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10/06/2020

Modes d'organisation de la pêche au Mexique et jeux d'acteurs : entre confiance et opportunisme

Un article publié dans Plos One en avril 2020 analyse les relations de pouvoir qui lient les pêcheurs de Bahia de Kino et de Rio Lagartos (Mexique) à leurs clients, à partir d’interviews et de données d'octroi de prêts. Dans ce pays, tous les pêcheurs ne possèdent pas l'ensemble des moyens nécessaires pour leur activité : il leur faut parfois emprunter pour payer les intrants (ex. : carburant), entretenir leur matériel voire louer un bateau. Pour ce faire, ils développent souvent des relations de type protecteur-protégé avec un patron, ou intègrent une coopérative. Ces deux derniers acteurs, qui sont alors à la fois clients et créditeurs, sélectionnent avec précaution leurs débiteurs pour ne pas menacer leur propre survie économique. De ce fait, ils privilégient les pêcheurs qui sortent en mer selon un rythme prévisible, ont les compétences pour capturer les espèces désirées, honorent leurs engagements plutôt que de vendre leur pêche au plus offrant pour ne les rembourser que dans un second temps.

L'étude des prêts et des remboursements montre que les relations de confiance sont plus fortes entre pêcheurs et coopératives qu'entre pêcheurs et patrons : les prêts consentis sont plus élevés et les remboursements plus nombreux dans le premier cas. Dans le second, les débiteurs tendent à accumuler les dettes, devenant ainsi plus exposés au risque d’exploitation. À cela s'ajoute le caractère bilatéral de leurs relations, dont le coût social de rupture est plus faible que si plusieurs acteurs étaient impliqués. Les patrons ont ainsi plus de difficultés à maintenir des relations durables avec les pêcheurs fiables : ils sont donc forcés d'interagir avec un plus grand nombre de pêcheurs non fiables que dans le cas des coopératives, où la pression sociale est plus forte et dissuade les comportements opportunistes. De plus, pour les pêcheurs, rejoindre une coopérative permet de participer à la gouvernance de la structure, ce qui renforce leur adhésion et leur volonté d'honorer leurs engagements. Finalement, l'organisation en coopérative semble plus à même de répartir équitablement les bénéfices.

Nombre de débarquements effectués par les pêcheurs pour rembourser les avances des patrons et coopératives en fonction du nombre de prêts accordés par ceux-ci

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Source : Plos One

Lecture : la taille des cercles indique le nombre d'occurrences et les couleurs les catégories de pêcheurs selon leur comportement (rouge : hors catégorie ; kaki : recherche du meilleur prix ; vert : fiable ; bleu : moins fiable ; violet : non fiable). Le disque en partie haute du graphe présente la répartition des débarquements selon le profil des pêcheurs.

Aurore Payen, Centre d'études et de prospective

Source : Plos One

11:37 Publié dans Pêche et aquaculture, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : mexique, pêche, coopérative |  Imprimer | | | | |  Facebook

Vers un renforcement des conflits liés à la pêche du fait du changement climatique ?

Acidification, hausse des températures, élévation du niveau des océans : les conséquences du changement climatique sur les écosystèmes marins sont d'ores et déjà nombreuses. Elles devraient se renforcer à l'avenir, affectant les stocks de poissons et leur répartition à l'échelle mondiale. Dans un article publié dans la revue Marine Policy, une équipe nord-américaine s'interroge sur la possibilité que ces facteurs conduisent à une augmentation des conflits liés à la pêche. Les auteurs mettent notamment en évidence deux zones particulièrement sensibles : la mer de Chine, où la conflictualité pourrait être exacerbée par une ressource qui devrait diminuer avec le changement climatique ; la zone Arctique où, à l'inverse, les stocks de poissons devraient s'accroître et être davantage exploitables, du fait de la fonte des glaces, suscitant ainsi d'intenses convoitises et une forte concurrence.

Évolution probable (%) du potentiel maximal de captures en 2050 et localisation des conflits liés à la pêche entre 1993 et 2010

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Source : Marine Policy

Source : Marine Policy

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15/10/2019

Ressources halieutiques et changement climatique : rapport du GIEC

Le Groupement d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a publié, en septembre 2019, un rapport sur les impacts environnementaux, économiques et sociaux du changement climatique sur les océans et la cryosphère. Chaque grand type d'écosystème (régions polaires, îles de faible altitude, etc.) est étudié, selon divers scénarios considérant plusieurs niveaux d'émissions de gaz à effet de serre, d'utilisation des sols, de mobilisation internationale, etc., menant à différentes hausses de températures.

Les écosystèmes marins sont des pourvoyeurs essentiels de ressources alimentaires et d'emplois pour de nombreuses populations. Le réchauffement climatique, en favorisant notamment la hausse des températures de l'eau et son acidification, aura certainement un fort impact sur les ressources aquatiques. Le potentiel maximum de captures de poissons s'est dégradé ces dernières années et cette tendance devrait se poursuivre : d'après le GIEC, il chuterait de 20 à 24 % d'ici 2100 par rapport à la période 1986-2005. Les volumes pêchés devraient donc diminuer au cours du temps, d'autant que la surexploitation de certains stocks s'ajoutera aux effets climatiques. Ainsi, la sécurité alimentaire et les modes de vie des populations dépendant le plus des ressources marines (en particulier en zones tropicales) seraient menacés et des conflits entre pêcheries, autorités et communautés locales pourraient surgir pour l'accès à la ressource.

L'élévation des températures de l'eau pousserait les espèces à migrer, toutefois sans survie assurée : si des pertes de biomasse dans les eaux tropicales sont à craindre, il n'est pas certain que les eaux polaires accueillent de nouveaux stocks de poissons. Cette migration soulèverait également des défis en matière de gouvernance : les mesures de protection en place perdraient de leur efficacité et de nouveaux problèmes de gestion et de partage de la ressource émergeraient. Par ailleurs, le changement climatique favoriserait la bio-accumulation de polluants organiques et de mercure dans les plantes et animaux marins. La santé des populations les plus dépendantes de ces ressources pour leur alimentation serait alors impactée.

Pour faire face à ces enjeux, le GIEC encourage la collecte et le partage de données pour mieux coordonner la gestion des stocks et la protection des écosystèmes marins. Les auteurs soulignent toutefois que la perte de certaines espèces de haute valeur économique semble difficilement évitable si la hausse des températures se poursuit.

Impacts directs des principaux facteurs associés au changement climatique sur les écosystèmes marins de l'océan austral

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Source : GIEC

Lecture : les facteurs marqués d'une étoile sont documentés à partir des résultats des scénarios d'émissions de gaz à effet de serre élevées.

Aurore Payen, Centre d'études et de prospective

Source : GIEC

11:41 Publié dans Climat, Pêche et aquaculture | Lien permanent | Tags : giec, océans, pêche, poissons, ressources halieutiques |  Imprimer | | | | |  Facebook

09/09/2019

Analyse des impacts des activités humaines sur les océans

Un article d'août 2019, dans Nature Scientific Reports, traite de l'évolution des impacts des activités humaines sur les océans de 2003 à 2013, à l'échelle mondiale. Pour ce faire, des zones d'un kilomètre de côté ont été définies, représentant 21 types d'écosystèmes. Pour chacune, à partir de diverses sources, les mesures de 14 facteurs de pression sur l'environnement (en ordonnées de la figure ci-dessous) ont été agrégées afin d'obtenir une note synthétique annuelle. Ces facteurs appartiennent à 4 catégories : la pêche (6 d'entre eux), le changement climatique (3), le transport maritime (1) et les pollutions d'origine terrestre (4). Les notes synthétiques augmentent sur 59 % de la surface des océans durant la période étudiée. Plus de 90 % de ces hausses découlent de facteurs climatiques. Si les impacts des pratiques de pêche diminuent pour 53 % des pays, ces baisses pourraient être, selon les auteurs, attribuées à des mesures de gestion tout comme au déclin des stocks disponibles.

Impacts des 14 facteurs de pression sur 21 écosystèmes marins, en 2013

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Source : Nature Scientific reports

Lecture : en ordonnées, de haut en bas, i) facteurs liés au changement climatique (température de surface en haute mer : sst ; acidification des océans : oa ; montée du niveau des mers : slr) ; ii) transport maritime ; iii) pollutions d'origine terrestre ; iv) facteurs associés à la pêche (pêcheries pélagiques à haut niveau de prises accessoires, pélagiques à bas niveau de prises accessoires, démersales aux pratiques destructives, démersales aux pratiques non destructives et haut niveau de prises accessoires, démersales aux pratiques non destructives et bas niveau de prises accessoires, pêche artisanale).

Source : Nature Scientific reports

16:12 Publié dans Climat, Environnement, Pêche et aquaculture | Lien permanent | Tags : océans, écosystèmes, pollutions, pêche, transport |  Imprimer | | | | |  Facebook

08/07/2019

Effets conjoints du changement climatique et du taux de pêche sur la biomasse des océans

Dans un article de juin 2019, 35 chercheurs ont publié les résultats de leur modélisation des impacts du changement climatique et de la pêche sur la biomasse des océans. Quatre scénarios d'émissions de gaz à effet de serre (GES) ont été testés sur la période 1970-2100, avec deux déclinaisons : une première sans prise en compte de l'impact de la pêche, une seconde intégrant aux projections le taux de pêche actuel.

Tous les scénarios d'émissions testés entraîneraient une perte de biomasse dans les océans. Dans le cas d'un prolongement des tendances actuelles, aboutissant à l'augmentation des GES dans l'atmosphère, le déclin moyen des stocks de poissons atteindrait 17,2 % sur la période 2090-2099 par rapport à 1990-1999, sans prise en compte des impacts de la pêche. Dans le scénario de forte atténuation des émissions, le déclin moyen se limiterait à 4,8 %. Les effets seraient d'autant plus importants pour les espèces que leur niveau trophique est élevé.

Derrière ces valeurs moyennes se cachent des disparités régionales. La biomasse croîtrait fortement aux pôles, ce qui pourrait engendrer des conflits pour son exploitation. À l'inverse, elle diminuerait dans les zones tropicales à tempérées, alors que ces régions, de grande importance pour la sécurité alimentaire, sont déjà menacées par les activités humaines. L'impact de la pêche, si elle est maintenue aux taux de capture actuels, serait limité par rapport à celui du changement climatique. La hausse des températures favoriserait la prédation, alors que la pêche réduirait le nombre de gros poissons et de prédateurs : cela aboutirait à une biomasse totale légèrement plus élevée dans le cas des scénarios avec pêche, de l'ordre de 2 à 3 % (voir figure).

Les chercheurs notent que les scénarios sont relativement similaires jusqu'en 2030, horizon fixé par les Nations unies pour l'atteinte par les pays signataires des Objectifs de développement durable. Les scénarios divergent ensuite, à partir du milieu du siècle, d'où l'importance de mettre en œuvre des mesures d'atténuation.

Différences entre les scénarios excluant (en bleu) et incluant (en rouge) la pêche dans la projection des évolutions de la biomasse des océans à horizon 2100

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Source : Proceedings of the National Academy of Sciences

Aurore Payen, Centre d'études et de prospective

Source : Proceedings of the National Academy of Sciences

16:47 Publié dans Climat, Environnement, Production et marchés | Lien permanent | Tags : pêche, biomasse, poissons |  Imprimer | | | | |  Facebook

05/07/2019

La mutation des ports de pêche bretons dans un contexte de mondialisation

Dans un article publié sur Géoconfluences, J.-R. Coliou dresse un panorama des transformations des ports de pêche bretons depuis 1950. Il montre que la mondialisation a rendu obsolète la pêche reposant sur une ressource peu éloignée du port, exploitée par une main-d’œuvre familiale et transformée localement. L'auteur met en évidence la recomposition des flux de produits, la raréfaction de la ressource proche ayant conduit à exploiter des pêcheries plus distantes. Dans le même temps, mareyeurs et transformateurs ont diversifié et internationalisé leurs approvisionnements. Il évoque ensuite la diminution de la main-d’œuvre familiale et le recours croissant à des salariés, souvent étrangers. Cette internationalisation s'observe aussi du côté des capitaux, nombre d'entreprises portuaires ayant aujourd'hui un actionnariat étranger. Au total, le port n'est plus l'interface entre la pêcherie d'avant-pays et l’arrière-pays, mais une plate-forme insérée dans une économie globalisée.

Source : Géoconfluences

13:23 Publié dans Mondialisation et international, Pêche et aquaculture, Travail et emploi | Lien permanent | Tags : bretagne, ports, pêche |  Imprimer | | | | |  Facebook

18/06/2019

Une étude prospective sur la durabilité de la pêche en haute mer

La pêche en haute mer ne représente que 4 % des captures annuelles mondiales de poisson, mais elle connaît un développement rapide. Les prises hauturières sont ainsi passées de 450 000 tonnes en 1950 à 4,3 millions en 2014, ce qui interroge sur la durabilité de cette activité, comme le font plusieurs chercheurs dans ce document de travail de l'International Institut for Environment and Development.

Leur approche combine prospective et modélisation. Dans un premier temps, des experts ont été mobilisés pour élaborer différents scénarios relatifs au devenir de la pêche hauturière aux horizons 2030, 2050 et 2090. Ces scénarios ont ensuite alimenté un modèle bio-économique visant à quantifier les impacts économiques et écologiques des futurs envisagés.

Structure du modèle bio-économique

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Source : IIED

Trois scénarios ont été retenus et modélisés pour les trois horizons. Le premier fait l'hypothèse d'une coopération internationale renforcée permettant une gestion durable des ressources halieutiques. Le deuxième suppose, à rebours, une montée des nationalismes et des rivalités croissantes, principalement dans les pays riches. Cela se traduit par une exploitation plus intense de la haute mer par les pays développés, chacun d'entre eux cherchant à maximiser les revenus tirés de cette ressource commune. Le troisième scénario anticipe lui aussi un développement de la pêche hauturière, mais plus large puisque les pays à bas revenus y prendraient part également.

Sur le plan économique, la modélisation montre que la pêche en haute mer n'est viable dans aucun des scénarios envisagés, en raison de ses coûts. Dans les deux derniers scénarios, son développement n'est possible que parce qu'elle est subventionnée et emploie des travailleurs sous-rémunérés, voire forcés. Sur le plan écologique, ces mêmes scénarios se traduisent par un fort déclin des stocks de poissons et de leur diversité, en raison d'un effort de pêche important et d'un changement climatique marqué qui impacte la ressource. L'indice d'abondance moyenne des espèces diminuerait ainsi, d'ici 2090, de 29 à 67 % dans ces deux scénarios, contre 3 à 8 % dans le premier. Partant de ces constats, les auteurs appellent à la mise en œuvre rapide d'une gouvernance internationale permettant une exploitation durable de la haute mer.

Mickaël Hugonnet, Centre d'études et de prospective

Source : IIED

10:12 Publié dans 1. Prospective, Climat, Environnement, Pêche et aquaculture | Lien permanent | Tags : iied, pêche, haute mer, durabilité |  Imprimer | | | | |  Facebook

15/04/2019

Changer les politiques pour une pêche plus durable : quelles leçons tirer des expériences des pays de l'OCDE ?

Un rapport de l'OCDE analyse les changements de politiques en faveur de la durabilité du secteur de la pêche, afin d'en cerner les déterminants et les caractéristiques, et d'en tirer des leçons pour l'action publique. L'étude se fonde sur une revue de la littérature en économie politique et sciences de gestion, complétée par des données nationales issues de 16 réponses à un questionnaire envoyé aux 38 pays participant au Comité des pêches de l'Organisation. Les discussions d'un groupe d'experts et de parties prenantes sont également mobilisées.

Le rapport souligne la nécessité d'une gestion plus durable : un tiers des pêcheries sont aujourd'hui surexploitées, contre 10 % en 1970, avec un poids significatif des pratiques illicites, à quoi s'ajoutent les dommages sur la biodiversité et les impacts négatifs du changement climatique sur les ressources halieutiques. Mais les obstacles au changement sont nombreux : tensions entre objectifs multiples (durabilité, économie, emploi, etc.), pertes de revenu à court terme, gestion multi-échelle d'une ressource par nature mobile et difficilement observable, etc.

Malgré ces défis, la majorité des pays a fait évoluer ses politiques de la pêche vers plus de durabilité entre 2005 et 2016 : introduction d'outils de gestion des stocks (totaux admissibles de capture, de quotas, etc.), redéploiement des subventions aux pêcheurs vers les services de support (infrastructures portuaires, instruments de mesure, formation, recherche, etc.), et amélioration de la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.

Utilisation des outils de gestion des stocks

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Source : OCDE

Le principal moteur de ces changements, dans une majorité de pays, a été la prise de conscience de l'épuisement de la ressource halieutique, bien davantage que les performances économiques et sociales de la filière. Les initiatives des autorités gestionnaires et les engagements juridiques ont également été déterminants. Les auteurs en tirent des leçons pour catalyser les dynamiques de changement, notamment : améliorer la production et la gouvernance des données et des connaissances ; utiliser davantage le cadre législatif, plus efficace que les mécanismes informels pour assurer l'engagement des acteurs ; mobiliser de façon représentative les parties prenantes ; appliquer les principes de transparence et d'intégrité en matière de lobbying.

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : OCDE

10:27 Publié dans 2. Evaluation, 4. Politiques publiques, Pêche et aquaculture | Lien permanent | Tags : ocde, pêche, durabilité |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/02/2019

Réserves marines intégrales de petite taille au Brésil : impact de leur mise en place sur l'abondance et la taille des poissons d'intérêt économique

Le Brésil possède les récifs parmi les plus riches de l'océan Atlantique. 3,3 % de ses eaux territoriales sont soumises à des interdictions de pêche et, parmi elles, seules 0,3 % sont localisées dans les eaux côtières. Un article publié en janvier 2019 dans Plos One s'intéresse à ces réserves marines intégrales : même si elles sont généralement de taille petite à moyenne (de 1 à 100 km²), leur situation dans des zones de forte activité humaine les rend particulièrement importantes au regard de la biodiversité. Les auteurs ont évalué l'impact de leur protection sur les populations de poissons, en sélectionnant une réserve de petite taille située sur la côte nord de l’État de São Paulo. Grâce à un système vidéo sous-marin, ils ont mesuré, deux fois par mois pendant un an, l'abondance et la biomasse (taille) de différentes espèces. Des mesures ont également été faites dans les zones de pêches alentour, à 0,5, 2 et 34 km.

L'abondance totale et la biomasse des espèces visées par la pêche sont apparues plus importantes au sein de la zone protégée, du fait de l'absence de prélèvement des individus (ex. carangidae et epinephelidae, voir figure). Au contraire, certaines espèces bénéficient de l'absence de prédation dans les zones de pêche, et y présentent une abondance accrue (ex. scaridae). Celle des poissons non pêchés ne semble pas impactée par le statut de protection (ex. kyphosidae). Par ailleurs, une distance à la côte plus élevée des zones protégées favorise l'abondance des espèces. Deux hypothèses peuvent l'expliquer : des activités humaines moins intenses et des récifs en plus grand nombre et de plus grande taille.

La fertilité des poissons étant plus importante chez les individus de plus grande taille, la proximité entre les zones protégées et les zones de pêche favorise la migration des larves, et par suite le repeuplement des eaux exploitées. Si la mise en place de zones de protection de tailles moyennes (10-100 km²) s'avère plus efficace, selon d'autres travaux, cette étude montre que les réserves marines de petite taille jouent un rôle crucial pour conserver et renouveler les espèces à enjeu commercial important.

Mesure de la taille et de l'abondance de quatre familles de poissons selon le statut de protection (open pour ouvert à la pêche, et no-take pour pêche interdite) et la distance à la côte ou la présence de récifs

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Source : Plos One

Aurore Payen, Centre d'études et prospective

Source : Plos One

13:42 Publié dans Environnement, Pêche et aquaculture | Lien permanent | Tags : pêche, brésil, réserve marine intégrale, biodiversité |  Imprimer | | | | |  Facebook

07/02/2019

Deuxième édition de l'Eurobaromètre sur les habitudes de consommation de produits de la pêche et de l'aquaculture

En décembre 2018, la Commission européenne a publié les résultats d'un Eurobaromètre spécial, consacré aux habitudes de consommation des produits de la pêche et de l'aquaculture. Reprenant des questions similaires à la première édition de 2016, cette enquête a été réalisée auprès de 27 700 personnes, à la mi-2018 et dans les 28 États membres. Agrégés à l'échelle de l'Union et détaillés par pays, ces éléments viennent éclairer les habitudes, les attentes, les facteurs d'influence, etc., à l'œuvre dans le plus grand marché mondial.

Les résultats de 2018 confirment ceux de 2016. On pourra notamment retenir que 70 % des personnes interrogées déclarent consommer au moins une fois par mois ces produits à leur domicile, et que les préférences vont plutôt à des produits préparés qu'entiers (par exemple, 50 % pour des filets). L'apparence (59 %), le coût (52 %) et l'origine (41 %) sont les trois premiers critères d'achat, en moyenne et dans la majorité des pays. Des éléments sur les informations et les sources utilisées préférentiellement sont également disponibles.

Importance accordée, par les personnes interrogées, aux informations disponibles sur les produits frais, surgelés, fumés et séchés

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Source : Commission européenne

Source : Commission européenne

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15/01/2019

Durabilité de la pêche thonière

Afin d'analyser le fonctionnement du marché mondial du thon, l'Iddri a mené pendant deux ans une revue de la littérature et des entretiens avec des acteurs et des experts. Les résultats, publiés en novembre, montrent que ce produit, lorsqu'il est commercialisé en conserve, est la forme la plus économique de protéines animales. Si ce marché de la conserve est en pleine expansion, tiré par de nouveaux pays consommateurs du Moyen-Orient et d'Amérique latine), l'Union européenne (UE) et les États-Unis en demeurent les principaux (72 % des volumes). Les pêches nationales étant insuffisantes pour satisfaire la demande, l'importation joue un rôle majeur. Cependant, les consommateurs européens et américains sont de plus en plus sensibles à la durabilité de cette pêche. Or, l'état des stocks de thons est très variable selon la zone et l'espèce considérées : seuls 8 % des prises se font à la canne, méthode réputée la plus vertueuse, et des cas d'esclavage et de travaux forcés ont été rapportés sur certains navires et dans certaines conserveries. Enfin, la demande croissante encourage l'investissement pour augmenter les capacités de capture des navires.

La pêche thonière étant un pilier important de l'économie et de la sécurité alimentaire des pays en développement producteurs, le rapport discute les principaux facteurs pouvant influencer le marché mondial. Le premier est la stratégie des enseignes de grande distribution qui, sous la pression des consommateurs, cherchent à développer leurs gammes de produits certifiés, incitant les fournisseurs à s'y engager. Cependant, l'impact réel des labels semble limité : par exemple, parmi les stocks surexploités en 2011 et ayant obtenu une certification, la moitié d'entre eux n'ont pas vu augmenter leur biomasse. Ceci pourrait s'expliquer par le fait que les labels garantissent un niveau minimum de bonnes pratiques, sans pour autant encourager leur développement. Au niveau de l'UE, un dispositif de lutte contre la pêche illégale de thons a été adopté, visant notamment à interdire l'exportation vers le marché européen des produits en provenance de pays qui ne rempliraient pas les critères demandés. Le Sri Lanka a ainsi été touché par cette mesure, mettant alors rapidement en place les démarches nécessaires pour recouvrer son statut d'exportateur. Pour les auteurs, ce dispositif s'est donc révélé efficace.

Un rapport de synthèse, ainsi que des focus sur l'océan Indien et sur la thématique du changement climatique, sont également disponibles sur le site Internet de l'Iddri.

Les limites des démarches de durabilité

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Source : Iddri

Aurore Payen, Centre d'études et prospective

Source : Iddri

09:01 Publié dans Environnement, Mondialisation et international, Pêche et aquaculture | Lien permanent | Tags : thon, pêche, durabilité, iddri |  Imprimer | | | | |  Facebook

18/09/2018

La FAO analyse les impacts du changement climatique sur la pêche et l'aquaculture

La FAO a publié récemment un rapport sur les impacts du changement climatique sur la pêche et l'aquaculture mondiales. Faisant suite à un premier Technical Paper sur le sujet en 2009, ce travail s'inscrit dans le contexte de l'Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable, et de l'Accord de Paris, qui reconnaît comme priorité fondamentale la préservation de la sécurité alimentaire et la lutte contre la faim. Le rapport propose un état des lieux très fouillé des connaissances scientifiques, et analyse, à l'attention des décideurs publics, les possibilités d'atténuation et d'adaptation. Y sont traitées les pêches maritimes et en eaux intérieures, et l'aquaculture – ce dernier secteur représentant aujourd'hui 47 % du total de la production mondiale en produits de la mer, part en hausse constante depuis les années 1960.

Le rapport est composé de 28 chapitres rédigés chacun par des experts choisis par la FAO, dont 13 études de cas régionales. Il explique et analyse les différents mécanismes par lesquels le changement climatique est susceptible d'affecter les ressources halieutiques : redistribution spatiale des espèces avec l'augmentation des températures des océans, acidification de l'eau, disparition des récifs coralliens et ses effets sur la chaîne trophique, augmentation de la fréquence des épisodes d'algues vertes, etc. Il propose aussi des projections quantifiées, estimées à l'aide de deux modèles : un modèle biodynamique basé sur les espèces et un modèle de réseau trophique.

Selon les trajectoires de concentration en gaz à effets de serre considérées, le rendement potentiel de la pêche pourrait baisser de 2,8 % à 12,1 % en 2050. Les auteurs soulignent la forte hétérogénéité des impacts entre les régions du monde (figure), et insistent sur la nécessité de croiser ces impacts avec le degré de vulnérabilité des secteurs pêche et aquaculture locaux, avec une sensibilité forte aux questions de pauvreté. Le rapport identifie également des pistes de réduction des émissions de gaz à effets de serre, qui pourraient diminuer de 30 % en adoptant des technologies plus efficientes et en réduisant la vitesse des bateaux de pêche.

Projection des impacts du changement climatique sur le rendement potentiel des pêcheries à l'horizon 2050

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Source : FAO

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : FAO

10:48 Publié dans Climat, Pêche et aquaculture | Lien permanent | Tags : fao, peche, aquaculture, changement climatique |  Imprimer | | | | |  Facebook

11/07/2018

Anticiper les changements climatiques en Nouvelle-Aquitaine pour agir dans les territoires

Cinq ans après un premier rapport, le comité scientifique régional AcclimaTerra vient de publier une nouvelle édition. Sous la direction d'H. Le Treut, cette deuxième livraison est le fruit de la mobilisation d'environ 240 chercheurs. Elle intègre le périmètre élargi de la Nouvelle-Aquitaine et de nouvelles thématiques et disciplines (dont les sciences humaines). Face à la complexité des questions climatiques et de la transition environnementale, la région représente un espace d'action, de réflexion, de débat et d'éducation citoyenne, l'adaptation devant se concevoir avant tout à l'échelle des territoires. S'adressant à l'ensemble des acteurs concernés (élus, citoyens, etc.), les auteurs veulent accompagner cette démarche (défi de l'interface entre diagnostic scientifique et « complexité du fait social ») et fournissent des informations pour aider à la prise de décision. Une lecture à plusieurs niveaux est ainsi proposée (ouvrage, synthèse, infographies, compléments disponibles en ligne, etc.).

Évolution des émissions de gaz à effet de serre par secteur et par gaz, entre 1990 et 2015

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Source : AcclimaTerra

Après un rappel des données clés de la région la plus vaste de France (5,9 millions d'habitants, 84 % du territoire occupés par l'agriculture et la forêt, etc.), quinze chapitres présentent des analyses détaillées sur des thématiques variées : dépendance entre climat local et climat global, approches historique et juridique, santé environnementale, milieux naturels, territoires urbains, massifs montagneux, etc. La ressource en eau, l'agriculture, la forêt, la pêche et la conchyliculture font ainsi l'objet de développements intéressants.

Extrait (volet « adaptation ») de l'infographie synthétisant le chapitre consacré à la pêche et à la conchyliculture

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Source : AcclimaTerra

De la conclusion, il ressort que tous les territoires de la Nouvelle-Aquitaine sont, à des degrés divers, vulnérables au changement climatique, ce qui appelle, pour les auteurs, des actions différenciées tenant compte des inégalités. Ils soulignent également des besoins de travaux scientifiques, par exemple pour mieux établir les risques et estimer la vulnérabilité des territoires. Ils identifient par ailleurs des actions nécessaires dans divers domaines (ressource en eau, forêt, montagne, zones humides, pêche, conchyliculture, etc.). Ils insistent aussi sur l'urgence à agir en matière agricole, en mettant à profit les débats actuels, entre autres sur les produits phytosanitaires : repenser les systèmes de production en tenant compte de la durabilité économique et de la diversité des exploitations, ainsi que des changements d'habitudes alimentaires.

Julia Gassie, Centre d'études et de prospective

Source : AcclimaTerra

03/07/2018

Subventions et travail forcé à la rescousse de la rentabilité de la pêche en haute mer

Poursuivant le travail engagé sur la base de la géolocalisation des flottes de pêche en haute mer (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog), des chercheurs ont évalué la rentabilité de cette activité au regard des captures réalisées (article publié en juin dans Science Advances).

Grâce au repérage des bateaux et au suivi de leur activité au cours d'une année (2016), ils ont reconstitué les coûts de fonctionnement (essentiellement carburant et personnel) de la flotte. Même avec des salaires minorés, afin d'intégrer l'importance du travail forcé sur certains navires navigant en eaux internationales, le produit de la pêche est, dans 19 % des cas, insuffisant pour couvrir les coûts de production. En Chine, à Taïwan et en Russie, soit plus de la moitié de cette flotte, les subventions, pratique courante dans ce secteur, sont indispensables pour équilibrer l'activité.

Revenus de la pêche en haute mer, avant subvention, selon les zones de pêche

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Source : Science Advances

Les auteurs nuancent leurs résultats en fonction des zones de pêche, l'éloignement par rapport aux zones économiques exclusives aggravant le déficit de l'activité. Les types de bateau et de pêche sont aussi des facteurs de variation : par exemple, le chalutage de fond est, dans les deux tiers des cas, non profitable, tout en étant à l'origine d'importantes dégradations des fonds marins.

Source : Science Advances

09:36 Publié dans Pêche et aquaculture | Lien permanent | Tags : pêche, haute mer, subventions, travail forcé, géolocalisation |  Imprimer | | | | |  Facebook

07/06/2018

Les risques professionnels des travailleurs de l'agriculture, de la pêche et de la forêt augmenteront avec le changement climatique

L'Anses a publié en avril 2018 les résultats d'une expertise collective sur les risques induits par le changement climatique, à l'horizon 2050, sur la santé des travailleurs. À partir de la littérature scientifique, les auteurs identifient les évolutions climatiques et environnementales les plus probables, et les relient aux risques professionnels via les « circonstances d'exposition » de chacun. L'agriculture, la foresterie, la pêche et l'aquaculture apparaissent fortement exposées.

Risques liés au changement climatique par secteur d’activité

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Source : Anses

La hausse des températures augmentera l'exposition à la chaleur et la pénibilité du travail, avec des impacts directs et indirects sur les risques professionnels, particulièrement forts pour les métiers d'extérieur. Chez les travailleurs agricoles, la chaleur pourrait conduire au développement de maladies chroniques, notamment respiratoires. Les sécheresses agricoles, plus longues et plus intenses, généreront des hausses de concentrations atmosphériques de poussières, contribuant à ces pathologies et aux expositions aux substances pesticides et biocides. Par ailleurs, la chaleur aggravera les feux de forêts et les risques professionnels directs en foresterie.

Le changement global modifiera les zones de répartition de vecteurs de maladies infectieuses (moustiques, tiques, etc.), faisant ainsi évoluer les risques (en particulier infectieux et allergiques) liés aux agents biologiques, notamment pour les personnes travaillant en milieu naturel ou en contact avec des animaux. Dans le milieu agricole, l’utilisation potentiellement plus importante de produits phytosanitaires, en réaction à d’éventuelles augmentations des pathologies des cultures et des animaux d’élevage, pourrait accroître le risque chimique.

Enfin, les modifications de la fréquence et de l’intensité de certains aléas climatiques (inondations, submersions, sécheresses, feux de forêts, etc.) pourront conduire à une augmentation des risques, en particulier accidentels, de fatigue physique et psychique, dans le monde agricole et forestier. L'augmentation de la fréquence des tempêtes sera un risque direct pour les travailleurs en extérieur et notamment de la pêche.

L'Anses conclut le rapport par plusieurs recommandations à destination du monde du travail et de la recherche afin de mieux anticiper et prévenir ces risques.

Vanina Forget, Centre d'études et de prospective

Source : Anses