19/01/2015
La « résilience territoriale », un concept utile pour comprendre les effets de la crise économique dans les zones rurales
Si la crise économique constitue un frein au développement des zones rurales au sein de l'UE, son impact s'est révélé être de nature fort différente entre les territoires. C'est pourquoi les débats sur le développement rural tendent aujourd'hui à être moins centrés sur la notion de croissance, pour s'intéresser à des phénomènes d'une autre nature : la résistance ou la réponse des territoires aux chocs extérieurs. Des chercheurs de l'université de Cordoue, en Espagne, ont ainsi mis en place une méthodologie permettant d'identifier les facteurs qui contribuent à la résilience des territoires ruraux d'Andalousie. Ils en présentent les résultats dans un article publié dans Economía Agraria y Recursos Naturales. Avec un niveau de chômage qui atteint 35 %, l'Andalousie, région la plus méridionale d'Espagne, est aussi l'une des plus impactées par la crise économique.
La « résilience » est un concept issu des sciences écologiques, qui a été adapté afin d'étudier la capacité des systèmes complexes à se préparer, résister ou s'adapter à des chocs extérieurs, tels que les crises, les catastrophes naturelles ou le changement climatique. L'originalité des travaux de ces chercheurs réside dans l'application de ce concept aux territoires ruraux. Adapté au champ du développement rural, la résilience est définie par les auteurs comme la capacité d'un territoire à supporter des chocs extérieurs, à se réorganiser, puis à apprendre et à s'adapter à long terme.
Afin d'étudier les facteurs de résilience, les chercheurs s'appuient sur une analyse des ressources du territoire, des acteurs, de leurs interactions et de leur gouvernance. Sont également pris en compte divers facteurs susceptibles d'impulser des dynamiques de changement, tels que le capital économique (infrastructures, innovation, etc.), le capital humain (éducation, démographie, etc.), le capital social (degré de coopération entre les acteurs), le capital culturel (identité, participation citoyenne, etc.) et enfin le capital naturel (qualité de l'environnement, paysages, etc.).
Les auteurs concluent que l'agriculture a joué un rôle essentiel dans la résilience des territoires étudiés face à la crise. Devenue un secteur refuge, elle a absorbé la main-d'œuvre issue des secteurs en crise en augmentant le nombre d'actifs, en particulier parmi les jeunes. Mais l'étude souligne également l'impact positif des programmes de développement rural sur la résilience, en particulier lorsque ceux-ci ont renforcé la capacité institutionnelle des acteurs et la gouvernance du territoire. Les auteurs en concluent que le renforcement de la résilience des territoires ruraux dépend de la capacité à construire des stratégies intégrées, mobilisant de manière coordonnée les différentes politiques (agricole, rurale, territoriale) et les divers fonds.
Alexandre Martin, Centre d’études et de prospective
Source : Université de Cordoue
16:20 Publié dans Territoires | Lien permanent | Tags : résilience | Imprimer | |
Publication d’un rapport de la FAO sur Les jeunes et l’agriculture : principaux enjeux et solutions concrètes
Cette étude, parue fin 2014, a été menée conjointement par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds international de développement agricole (FIDA) et le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA). L’objectif est de proposer aux acteurs de terrain un aperçu des solutions envisageables pour surmonter les difficultés rencontrées par les jeunes en agriculture.
L’analyse se structure autour de six enjeux majeurs :
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Accès au savoir, à l’éducation et à l’information ;
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Accès à la terre ;
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Accès aux services financiers ;
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Accès aux métiers de l’environnement ;
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Accès aux marchés ;
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Engagement dans les débats politiques.
Le rapport propose une série d’études de cas adaptées à chacun des enjeux et de nombreux exemples concrets mis en œuvre dans différents pays, dont, pour en citer quelques-uns :
- la mise en place par de jeunes entrepreneurs d’un service de SMS permettant aux agriculteurs kényans d’être informés en temps réel du prix des cultures, de les relier directement aux acheteurs et, ce qui est tout aussi important, de les relier entre eux afin qu’ils puissent mutualiser leur production et accéder à de plus gros marchés ;
- la création d’un fonds d’investissement public/privé pour aider les jeunes agriculteurs québécois ;
- un label « Youth Trade » pour faciliter l’accès aux marchés des jeunes entrepreneurs américains. Les exemples sont liés à un contexte précis, mais les auteurs insistent en conclusion sur la nécessité « d’une réponse intégrée cohérente » pour appuyer les jeunes qui débutent en agriculture.
Céline Fabre, Centre d’études et de prospective
Source : FIDA
16:18 Publié dans Agriculteurs, Exploitations agricoles, Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : fao | Imprimer | |
16/01/2015
Revenu agricole réel par actif en 2014 : -1,7 % dans l’UE 28, +1,2 % en France
En 2014 dans l’UE 28, d’après les premières estimations publiées par Eurostat, le revenu agricole réel chuterait de 4 % suite à une baisse de 6 % de la valeur de la production végétale et de 0,9 % de la valeur de la production animale associée à une baisse de 3,6 % du coût des intrants. La diminution du nombre d’actifs agricoles (-2,3 %) permettrait de compenser en partie cette baisse. Ainsi, le revenu agricole réel par actif diminuerait de 1,7 %.
Cette moyenne européenne cache cependant des disparités importantes. Ainsi, trois nouveaux États membres (la Slovénie, la Hongrie et la République Tchèque) affichent les progressions les plus importantes du revenu agricole réel par actif (respectivement +13 %, +9 % et +7 %), alors que la Finlande et la Lituanie voient leur revenu agricole net par actif baisser de plus de 20 %.
Pourcentage de variation du revenu agricole par actif 2014 par rapport à 2013 (Indicator A)
Source : Eurostat
En France, le concept européen de revenu agricole réel par actif correspond au concept de revenu des facteurs de la branche agricole par actif en termes réels des comptes de l'agriculture (le revenu des facteurs se déduit de la valeur ajoutée nette par l’ajout des subventions d'exploitation et le retrait des impôts à la production ; il mesure donc le revenu des facteurs de production, travail et capital). D’après les estimations prévisionnelles publiées par l’Insee, cet indicateur progresserait de 1,2 % en 2014. La valeur de la production agricole, y compris subventions, diminuerait de 0,9 % par rapport à 2013. En grandes cultures, l’augmentation des volumes de production serait associée à une forte baisse des prix. Seuls le lait et les vins bénéficieraient à la fois d’une hausse des volumes et des prix. Les charges baisseraient principalement en raison de la baisse des prix de l’alimentation animale et des engrais. L’emploi agricole continuerait lui à décroître (-0,9 %).
Anne-Sophie Wepierre, Centre d’études et de prospective
16:16 Publié dans Agriculteurs | Lien permanent | Tags : revenu agricole | Imprimer | |
Les conduites alimentaires au prisme de la comparaison transnationale
La revue Anthropology of food consacre un numéro spécial à l’analyse comparée des conduites alimentaires. Sont à la fois visées les pratiques alimentaires elles-mêmes et les catégories qui permettent d’ordonner ces pratiques.
De façon générale, les sources disponibles pour mener des analyses comparatives sont à manier avec précaution. Dans l'article consacré à ces sources d’information, Mette Renta souligne « la rareté des investigations nutritionnelles et de l'information sociologiquement pertinente : il n'y a pas, actuellement, de données harmonisées sur la consommation alimentaire au niveau de l'UE ». De façon convergente, Anne Lhuissier s’intéresse aux enquêtes publiques sur l’alimentation hors domicile (eating out) en France et au Royaume-Uni, sur la période 1940-2010. Elle montre que les conventions statistiques sont dans les deux pays, et de longue date, bien différentes. Alors que les enquêtes statistiques de l’Insee s’intéressent principalement aux problématiques de prix et de budget des ménages, d’une part, et aux lieux où l’on prend ses repas d’autre part, les enquêtes britanniques, elles, sont plutôt soucieuses de décrire le détail des types d’alimentation et la nature des apports nutritionnels, en associant dès le début des spécialistes de la santé (hygiene).
Plus loin dans le numéro, Isabelle Darmon et Alan Warde s’intéressent aux « arrangements culinaires » et à l’alignement des régimes alimentaires dans les couples bi-nationaux français-anglais. Ils mettent en évidence le rôle des stéréotypes nationaux dans ces arrangements autour de la bonne diététique. « Le désordre et les ruptures font partie intégrante » des pratiques culinaires et alimentaires françaises – ce qui renvoie à un certain stéréotype hédoniste. À l’opposé, les Britanniques déploient beaucoup d’efforts pour « calculer et équilibrer les différentes fonctions assignées à l’alimentation ».
Ce type d’approche, plus « qualitatif », est également mis en œuvre dans un intéressant article sur le déclin de la préparation des repas à la maison. À partir d’une comparaison entre le Royaume-Uni et Taïwan, Miriam A. Glucksmann met en évidence, au-delà des thèses binaires sur la convergence ou la divergence des conduites alimentaire sous la pression de la mondialisation, qu’il n’y a sans doute pas « de trajectoire ou de temporalité de changement unique ».
Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective
Source : Anthropology of food
16:15 Publié dans Alimentation et consommation | Lien permanent | Tags : conduites alimentaires | Imprimer | |
15/01/2015
L’attachement des Français au Made in France
À la demande de la Direction Générale des Entreprises (DGE), le CREDOC a réalisé une étude sur l’attachement des Français au Made in France, publiée en novembre dernier. Réalisée en face à face auprès d’un échantillon représentatif de la population française, entre décembre 2013 et janvier 2014, cette enquête visait à analyser les opinions et attitudes en matière d’achats de produits industriels, afin d’évaluer l’attachement à l’origine française de fabrication des produits. Elle fait suite à plusieurs travaux similaires conduits par le CREDOC depuis 1997.
De manière générale, il ressort qu’« un consommateur sur deux déclare privilégier les produits français » et que, malgré la crise économique, plus de trois sur cinq se disent prêts à payer plus cher les produits manufacturés en France. Ce consentement est en augmentation depuis quinze ans, mais est toutefois devenu « une question de revenus ». Les résultats font également apparaître différents profils : les partisans du Made in France (plutôt âgés, peu ou pas diplômés, plus présents en zone rurale, etc.), ceux qui privilégient la production européenne (sur-représentés chez les cadres, les diplômés et les hauts revenus) et ceux qui sont indifférents au pays de fabrication (plutôt jeunes, étudiants et sans enfants).
Cette enquête fait apparaître la place particulière des produits alimentaires puisque plus de 55 % des personnes interrogées les citent comme le principal type de produit industriel pour lequel elles privilégient un produit fabriqué en France :
Le CREDOC identifie plusieurs facteurs pouvant expliquer ce résultat : un étiquetage des produits alimentaires qui permet de repérer facilement leur origine, une certaine assurance quant à la qualité sanitaire des produits et une « forme de fierté pour la qualité des produits gastronomiques français ». Pourrait également entrer en jeu le fait que l’effort financier est moindre pour l’achat de produits alimentaires français qu’il ne l’est pour les autres produits listés.
Julia Gassie, Centre d’études et de prospective
Source : CREDOC
16:13 Publié dans Alimentation et consommation | Lien permanent | Imprimer | |
Eau et énergie : l'impact de l'agriculture irriguée en Méditerranée
Dans une publication de Environmental Research Letters datant de décembre 2014, des chercheurs des universités de Cranfield en Angleterre et de Cordoue en Espagne ont exploré les impacts de l'agriculture irriguée dans le bassin méditerranéen. Plus spécifiquement, ils ont calculé, à l'aide d'un modèle intégré et spatialisé, la demande en eau par culture (m3 par kg pour les cultures de citron, coton, olive, tournesol, légumes, vignes, céréales) et la quantité de CO2 émis résultant de l'eau pompée dans les nappes phréatiques pour l'irrigation (CO2 par kg).
Selon cette étude, environ 61 km3 d'eau ont été prélevés chaque année sur la période 1970-2010, principalement pour les céréales (44 %). De plus, l’Égypte, la Turquie, la Syrie et l'Espagne sont les principaux pays demandeurs en eau. Quant à la quantité de CO2 émis par le pompage en nappes, elle est au total de 1,78 Gt CO2 par an ; les cultures ayant les émissions par tonne les plus élevées sont le tournesol (73 Gt CO2 par an) et le coton (60 Gt CO2 par an). Le graphique ci-dessous représente les estimations des prélèvements en eau et en émissions calculées par les auteurs en fonction du pays.
Estimations des prélèvements en eau et en émissions en fonction du pays dans le bassin méditerranéen, pour une sélection donnée de cultures
Source : Environmental Research Letters
Dans ce travail, les auteurs étudient aussi les conséquences de trois scénarios, comparés aux estimations citées ci-dessus, 61 km3 d'eau prélevée et 1,78 Gt CO2 émises (scénario business as usual) :
- le premier scénario correspond à un changement technologique, soit une modernisation des systèmes d'irrigation (aspersion, goutte à goutte) permettant en théorie une économie des prélèvements en eau de 20 à 30 % ; la demande serait alors diminuée de 13 %, mais les émissions de CO2 augmenteraient de 135 % ;
- le deuxième scénario fait l'hypothèse d'une chute de 10 m du niveau piézométrique des nappes du bassin méditerranéen, l'accès à la ressource en eau devenant alors plus difficile, ce qui, selon les chercheurs, entraînerait une augmentation de 39% des émissions de CO2 ;
- le troisième scénario serait celui de la mutation de l'ensemble de l'agriculture pluviale en agriculture irriguée, ce qui représenterait une augmentation de la demande en eau de 137 % et des émissions de CO2 de 270 %.
Cette étude permet donc un premier éclairage quantifié et cartographié du lien entre prélèvements en eaux et émissions d'un gaz à effet de serre pour l'activité agricole du bassin méditerranéen. Les auteurs citent des pistes d'améliorations possibles : tendre vers une meilleure résolution spatiale, analyser la sensibilité des résultats à la limite que représente l'étude d'un nombre restreint de cultures, etc.
Élise Delgoulet, Centre d’études et de prospective
Source : Environmental Research Letters
16:11 Publié dans Climat, Environnement | Lien permanent | Tags : eau, irrigation | Imprimer | |
14/01/2015
Synthèse de travaux sur la forêt française et atténuation du changement climatique : une approche par modélisation bio-économique
Fin 2014, un des formats de publication de la Chaire Économie du Climat, Les Cahiers, est consacré au changement climatique et à son atténuation par le secteur des forêts tempérées françaises. Ce document synthétise trois travaux précédemment publiés par les chercheurs du laboratoire en économie forestière de Nancy en 2011 et 2013. Ils reposent sur le modèle bioéconomique French Forest Model Sector, qui couple un module biophysique et un module économique en équilibre partiel statique. Ces travaux regardent les impacts de mesures d'atténuation, que sont la séquestration (gestion du carbone séquestré dans les forêts et produits en bois de long terme) et la substitution (exemple, dans le cas de l’énergie, d’une substitution entre une ressource bois et une autre d'origine fossile), ainsi que des politiques publiques associées.
Dans la première étude, l'analyse comparée d'une politique en faveur de la séquestration et d'une seconde en faveur de la substitution montre que le bilan carbone est favorable à la première, qui présente aussi les meilleurs résultats en termes de welfare économique et de coût de mise en œuvre. La seconde étude prend comme donnée de base le cadre réglementaire fixant les prélèvements supplémentaires de bois pour des usages énergétiques à 6 Mm3 par an, objectif français à échéance 2020.
Les auteurs mettent ainsi en évidence les effets d'une politique en faveur de la substitution, qui serait bénéfique pour la balance commerciale de la filière forestière (augmentation des exportations), mais impliquerait des tensions sur la ressource locale avec d'autres filières du bois. Le dernier article explore les conséquences d'une taxe carbone sur le secteur bois, qui augmenterait production et consommation avec de fortes disparités régionales dues au coût du transport.
Des pistes de recherche sont aussi évoquées en fin de document par les auteurs, Sylvain Caurla et Philippe Delacote : une meilleure connaissance des comportements de consommation, une meilleure description des co-produits de l'industrie du bois et une amélioration du modèle afin de procéder à des simulations sur le long terme permettant de prendre en compte les impacts sur le puits carbone à de plus grandes échelles temporelles, et d'introduire des mesures d'adaptation.
Élise Delgoulet, Centre d’études et de prospective
Source : Chaire Économie du Climat
16:09 Publié dans 3. Prévision, 4. Politiques publiques, Climat, Forêts Bois | Lien permanent | Tags : forêt, changement climatique | Imprimer | |
L'impact du changement climatique sur la production de café
Une publication de Climate Change datant de décembre 2014 illustre les impacts attendus du changement climatique sur la production de café, Arabica (Coffea arabica) et Robusta (Coffea Canephora). La figure ci-dessous représente la localisation de la production de café, en bleu le Robusta, en orange l'Arabica ; les parties grisées correspondent aux grandes zones géographiques retenues par les auteurs dans l'étude.
Localisation de la production de café
Source : Climate Change
Recourant au machine learning ainsi qu’aux scénarios du GIEC, les chercheurs de l'International Center for Tropical Agriculture (CIAT) et de l'université Humboldt de Berlin ont identifié, à l'échelle mondiale, les zones géographiques susceptibles d'avoir un climat favorable à la production de café à l'horizon 2050. De leur travail ressort :
- une diminution des zones propices à cette culture, jusqu'à 50 % de celles actuellement connues, selon le scénario climatique retenu, et des impacts particulièrement marqués dans les régions de basses altitudes et latitudes ;
- une remise en cause de la position des gros producteurs que sont le Brésil et le Vietnam, touchés par cette réduction des superficies propices ; à l’inverse, un potentiel de production est identifié en Afrique de l'Est et en Asie, mais cependant partiellement en concurrence avec la forêt.
Élise Delgoulet, Centre d’études et de prospective
Source : Climate Change
16:07 Publié dans 3. Prévision, Climat | Lien permanent | Tags : café, changement climatique | Imprimer | |
Séminaire « Des animaux de compagnie aux espèces compagnes » : un nouveau front de recherche en sciences sociales
Les relations homme-animal font l’objet d’une attention croissante, comme en témoigne la multiplication des colloques et publications consacrés à ce sujet. Deux questions concentrent l’essentiel du débat : la préservation de la biodiversité sauvage et la cohabitation avec les grands prédateurs (loups, ours), d’une part, le bien-être et la mise à mort des animaux d’élevage, d’autre part. Les relations avec les animaux dits « de compagnie » restent, elles, assez peu analysées, alors qu’elles nourrissent un secteur économique important et ont un effet structurant sur le rapport à d’autres catégories d’animaux.
Contribuant à combler cette lacune, un séminaire de recherche pluri-disciplinaire, inauguré le 12 janvier, soutenu par l’Observatoire CNIEL des Habitudes Alimentaires (OCHA) et la Fondation Adrienne & Pierre Sommer, traitera au cours du premier semestre 2015 de la thématique « Des animaux de compagnie aux espèces compagnes ». Au fil de ses six séances, il proposera une discussion des approches récentes, en faisant dialoguer sociologie et biologie, pour « proposer de nouvelles distinctions théoriques et de nouveaux outils conceptuels permettant de saisir le sens et l’importance de la socialité entre humains et animaux ».
Les sciences sociales se sont en effet renouvelées, depuis les années 1980, en posant la question du rôle des objets dans la coordination de l’action. Les grands partages entre « nature » et « société », entres « états de chose » et « états de personne », ont été remis en question par la formalisation des phénomènes de « réseau » et l’analyse systématique des différents « régimes » d’action. Dans les travaux de Bruno Latour et Michel Callon en sociologie des sciences, et dans ceux de Luc Boltanski et Laurent Thévenot du côté de l’économie des conventions, les animaux avaient une place certaine (comme support d’expérimentation ou comme produit « qualifié »), mais discrète. S’intéresser aux animaux de compagnie permet aujourd’hui de prolonger ce programme de recherche et de l'ouvrir à de nouvelles problématiques. Le séminaire s’intéressera ainsi, entre autres, aux origines de la catégorie « animal de compagnie », aux soins par le contact animalier, aux soins vétérinaires en cabinet et aux frontières entre animal de travail et animal de compagnie.
Signalons enfin, sur le même sujet, a) une recherche comparative concernant la mise à mort des animaux et b) l’organisation par AgroParisTech d’un cycle de conférences sur les relations homme-animal.
Florent Bidaud, Centre d’études et de prospective
Source : Fondation Adrienne & Pierre Sommer
16:04 Publié dans Enseignement et recherche | Lien permanent | Imprimer | |
12/01/2015
Développement péri-urbain, ruralité et politiques publiques
La fondation Terra Nova vient de sortir une étude, en deux volets, consacrée aux évolutions de la France péri-urbaine. Ce travail comporte également de nombreux éléments intéressants sur le monde rural et, plus indirectement, sur l'agriculture. Tout "péri-urbain" est aussi un "péri-rural" et, comme les auteurs le rappellent, 80 % de la superficie des couronnes péri-urbaines restent couverts de champs, de forêts et d'espaces naturels.
Le premier volet de l'étude, sorti fin octobre sous la signature de Pierre Musseau, est consacré aux questions d'habitat et de mobilité. L'auteur y souligne que le péri-urbain, grand oublié des politiques d'urbanisme, s'est toujours construit en dehors des stratégies d'aménagement des villes-centre, ce qui a débouché sur un étalement urbain non maîtrisé, une artificialisation du foncier rural et une rurbanisation des villages. La faible densité de ces espaces rend plus coûteux les services et infrastructures à la charge des collectivités (eau, transports, réseaux d'énergie, équipements sociaux, connexions numériques). Ces zones de rencontre de l'urbain avec la campagne sont également des lieux où se manifestent plus fortement la peur du déclassement social et de l'isolement culturel. Pour endiguer cette "para-urbanisation", P. Musseau propose de redensifier l'habitat individuel et d'ouvrir l'accession sociale à la propriété. Il suggère aussi de renforcer les intercommunalités, les plans intercommunaux d'urbanisme, et d'inciter les communes à préserver le caractère rural de leur territoire. Enfin, il préconise de protéger les espaces agricoles et de limiter la rente tirée de la constructibilité des terrains.
Le second volet de l'étude a été publié le 7 janvier, sous la triple signature de C. Marty, A. Michel et P. Musseau. Cette fois, périurbain et rural sont abordés sous l'angle des enjeux énergétiques et écologiques. La question énergétique est particulièrement sensible dans ces zones éloignées des centres-ville (déplacements domicile-travail plus longs, obligation d'avoir un véhicule personnel, logements plus énergivores) et les auteurs font diverses recommandations pour développer les productions énergétiques locales. Quant à la transition écologique, elle réussira dans ces territoires à condition d'être associée à d'autres avancées : agro-écologie, économie circulaire, préservation des espaces naturels, maintien d'activités agricoles dans les interstices urbains, circuits courts, instances de gestion des conflits d'usage, etc. Tout cela nécessitera des interventions fortes des communes, des intercommunalités et des régions, ainsi qu'une bonne articulation entre ces différents niveaux d'action publique. Cette articulation ne pourra exister, ajoutent les auteurs, que si des réflexions prospectives nationales et locales sont préalablement conduites.
Bruno Hérault, Centre d'études et de prospective
Source : Terra Nova, Terra Nova
16:00 Publié dans 4. Politiques publiques, Société, Territoires | Lien permanent | Tags : ruralité, péri-urbain | Imprimer | |
Les influences du régime alimentaire sur la diversité du microbiote humain
Une étude réalisée par une équipe de recherche de l'université du Colorado et publiée en décembre 2014 dans le British Journal of Nutrition révèle les importantes variations constatées dans la composition du microbiote humain en fonction de différents facteurs, dont principalement le type d'alimentation.
L'intestin humain héberge environ 100 000 milliards de bactéries, formant un système écologique complexe qui interagit avec l'hôte et des facteurs exogènes. Peu abondant chez le nouveau-né, le microbiote se développe en grande partie au cours des trois premières années, atteignant alors une composition proche de celle de l’adulte. Plusieurs facteurs influencent ce développement parmi lesquels les modalités de naissance (voie naturelle ou césarienne) et le type d'alimentation reçue lors du premier âge (allaitement maternel ou biberon de lait infantile). La population bactérienne intestinale évolue ensuite au cours de la vie : les personnes âgées hébergent en effet un microbiote sensiblement différent de celui des adultes plus jeunes.
Jusqu’à présent, la plupart des données sur la flore intestinale humaine concernaient les populations occidentales (Europe, États-Unis, Canada), et cette étude fait un bilan sur des recherches associées à des populations non-occidentales, japonaise, burkinabé et vénézuélienne notamment. Des caractéristiques spécifiques des types bactériens composant le microbiote ont été constatées, ces différences étant imputables à l'environnement, aux modes de vie et aux types d'alimentation. Ainsi, les contacts rapprochés avec des animaux sont un des facteurs de spécificité, par les échanges de bactéries commensales qu'ils provoquent. Toutefois, le facteur clé est le type de régime alimentaire : par exemple, un régime riche en fibres induit la présence du germe prevotella dans le microbiote, tandis qu'un régime riche en graisses et protéines va privilégier celle de bacteroides.
En termes de perspectives, une meilleure compréhension de la variabilité du microbiote en fonction notamment de l’origine ethnique, de l’âge ou du type d'alimentation permettra d’apporter des connaissances sur le fait que certaines populations sont plus fréquemment affectées par des pathologies de type diabète ou obésité. Il y a là également une piste pour faciliter le traitement de ces pathologies.
On peut enfin signaler que, au niveau français, l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) a entrepris, en collaboration avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et l'université d’Évry, des recherches sur le microbiote humain et en particulier le génome de certaines bactéries.
Madeleine Lesage, Centre d’études et de prospective
Source : British Journal of Nutrition
15:59 Publié dans Alimentation et consommation, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : microbiote | Imprimer | |
09/01/2015
Alléger l’empreinte environnementale de la consommation des Français en 2030
Fin novembre 2014, l’ADEME a publié le quatrième volet de ses travaux de prospective initiés en 2012 pour proposer une vision à long terme du système énergétique français (voir sur ce blog les billets consacrés aux premier et troisième volets de cet exercice), en présentant un scénario pour « alléger l’empreinte environnementale de la consommation des Français en 2030 ». Une analyse de l’impact environnemental et climatique, à l’horizon 2030, des tendances de consommation actuelles a permis d’identifier les modifications des modes de production et de consommation nécessaires : une réduction de 17 % de l’empreinte carbone totale serait possible en 2030 (par rapport à 2007) « en appliquant des hypothèses ambitieuses mais réalistes de réduction des consommations d’énergie dans l’habitat et les transports, d’éco-conception des produits, de réduction des gaspillages, de modification de nos modes de consommation ».
Décliné par thématiques de consommation, le scénario 2030 traite en particulier de l’alimentation. Plusieurs orientations sont identifiées pour une alimentation à « empreinte environnementale allégée » :
- « rééquilibrer les régimes alimentaires pour faire converger enjeux de santé et enjeux environnementaux » : réduction de la consommation de viande (-10 % en moyenne par personne), augmentation de celle de céréales, baisse de celle de boissons embouteillées, adoption de « régimes alimentaires plus calés sur les produits saisonniers » ;
- « réduire drastiquement le gaspillage alimentaire », de 60 % sur l’ensemble de la chaîne ;
- « améliorer les pratiques agricoles et développer l’écoconception dans les industries agro-alimentaires ».
L’impact du régime alimentaire français moyen (hors boissons) passerait alors de 3,5 kg EQ CO2/jour en 2007 à 2,9 en 2030 :
L’ADEME souligne que différents leviers doivent être activés pour faire évoluer les comportements alimentaires : stratégies d’information et de prévention en nutrition ciblées sur certaines populations ou sur certaines périodes de la vie plus propices au changement, amélioration du niveau de connaissance de la population sur l’alimentation et ses enjeux, mobilisation simultanée de tous les acteurs concernés.
In fine, l’ADEME propose des perspectives générales pour aller vers une maîtrise de l’empreinte environnementale d’ici 2030, présentéesdans le schéma ci-dessous :
Diffusion des changements au sein de la société
Julia Gassie, Centre d’études et de prospective
Source : ADEME
15:56 Publié dans 1. Prospective, Alimentation et consommation, Environnement | Lien permanent | Tags : ademe | Imprimer | |
La Commission européenne publie un rapport sur les priorités de recherche en alimentation à 2050
Fin 2014, la Commission européenne a publié le résultat d’un travail prospectif intitulé Tomorrow’s Healthy Society – Research Priorities for Foods and Diets. Conduit par le Joint Research Center (JRC) à la demande de la Direction générale de la recherche et de l’innovation, ce travail a pour objectif d’appuyer la mise en œuvre d’Horizon 2020. Centrée sur le consommateur européen et s’appuyant sur les facteurs influençant les habitudes alimentaires, cette démarche participative a conduit à l’élaboration de quatre scénarios décrivant la situation de l’Union européenne en 2050. En a découlé l’identification de priorités de recherche.
Pour appuyer la construction des scénarios, une carte de la consommation alimentaire a été établie sur la base notamment d’une revue de la littérature. Quatre facteurs majeurs influençant directement cette consommation, et de fait la santé du consommateur, sont mis en évidence : la régulation physiologique de l’appétit, les choix alimentaires, l’offre alimentaire et l’accessibilité aux produits. Gouvernance et innovation sont identifiées comme des facteurs transversaux.
Centrés sur l’Union européenne et le consommateur, les quatre scénarios exploratoires ont été construits à partir de deux axes principaux, le prix des produits agricoles (faible ou élevé) et les valeurs sociétales (société individualiste ou esprit communautaire fort) :
-
« Healthy new world » (caractérisé notamment par des efforts importants de prévention des maladies),
-
« Heal the world » (une chaîne alimentaire européenne plus durable sur le plan environnemental),
-
« Eat to live » (des inégalités significativement accrues),
-
« Me, myself and I » (des progrès technologiques).
Ces scénarios ont été ensuite utilisés pour identifier des priorités de recherche pour des régimes alimentaires sains à l’horizon 2015, avec quatre enjeux déclinés en dix thématiques :
Les quatre enjeux et les dix priorités de recherche identifiés
Source : JRC
Le JRC souligne enfin la nécessité d’une approche holistique et interdisciplinaire, reflétant une vision systémique des enjeux sociétaux et des opportunités.
Julia Gassie, Centre d’études et de prospective
Source : Joint Research Center
15:53 Publié dans 1. Prospective, Alimentation et consommation, Enseignement et recherche | Lien permanent | Tags : jrc | Imprimer | |
08/01/2015
Colloque FARM et Pluriagri - Agriculture délaissée : terreau de l'insécurité
Organisé le 16 décembre dernier, le colloque annuel de FARM et de Pluriagri avait pour objectif de montrer en quoi le non-développement de l'agriculture pouvait être, dans les pays du Sahel et certains pays arabes, un facteur causal ou aggravant d'insécurité.
Les témoignages et les analyses ont mis en exergue les principaux facteurs ruraux de tension contribuant à l'éclatement des crises sécuritaires :
- l'explosion démographique rurale, l’absence de perspective pour la jeunesse et ses conséquences, comme par exemple le développement de trafics qui minent les tissus sociaux ;
- la marginalisation-paupérisation de certaines populations (groupes ethniques) et/ou de certaines zones (inégalités horizontales) ;
- l'absence d’État sur de vastes territoires peu peuplés, sans mécanisme alternatif de régulation des tensions ;
- les coexistences entre les populations autochtones et de passage, notamment les liens entre le pastoralisme et l'agriculture ;
- les conflits pour les ressources naturelles.
Ainsi, au Sahel (exemple du Mali en particulier), le délaissement de zones marginalisées, cumulé à celui du principal secteur d'activité qu'est l'agriculture, a laissé la place libre au développement de groupes armés et créé les conditions d'un soutien des populations locales, surtout jeunes, à ces mouvements. L'occupation par des groupes armés des zones rurales est de plus un facteur d'insécurité alimentaire, l'activité agricole ne pouvant s'y dérouler normalement (pillages, impossibilité de déplacements, difficultés d'approvisionnement en intrants et de commercialisation, etc.). Ces perturbations, ajoutées à une déstabilisation des marchés de certains produits agricoles par l'aide alimentaire, dépassent les seules zones occupées et ont des répercussions sur toute l'économie agricole nationale, voire régionale, touchant en premier lieu les petits agriculteurs.
Dans le casdes pays arabes, la dernière table ronde a montré en quoi les principaux facteurs soulignés précédemment pouvaient également se retrouver dans l'analyse des récents bouleversements. L'évolution du contexte rural asa place dans l'analyse de ces crises pourtant principalement urbaines. Les tensions ont notamment éclaté au sein de populations déracinées issues de zones rurales marginalisées. À ce propos, selon Rachid Benaïssa, ancien ministre de l'Agriculture algérien, les mesures prises par l'Algérie suite à la guerre des années 1990 - orientées vers la création d'emplois, la valorisation de la ruralité et l'absence de marginalisation territoriale - expliqueraient en partie le fait que la crise de 2011 ne se soit pas propagée dans ce pays. Enfin, prenant le cas de l'Égypte et de la Syrie, Pierre Blanc (Sciences-Po Bordeaux) a montré l'intérêt d'une lecture de l'évolution politique des pays de la zone au regard des dynamiques rurales, et souligné notamment l'analyse qui peut être faite des radicalisations de populations au regard des facteurs fonciers et de réformes agraires.
Claire Deram, Centre d’études et de prospective
Source : FARM
15:51 Publié dans Mondialisation et international, Sécurité alimentaire | Lien permanent | Imprimer | |
La Fondation Gates, nouvel acteur mondial du développement de l'agriculture
Absente de la scène agricole il y a 10 ans, la Fondation privée du créateur de Microsoft s'est imposée comme l'un des principaux bailleurs de fonds dans le monde en matière de recherche et développement agricole, avec plus de 3 milliards de dollars US consacrés à ce domaine. D'abord axée sur les programmes de santé et d'éducation, la Fondation Gates a fortement élargi son soutien financier à l'agriculture en 2006, avec le lancement de l'Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA) et le financement du système international de recherche agricole (CGIAR).
Dans une note récente, l'organisation GRAIN analyse les ressorts de ce nouvel acteur dont les interventions en Afrique sont de plus en plus controversées. La note dénonce le fait que la Fondation Gates finance principalement des structures situées dans les pays développés, qu'elle promeut une vision très technologique du développement agricole, et qu'elle influe sur l'agenda politique des pays africains.
Source : GRAIN
15:49 Publié dans Développement | Lien permanent | Imprimer | |