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16/12/2021

Inde : retour sur un an de colères paysannes contre la libéralisation des marchés agricoles

Près d’un an après des manifestations massives, 600 décès d'agriculteurs et des occupations continues aux portes de la capitale rassemblant jusqu'à plus de 300 000 paysans, le gouvernement indien a retiré le 19 novembre 2021 ses réformes agraires qui libéralisaient les marchés agricoles. Dans le Journal of Peasant Studies, deux articles analysent le contexte de ce mouvement, ses implications pour la politique agricole nationale et les mouvements agraires.

Dans le premier texte, M. Krishnamurthy traite des caractéristiques de cette mobilisation qui visait à protéger les « mandis », marchés agricoles réglementant (de manière différente selon les États fédérés) la première transaction entre les agriculteurs et les acheteurs, et assurant un prix minimal garanti. Selon la sociologue, le transfert de la politique agricole de l’échelon des États à celui de l’Union a créé des tensions et contradictions dans la conception et la mise en œuvre des réglementations. Il a également modifié les lieux de résistance et protestation, générant de puissants discours du monde agricole et de la société, tissant un nouveau lien entre les producteurs et les consommateurs ruraux et urbains de l'Inde.

Dans le deuxième article, S. S. Jodhka s'interroge sur les raisons de ce mouvement. Le Pendjab est le foyer de cette contestation et la grande majorité de ses 30 syndicats agricoles étaient présents sur les sites de protestation à Delhi. Pionnier de la « révolution verte » indienne dans les années 1950, cet État est également le premier à en avoir subi les conséquences : épuisement des ressources naturelles, dépendance des agriculteurs envers leurs créanciers, hausse des coûts de production, concurrence de leurs produits avec les céréales importées à bas prix, etc. Pourtant, en dépit de son déclin relatif, l'agriculture y est restée une activité économique et une référence identitaire importante. Malgré une implication toujours majoritaire des classes agricoles dominantes dans les mobilisations, la contestation a, selon l’auteur, une assise sociale et politique plus large que celle des mouvements paysans des années 1980 : elle rassemble désormais l’ensemble des communautés agricoles contre l’alliance entre le « capital » et l’« État autoritaire ».

Signalons enfin que, suite à la levée des barrages mi-décembre, le mouvement semble entrer dans une nouvelle phase (discussions, négociations).

Cécile Poulain, Centre d'études et de prospective

Source : The Journal of Peasant Studies, The Journal of Peasant Studies

17/06/2019

Quel est l'impact des publications de l'USDA sur les marchés financiers ?

Un article récent publié dans l'American Journal of Agricultural Economics s'intéresse aux conséquences des rapports du département américain à l'agriculture (USDA) sur les marchés financiers. En effet, ces publications constituent une référence incontournable pour le suivi et l'analyse des marchés agricoles, notamment pour les céréales et oléagineux. Leur impact sur les marchés financiers dérivés de ces produits a été régulièrement étudié et mis en évidence, mais il pourrait être remis en cause par l'évolution des marchés eux-mêmes (dans leur ampleur et leur internationalisation), et surtout par la multiplication des sources d'information. La plupart des analyses développées jusqu'à présent révélaient un lien ponctuel entre la publication d'un rapport et l'évolution des marchés, ou cherchaient à identifier, par des approches économétriques, des effets seulement statiques.

Les trois auteurs, chercheurs à l'université de Géorgie (États-Unis), ont testé ces liens de façon dynamique dans le temps, entre 1995 et 2015, en étudiant les livraisons des dix principaux types de rapports de l'USDA. Ils analysent ainsi les relations entre ces publications et le rendement journalier des marchés à terme du maïs et du soja de Chicago. Leur modèle économétrique permet d'évaluer l'impact d'un document d'après sa date de parution, en le considérant comme une variable temporelle et en isolant les effets saisonniers. Les rapports publiés pendant les périodes de culture, des semis jusqu'aux récoltes (avril-octobre), engendrent ainsi les effets les plus significatifs. Trois séries (Acreage and Prospective Plantings - APP, Crop Progress et World Agricultural Supply and Demand Estimations - WASDE) montrent par ailleurs des corrélations significatives avec les évolutions des prix sur toute la période étudiée.

Impact temporel (1995-2015) de différents types de rapports de l'USDA sur le marché à terme du maïs (significativité : T-value)

Rapports-USDA.jpg

Source : American Journal of Agricultural Economics

Ces analyses confirment qu'en dépit de la multiplicité des sources d'information, les rapports officiels publiés par les services statistiques fédéraux américains conservent un rôle central dans le fonctionnement des marchés. Soulignons enfin qu'à l'époque du trading algorithmique, cette recherche réalisée sur des données quotidiennes mériterait d'être déclinée au niveau infra-journalier.

Jean-Noël Depeyrot, Centre d'études et de prospective

Source : American Journal of Agricultural Economics

10:00 Publié dans Production et marchés | Lien permanent | Tags : usda, statistiques, marchés agricoles, céréales, oléagineux |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/04/2016

Selon l’USDA, la concentration dans les marchés agricoles américains ne porte pas forcément préjudice aux producteurs

L’USDA a publié récemment un document explorant les conséquences théoriques et empiriques de la concentration des marchés agricoles américains. Les chiffres disponibles témoignent que différents niveaux (production, transformation, commerce) sont concernés, avec à des degrés divers une baisse du nombre d’acteurs d’importance. La part des quatre principales entreprises réalisant l’abattage des bovins engraissés est passée de 36% à 85% en trente ans et celle des vingt principaux distributeurs de 40% à 63% en vingt ans. Cette concentration résulte à la fois d’une diminution du nombre d’opérateurs mais aussi d’une segmentation accrue des marchés (plus étroits) pour répondre à une multiplication de demandes différenciées (bio, labels). Elle s’est accompagnée d’une évolution des modes de transaction et de fixation des prix : les marchés au comptant cèdent progressivement la place à l’intégration verticale et, surtout, à la contractualisation.

Commercialisation dans le secteur bovin : baisse des modalités de livraison au comptant (negociated cash et negociated grid) et progression des contrats (formula et forward contract)

usda.jpg

Source : USDA

En dépit des nombreuses craintes suscitées par un pouvoir de marché accru des transformateurs, la littérature disponible ne permet pas de conclure à une baisse du prix payé aux producteurs. Premièrement, les transformateurs utilisent la contractualisation avant tout pour sécuriser leur approvisionnement sur le moyen-long terme et n’ont donc pas intérêt à asphyxier leurs fournisseurs. Ensuite, la concentration permettrait des économies d’échelle sur les coûts, donc un meilleur résultat pour l’ensemble de la chaîne (y compris pour le producteur même si c’est le transformateur qui en bénéficiera le plus). Enfin, la contractualisation permet un meilleur partage du risque et un ajustement plus fin de la production à la demande.

Pour autant, la concentration accrue des marchés et ces nouveaux modes de transactions ne sont pas sans risques pour les producteurs (éviction des plus petits, dépendance à un seul débouché risqué, etc.), du point de vue des prix (volatilité, risque de manipulation de cours), mais aussi pour les pouvoirs publics. En effet, l’étroitesse des marchés et la multiplication des contrats rendent difficile le suivi des prix et nuisent à l’efficacité de certaines mesures de soutien (marketing assistance loan), comme à l'efficacité de la politique assurancielle américaine (asymétrie d’information, difficile mutualisation des risques). Toutefois, l’USDA ne recommande pas de lutter contre la contractualisation ou l’intégration, mais promeut plutôt la standardisation de certains éléments des contrats (contrats types) et l’amélioration de la collecte d’information sur les prix et les quantités.

Pierre Claquin, Centre d'études et de prospective

Source : USDA

10:52 Publié dans Production et marchés | Lien permanent | Tags : usad, marchés agricoles, concentration |  Imprimer | | | | |  Facebook