18/11/2019
Comment développer et améliorer les expérimentations pour des politiques publiques plus efficaces et innovantes ?
Le Conseil d'État, sur demande du Premier ministre, a publié en octobre un rapport sur l'usage des expérimentations de politiques publiques en France. Il y dresse un bilan des expériences menées dans ce domaine depuis 2003 et formule 14 propositions pour faciliter leur développement et améliorer leur qualité.
Nombre d’expérimentations par mandat présidentiel depuis 2003
Source : Conseil d’État
Une « expérimentation » est définie ici comme une méthode consistant à mettre temporairement en œuvre un dispositif afin, par une évaluation rigoureuse, d'en mesurer les effets au regard des objectifs poursuivis (efficacité), et ainsi éclairer la décision publique. En France, les démarches expérimentales s'appuient notamment sur deux articles de la Constitution (37-1 pour le niveau national, 72 pour le niveau local), autorisant l'utilisation de dispositifs expérimentaux pour des objets et des durées limités. Les auteurs constatent un nombre croissant d'expérimentations menées au titre de l'article 37-1 (figure ci-dessus), particulièrement nombreuses dans les domaines des politiques sociales, régaliennes et dans les champs environnementaux, du transport et du logement (figure ci-dessous). En agriculture, le Conseil d'État recense 15 expérimentations : publicité des résultats des contrôles sanitaires, étiquetage obligatoire de l'origine du lait et des viandes utilisés dans les denrées alimentaires préemballées, etc. Par ailleurs, il souligne que le recours à ce dispositif, marginalement utilisé par l'Union européenne, est peu adapté dans des domaines faisant l'objet d'une forte intégration communautaire. De manière générale, l'articulation difficile entre la démarche expérimentale (qui allonge le processus de décision publique) et le temps politique constitue le premier frein à sa mise en œuvre.
Expérimentations par secteur de politique publique
Source : Conseil d’État
Enfin, les 14 propositions formulées par le Conseil d'État sont regroupées en trois grands axes : i) amélioration de la conception, de la conduite et de l’évaluation des expérimentations, ii) révision du cadre juridique et administratif (i.e. modification des articles 37-1 et 72) et iii) élaboration d'une stratégie ministérielle en matière d'expérimentation. Celle-ci devrait permettre de cartographier les services et organismes ayant un rôle à jouer en matière d’appui, d'expérimenter une fonction de recensement et de diffusion des résultats, de consacrer un budget spécifique à l’innovation publique et à la conduite d’expérimentations, et enfin d'étendre et rationaliser les dispositifs juridiques permanents d’expérimentations ouvertes (ex. par appel à projets).
Estelle Midler, Centre d'études et de prospective
Source : Conseil d'État
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12/09/2018
Étude du Conseil d’État sur la prise en compte du risque dans la décision publique
Répondant à une demande du Premier ministre, le Conseil d’État a publié, en juin 2018, une étude sur la prise en compte du risque dans la décision publique. Insistant sur le rôle de l’État, elle traite notamment des risques sanitaires, environnementaux, alimentaires, etc.
Historiquement, le risque a toujours été un élément fondamental de justification de l'intervention publique, leurs relations évoluant avec les modalités d'exercice de l'action publique et le rôle assigné au savoir et à la science. Les acteurs publics recherchent un « double équilibre », entre protection des citoyens et des entreprises, et principe de responsabilité individuelle.
Les auteurs s'intéressent à la définition du « risque » et distinguent en particulier les risques exogènes des risques endogènes à l'action publique. On peut notamment retenir que si « la définition du risque acceptable est toujours contestable », les contestations ont crû à partir des années 1960-1970 (produits chimiques utilisés en agriculture, OGM, nanotechnologies, etc.). Traditionnellement, la réponse publique aux risques repose sur la prévention, la gestion de crise et la réparation (dispositifs de socialisation). L'indépendance de l'expertise et l'analyse des « données massives » combinées avec l'expertise de terrain font partie des problématiques soulignées ici.
La prise en compte du risque est aujourd'hui devenue « plus difficile et plus nécessaire » : changement d'échelle d'espace et de temps ; « défi de la connaissance » ; renouvellement des attentes du public, en lien avec des peurs anciennes (alimentaires par exemple) et des évolutions sociétales profondes (« société du risque », « insécurité sociale », etc.) ; principe de précaution. Dans ce contexte, la prise de risque par les décideurs publics peut souvent être limitée, au détriment de l'intérêt général : crainte d'une mise en cause personnelle, valorisation insuffisante de cette prise de risque dans l'action publique, marges de manœuvre insuffisamment utilisées.
À partir de cette analyse, les auteurs formulent 32 propositions, pour concevoir une stratégie de prise en compte du risque dans l'action publique (ex : renforcement de la prospective publique), améliorer la gestion des risques exogènes (ex : valorisation de l'expertise interne, renforcement des capacités d'alerte et organisation de retours d'expérience, partage avec le public de l'information sur les risques), encourager les décideurs publics à « agir de façon audacieuse » et améliorer le traitement du contentieux de la responsabilité des acteurs publics.
Julia Gassie, Centre d'études et de prospective
Source : Conseil d’État
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