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17/01/2020

Gains de productivité agricole et usage des terres au niveau mondial : y a-t-il un « effet rebond » ?

Depuis les années 1990, les gains de productivité globale des facteurs (PGF) ont contribué pour trois quarts à l'augmentation de la production agricole mondiale. Leurs conséquences environnementales sont, en revanche, plus complexes à caractériser : s'ils permettent, à production constante, d'économiser des facteurs (engrais, terre, travail, etc.), les gains de PGF peuvent aussi engendrer un « effet rebond » en incitant à produire plus et, in fine, conduire à une utilisation accrue de ces facteurs. Dans un récent article, N. Villoria propose une analyse quantifiée de ces phénomènes, en se concentrant sur les changements d'usages des terres et les impacts environnementaux associés (gaz à effet de serre - GES, biodiversité). Il tient également compte des effets indirects puisque les gains de productivité, dans un pays, peuvent influencer l'usage des terres dans le reste du monde via des différentiels de compétitivité induits.

L'étude se base sur un modèle statistique d'expansion de l'évolution des terres, développé par l'auteur, qui dépend des gains de PGF dans le pays considéré, des différentiels de PGF entre les pays (effets indirects), et d'autres variables explicatives telles que la demande alimentaire (population, PIB) et les prix des facteurs (engrais, terres) aux niveaux domestique et mondial. Les barrières au commerce sont également prises en compte, dans la mesure où elles peuvent atténuer les effets indirects entre les États. Des indicateurs permettent d'estimer les conséquences pour les émissions de GES et d'identifier les écosystèmes affectés par les changements d'usage des terres.

Les résultats montrent que, si les gains de PGF dans un pays donné s'accompagnent bien de l'expansion des terres agricoles dans ce même pays (effet rebond domestique), celle-ci est plus que largement compensée par une réduction causée par les gains de PGF dans le reste du monde. Au niveau mondial, en l'absence de gain de productivité sur la période 2001-2010, 125 millions d'hectares agricoles supplémentaires auraient ainsi été nécessaires pour répondre à la demande, avec une hausse associée des GES comprise entre 17 et 84 Gt de CO2 équivalent. Ces effets indirects sont décomposés par grandes zones géographiques (cf. figure). En revanche, l'auteur montre, par une simulation sur 2018-2023, que le rythme actuellement plus faible des gains de productivité risque de préparer une augmentation de l'expansion des terres agricoles à l'avenir. 


Effet de la croissance de la PGF dans différentes régions (axe horizontal) sur le changement des terres cultivées dans les régions cibles (axe vertical), sur la période 2001-2010

PGF.jpg

Note : calculs de N. Villoria basés sur des estimations de paramètres dans SMS-3

Source : Environmental Research Letters

Julien Hardelin, Centre d'études et de prospective

Source : Environmental Research Letters

15:31 Publié dans Mondialisation et international | Lien permanent | Tags : pgf, productivité, terre, productivité globale des facteurs |  Imprimer | | | | |  Facebook

14/11/2017

Quantifier l'impact d'un accès restreint à l'eau, aux énergies fossiles et à la terre sur l'économie mondiale et les équilibres régionaux

Tel est l'objectif ambitieux poursuivi par l'OCDE, dans une publication récente, où l'agriculture et la forêt occupent une position centrale.

Les interactions entre le sol, l'eau et l'énergie sont complexes et cruciales pour les activités humaines. Le changement climatique pourrait accentuer ou déplacer la pression sur les ressources naturelles, avec des conséquences multiples sur l'économie globale et les grands équilibres régionaux, en matière de croissance et de flux commerciaux, et plus particulièrement pour certains secteurs (agriculture, énergie). Pour mesurer ces impacts, l'OCDE a relié deux modèles complémentaires : ENV-Linkages, modèle d'équilibre général qui représente le fonctionnement de l'économie au niveau mondial et de grandes régions, et Image, modèle biophysique qui analyse, en fonction des conditions climatiques, la disponibilité et la consommation des ressources naturelles, ainsi que leur efficience. L'agriculture, très dépendante des trois facteurs sol-eau-énergie, est le principal lien entre les deux modèles, par le biais des rendements et des surfaces utilisées (données obtenues à partir d'Image). La pression anthropique liée au développement économique issue d'ENV-Linkages est réinjectée à son tour dans le modèle Image.

Schéma présentant le fonctionnement de la liaison entre les deux modèles utilisés

OCDE-Nexus.jpg
Source : OCDE

Afin d'identifier les impacts d'une raréfaction de l'une ou l'autre des ressources étudiées, plusieurs scénarios ont été testés et comparés à un scénario tendanciel, à l'horizon 2060. Dans le cas agricole par exemple, la restriction d'accès à l'un des facteurs conduit à des modifications de consommation des deux autres :

- la baisse de la ressource en eau de surface débouche sur des évolutions contrastées des surfaces agricoles, selon les régions, en fonction de leur degré de dépendance aux gisements aquifères ;

- un moindre accès aux énergies fossiles provoque une augmentation des usages non alimentaires des produits agricoles, et se traduit par une hausse des surfaces cultivées et un recul des surfaces forestières.

Les impacts cumulés de ces restrictions d'accès sont également calculés : dans certaines régions, l'effet total sur l'agriculture est moins important que la somme des trois chocs, en raison d'une meilleure optimisation de l'utilisation des ressources. Enfin, lorsque le changement climatique est introduit, il conduit à une amplification des impacts cumulés sur l'agriculture.

Variations de la valeur ajoutée agricole selon les différents scénarios à 2060,en écart par rapport au scénario de référence

OCDE-Nexus2.jpg
Source : OCDE

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : OCDE

09:13 Publié dans 1. Prospective, Environnement, Production et marchés | Lien permanent | Tags : ocde, eau, énergies fossiles, terre, ressources |  Imprimer | | | | |  Facebook