13/02/2018
La Cour des comptes européenne critique l'inefficacité environnementale du verdissement de la PAC
La Cour des comptes européenne a publié en décembre 2017 un audit du « verdissement » (ou « paiement vert »), introduit en 2014 dans la Politique agricole commune (PAC) pour rémunérer les bénéficiaires pour les biens publics qu'ils fournissent. Cette aide concerne tous les agriculteurs et repose sur des exigences de diversification des cultures, de maintien des prairies permanentes et de préservation de surfaces d'intérêt écologique (SIE). Le rapport se base notamment sur l'analyse de documents de la Commission, des entretiens au niveau européen, des échanges avec cinq États membres (dont la France), un examen documentaire du risque de double financement pour dix autres pays. Les changements de pratiques agricoles pouvant être attribuables au verdissement ont également pu être approximés.
Les auditeurs démontrent l'absence d'une logique d'action complète du verdissement et soulignent le manque d'état de référence et d'objectifs environnementaux clairement définis. Ils rappellent que si l'ambition environnementale du paiement vert était initialement haute, elle a été sensiblement édulcorée par le processus législatif (voir figure ci-dessous), alors que son budget annuel de 12 milliards d'€ (30 % des paiements directs) n'a pas évolué. Il représente en moyenne une aide de 80 €/ha par an, tandis que la Commission avait estimé à 30 €/ha le coût annuel de mise en œuvre des mesures dans leur version ambitieuse. Enfin, le changement de pratiques agricoles imputable au verdissement n'aurait concerné que 5 % des terres cultivées.
Le rapport conclut donc à la probable inefficacité environnementale de cette aide au revenu. Cette inefficacité résulte de son faible niveau d'exigence (qui correspond globalement à la pratique agricole normale), de l'ampleur des exemptions (76 % des agriculteurs en 2015) et des choix de mise en œuvre des États membres (EM), plus guidés par le souhait d'alléger la charge de gestion administrative que de maximiser les effets environnementaux. Les auditeurs analysent à ce titre comment le paiement vert a fortement complexifié la PAC pour les agriculteurs et les autorités de gestion.
Enfin, la Cour recommande de dresser un bilan de la mise en œuvre de la politique agricole actuelle. Pour la prochaine programmation, une logique d'intervention complète serait à construire, avec des objectifs et un suivi spécifiques. La PAC post-2020 devrait imposer à tous ses bénéficiaires un ensemble de normes environnementales de base, intégrant celles de la conditionnalité et du verdissement. Les EM devraient alors être tenus de démontrer l'efficacité et l'efficience de leurs choix de mise en œuvre.
Les ambitions environnementales du verdissement ont été revues à la baisse au cours du processus législatif. Les flèches vertes, blanches et rouges indiquent respectivement l'amélioration, le maintien ou la réduction de l'ambition environnementale.
Source : Cour des comptes européenne
Vanina Forget, Centre d'études et de prospective
Source : Cour des comptes européenne
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11/07/2016
Quel avenir pour les mesures de verdissement de la Politique agricole commune ?
Alors que la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel européen 2014-2020 est prévue pour la fin 2016, l'Institute for European Environmental Policy a proposé, dans un rapport récemment publié, des pistes d'amélioration des mesures actuelles de « verdissement » de la Politique agricole commune (PAC).
Pour les auteurs, ce verdissement a apporté depuis 2015 un changement fondamental à l'architecture de la PAC, en mobilisant des ressources considérables (12 milliards d'euros par an) pour soutenir des pratiques favorables à l'environnement. Mais il leur semble qu'il peut encore être amélioré. Les exigences initiales avaient en effet été significativement affaiblies au cours du processus de négociation de la réforme de 2014. Par exemple, l'obligation de consacrer une partie des terres à des surfaces d'intérêt écologique est passée de 7 à 5 % de la surface de l'exploitation agricole. Or, alors que ces mesures recèlent un potentiel environnemental plus important et pour l'instant inexploité, la plupart des discussions se sont jusqu'à présent focalisées sur la simplification des mesures appliquées.
Offrant différents compromis entre plus-value environnementale, charge administrative et acceptabilité politique, les auteurs avancent quatre options pour le futur du verdissement :
A - le supprimer et revenir à la conditionnalité ;
B - le maintenir, mais en modifier les règles pour renforcer ses effets environnementaux ;
C - le transférer du premier au deuxième pilier de la PAC ;
D - modifier l'architecture de la PAC pour adopter une structure à plusieurs niveaux d'aides et d'exigences croissants, sans distinction de financements et de périodicité, comme c’est le cas dans la structure actuelle en deux piliers.
Les options B et C apporteraient une plus-value environnementale significative, tout en générant des coûts administratifs supplémentaires, et elles feraient face à une acceptabilité politique incertaine, dépendante de l’appétence pour plus d'environnement dans la PAC. L'option A offre l'intérêt de sa simplicité, sans garantie de bénéfices cependant. L'option D donnerait un rapport inverse : effets positifs mais dispositif complexe. Sans finalement choisir entre l'une ou l'autre, les auteurs posent ces choix comme des éléments à apporter au débat devant animer la révision à mi-parcours de la Politique agricole commune.
Clément Villien, Centre d'études et de prospective
09:52 Publié dans 4. Politiques publiques, PAC | Lien permanent | Tags : pac, verdissement, second pilier | Imprimer | |
16/12/2015
Verdissement de la PAC : l’efficacité des mesures compromise par la flexibilité laissée aux États membres dans la mise en œuvre
Dans un rapport réalisé pour le European Environnemental Bureau, l’IEEP analyse les choix de mise en œuvre des mesures de « verdissement » du 1er pilier de la PAC dans 9 États membres. Alors que ces mesures constituent la principale innovation en matière d’environnement dans la nouvelle PAC, les auteurs considèrent que la flexibilité laissée aux États dans leur mise en œuvre a pour effet d’en atténuer les bénéfices.
Les mesures de verdissement concernent trois pratiques agricoles : la diversification des cultures, le maintien de prairies permanentes et les surfaces d’intérêt écologique. La possibilité a cependant été laissée aux États membres d’introduire des pratiques équivalentes, et cette flexibilité a été utilisée dans cinq pays (France, Pays-Bas, Autriche, Pologne et Irlande). De plus, en matière de surfaces d’intérêt écologique, plusieurs options étaient laissées également au choix des États.
Si cette flexibilité était nécessaire au regard de la diversité des situations, et conditionnée à des bénéfices environnementaux similaires ou plus élevés, elle devrait conduire à des résultats très inégaux. Certains choix nationaux sont salués par les auteurs du rapport, comme par exemple l’exigence introduite en Allemagne de soumettre à autorisation préalable toute conversion d’une prairie permanente. Mais, d’après le rapport, dans la plupart des pays, la flexibilité aurait été utilisée de manière à minimiser les changements de pratiques des agriculteurs. Ainsi, concernant les surfaces d’intérêt écologique, les auteurs déplorent que de nombreux pays aient fait les choix les moins efficaces du point de vue environnemental (inclusion des cultures protéagineuses avec utilisation d’intrants ou bandes enherbées qui étaient déjà protégées par les mesures de conditionnalité).
Le rapport indique également que les diverses exceptions introduites conduisent à ce que, dans plusieurs pays, entre 20 et 40 % des surfaces se trouvent hors du champ d’application de ces mesures. L’exemple de l’Italie est cité, avec 50 % des surfaces agricoles exclues de la mesure sur les surfaces d’intérêt écologique, et 72 % de celle sur la diversification des cultures.
Outre la question posée par les auteurs sur l’efficacité de ces mesures au regard des choix de mise en œuvre dans les pays, ce rapport offre un riche panorama de l’application effective de ce dispositif un an après le début de la mise en œuvre.
Alexandre Martin, Centre d’études et de prospective
Source : European Environmental Bureau
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