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05/07/2021

Expansion de l’agronégoce brésilien et conflictualité foncière

Au Brésil, le secteur agroalimentaire représente 20 % du produit intérieur brut et 30 % des emplois. Un récent article de la revue Hérodote met en évidence ses relais au sein du pouvoir politique, leurs modes d’action et les tensions géopolitiques internes qui les prolongent. Au Congrès, les intérêts de l’agrobusiness sont portés par le Front parlementaire de l’agriculture qui, entre 2015 et 2018, comptait 208 membres soit 40 % des députés.

Les députés « ruralistes » par grandes régions entre 2015 et 2018

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Source : Hérodote

Au sein de l’exécutif, c’est le ministère de l’agriculture lui-même qui représente le principal levier d’action du secteur agroalimentaire, plusieurs ministres étant aussi des acteurs de premier plan des grandes filières d’exportation. La guerre commerciale qui oppose la Chine aux États-Unis, favorable au Brésil, aiguise les appétits des défenseurs d’une expansion spatiale des grandes productions agricoles, réactivant ainsi les classiques conflits fonciers entre l’agronégoce et l’agriculture familiale villageoise.

Source : Hérodote

12/03/2021

Émissions de France Culture sur le « végétal »

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Fin 2020, quatre épisodes de l’émission « Les chemins de la philosophie » (France Culture) ont mis en évidence combien l’agriculture et la connaissance des végétaux avaient alimenté la pensée politique et la compréhension des formes de gouvernement. Dans une séquence introductive, F. Burgat évoque le renouvellement récent des représentations sociales des plantes : selon elle, pour la première fois dans l’histoire des idées, elles sont assimilées aux animaux et même aux individus. Ainsi sont attribuées aux végétaux une conscience et une vie psychique qui, pour certains, devraient en faire des sujets de droits. Dans le sillage de Hegel, Schopenhauer ou Bergson, F. Burgat mobilise pourtant plusieurs critères qui mettent en doute l’indistinction entre les unes et les autres. À l’animal mobile, tout entier habité par l’instinct de préserver sa vie (sa disposition première est l’inquiétude), elle oppose le calme, l’enracinement et la fixité de la plante. Comment pourrait-elle alors développer une activité consciente ? Les droits des végétaux devraient donc être fondés sur d’autres principes que ceux sur lesquels est assise la protection juridique des animaux, par exemple leur caractère patrimonial, leur beauté ou leur utilité.

Le second épisode, autour de J. Zask, met en évidence la place des pratiques agricoles dans l’émergence des idées démocratiques, en s’appuyant notamment sur l’expérience et les écrits des fondateurs de la démocratie américaine. Selon T. Jefferson, par exemple, l’agriculteur, chaque jour confronté au caractère imprévisible de l’aléa naturel, a développé une conscience aiguë de la pluralité des rationalités. Cette attitude sociale aurait été favorable, selon J. Zask, à la délibération et à l’arbitrage des conflits, traits caractéristiques des démocraties.

Enfin, dans le troisième épisode, I. Krtolica revient sur la pensée « rhizomatique » de G. Deleuze et F. Guattari.

Nathalie Kakpo, Centre d’études et de prospective

Source : France Culture

12:49 Publié dans Agronomie, Environnement, Société | Lien permanent | Tags : végétaux, politique, animaux, droits des plantes, philosophie |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/12/2020

Les motivations des agriculteurs britanniques lors du vote sur le Brexit

Dans un article récemment publié dans le Journal of Rural Studies, des chercheurs britanniques ont analysé les raisons pour lesquelles des agriculteurs ont voté en faveur du Brexit : la peur de perdre le contrôle de son exploitation, compte tenu des réglementations européennes, en est la principale motivation.

Les auteurs se sont appuyés sur la théorie des comportements planifiés, selon laquelle la majorité des décisions seraient influencées, en amont, par la perception individuelle de la désirabilité du comportement et de ses conséquences, de l'opinion des proches (normes sociales) et de la capacité à mettre en œuvre le comportement en question. Afin de quantifier le poids de chacun de ces facteurs dans la prise de décision finale, les auteurs ont administré un questionnaire fermé mesurant, sur des échelles de Likert, le positionnement des agriculteurs par rapport à différentes assertions. Grâce à la méthode dite de la « boule de neige », comptant sur une diffusion du questionnaire de proche en proche pour toucher de façon homogène l'ensemble du territoire, ils ont recueilli 523 réponses.

Ils ont ensuite estimé le poids de chacun des ensembles de facteurs dans le vote final, pour faire apparaître les corrélations, en ayant au préalable regroupé les agriculteurs par types. Il apparaît que les agriculteurs gérant les plus grandes exploitations, les hommes et les individus ayant le plus faible niveau d'études ont eu une plus grande propension à voter en faveur du Brexit.

Les estimations du modèle ont permis de mesurer l'importance des perceptions, par les agriculteurs, de la réglementation européenne, de leurs attitudes envers l'UE et de leur capacité à contrôler les facteurs ayant un impact sur les performances de l'exploitation. Les auteurs ont aussi identifié l'image que les exploitants ont d'eux-mêmes et de leur rôle social. L'idée d'autonomie, qui se rattache au statut d'indépendant, y est centrale, alors même que les politiques agricole et alimentaire, très normatives, apparaissent comme une contrainte. Ainsi, ceux qui ont voté en faveur du Brexit avaient avant tout le sentiment de pouvoir retrouver des marges de manœuvre dans la conduite de leur exploitation.

Modèle comportemental de la décision de vote des agriculteurs en faveur du Brexit

brexit.jpgSource : Journal of Rural Studies

Lecture : les coefficients issus des estimations indiquent l'importance et le sens de la relation.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Journal of Rural Studies

09/03/2018

L'histoire de l'Inra, entre science et politique, Pierre Cornu, Egizio Valceschini, Odile Maeght-Bournay

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Pierre Cornu, Egizio Valceschini et Odile Maeght-Bournay se sont attelés à écrire une histoire globale de l'Inra, l'Institut national de la recherche agronomique, de sa création en 1946 à 2012. L'ouvrage, qui repose sur une abondante documentation écrite et orale, rappelle dans sa première partie (1946-1969) les conditions de création de l'Institut dans une France sinistrée par deux conflits mondiaux, et mobilisée pour moderniser son agriculture. Il revient ensuite sur la période de « mue libérale des sociétés industrialisées » (1969-1989), en soulignant la contribution de l'Inra à l'industrialisation de l'alimentation ainsi que les contradictions de son positionnement en faveur des innovations biotechnologiques. Enfin, sa dernière partie est consacrée aux efforts de réorientation, au fil des crises et des chantiers de réforme de l’État dans les années 1990-2012.

Cette histoire endosse largement le point de vue des dirigeants interviewés (par exemple sur « le renversement de positions » opéré avec un État « oublieux de ses missions », que la recherche doit aiguillonner pour qu'il ne renie pas son rôle de « pilotage stratégique »), mais elle ne manque pas de finesse. La description des tactiques employées et des réseaux d'influence dont jouent les dirigeants de l'Institut, dans les années 2000, pour assurer ses moyens dans un contexte de rigueur budgétaire, et « se distinguer davantage encore du monde des universités et du CNRS », est particulièrement synthétique. À propos de la mise en place de l'Agence nationale de la recherche (ANR), puis de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), l'ouvrage souligne ainsi le « paradoxe d'une libéralisation qui produit une bureaucratisation », rendant nécessaire un redoublement « d'efforts pour intégrer les nouveaux lieux de consultation et de décision ».

Enfin, le dernier chapitre met en perspective les nombreux atouts de l'Institut pour répondre aux défis du temps présent. Il fournit d'utiles éclairages sur les convergences fluctuantes entre des problématiques telles que la sécurité alimentaire globale, la ruralité, le développement durable, la bioéconomie ou encore l'agro-écologie, « nouveau concept intégrateur de la recherche agronomique publique » et véritable « régénération » de « l'idéal de progrès porté avec constance par les cadres de l'Inra ».

Florent Bidaud, Centre d'études et de prospective

Lien : Éditions Quæ

10:24 Publié dans Enseignement et recherche, Société | Lien permanent | Tags : inra, histoire, science, politique |  Imprimer | | | | |  Facebook