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09/02/2021

Prévoir le monde de demain, Paul Dahan (dir.)

prévisions,action publique,machine learning, gouvernement

« Regarder l’avenir, c’est déjà le changer », disait Gaston Berger. Mais alors, comment faut-il l’observer quand on ambitionne de le transformer ? Quels types de regards lui adresser ? Selon quelles démarches et avec quels degrés de réussite ? Voici les interrogations principales auxquelles essaie de répondre ce livre collectif, riche et dense, rédigé par une quinzaine d’universitaires, chercheurs et experts, tous réputés dans leur domaine.

Les chapitres, contrastés mais bien complémentaires, abordent à la fois les questions de définition et de méthode, d’histoire ancienne et de gouvernance contemporaine, de réussite et d’échec des pratiques prévisionnistes. Les registres et secteurs étudiés sont eux aussi divers : simulations économiques, prospective de défense, relations internationales, développement durable, apports des services de renseignement, etc. Deux textes intéressants décrivent les conditions nécessaires au bon fonctionnement des équipes de prévision au sein du monde administratif, en France comme à Bruxelles. Deux autres, également à retenir, s’interrogent sur « l’avenir de la prévision », entre intelligence artificielle, machine learning et société numérique. Signalons enfin plusieurs contributions, centrées sur la « pertinence de la prévision » et sur les qualités et attitudes qu’elle réclame : patience et sobriété, culture générale et empathie, rigueur, neutralité axiologique. Autant dire que ces conditions ne sont pas toujours réunies et que les prévisionnistes rencontrent souvent de nombreuses limites !

Au-delà de ces analyses de sujets précis, le livre dégage quelques grandes leçons sur les heurs et malheurs de l’anticipation au service de l’action politique. Il rappelle la quête sans fin, à travers l’histoire, des signes avant-coureurs du futur et du sens à leur donner. Il montre aussi la recherche croissante d’un avenir calculable dans des sociétés de plus en plus complexes où subsiste toujours une part d’indécidable. Prévoir est d’autant plus difficile que le manque de rigueur préside à de nombreuses réflexions prospectives et que la place de l’anticipation est mal assurée dans les organisations. Et pour que la prévision débouche sur de l’action il faut, du côté des décideurs, que le seuil d’acceptabilité de l’imprévu soit élevé. Les auteurs rappellent que cette condition n’est pas souvent remplie car, comme le disait Michel Serres, « ceux qui gouvernent commandent un monde qui se transforme pour des raisons qu’ils ignorent ».

Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective

Lien : CNRS Éditions