15/09/2020
Les écosystèmes anthropisés sont plus riches en espèces hôtes de pathogènes que les écosystèmes naturels
Un article paru en août dans la revue Nature s'intéresse à l'anthropisation des écosystèmes et à ses effets potentiels sur les espèces hôtes de pathogènes et sur le risque associé de zoonoses. Les êtres humains ont modifié plus de 50 % des terres habitables. Cette transformation des forêts, prairies et déserts en zones urbaines et en terres agricoles a causé le déclin de nombreuses espèces spécialistes (ex. : rhinocéros). Les espèces généralistes (comme les rats) ont, en revanche, pu prospérer dans ces nouveaux habitats. Des chercheurs des universités de Londres et d'Oxford se sont donc demandé si les espèces les plus à même d'abriter des pathogènes (« espèces hôtes ») faisaient partie de la première ou de la seconde catégorie.
Pour répondre à cette question, les auteurs ont utilisé les données de 6 800 assemblages écologiques issues de la base globale PREDICTS, qui compile les éléments concernant environ 3,2 millions d'espèces observées dans plus de 660 études. Ils ont identifié 376 espèces hôtes, étudiées dans 184 travaux portant sur 6 continents (figure ci-dessous). Ils ont ensuite assigné à chaque site une catégorie d'usage des terres (végétation primaire, secondaire, écosystèmes gérés - plantations forestières, prairies, cultures et aires urbaines) et une intensité de cet usage (minimal ou substantiel). Ils en comparent alors les effets sur les espèces hôtes et non-hôtes.
Localisation des études analysées et distribution taxonomique des espèces hôtes de pathogènes
Source : Nature
Lecture : les points sur la carte montrent la localisation des assemblages écologiques étudiés, avec ceux ciblant les mammifères en noir et les autres en rouge. Les pays en bleu sont ceux pour lesquels au moins une étude a été conduite. Le graphique représente la distribution taxonomique (invertébrés, oiseaux, mammifères, reptiles/amphibiens) des espèces hôtes de pathogènes.
Leurs résultats montrent que la richesse et l'abondance des espèces hôtes sont supérieures dans les habitats anthropisés par rapport aux écosystèmes primaires. Ces constats s'inversent pour les espèces non-hôtes (figure ci-dessous). En conséquence, les espèces hôtes représentent une proportion plus importante de la diversité spécifique (+ 18 à 72 %) et de l'abondance totale (+ 21 à 144 %) dans ces milieux. L'amplitude de ce résultat, qui varie selon les taxons, est particulièrement forte pour les rongeurs, les chauve-souris et les passereaux hôtes. Enfin, les auteurs montrent que les espèces de mammifères abritant le plus de pathogènes sont plus présentes dans les écosystèmes gérés par l'homme. Ils suggèrent donc que la restauration des habitats dégradés et la protection des zones naturelles pourraient bénéficier à la fois à l'environnement et à la santé publique.
Liens entre l'utilisation des terres, et la richesse et l'abondance des espèces hôtes de pathogènes
Source : Nature
Lecture : a) richesse spécifique (nombre d'espèces), b) abondance totale (nombre d'individus), c) part des espèces hôtes dans la richesse spécifique et d) part des espèces hôtes dans l'abondance totale. Espèces hôtes en rouge, espèces non-hôtes en vert, usage minimal des terres représenté par des points, usage substantiel par des triangles.
Estelle Midler, Centre d'études et de prospective
Source : Nature
18:34 Publié dans Environnement, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : pathogènes, écosystèmes, zoonoses, urbanisation, déforestation | Imprimer | |
18/10/2017
Changement climatique et pathogènes : un tour d'horizon de 3 récentes publications
Publié dans Science Advances, un article étudie les effets du changement climatique sur la diversité des parasites, peu quantifiés jusqu'ici dans la littérature académique, les travaux publiés étant plutôt théoriques ou portant sur les risques de coextinction. Les chercheurs ont construit une base de données référençant la distribution spatiale de 457 espèces et qui, selon eux, reste non exhaustive. S'appuyant sur de la modélisation, ils estiment l'évolution des zones propices à ces parasites et en déduisent le taux d'extinction lié à la contraction de ces aires. Ce taux serait compris entre 2 et 10 % à l'horizon 2070. La réduction de l'habitat propice serait plus marquée pour les ectoparasites (ex : tiques) que pour les endoparasites. Pour les habitats des espèces à l'origine de zoonoses, les résultats montrent l'absence d'expansion significative par rapport aux autres parasites. Les auteurs qualifient cependant l'approche mobilisée de « conservatrice » en raison, par exemple, de la non prise en compte de l'interaction hôte-parasite.
Variations moyennes de la diversité des parasites (en nombre d'espèces) à l'horizon 2070
Source : Science Advances
Par ailleurs, une publication dans Scientific Reports s'intéresse à la sensibilité des principaux pathogènes (virus, bactéries, micro-organismes) de l'Homme et des animaux domestiques aux facteurs climatiques en Europe. Les résultats quantitatifs obtenus reposent sur une analyse bibliographique concernant les couples « paramètres climatiques-pathogènes » : 63 % des 157 pathogènes étudiés ont un lien avec ces facteurs, notamment l'humidité, les précipitations et la température. Les pathogènes zoonotiques et ceux se transmettant par des vecteurs comme les insectes, l'eau, les sols ou encore les aliments, seraient plus sensibles aux changements du climat. Cependant, certains biais sont cités, notamment la focalisation sur des pathogènes traités dans un grand nombre de publications.
La dernière publication est spécifique à l'agriculture, avec un focus sur les interactions insectes-plantes-pathogènes, sous les effets de l'augmentation de température ou de concentration de CO2. Cet état des lieux discute, par exemple, des modifications de ces liens suite à des changements biochimiques chez la plante (ex : variations qualitatives et quantitatives des acides aminés foliaires, production de métabolites de défense). Il souligne aussi la difficulté qu'il y a à séparer les changements liés aux virus ou à leurs vecteurs qui se nourrissent sur ces mêmes cultures.
Élise Delgoulet, Centre d'études et de prospective
Sources : Science Advances, Scientific Reports, Insect Science
10:42 Publié dans Climat, Environnement, Santé et risques sanitaires | Lien permanent | Tags : changement climatique, pathogènes, parasites | Imprimer | |