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14/10/2019

Interroger le concept de « frontière » pour mieux se protéger contre les ravageurs des forêts

Dans une publication récente, une équipe de chercheurs britanniques se saisit du concept de « frontière » pour en étudier les implications dans la lutte contre les pathogènes forestiers. S'il est fréquemment utilisé dans le cadre des questions migratoires et des risques liés aux déplacements de populations, ce n'est pas le cas en matière de biosécurité et de transport des marchandises.

Cette approche innovante s'appuie sur l'analyse des pratiques et des discours des acteurs de la protection de la santé des arbres (État, ONG, entreprises, scientifiques, etc.), recueillis grâce à une trentaine d'entretiens semi-directifs et à des focus groups. Ceux-ci réunissaient des participants à des ateliers déjà impliqués dans une recherche pluridisciplinaire sur les nouvelles technologies pour la détection précoce des ravageurs et pathogènes.

L'analyse est centrée sur la Grande-Bretagne mais la notion de frontière, a priori facile à définir s'agissant d'une île, paraît plus complexe dès lors qu'il est question de matériel biologique et de ses modalités d'entrée et de dissémination. Les supports des pathogènes sont diversifiés (emballages en bois, bois transformés, plantes), tout comme leurs modes de transport (camions, porte-conteneurs, avions, voitures, etc.). Enfin, leur introduction sur le territoire peut se faire sous différentes formes, plus ou moins faciles à repérer : spores, œufs, larves, etc.

De ce fait, les acteurs interrogés placent la frontière, entendue comme point d'introduction et de contrôle, à différents niveaux et lieux en fonction des produits et des ravageurs, depuis les ports jusqu'aux pépinières. Les auteurs font dès lors émerger le concept de « frontière omniprésente » (everywhere), conduisant à adapter les modalités de lutte contre les introductions de ravageurs. Ils invitent également à renforcer les contrôles à l'origine.

Enfin, si la frontière est partout, la responsabilité de tous dans la prévention et la détection précoce est engagée. La santé de la nature étant un bien commun, les auteurs proposent d'adopter la notion de « frontière pour tous » (everyone) et de définir les rôles de chacun, inspecteurs, forestiers ou grand public, tout en pointant la nécessité d'un développement des savoirs. Ces travaux prennent un relief particulier dans le contexte du Brexit, les auteurs s'interrogeant sur l'arbitrage futur entre renforcement des frontières et libre-échange.

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : Forests

17/04/2019

Les biotechnologies pour limiter l'impact des ravageurs en forêt aux États-Unis : des problématiques inédites

Face aux menaces qui pèsent sur la forêt aux États-Unis (7 % des superficies pourraient perdre jusqu'à 25 % de leur végétation d'ici 2027), l'Académie des sciences américaine s'est penchée sur l'utilisation des biotechnologies et sur les impacts potentiels de l'implantation d'arbres génétiquement modifiés. Les experts sollicités ont d'abord réalisé un état des lieux des insectes et pathogènes dans le pays, notamment pour certaines essences emblématiques telles que le châtaigner d'Amérique, décimé par une maladie cryptogamique originaire d'Asie. Aux ravageurs importés s'ajoute l'extension des aires d'action des endémiques, et ce parallèlement au réchauffement climatique, plus rapide que l'adaptation des arbres via la sélection naturelle. La situation est d'autant plus critique que la perte d'une essence s'accompagne de la fragilisation du peuplement dans son ensemble, avec d'importantes répercussions sur les services écosystémiques.

Face à ces menaces, la possibilité de réponses telles que développées pour l'agriculture reste difficile à appréhender. La lutte contre les insectes ravageurs et pathogènes des arbres est complexe, et ce pour diverses raisons : imbrication des différents services rendus par la forêt, étendue et ouverture des espaces, diversité des essences et des patrimoines génétiques, intervention humaine en milieu naturel, pas de temps nécessaire à l'observation, l'expérimentation et l'adaptation. De plus, les auteurs font le constat d'une recherche trop peu développée, tant dans les domaines conventionnels de lutte que dans les biotechnologies. Concernant ces dernières, ils identifient plusieurs défis. Ainsi, la mise au point bio-technologique d'arbres ayant une résistance acquise aux pathogènes pose des questions sociales et éthiques inédites. Il s'agit de développer des caractères de résistance transmissibles, diffusables et durables, posant frontalement la question de la manipulation de la nature. Le pas de temps nécessaire entre deux générations est lui aussi à l'origine de difficultés spécifiques et, dépassant largement l'intérêt économique immédiat, la recherche dans ce domaine a vocation à être essentiellement financée par des fonds publics. Enfin, le temps de latence nécessaire pour expérimenter et observer les conséquences de l'introduction de ces modifications génétiques appelle un cadre réglementaire plus adapté.

Évaluation des risques liés aux insectes nuisibles et aux maladies dans les forêts américaines par sous-bassin hydrographique, 2013-2027 ( % potentiel de perte de végétation)

Forets.jpg

Source : The National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine

Muriel Mahé, Centre d'études et de prospective

Source : The National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine

15/10/2018

Réchauffement climatique et pertes de récolte dues aux insectes ravageurs

Dans une étude publiée en août dans la revue Science, des chercheurs américains mettent en garde sur la possible baisse des rendements agricoles, induite par une prolifération des insectes nuisibles aux cultures, suite au réchauffement climatique.

Les auteurs ont analysé des données d’expériences en laboratoire, collectées depuis les années 1980, et ont considéré 38 espèces d'insectes ravageurs. Ils ont projeté l'impact de leur prolifération, à l'horizon 2050 et aux échelles mondiale et régionale, sur la production des principales cultures céréalières : maïs, riz et blé. Celles-ci représentent à elles seules 42 % de la consommation humaine mondiale de calories directes. Au fur et à mesure de l'accroissement des températures, ces insectes seraient non seulement plus prolifiques, mais aussi plus voraces, avec néanmoins un palier d'ores et déjà atteint dans les zones tropicales mais pas encore dans les zones tempérées.

Prévisions régionales de l'augmentation des pertes de récoltes due aux insectes ravageurs dans le cas d'un réchauffement climatique de 2°C

Insectes.jpg

Source : Science

Lecture : la dimension des disques dans les graphiques est proportionnelle au volume de production actuel de chaque pays. Les cinq plus gros producteurs sont cerclés de noir. La répartition géographique des futures pertes de production supplémentaires est indiquée dans les diagrammes circulaires.

Dans l'hypothèse d'un réchauffement global de 2°C, la Chine, les États-Unis et la France, tous grands producteurs de ces trois céréales, figurent parmi les pays qui devraient connaître les plus fortes pertes. Celles de la Chine et des États-Unis augmenteraient de 35 %, soit un gonflement des pertes de 20 millions de tonnes. Pour la France, elles seraient de 42 % pour le maïs et de 60 % pour le blé : ces deux céréales subiraient au total 1,4 million de tonnes de pertes supplémentaires. Ces pertes pèseraient sur les disponibilités mondiales en céréales et renchériraient les prix des aliments de base, au détriment des populations pauvres, qui représentent la majeure partie des plus de 800 millions de personnes souffrant de faim.

Ces évaluations ne prennent pas en compte la piste d'une utilisation accrue de pesticides, avec leurs effets délétères potentiels sur la santé et l'environnement. Les auteurs prônent plutôt des solutions comme la rotation plus large des cultures, la production de céréales plus résistantes aux ravageurs ou l'adoption de stratégies de lutte anti-parasitaire plus durables.

José Ramanantsoa, Centre d'études et de prospective

Source : Science