Les bactéries présentes dans des sols contenant des pesticides peuvent développer des résistances croisées aux antibiotiques (14/03/2017)
Publiée récemment dans la revue Microbial Pathogenesis, une étude menée par des chercheurs indiens met en évidence une corrélation entre exposition des bactéries telluriques aux pesticides et apparition de multi-résistances aux antibiotiques, et identifie les mécanismes en jeu. La présence de résidus de pesticides dans le sol peut entraîner une modification de la voie métabolique de la flore bactérienne endémique, en particulier des bactéries capables de métaboliser les pesticides pour leurs besoins énergétiques (pseudomonas, bacillus, arthrobacter par exemple).
Les travaux ont porté sur des échantillons de sols provenant de différents sites de la province de Nadil Talun, en Inde du Sud. Il s'agissait de sols agricoles traités, depuis 5 ou 10 ans selon les cas, avec des insecticides contenant du monochrotophos, principe actif interdit dans l'Union européenne et aux États-Unis, mais toujours utilisé dans plusieurs pays. Vingt-cinq bactéries ayant la capacité de dégrader ce pesticide ont été isolées, mises en culture, puis sélectionnées en fonction de leur tolérance à différentes concentrations du pesticide et de leur sensibilité à divers antibiotiques. Cette étape a révélé que des germes de type bacillus sont à la fois résistants au monochrotophos et à plusieurs antibiotiques courants.
Dans certains des lots de bacillus, l'isolement et l'inactivation du plasmide hébergeant le gène de résistance ont permis de distinguer les capacités bactériennes selon le degré d'activité de ce plasmide. Cette activité varie en fonction des conditions chimiques. De manière générale, il apparaît que l'enzyme de dégradation des pesticides peut se lier avec certains antibiotiques par un pont hydrogène, et former ainsi un composé inactif.
En conclusion, la persistance de pesticides dans le sol peut induire chez les bactéries telluriques une capacité de résistance de deux façons : soit par sélection naturelle, en lien avec l'exposition sur le long terme à des doses sub-létales, soit à la suite d'une mutation sur plusieurs gènes impliqués dans la dégradation des pesticides. Les auteurs signalent que depuis dix ans la résistance aux pesticides a très fortement augmenté, et les résistances croisées pourraient donc se développer. Cette expérience effectuée en laboratoire doit toutefois être suivie de recherches en milieu naturel.
Madeleine Lesage, Centre d'études et de prospective
Source : Microbial Pathogenesis
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