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12/07/2022

Enseignements de la filière d'huile de palme indonésienne pour le développement de celle du Ghana

Une équipe internationale de chercheurs a publié, en mai 2022 dans Land Use Policy, une analyse comparée des filières d'huile de palme au Ghana et en Indonésie. Si cette production en Asie du Sud-Est a fait l'objet de nombreux travaux, il n'en est pas de même pour l'Afrique de l'Ouest.

La culture du palmier à huile a été introduite en Indonésie au XIXe siècle à partir de semences africaines. Depuis les années 1980, elle a connu un fort développement grâce à la mise à disposition, via un système de concessions à des multinationales, de forêts appartenant à l’État pour être reconverties en plantations. Parallèlement, l'Indonésie a aidé l'installation de petits producteurs en facilitant l'accès à la terre, au crédit, aux intrants et en développant les infrastructures locales. Ces derniers ont été intégrés à la filière agro-industrielle grâce à des contrats souvent négociés par l'intermédiaire de coopératives. Le pays est ainsi devenu le premier producteur et exportateur mondial d'huile de palme, réduisant ainsi sa pauvreté. Des impacts négatifs sont en revanche à déplorer sur les communautés (accaparement de terres) et surtout l'environnement (déforestation, pollution liée à la sur-utilisation d'engrais et pesticides).

À l'inverse, l'huile de palme est une production traditionnelle en Afrique de l'Ouest, où de nombreux pays cherchent à reproduire la dynamique indonésienne. Au Ghana, ce sont surtout des petits producteurs qui transforment eux-mêmes, ou via une filière artisanale, leurs fruits. En raison d'une insécurité foncière et d'un accès réduit aux financements, l'intensification de la production reste limitée et les rendements nettement plus faibles qu'en Indonésie (- 60 %). Des plantations et une filière industrielle se sont installées, certains petits producteurs étant intégrés par le biais de contrats souvent déséquilibrés (faible pouvoir de négociation). Dans ces conditions, l'huile de palme est supplantée par le cacao, première culture de rente au Ghana. Plutôt que de transposer les politiques indonésiennes et, avec elles, leurs conséquences environnementales, les auteurs suggèrent de les adapter à l'existant : développer l'accès des petits producteurs aux intrants, aider à moderniser l'outil de transformation, rééquilibrer les relations entre producteurs et agro-industrie.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Land Use Policy

09:30 Publié dans Mondialisation et international, Production et marchés | Lien permanent | Tags : huile de palme, ghana, indonésie |  Imprimer | | | | |  Facebook

16/01/2018

L'huile de palme certifiée durable réduit la déforestation en Indonésie

La demande internationale de commodités agricoles est une cause majeure de déforestation tropicale. De nombreux États et entreprises se sont donc engagés à réduire les pertes de forêts dues à leurs approvisionnements, en particulier en achetant uniquement de l'huile de palme certifiée « durable ». Ainsi, en 2015, 20 % de la production mondiale étaient certifiés par le référentiel RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil). Cependant, les effets réels de ce type de labels restent à ce jour mitigés (voir à ce sujet un précédent billet sur ce blog). Un article, mis en ligne en décembre 2017 par la revue PNAS et écrit par des chercheurs américains, expose les résultats d'une évaluation de l'impact du système de certification RSPO sur la déforestation et les feux de forêts en Indonésie, le premier producteur mondial d'huile de palme.

Plantations d'huile de palme certifiées RSPO (orange) et non certifiées (vert et mauve) dans l'ouest indonésien

RSPO.jpg

Source : PNAS

Pour ce faire, les auteurs utilisent des données sur les plantations certifiées et non certifiées (voir figure ci-dessus), ainsi que des estimations satellitaires annuelles de la perte de forêts entre 2001 et 2015, pour mesurer la déforestation dans ces zones. Afin de contrôler un éventuel biais de sélection, les plantations demandant la certification n'étant pas représentatives de l'ensemble des structures car plus anciennes et moins riches en forêts, ils réalisent un appariement par score de propension : cela leur permet de comparer, avant et après la certification éventuelle, des plantations ayant les mêmes caractéristiques.

Tendances de la déforestation (A et B) et de la surface de forêt conservée (par rapport à 2000, C) dans les plantations d'huile de palme certifiées RSPO et non certifiées, en Indonésie

RSPO2.jpg

Source : PNAS

Les auteurs trouvent que la certification « durable » RSPO est associée à une diminution de la déforestation de 33 %. Celle-ci s'élève ainsi à 6,6 % / an dans les plantations certifiées contre 9,8 % / an dans les non certifiées (voir la figure ci-dessus). Dans les forêts primaires, cette diminution s'élève à 36 %, bien qu'elle soit statistiquement moins significative. Malgré tout, en 2015, les plantations certifiées avait perdu 84 % de leur surface en forêt par rapport à 2000 (soit 1 657 km²), tandis que les plantations non certifiées n'en avaient perdu que 38 % (23 428 km²). Cela s'explique par le fait que les plantations qui demandent la certification ont peu de forêts résiduelles : elles ont déjà déforesté intensément. Ainsi, en 2015, les zones certifiées contenaient moins de 1 % des forêts restantes dans les plantations indonésiennes. Une adoption plus large dans les plantations encore riches en forêts, et des critères plus exigeants, sont donc nécessaires pour que la certification RSPO ait un impact positif et significatif sur la conservation et le climat à long terme. Enfin, les auteurs ne trouvent pas d'effet sur les occurrences de feux de forêt.

Estelle Midler, Centre d'études et de prospective

Source : PNAS

07/12/2016

Utilisation des terres dans les petites exploitations en Indonésie

Une association d'une quarantaine de chercheurs s'est intéressée à l'évolution de l'utilisation des terres sur les 20 dernières années dans la région de Jambi en Indonésie. L'originalité de ce travail, selon ses auteurs, est qu'il se concentre sur les petits propriétaires (2,5 ha en valeur médiane). S'appuyant sur des données collectées auprès de 464 ménages dans 45 villages, cet article montre que les choix s'orientent vers la production d'huile de palme et les plantations de caoutchouc, plus rentables, au détriment des forêts ou des systèmes agroforestiers hévéicoles. Il conclut à un impact des plantations de caoutchouc et des productions pour l'huile de palme sur l'environnement, mesuré à travers divers indicateurs (diversité des espèces arboricoles endémiques, absence d'espèces invasives, stock de carbone) ; la fertilisation azotée est particulièrement en jeu pour l'huile de palme.

Source : Nature Communications

12/11/2015

La Malaisie et l’Indonésie créent le Council of Palm Oil Producer Countries

Début octobre, la Malaisie et l’Indonésie, qui représentent 85 % de la production mondiale d’huile de palme, ont créé le Council of Palm Oil Producer Countries afin de travailler sur les normes de production, l’image de l’huile de palme, la stabilisation des prix et la coordination sur diverses thématiques (production, stocks, schémas de re-plantation, biodiésel). La création de cette instance intergouvernementale fait suite notamment à la signature, par plusieurs grandes compagnies de production d’huile de palme (Cargill, Golden Agri-Resources, Wilmar International notamment), de l’Indonesian Palm Oil Pledge.

Source : Reuters

10:39 Publié dans IAA, Mondialisation et international, Production et marchés | Lien permanent | Tags : indonésie, malaisie, huile de palme |  Imprimer | | | | |  Facebook

10/09/2015

Capitalismes agraires. Économie politique de la grande plantation en Indonésie et en Malaisie. Stéphanie Barral

Dans ce livre issu de sa thèse, Stéphanie Barral brosse un portrait historique, économique et social du modèle de la grande plantation, depuis la période coloniale jusqu’à nos jours. Son travail repose sur de l’analyse documentaire, des entretiens, des études de cas, et surtout sur une enquête empirique menée en 2010-2011 selon les préceptes de « l’observation participante ».

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L’auteure commence par rappeler les premiers pas du capitalisme de plantation, dans les colonies néerlandaise et britannique, entre 1860 et 1930. La révolution industrielle européenne augmentait constamment la demande en matières premières des métropoles (caoutchouc, etc.) et les planteurs étaient alors les principaux organisateurs d’une relation salariale violente, faite de châtiments physiques, de travail forcé, d’endettement et d’interdiction de rupture de contrat.

Dans l’après-guerre, la période des indépendances débouche en Malaisie comme en Indonésie sur la construction d’États-nations attentifs aux mouvements syndicaux ouvriers, porteurs d’un droit du travail comme d’une diversification des rapports salariaux. Dans les années 1960, ces pays basculent vers des régimes autoritaires, qui soutiennent les élites économiques et des politiques d’exportation, et favoriseront la croissance hégémonique de la filière palmier à huile.

Deux chapitres présentent ensuite les politiques économiques malaisiennes, puis indonésiennes, des années 1970 à aujourd’hui. En Malaisie, le secteur agricole est d’abord mis au service d’un projet de construction nationale, avant que ne s’enclenche, depuis une vingtaine d’années, un mouvement de développement des plantations privées. En Indonésie, la politique agricole est initialement conçue en réponse aux problèmes de pauvreté rurale, puis elle se libéralise à la fin des années 1980, en privilégiant les grandes firmes.

Des pages intéressantes sont consacrées à la condition ouvrière dans les plantations, aux modes d’habitat, à l’organisation des villages, à la vie quotidienne des familles, au contrôle social exercé par le paternalisme des capitaines d’industrie. On lira également avec intérêt les pages qui, en fin d’ouvrage, montrent comment le capitalisme agraire s’adapte aux nouveaux standards de bonnes pratiques environnementales et sociales.

Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective

Lien : Presses de Sciences Po

Voir aussi la note d’Analyse du CEP sur le même sujet