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16/12/2021

Un inventaire mondial des standards du carbone organique des sols

Compte tenu de l'importance croissante accordée aux sols dans la séquestration de carbone, une équipe de chercheurs du Cirad et de Montpellier SupAgro a inventorié et comparé les standards existant en la matière (figure ci-dessous). Les résultats ont été publiés en novembre 2021 dans la revue Mitigation and Adaptation Strategies for Global Change.

Nombre de standards existants pour le secteur agricole : à gauche, générant des crédits carbone ; à droite, augmentant le prix de vente des productions

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Source : Mitigation and Adaptation Strategies for Global Change

Une recherche bibliographique et des entretiens avec des experts, menés entre mai et août 2020, ont permis d'en identifier vingt-deux : seize permettent de générer des crédits carbones destinés à être vendus ; six augmentent le prix de vente des matières premières produites (figure ci-dessous). L'analyse s'est ensuite concentrée sur une vingtaine de questions liées aux aspects économiques, d'éligibilité, de gouvernance, aux processus de certification ou encore aux problématiques de fuites et de permanence du stockage.

Gouvernance et échelle des 22 standards identifiés

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Source : Mitigation and Adaptation Strategies for Global Change

Les chercheurs tirent plusieurs conclusions de leurs analyses. D'abord, les informations sur les coûts et bénéfices attendus du processus de certification sont généralement manquantes, ce qui limite la confiance des acteurs. Ceci serait, selon les auteurs, particulièrement vrai dans le cas des certifications de crédits carbone, de la gouvernance de laquelle les agriculteurs sont généralement exclus. Par ailleurs, l'incitation économique ne serait effective que pour des agriculteurs gérant plusieurs centaines d'hectares, en raison du potentiel de séquestration limité par hectare. Mais les auteurs mettent aussi en garde contre le risque pesant sur la production alimentaire. En effet, dans le cas d'une « course à la neutralité carbone » de la part des autorités publiques nationales et des acteurs privés, le carbon farming pourrait devenir plus rentable que la production, et les arbitrages pourraient être réalisés au détriment de cette dernière : par exemple, afforestation ou conversion en prairies sans élevage des parcelles cultivées.

Les auteurs préconisent ainsi la voie du premium ajouté au prix des productions. Selon eux, elle permettrait d'élargir les objectifs à d'autres aspects que le carbone, et de garder un couplage à la production. S'ils reconnaissent qu'il est encore trop tôt pour évaluer l'efficacité de ce type de standards, ils recommandent l'implication des organisations de producteurs et des institutions publiques (comme l'Embrapa au Brésil) dans la gouvernance et le soutien technique.

Marie-Hélène Schwoob, Centre d'études et de prospective

Source : Mitigation and Adaptation Strategies for Global Change

08/04/2020

20 ans de certification de la gestion des forêts tropicales : quels enseignements ?

Des chercheurs de l'université de Wageningen ont récemment publié, dans Forest Policy and Economics, un bilan de la certification Forest Stewardship Council (FSC) en forêt tropicale, initiée en 1993 et principal standard mis en œuvre dans cette zone. Ils ont passé au crible les dossiers de 543 unités d'aménagement forestier, certifiées FSC entre 1995 et 2016, soit 26 millions d'ha répartis sur trois continents (Amérique, Asie et Afrique). Ils ont également exploité 4 621 demandes d'actions correctives émises durant la période pour ces mêmes forêts.

Depuis 2008, les surfaces FSC en zone tropicale stagnent, alors que ces forêts constituent l'objectif principal de ce système de certification. De fait, la moitié des certifications obtenues au début des années 2000, sur le continent américain, n'ont pas été reconduites après la crise financière de 2008. Les auteurs montrent que plus les forêts sont certifiées longtemps, plus elles ont de chances de conserver leur certification.

Évolution de la surface forestière (forêt naturelle) certifiée FSC, en valeur brute (orange) ou corrigée des certificats arrivés à échéance ou suspendus (en bleu)

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Source : Forest Policy and Economics

Source : Forest Policy and Economics

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17/06/2019

La certification privée : un moteur pour les exportations agricoles ?

Un article publié en juin dans la European Review of Agricultural Economics analyse l'impact des standards volontaires privés (SVP) GlobalGAP sur les exportations de bananes, ananas et raisins, au niveau mondial entre 2010 et 2015. Les données proviennent du certificateur GlobalGAP lui-même, de la base UN Comtrade et de la FAO. Cet article revêt un intérêt particulier car avec la multiplication des SVP et le pouvoir croissant des multinationales agroalimentaires, ces standards deviennent de facto obligatoires pour intégrer certaines filières. Cependant, l'effet de ces normes sur les exportations restait encore indéterminé.

En premier lieu, l'étude rappelle que l'accroissement du nombre de producteurs et des surfaces certifiés par GlobalGAP (voir figure) peut générer des effets contrastés sur les exportations. En spécifiant et en harmonisant les attributs des produits, la certification facilite la coordination entre les différents acteurs de la chaîne de valeur et contribue à réduire les coûts de transaction pour ceux situés en aval. Les programmes d'assistance du certificateur permettent aussi, dans certains cas, d’améliorer les capacités des agriculteurs à fournir des produits compétitifs. Cependant, d'autres travaux montrent que le développement des SVP peut également entraver l'accès au marché international, pour les producteurs qui ne sont pas en mesure de payer les coûts liés à la certification (adoption du cahier des charges, frais de certification, etc.).

À partir d'une analyse empirique basée sur un modèle gravitaire, les auteurs confirment que la hausse du nombre de producteurs et des surfaces certifiés par GlobalGAP impacte positivement les performances à l'exportation d'un pays (volumes exportés et accès à de nouveaux marchés), mais avec des effets variables selon les produits et les pays d'origine et de destination. L'effet est moins prononcé pour les exportations vers les pays en développement que vers ceux de l'OCDE, mais demeure néanmoins significatif. Pour les auteurs, ce résultat témoigne du fait que l'accroissement de la demande pour les produits certifiés ne concerne plus uniquement les pays industrialisés. Par ailleurs, l'impact de la certification est plus marqué pour les exportations en provenance des pays en développement, ceux-ci ayant besoin de donner plus de garanties d'approvisionnement aux acteurs de l'aval.

Évolution des surfaces agricoles certifiées par GlobalGAP (2008-2015)

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Source : European Review of Agricultural Economics

Lecture : les surfaces pour l'Amérique et l'Europe sont sur l'axe de gauche, celles pour l'Afrique et l'Asie-Pacifique sur l'axe de droite.

Raphaël Beaujeu, Centre d'études et de prospective

Source : European Review of Agricultural Economics

09:58 Publié dans Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : certification, globalgap, exportations |  Imprimer | | | | |  Facebook

16/01/2018

L'huile de palme certifiée durable réduit la déforestation en Indonésie

La demande internationale de commodités agricoles est une cause majeure de déforestation tropicale. De nombreux États et entreprises se sont donc engagés à réduire les pertes de forêts dues à leurs approvisionnements, en particulier en achetant uniquement de l'huile de palme certifiée « durable ». Ainsi, en 2015, 20 % de la production mondiale étaient certifiés par le référentiel RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil). Cependant, les effets réels de ce type de labels restent à ce jour mitigés (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog). Un article, mis en ligne en décembre 2017 par la revue PNAS et écrit par des chercheurs américains, expose les résultats d'une évaluation de l'impact du système de certification RSPO sur la déforestation et les feux de forêts en Indonésie, le premier producteur mondial d'huile de palme.

Plantations d'huile de palme certifiées RSPO (orange) et non certifiées (vert et mauve) dans l'ouest indonésien

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Source : PNAS

Pour ce faire, les auteurs utilisent des données sur les plantations certifiées et non certifiées (voir figure ci-dessus), ainsi que des estimations satellitaires annuelles de la perte de forêts entre 2001 et 2015, pour mesurer la déforestation dans ces zones. Afin de contrôler un éventuel biais de sélection, les plantations demandant la certification n'étant pas représentatives de l'ensemble des structures car plus anciennes et moins riches en forêts, ils réalisent un appariement par score de propension : cela leur permet de comparer, avant et après la certification éventuelle, des plantations ayant les mêmes caractéristiques.

Tendances de la déforestation (A et B) et de la surface de forêt conservée (par rapport à 2000, C) dans les plantations d'huile de palme certifiées RSPO et non certifiées, en Indonésie

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Source : PNAS

Les auteurs trouvent que la certification « durable » RSPO est associée à une diminution de la déforestation de 33 %. Celle-ci s'élève ainsi à 6,6 % / an dans les plantations certifiées contre 9,8 % / an dans les non certifiées (voir la figure ci-dessus). Dans les forêts primaires, cette diminution s'élève à 36 %, bien qu'elle soit statistiquement moins significative. Malgré tout, en 2015, les plantations certifiées avait perdu 84 % de leur surface en forêt par rapport à 2000 (soit 1 657 km²), tandis que les plantations non certifiées n'en avaient perdu que 38 % (23 428 km²). Cela s'explique par le fait que les plantations qui demandent la certification ont peu de forêts résiduelles : elles ont déjà déforesté intensément. Ainsi, en 2015, les zones certifiées contenaient moins de 1 % des forêts restantes dans les plantations indonésiennes. Une adoption plus large dans les plantations encore riches en forêts, et des critères plus exigeants, sont donc nécessaires pour que la certification RSPO ait un impact positif et significatif sur la conservation et le climat à long terme. Enfin, les auteurs ne trouvent pas d'effet sur les occurrences de feux de forêt.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : PNAS

05/09/2017

Les consommateurs prêts à payer plus cher pour une rémunération juste des salariés agricoles

Les consommateurs sont-ils prêts à payer leur alimentation plus chère afin de garantir de bonnes conditions de travail aux salariés agricoles ? C'est la question à laquelle une équipe de chercheurs grecs et américains s'est intéressée dans un article publié dans le numéro de juillet de la revue European Review of Agricultural Economics. Les auteurs ont utilisé la méthode de l'évaluation contingente, afin d'évaluer le consentement à payer des consommateurs pour des fraises qui bénéficieraient d'une certification garantissant des conditions de travail justes (ou tout simplement en règle, comme un salaire minimum, un nombre d'heures de travail limité ou des congés maladie) pour les travailleurs agricoles.

Ils trouvent que les consommateurs grecs sont prêts à payer une prime d'au moins 0,53 € / 500 g pour des fraises produites avec ce type de certification. Ces résultats soulignent la forte asymétrie d'information qui existe sur ce sujet entre les consommateurs et les producteurs. Des modèles de certification innovants pourraient être développés afin de valoriser les produits issus d'exploitations protégeant les droits des travailleurs, et ainsi inciter les exploitants à garantir des conditions de travail correctes.

Source : European Review of Agricultural Economics