Évaluation globale des pertes et gaspillages pour l'alimentation humaine – Toutes filières
Source : ADEME
Globalement, les pertes et gaspillages représentent, par an, 18 %, soit 10 millions de tonnes, correspondant à une valeur théorique commerciale de 16 milliards d'€, et à un bilan carbone de 15,3 millions de tonnes équivalent carbone (soit 3 % des émissions de la France). Les résultats pour chaque filière sont également intéressants, précisant la part de chaque secteur d'activité.
Enfin, à partir notamment d'un recueil d'initiatives et d'exemples anti-pertes et gaspillages, les auteurs identifient les principaux leviers de réduction mobilisables par types d'acteurs, comme par exemple l'assouplissement des cahiers des charges pour la production. Ils concluent sur la nécessité d'un travail en commun.
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Source : ADEME
15:08 Publié dans Alimentation et consommation, Filières agricoles, IAA | Lien permanent | Tags : ademe, pertes, gaspillage | Imprimer | |
Étude prospective sur l'optimisation des usages alimentaires et la réduction du gaspillage dans les systèmes alimentaires urbains
Réalisée à la demande de la direction « Alimentation et bio-économie » de l'Inra, et rendue publique à l'occasion d'un colloque le 8 juin dernier, cette étude avait pour objectif « d'identifier les besoins de connaissances, de méthodes et d'outils soulevés par les évolutions à venir et ainsi anticiper, stimuler et accompagner les actions de recherche pour une alimentation plus durable dans un contexte d'urbanisation croissante ». Dans un premier temps, un état des lieux a recensé un grand nombre d'initiatives de prévention et de valorisation des pertes et gaspillages, aux différentes étapes des systèmes alimentaires. Neuf catégories d'actions clés ont ensuite été listées, parmi lesquelles les outils financiers de régulation des flux alimentaires et des bio-déchets, l'exploitation collaborative des flux de données, les pratiques urbaines et règles d'urbanisme, ou encore l'éducation de tous les publics.
Neuf scénarios prospectifs ont été établis, sur la base d'un croisement de trois scénarios d'évolution des villes (villes en concentration-tendanciel, en repli, en réseau) et trois scénarios d'évolution des systèmes alimentaires (vents globAlizés-tendanciel, brise alter, brise verte). Des nouvelles de science-fiction viennent illustrer ces neuf possibilités.
Représentation des scénarios des systèmes alimentaires, en fonction des modèles de société et des modèles technologiques et économiques
Source : Inra
Identifiés à chaque étape de l'étude, les besoins de connaissances, d'outils, de méthodes et de questions à la recherche se répartissent selon cinq catégories : société (pratiques alimentaires, comportement du consommateur face au gaspillage, pertinence et effets des politiques) ; filières, cycles et systèmes alimentaires (modes d'organisation, stratégies des acteurs publics et privés, flux au sein des filières) ; santé et environnement ; procédés technologiques, bouclage des cycles et modèles économiques associés ; technologies de l'information et de la communication, traitement des données et mathématiques appliquées. In fine, pour les auteurs, « il apparaît que la seule façon de ne pas penser un monde en pénurie […], et donc d'éviter d'entrer dans une logique de rationnement des ressources alimentaires et énergétiques consiste à miser i) sur la cyclisation de l'économie, ii) sur l'émergence de nouvelles solidarités et iii) sur l'optimisation des flux de matière avec l'appui des TIC et en particulier des applications mobiles ».
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Source : Inra
15:05 Publié dans 1. Prospective, Alimentation et consommation, Filières agricoles, Société | Lien permanent | Tags : gaspillage, système alimentaire urbain | Imprimer | |
08/06/2016
L'histoire des paysans français, Éric Alary
Il existe déjà plusieurs bonnes histoires de la paysannerie française, chacune ayant son approche particulière. Avec cet ouvrage, Alary met l'accent sur les modes de vie et les mentalités, sur les traditions et les sociabilités. On y trouve une mine d'informations sur les loisirs et les fêtes, l'alimentation, l'habitat, la famille et la vie domestique, la consommation, les rapports à la technique ou à la nature, mais aussi sur l'essor de la protection sociale, l'électrification des campagnes, les mobilisations politiques et syndicales, les conditions de travail et les représentations du métier. Au plus près des sources (archives, biographies, témoignages, travaux de chercheurs), il brosse un tableau précis et nuancé, selon un plan chronologique en sept chapitres allant de la fin du XIXe siècle à aujourd'hui. Particulièrement intéressantes sont les pages consacrées à la déstabilisation du monde agricole pendant les deux guerres mondiales.
Il serait inutile de chercher à résumer le contenu d'un tel livre. Attachons-nous plutôt à souligner ses qualités d'ensemble. La première tient à ce que l'auteur entrelace histoire longue et histoire événementielle, évolutions profondes et phénomènes conjoncturels. Il montre à la fois les recompositions de long terme, les tendances structurelles, et les habitudes de la vie quotidienne. La grande fresque n'exclut pas le souci du détail et la description des sentiments individuels.
Le récit est mesuré, sensible même, puisqu'Alary essaie de comprendre de l'intérieur les choix des acteurs et leurs positions face aux événements. Il traite de façon équilibrée les heures de gloire et les périodes plus sombres du monde paysan. Son portrait contrasté révèle bien les différences entre hommes et femmes, jeunes et vieux, riches et pauvres, modernistes et conservateurs, tout comme les tensions politiques et syndicales internes à la profession.
Enfin, l'auteur n'oublie pas de saisir les paysans dans leurs rapports aux autres, aux villes, aux pouvoirs politiques et économiques, et plus généralement à la société française. PAC et globalisation obligent, la fin du livre élargit le regard à l'Europe et au reste du monde. Des terroirs enclavés de la Belle Époque au commerce international d'aujourd'hui, aucun groupe social n'a connu de mutations quantitatives et qualitatives aussi rapides et importantes.
Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective
Lien : Éditions Perrin
15:03 Publié dans Agriculteurs | Lien permanent | Tags : paysans, alary | Imprimer | |
07/06/2016
A l'abattoir, Stéphane Geffroy
La collection de livres "Raconter la vie" se propose de donner la parole aux invisibles et aux sans voix, de montrer la société d’aujourd’hui et de "sortir de l’ombre des existences et des lieux". Pour ce faire, elle accueille des types d'ouvrages très divers : analyses sociologiques et ethnographiques, fictions, enquêtes journalistiques, et souvent aussi témoignages, à l'instar de ce récit par Stéphane Geffroy de ses 25 ans passés dans un abattoir breton, à la tuerie.
Au commencement, il y a un décrochage du système scolaire, le passage en classe de CPPN (classe pré-professionnelle de niveau), un détour par la menuiserie et la plomberie, puis cette proposition faite par un copain de travailler dans un abattoir pendant l'été. Le premier contact avec la mort animale est violent : décibels, odeurs, flots de sang, cadences, fatigue, et le dos en compote dès le premier soir. Puis le corps s'habitue, la routine l'emporte et le job d'été devient le métier d'une vie.
Le chef d'atelier multiplie les aboiements, les injustices, les brimades. Les conditions de travail sont dures, malgré les améliorations apportées pour limiter les accidents (plateaux et pinces pneumatiques, casques, gants métalliques, pauses obligatoires) ou pour renforcer l'hygiène (stérilisation, nettoyage). Les jours d'abattage hallal, grâce aux rituels et au sang qui coule moins vite, on profite du ralentissement de la chaîne. Le bruit est infernal, on ne peut pas se parler, tout le monde s'active en silence, mais dans le vestiaire et à la cantine, ce milieu de durs à cuire décompresse, rigole, "déconne", et rabâche son stock d'histoires mémorables.
Au fil du temps, l'entre-soi ouvrier régresse, la consommation d'alcool aussi. Les CDD, de plus en plus nombreux, n'acceptent plus comme une fatalité ce type de labeur, le turn-over augmente, les relations deviennent distantes et les CDI, qui "ont leurs couteaux gravés à leur nom", regrettent l'ancien esprit de famille. La création d'une section syndicale, à l'initiative de l'auteur, permet de traiter des problèmes que l'ancienne direction paternaliste ne voulait pas voir. Tout cela n'empêche pas qu'à 50 ans, Stéphane Geffroy se sente vieux et usé. Après diverses opérations (hernies, canal carpien, épaule) et diverses pathologies (lombalgies, varices, arthrose), il se dit angoissé de la façon dont il "va finir", car presque tous quittent la tuerie sur un arrêt maladie ou un accident de travail : "la perspective de rester plus longtemps sur la chaîne est en train de devenir insupportable pour moi".
Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective
15:00 Publié dans Travail et emploi | Lien permanent | Tags : geffroy, abattoir | Imprimer | |